Lundi 10 avril : 8h : nous quittons la marina, après avoir eu notre autorisation de quitter le pays de la part du Sheppard ... le vent n'est pas encore décidé, c'est au moteur qu'on sort de la baie et qu'on commence notre route vers le nord, mais vers midi, le vent se lève, 20 noeuds, 25 noeuds, pour l'instant il est de face, on garde le moteur, on se prend un bon grain, ça mouille dans la descente babord, il va falloir qu'on remette du joint avant les transats retour si on veut éviter l'inondation. A 13h, face au vent, face aux vagues et au courant, on n'avance à rien, on hisse donc la GV avec 2 ris. La mer est creuse et courte, elle nous prend en traître, pas le temps de se remettre de la première vague qu'on est déjà sur la deuxième et que la troisième se profile ... après-midi difficile pour Quentin, le repas de midi n'y résiste pas, pas plus que les quelques grissins et verres d'eau qu'on essaie de lui faire boire, lui qui n'était déjà pas très motivé pour la transat retour, j'ai peur qu'il ne le soit plus du tout ... après-midi difficile pour moi aussi, mais quand même moins ... c'est que nos navigations aux îles vierges nous ont fait oublier que le vent peut souffler et la mer être mauvaise ... Il va falloir nous ré-amariner tranquillement. La nuit est finalement calme, le vent est tombé à 15 noeuds et la mer s'est un peu allongée, Quentin s'est endormi dans notre cabine, la lune est pleine, le ciel dégagé, on avance bien, le nettoyage des coques a été efficace, on a rarement été aussi vite.

Mardi 11 avril : Quentin a l'air en forme ce matin, mais il reste quand même à traîner dans notre cabine une partie de la matinée ... on avance tranquillement vers South Caicos, quand on aperçoit au loin un gros splash ... deux minutes plus tard, on voit au même endroit une baleine s'élever en l'air dans un saut impressionnant, se tourner pour nous montrer son flanc blanc avant de retomber dans un nouveau splash tout aussi impressionnant, même à la distance où nous sommes ... le passage entre les Turks et les îles Caicos est apparemment un lieu de migration privilégié ... voilà, on l'a eue, notre baleine ... loin, certes, mais quand même. Nous arrivons à South Caicos en début d'après-midi et mouillons dans la baie, en face de Long Cay, île calcaire surprenante après les Antilles, dans 2 mètres d'une eau "crystal clear" comme il est écrit dans les guides. Il y a un bateau, qui nous appelle à la VHF, c'est Maskali, croisé à Puerto Bahia et arrivé hier. Le temps semble s'être arrêté ici, immuable, quelques bicoques en bord de mer, une marina qui n'a de marina que le nom, une infrastructure très sommaire, pas d'appontement ou que pour les bateaux à très faibles tirants d'eau, une épave au loin, et la mer, bleue, verte, turquoise ... Olivier et Sébastien s'en vont faire les formalités ensemble, la sortie en même temps que l'entrée, on ne prévoit pas de rester très longtemps, juste une étape sur la route des Bahamas.

Mercredi 12 avril : Il est écrit dans le Waterways Guide to the Bahamas and Turks and Caicos Islands, que les astronautes affirment que par beau temps, seules une création humaine et deux formations naturelles peuvent être vues de l'espace : la grande muraille de Chine, le désert du Sahara, et les eaux turquoises des Turks et Caicos perdues au milieu du bleu profond de l'océan Atlantique (je vous mets la photo google earth ... vu de l'ISS, ça doit être tout petit, mais s'ils le disent ...). Le joyau de cet extraordinaire ensemble est le banc de Caicos, un atoll presque circulaire, d'une largeur de presque 60 miles nautiques (soit environ 100km), et d'une profondeur qui varie entre 2 et 4 mètres, sans compter les patates de corail disséminées un peu partout. C'est pourquoi la traversée du banc de Caicos nécessite une bonne visibilité. La météo du jour est plutôt bonne, le ciel est clair et le soleil brille même si quelques nuages se traînent encore par ci par là, on décide donc de tenter notre chance. Il nous faut pour cela commencer par longer Long Cay par l'est, jusqu'à atteindre un point de passage mentionné dans le guide, et tourner à droite ... C'est que la traversée ne se fait pas n'importe où ni n'importe comment, si l'on veut éviter de rejoindre les nombreuses épaves échouées ici ou là ... C'est parti pour 6 heures de navigation, on déroule le génois en gardant un moteur en soutien pour nous permettre de manoeuvrer facilement au cas où ... L'expérience est surprenante, un peu angoissante pour Olivier, toujours un oeil sur le sondeur et l'autre sur l'horizon, à surveiller les fonds, c'est qu'il ne faudrait pas qu'on reste coincés ici, même s'il y a pire comme endroit ... Une eau bleue turquoise (ou verte ? on ne sait pas très bien) à perte de vue sur 360°, qui se reflète sous les nuages qui prennent une teinte verte, on a l'impression de naviguer toute la journée dans une piscine. Quelques dauphins viennent nous faire coucou et on distingue une voile au loin devant qui a pris le même chemin que nous. A part ça, le silence (abstraction faite du bruit du moteur, évidemment), le vent, le soleil ... et toujours quelqu'un sur le pont pour surveiller les taches sombres à droite à gauche. On est même tous à surveiller quand un gros nuage vient masquer le soleil pendant un moment, les enfants et moi à l'avant, Olivier aux manettes, prêts à tourner à droite à gauche au besoin. Arrivée à French Cay vers 16h, minuscule îlot inhabité posé au milieu de rien, l'océan d'un côté, le récif de l'autre, rien que des oiseaux et une épave, là aussi. Il y a bien deux autres bateaux au mouillage, mais on a tout de même l'impression d'avoir quitté les sentiers battus, les bateaux se font plus rares, les îles beaucoup plus sauvages, une ambiance un peu fin du monde règne un peu partout. On est sous le charme ... 18h: après le goûter et la baignade-douche, on repart pour Mayaguana, l'île la plus à l'est des Bahamas, où nous comptons faire les formalités d'entrée avant de repartir pour Long Island ou Exuma. Les jours rallongent de plus en plus, à cette heure là, on distingue encore suffisamment le fond de l'eau pour naviguer entre le corail, et il ne fait pas encore tout à fait nuit à 19h quand on mange les croque-monsieurs dans le cockpit. C'est de bon augure pour le retour, la tombée de la nuit est toujours un moment un peu angoissant et mystérieux ...  20h : je suis prête à aller me coucher et à laisser Olivier prendre son quart quand on distingue au loin dans le ciel des boules de couleur de la taille d'une pièce de 5 centimes, bleues, rouges, vertes, ... manifestement un feu d'artifice à Providenciales, c'est loin, , mais on profite quand même du spectacle totalement inattendu, tous les deux sur le pont dans la nuit ... 23h : Olivier me réveille pour mon quart ... il a choqué grand la GV et enroulé un peu de génois, on va trop vite et il ne faudrait pas risquer d'arriver trop tôt à Mayaguana ...

Jeudi 13 avril : 7h30 : nous arrivons à l'entrée de la baie immense d'Abrahams Bay, et mouillons là pour le petit déjeuner, en attendant que le soleil nous permette de rentrer sereinement au fond du lagon. Là comme ailleurs, il y a encore une épave posée au loin à l'endroit où on devine les vagues venant se briser sur la barrière de corail. A 10h, nous sommes mouillés au fond du lagon, dans une eau limpide, devant une île tout plate et qui semble elle aussi hors du temps ... Olivier va faire les formalités et nous passons l'après-midi à se demander ce qu'on fait par la suite, compte tenu de la météo pas très favorable ... Les options possibles : on part ce soir pour continuer à avancer et rejoindre Long Island demain midi, mais le vent est nord-ouest, ce qui nous obligera à tirer des bords de près dans la nuit; on part demain midi directement pour Georgetown sur Exuma, mais on arrivera samedi midi au moment où la météo prévoit 25 noeuds de vent, un ciel couvert et des vagues, pas les conditions idéales pour arriver là-bas; on trouve un abri quelque part sur la route, à Rum Cay ou Crooked Island, mais pas évident, et probablement en marina; on reste ici quelques jours en attendant que la météo soit meilleure, après tout le mouillage est bien protégé des vents de nord et d'est, il ne nous coûte rien, on a de quoi tenir quelques jours, et on en profite pour avancer le CNED, profiter du coin et commencer tranquillement à préparer le bateau pour les transats retour (ben oui, c'est qu'on commence à y penser, à regarder le planning, et à essayer de régler des choses de la to do list, dans un gros mois maintenant on devra être aux Bermudes pour récupérer Matthieu ...). On préfèrerait aller plus vite aux Exuma, mais c'est finalement la dernière option qu'on retient, la plus raisonnable compte tenu de la météo. Tant pis, on n'aura qu'une dizaine de jours pour en profiter, mais c'est mieux que rien ...

Vendredi 14 / samedi 15 : le temps s'est arrêté, les journées s'écoulent entre le CNED du matin (et un peu de l'après-midi, c'est que les évals d'arts plastiques nous prennent bien plusieurs heures, Gaëtan doit dessiner "le Savoir protégeant un petit écolier en chassant du jardin de la connaissance la Colère, la Bêtise et l'Ignorance" !! et Quentin, 4 cieux, un ciel bleu nuit, un ciel bleu, un ciel glacis et un ciel pour faire rêver .. vive le CNED !!), un peu de bricolage, planche, nettoyage, pâtisserie, lecture, legos, pêche (des raies immenses passent sous le bateau), un petit tour à terre, paysages de désolation, quelques bicoques, une église, presque rien, mais quand même une boutique BTC (Bahamas Telecommunications Company) flambant neuve devant une antenne immense!! et des habitants d'une gentillesse extrême. Très peu de baignades finalement, l'eau n'est pas si chaude, et le vent non plus, qui souffle à 20 noeuds, voire un peu plus ... On attend gentiment le bon créneau pour repartir, demain matin ou lundi, en fonction de la météo ... direction Georgetown sur Exuma, avant de remonter tranquillement la chaîne des Exuma et d'arriver à Nassau à la fin du mois pour préparer le départ ...