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Mardi 27 juin : transat retour, épisode 3 - Açores-Gibraltar

Lundi 19 juin (suite) : 16h30, nous partons. Le temps d'aller faire les formalités, le plein de gasoil, et nous sortons du port de Ponta Delgada. Au revoir les Açores. Le vent souffle autour de 15-20 noeuds, on envoie la GV avec 1 ris et le génois un poil enroulé, et c'est parti. Nous longeons la côte sud et sauvage de Sao Miguel, avant de prendre définitivement le large. Nous sommes partis pour la dernière traversée océanique de notre périple, celle qui nous fera boucler la boucle atlantique et recroiser la route que nous avions tracée il y a 9 mois en partant de Gibraltar ...
Mardi 20 juin : première journée de nav assez tranquille. Le vent mollit progressivement tout au long de la journée ... on commence par larguer le ris qu'on avait pris en partant, puis on déroule complètement le génois, avant de le mettre en ciseaux, on le remplace par le gennaker, et à 21h, le vent est définitivement tombé, on allume le moteur et c'est parti pour environ 48 heures ... La journée se passe en lecture, jeux, bronzage, et démêlage du fil de pêche ... Merci Annie, à qui ça rappelle les écheveaux et les bobines de laine de sa grand-mère ... en ce qui me concerne, je n'aurais pas eu la patience ... A 16h, le fil est démêlé et enroulé sur la canne, la pêche est ouverte. Annie et les garçons entament aussi une partie de Monopoly qui s'étalera sur 3 jours, Gaëtan ira jusqu'à 4 maisons sur la rue de la paix, c'est la première fois qu'ils arrivent jusque là, et Quentin finira ruiné, n'espérant qu'une chose, c'est de finir en prison pour ne plus rien avoir à payer ...
Mercredi 21 juin / jeudi 22 juin : 5h, Annie s'est proposée de prendre les quarts du matin avec Gaëtan. Gaëtan est resté au lit, mais Annie est sur le pont, je m'allonge dans le carré en soutien au cas où, elle surveille que le vent ne se lève pas, ne tourne pas (on a quand même encore la GV en soutien), qu'il n'y a pas d'autres bateaux en vue, profite du lever de soleil, et à 6h30 nous prenons notre petit déjeuner toutes les deux. Pour le reste, journées moteur. Annie teste tous les coins possibles pour bronzer et bouquiner, dans le carré, le cockpit, sur le pont, sur le trampoline, assise, couchée, sur le ventre, sur le dos, tandis qu'Olivier teste toutes les configurations de voile qui pourraient nous aider à gagner quelques dizièmes de noeuds, il déroule du génois, le renroule, déroule le gennaker, le renroule, remet du génois, et finit par ne garder que la GV ... Les enfants bouquinent, ça monopoly, ça rubix's cube, la mer est plate et le soleil brille, mais pas de dauphins, et pas de poisson au bout des lignes ... On profite du moteur pour prendre des douches (à l'eau chaude!!) et on fait des crêpes ...
Vendredi 23 juin : 02h40, le vent revient, Olivier déroule le génois et arrête le moteur. 5h, cette fois, je prends mon quart et Annie reste au lit. Michel nous envoie au sud, on est au près, obligés de tirer des bords carrés, et le vent monte progressivement jusqu'à 20 noeuds. On réduit la voile et le génois en conséquence, mais la mer se forme, ça commence à vraiment taper, vraiment secouer, encore plus qu'aux allures portantes qu'on a plutôt eues jusqu'à présent où c'était déjà pas mal, il devient difficile de tenir debout ou de faire à manger, on revient aux basiques, purée, riz, pates, ... Quentin commence à ne pas être bien, de la journée il ne garde qu'un biscuit mangé au petit déjeuner ... Annie supporte plutôt bien, elle s'occupe vaillamment de nos repas et de la vaisselle, mais est bien obligée à part ça de rester assise à ne rien faire, ce qui pour elle est une chose plutôt rare ... Olivier et Gaëtan sont en forme, et de mon côté je résiste, toujours un peu borderline, ne pas être malade me demande pas mal d'énergie, il ne m'en reste plus beaucoup pour faire autre chose ...
Samedi 24 juin : 6h50, 25 noeuds, on prend un troisième ris pour ralentir un peu, préserver la structure et l'équipage, fortement sollicités tous les deux ... A 9h30, alors que le vent dépasse maintenant régulièrement les 25 noeuds, on enroule encore un peu de génois. Dans la manoeuvre, ça bat pas mal, je suis obligée de choquer en grand pour qu'Olivier réussisse à enrouler, et la chute se déchire partiellement en plusieurs endroits. Le plus grand fait environ un mètre de long, et il y a également un petit peu de bordure dans le même état. Pas possible de naviguer comme ça, ça risquerait de propager la déchirure. Pas possible non plus d'affaler pour le moment. On enroule donc complètement. Mais le bateau n'est pas manoeuvrant sous GV seule, au près, avec ce vent et sur une mer bien formée, il n'avance pas et dérape... On démarre donc les 2 moteurs à 1700 tr/mn. La journée ressemble à celle d'hier, en pire, Quentin vomit de la bile, et à 20h, ça fait 48 h qu'il n'a toujours que son biscuit d'hier matin dans le ventre, et quelques gorgées d'eau. 20h15 : je viens d'aller me coucher quand Olivier change de route pour tenter de s'éloigner d'un front orageux ... 20h50 : des éclairs de partout autour du bateau, ils envahissent tout l'horizon. Olivier vient me réveiller. Annie et Gaëtan sont déjà dans le carré, en pyjama. Le vent monte progressivement à plus de 30 noeuds. On décide d'affaler la GV pour être plus manoeuvrant et anticiper un gros coup de vent sous les orages. Mais alors que j'essaie de nous mettre face au vent et qu'Olivier est au pied de mât, je trouve bizarre la réaction du bateau à mes coups de barre, je pousse les moteurs, toujours pareil. Je regarde les affichages, le moteur babord ne tourne plus alors que la manette des gaz est bien enclenchée. Je remets au point mort, redonne des tours, pas mieux. Je laisse tomber. Après l'affalage, Olivier l'éteint et tente de le rallumer, sans succès ... on a perdu le moteur babord ... 22h30 : ça fait 2 heures qu'on essaie d'échapper aux orages en faisant des ronds dans l'eau, ils ont l'air d'être à droite, on part à gauche mais dix minutes plus tard ils sont aussi à gauche, on ne sait plus trop quelle route prendre, Olivier rassemble tout le monde dans le cockpit, Quentin compris, on prépare les grab bags, un sac de vêtements chauds, et on met les PC dans le four en espérant qu'il fera cage de faraday en cas de foudroiement. Gaëtan n'est pas très rassuré, Quentin n'est plus en état de se rendre compte de ce qui se passe, Annie reste zen mais n'est pas très chaude à l'idée de devoir évacuer dans l'annexe ... je la rassure en lui disant que ce n'est pas dans l'annexe qu'on devra évacuer si besoin, mais dans le radeau de survie (je ne sais pas si ça la rassure, mais si c'est le cas, c'est qu'elle ne sait pas à quoi ressemble un radeau de survie!!). Ca bouge et ça tape toujours autant, je prends vraiment sur moi pour ne pas être malade, sur les 4 F qui contribuent au mal de mer, j'ai déjà la fatigue, le froid et la faim, il faut dire que je mange plus que Quentin mais quand même pas beaucoup. Etonnamment, la frousse, non, pas trop le temps. Il n'y a pas de tonnerre, et c'est surprenant de voir le ciel zébré d'éclairs dans le silence (enfin, relatif, il y a toujours le bruit du vent et celui des vagues qui tapent) ... Les vagues déferlent sur le bateau, le recouvrant parfois complètement, il est salé des pieds à la tête, et une vague d'eau gicle même du hublot fermé dans la cabine, sur la table, tout est trempé, les coussins du carré, le sol, les vestes qu'on avait rassemblées ... Le vent dépasse régulièrement les 35 noeuds. On fait un moment route à l'ouest, à l'inverse de notre direction, et vers minuit on finit par se rendre compte que les cellules orageuses ont une durée de vie assez courte (enfin, tout est relatif, sur le moment ça nous paraît très long), et qu'il est vain d'essayer de les éviter. On renvoie donc la GV sous 3 ris et on reprend notre route au 95°. Il y a encore des cellules sur toute la zone, mais elles finissent par sembler s'éloigner. Annie et les enfants sont autorisés à retourner se coucher. On reste dans le carré avec Olivier à veiller le reste de la nuit ...
Dimanche 25 juin : 10h, le vent commence à retomber, on peut larguer un premier ris, puis un second à 13h, et en profiter pour affaler le génois et regarder l'ampleur des dégâts. Pas de déchirure, en fait, ce sont les coutures du rabat qui ont lâché. Il y a du boulot pour recoudre grossièrement, mais Olivier voudrait quand même disposer du génois pour l'arrivée dans le détroit. On lance donc un atelier couture avec Annie, par petits quarts d'heure pour se laisser le temps de se remettre entre deux. Parce que même si le vent et la mer se sont calmés, pas possible de rester très longtemps le nez baissé sur nos aiguilles et nos fils ... 11h, le soleil revient, je sors Quentin de son lit pour l'aérer un peu, Annie lui a écrasé une demie banane ce matin, et on le force plus ou moins à manger une pomme. Il retouve un peu le sourire, recommence à faire de l'humour, on est sur le bon chemin !! Olivier essaie désespérément de relancer le moteur babord, toujours sans succès. 16h, le vent a adonné un peu, ce qui permet à la GV seule de nous porter, on coupe le moteur. 23h, au changement de quart, on reprend un deuxième ris, l'alarme sonne encore régulièrement 25 noeuds ...
Lundi 26 juin : 8h, le vent est tombé à 12 noeuds, je réveille Olivier pour larguer les 2 ris. 10h, le vent mollit encore, on rallume le moteur en soutien. 10h15 : Olivier coupe le moteur, le répartiteur de charge des batteries est en surchauffe. Bref, on a bien un moteur, mais qui ne charge plus, donc potentiellement pas de courant si pas assez de soleil sur les panneaux, et on a frôlé le départ d'incendie. Annie et moi nous remettons à la couture, c'est qu'il y a encore du boulot. 12h30, on envoie le gennaker pour essayer de gagner quelques noeuds. Il est maintenant quasi sur qu'on va faire une arrivée de nuit dans le détroit ... Olivier fait des mails à Manu, appelle Jean-Luc, le mécanicien, essaie de résoudre les problèmes, fait des tests électriques, met à l'eau la caméra pour filmer l'hélice du moteur babord, voir s'il n'y aurait pas un bout coincé dedans. 13h30, il a inversé les deux répartiteurs de charge, et monté celui du moteur BB qui ne fonctionne plus (le moteur) à la place de celui du moteur TB qui fonctionne (le moteur, mais plus le répartiteur) ... on retrouve le moteur TB !! 13h45 : il recoupe le moteur TB, la courroie se détend, il faut la retendre. 14h : moteur OK. 15h : la vidéo de l'hélice du moteur BB dédouane l'hypothèse d'un bout dans l'hélice. On s'oriente donc vers un problème de boitier électronique (vous savez, celui qu'on avait fait changé à Lanzarote!!). Olivier shinte le boitier et tente d'allumer sauvagement le moteur : ça fonctionne !! et en plus, ça tourne quand on met les gaz !! on a récupéré (provisoirement) le moteur BB, on pourra au moins l'allumer quand on en aura besoin pour rentrer au port, et Olivier ne sera pas obligé de se mettre à l'eau pour aller enlever un éventuel bout de l'hélice !! 15h30 : le génois est réparé!! 16h, on fait les crêpes, c'est qu'on a bien besoin d'un petit remontant. 16h30, le génois est rehissé, on avance vers le détroit sous GV haute, génois plein et moteur TB en soutien. 17h, Olivier va se reposer, il a eu une dure journée !! Annie et les enfants reprennent leur partie de Monopoly interrompue il y a 3 jours. Il faut dire que les dernières 72 heures ont été un peu éprouvantes ... 18h30 : le cliquetis caractéristique de la canne de Gaëtan retentit ... branlebas de combat, Olivier se relève de sa sieste, je ralentis le moteur, choque la voile, on enroule le génois, et Gaëtan nous remonte une petite bonite qui sera la bienvenue dans nos assiettes ce soir. A peine le temps de reprendre notre route que rebelote, et une deuxième. Entre tout ça, on surveille la mer, les cargos, les filets des pêcheurs, ... 19h, nous sommes passés au nord du rail, histoire de ne pas avoir à le traverser de nuit. Il y a maintenant des cargos de partout. Ca fait bizarre après 7 jours tous seuls en mer. On n'arrive même pas à les compter sur l'AIS. Mais on est bien contents d'avoir l'émetteur pour qu'ils nous voient sur leurs écrans ... Nouvelle nuit de veille, arrivée prévue à la Linea vers 5h du mat. A l'approche de Tarifa, on se prend 4,5 noeuds de courant contraire, je n'arrête pas de corriger la trajectoire qui part un coup trop sud, un coup trop nord. Mais pas de vent pour l'instant. Ca se stabilise vers 3h, et nous sommes au large du phare de Tarifa quand je passe le relais à Olivier. 5h, Olivier vient me réveiller, nous entrons dans la baie. Annie vient aussi profiter du spectacle, des lumières sur toute la côte et des bateaux partout. A 6h, on va réveiller les enfants, amarres et pare-bats à poste. Olivier tente de s'amarrer avec le seul moteur tribord, mais le vent souffle, le bateau ne tourne pas, il allume en urgence le moteur babord avec un fil électrique, et à 6h30, nous sommes amarrés au ponton d'accueil de la marina en attendant l'ouverture à 8h.
Voilà, nous avons fini (difficilement) par boucler la boucle, cette dernière traversée met fin à nos prérégrinations océaniques. Les enfants n'en sont pas plus émus que ça, tout ce qu'ils voient c'est qu'on est enfin arrivés, mais nous, ça nous fait quand même quelque chose ... Pour le reste, nous avons réfléchi a posteriori à toutes les aventures de cette dernière traversée, et trouvé la raison de tout cela ... il se trouve que nous avons mangé lundi dernier, jour du départ, un plat de viande d'un animal à grandes oreilles généralement banni dans le monde de la mer ... Pire, Quentin a prononcé son nom durant la traversée. Il en a été doublement puni, et ce mot est dorénavant strictement interdit à bord de Zanzibar ... quand on prend la mer, on commence sans être superstitieux, tout ça c'est des bêtises, mais on finit toujours par le devenir !!
Le petit mot d'Annie :
J' en avais envie, j' en avais besoin: m' échapper du quotidien et des soucis de ces 6 derniers mois et rejoindre les enfants pour partager un peu de leur aventure : 8 jours de navigation , de vraie navigation des Açores à Gibraltar.
Et l'aventure a été au delà de mes espérances : vivre sur un bateau le Zanzibar et la mer et encore la mer, bleu clair quand elle est calme, bleu profond quand les nuages courent, grise quand le ciel est à l'orage, plate, agitée,houleuse,déchainée, mais toujours changeante et toujours présente.
Lors de ces derniers jours,
- j'ai appris à faire la vaisselle de 5 personnes avec 1/2litre d'eau,
- j'ai appris à n'utiliser qu'une seule feuille de papier toilette, 2 à la rigueur ,
- j'ai appris à mesurer mes gestes pour éviter les obstacles qui vous guettent et il y en a beaucoup : les bouts, les cordages, les rivets....etc...
- j'ai appris à boire mon café sans être éclaboussée, à m'asseoir sur un tabouret sans que celui-ci glisse et m'entraine à l'autre extrémité du carré, à coincer les casseroles , à tenir mon verre et mon assiette,
- j'ai appris à ne rien faire , à simplement regarder la mer déchainée pendant que les heures défilent,
- j'ai appris à m'accommoder d'un peu d'inconfort (draps un peu humides, toilette de chat, repas pris sur le pouce ..etc..)
- j'ai appris que naviguer était une chose sérieuse , qu'il fallait des connaissances dans de nombreux domaines, qu'il fallait sans cesse surveiller la mer, le ciel., les bateaux...
Je savais que j'avais le pied marin, cela m'a été confirmé : pas de mal de mer, pas de peur des éléments, juste le plaisir de vivre cet instant.
Merci à vous quatre de m'avoir traitée comme un membre de votre équipage : Olivier, toujours calme malgré les difficultés qui s'enchainent et le manque de sommeil, Cécile , efficace et tranquille malgré la fatigue et les nausées qui la guettent, Gaëtan et Quentin , curieux, chamailleurs et joueurs. Et Merci à Philippe mon homme qui m' a poussée à faire ce voyage ...
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