Mardi 16 novembre: 950 miles plus loin...

Mardi 16 novembre: 950 miles plus loin...

Posté par : Olivier
17 Novembre 2016 à 11h
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Jeudi 10 novembre : 8h, cette fois, ça y est, on largue les amarres. Petite appréhension au moment d'allumer les moteurs. Une première pression sur le bouton on/off, l'inscription "volvo penta" s'affiche normalement, puis les deux bips retentissent. Une pression sur le bouton start et le moteur s'allume et ronronne. Idem à tribord ... tout va bien. On sort du port, dernier coup d'oeil en arrière vers les cratères arrondis de Lanzarote ... Les quelques averses de notre (trop long) séjour ont commencé à jeter un pudique voile vert sur les flancs des collines et les surfaces des plaines. On devine que l'île doit présenter l'hiver un visage moins inhospitalier que durant la saison estivale. Nous sommes heureux d'en partir, après presque 3 semaines au port, heureux de reprendre la mer, d'aller se faire secouer, de dormir par petits bouts, de manger en surveillant son assiette qui part à droite à gauche, de se doucher à l'eau froide ... allez comprendre .. l'appel du large, paraît-il. Le vent souffle tranquillement  à 15 noeuds, Olivier largue le 2ème ris qu'il avait déjà préparé et on hisse la voile. Le temps de remplir 2 bidons d'eau au dessal et on coupe le moteur. La pêche est ouverte. Gaëtan met ses deux lignes à l'eau, ça mord à babord mais ça décroche, ça mord à tribord, cette fois c'est bon, on ramène le poisson à bord, une petite bonite de 39 cm et 1 petit kilo, c'est pas bien gros, mais ça suffira bien pour remplir nos assiettes ce midi. Gaëtan est content et pas peu fier, cette fois, ça y est, on l'a eu, notre premier poisson ... Quentin est un peu vasouillard toute la matinée, les enfants et moi avons pris un cachet ce matin en prévision, on reprend la mer après presque 3 semaines au port, on anticipe. On anticipe aussi l'armistice de 14-18, cette année, le 10 novembre est férié à bord de Zanzibar, on laisse tomber le CNED, on travaillera demain (ou pas ...). Olivier passe la matinée à  s'occuper du poisson (et à nettoyer le capot du moteur tribord, y'a un peu du sang partout) et à nous préparer un bon petit repas. On croise au large de Fuerteventura qui, mis à part les quelques grandes plages de sable blanc du nord de l'île, ressemble de loin à sa grande soeur du nord. 16h : le vent monte, 20 noeuds, 23 noeuds, on prend un deuxième ris en prévision et on roule un peu de génois. Le vent est pile dans l'axe du Cap Vert, encore obligés de tirer des bords de largue, on empanne pour longer la côte sud de l'île et nous rapprocher tranquillement de Gran Canaria. Ca grince encore un peu à babord, mais rien à voir avec la traversée Gibraltar-Madère, Olivier avait détendu les haubans, le remède est efficace. Gaëtan s'est couché dans sa cabine et n'est pas venu squatter la notre de toute la nuit ... 1h : je distingue au loin les lumières de Gran Canaria. La lune nous accompagne, il fait bien clair. On trace notre route ... le petit pointillé vert qui nous suit depuis notre départ de Sète sur l'écran de navigation s'allonge d'heure en heure ... il lui reste encore quand même bien du chemin à faire avant d'avoir bouclé la boucle ...


Vendredi 11 novembre : le vent est monté cette nuit jusqu'à 30 noeuds, mais à 8h, alors que nous passons sous le vent de Gran Canaria, il tombe tout doucement et on largue le 2ème ris. A 9h, plus rien, on allume même le moteur ... j'évoque une séance de CNED, mais allez savoir pourquoi, les enfants s'échappent chacun dans leur cabine pour se remettre le nez au fond des couvertures ... de toute façon, une heure plus tard, 20-25 noeuds, on a repris le deuxième ris, enroulé un peu de génois, et les vagues qui viennent de côté rendent la nav assez inconfortable, mer formée, creux de 3-4m, ça secoue pas mal, et ça vient taper sous la coque, à en faire vibrer toute la structure ... je m'attends toujours à ce que Zanzibar se disloque comme la deux chevaux de Bourvil dans Le Corniaud ... ah ben forcément, elle va beaucoup moins bien marcher, maintenant !! mais non, il résiste vaillamment aux assauts des vagues et du vent. Mieux que nous ... la réadaptation est difficile, on se traîne un peu dans le carré, un peu dehors, Olivier se charge des repas et de la vaisselle. 19h : je tente de faire de la semoule, mais une mauvaise vague renverse la moitié du bol par terre dans le carré ... j'aurai beau passer un coup de balai, on s'en collera encore quelques grains sous les pieds pendant un moment, jusqu'à ce qu'Olivier décide de repasser balai et serpillière ... 19h30 : le vent est monté à 30 noeuds, on prend un 3ème ris. Il fait nuit, le vent souffle et la mer se creuse, face au vent et face aux vagues pour la manoeuvre, l'étrave tape, les enfants sont pelotonnés dans le carré ... Cette fois, Gaëtan a le droit de venir dormir avec nous ... on convient tacitement qu'il est accepté à babord en navigation, je comprends que rester seul dans sa coque tribord ne lui plaise qu'à moitié, des fois qu'elle ait envie d'aller faire un tour ailleurs ... la nuit est agitée et bruyante, difficile de fermer l'oeil, on est calés au 150° du vent pour permettre au génois de porter, mais les vagues nous arrivent du coup de côté ... 


Samedi 12 novembre : 10h30 : soucieux de préserver à la fois les structures du bateau et les estomacs de son petit équipage, qu'il sait fragiles (les estomacs, pas l'équipage ...), Olivier a la brillante idée de rouler complètement le génois et de se caler au vent arrière avec la GV seule. Les vagues nous arrivent maintenant de derrière, et ça change tout !! avec la même mer, ça bouge nettement moins, enfin, ça tangue mais ça ne roule plus, ce qui est déjà un vrai progrès. 12h : on laisse tomber la cuisine un tant soit peu élaborée, on revient aux fondamentaux, chips/sandwichs, pas besoin de faire à manger et pas besoin de faire la vaisselle. Olivier finit même les restes d'hier à même la casserole. Non, non, ne croyez pas qu'on est en mode survie, c'est juste qu'on s'adapte à notre environnement ... A part ça, on commence à prendre le rythme, toujours pas de CNED, mais les enfants font du pain et arrivent à lire un peu. Gaëtan passe du temps dehors à s'occuper de la pêche, à surveiller que les poissons ne mordent pas, Quentin est plutôt à l'intérieur, chacun son truc. Olivier et moi nous relayons à la barre, ça économise un peu les batteries, et il fait beau, ça occupe ...


Dimanche 13 novembre : 2h00 : Olivier écrit sur le livre de bord : "prise de quart Olivier, latitude < 23°27' N ; BIENVENUE SOUS LES TROPIQUES !!". Eh oui, on vient de passer au sud du tropique du cancer. On est encore loin du bleu azur des lagons antillais, mais on s'en rapproche. Dans la matinée, Quentin perd encore une dent, la troisième depuis notre départ de Sète ... c'est qu'il grandit,  notre petit bonhomme ... celle-là n'ira pas à la petite souris, mais aux petits poissons, elle finit dans la grande bleue. Le vent mollit un peu, mais on est toujours sous GV seule avec nos 3 ris. Heureusement que les concurrents du Vendée Globe sont encore loin, on aurait l'air bien ridicules ...Il y a une expression qui dit "naviguer en bon père de famille", elle est même utilisée dans le contrat de location de Zanzibar ... ben voilà, c'est ce qu'on fait. 10h : 20 noeuds, on se décide quand même à larguer le 3ème ris. 15h : 15 noeuds ... Olivier réfléchit depuis un moment (depuis Madère, je vous l'ai déjà dit, il a de la suite dans les idées) à la manière de naviguer vent arrière, voiles en ciseaux ... un mât de planche, une poulie ouvrante et quelques bouts, et hop, voilà un génois tangonné, Zanzibar transformé en papillon ... on a gagné un noeud, et mon homme est heureux ... enfin, il manque encore une balancine à l'installation, mais je lui fais confiance, il va bien nous bricoler ça pour la prochaine fois ... De son côté, Quentin n'a pas oublié que c'est dimanche, il nous prépare des cookies. 18h : Olivier allume le moteur ... non pas qu'il n'y ait plus de vent, mais le problème de naviguer globalement vers le sud, en plus vent arrière, en plus voiles en ciseaux, c'est que les panneaux solaires se retrouvent rapidement à l'ombre de(s) la voile(s). Ajoutez à ça une petite couverture nuageuse (c'est bien comme ça qu'ils disent, à la météo, non ?) et vous comprendrez qu'une à deux heures de moteur chaque soir ne sont pas de trop pour 1/ nous permettre de recharger les batteries avant la nuit, histoire d'être sûrs de pouvoir compter sur le pilote jusqu'au matin, 2/ faire un peu d'eau chaude, pour la douche et pour la vaisselle, c'est quand même plus sympa. La mer s'est bien aplatie, Gaëtan a même réussi à faire une séance de maths (je n'insiste pas plus pour aujourd'hui, la météo prévoit moins de vent demain et après-demain, on essaiera de ne pas prendre plus de retard, et puis, c'est dimanche).


Lundi 14 novembre : 00h00 : la nuit est calme, le vent d'une régularité impressionnante en force et en direction,  aucun bateau à l'horizon depuis 4 jours ... il y en a bien une bonne trentaine, voire plus, sur l'écran de l'AIS au large des côtes mauritaniennes, mais trop loin pour être vus sur l'horizon. Petit à petit, notre rapport au temps se modifie ... l'unité n'est plus la minute ni même l'heure, mais la journée ou la demi-journée. La question n'est plus quelle heure est-il mais quel jour on est ? on ne sait plus trop, et finalement, quelle importance ?? Gaëtan passe toujours autant de temps à la pêche, ses questions existentielles à lui en ce moment sont  : le leurre, poulpe ou sardine ? la petite ou la grosse ? à tribord sur le fil fixe ou à babord sur le fil déroulant ? combien de longueur ? avec ou sans plombs ? et je change, et je bricole, et je surveille, et j'emmêle mon fil (que maman mettra une heure à démêler, mais ça l'occupe), et que je remonte ma ligne quand les dauphins approchent (eh oui, on en a vu quelques uns aujourd'hui), et que je la remets à l'eau, et que je lis et relis les pages pêche du blog de nos illustres prédécesseurs, Manu et Isa ... bref, presqu'une occupation à temps complet, si je l'écoutais même pas le temps de faire du CNED, mais comme je ne l'écoute pas, il fera quand même encore une petite séance de maths aujourd'hui ... minimum syndical, mais bon ... De son côté, Olivier accuse le coup, fatigué, mal au dos, il tente une première sieste ce matin, mais je vais le chercher 5mn après, la poulie de l'écoute de génois tribord est en train de se faire la malle ... il finit par aller dormir en début d'après-midi dans la cabine de Quentin (histoire de voir ce que ça fait de dormir dans une cabine avant) ... ça a beau être superman, il faut bien qu'il se repose, lui aussi!! En fin de journée, alors que la nuit commence à tomber, quelques poissons volants suicidaires ou bigleux tentent de finir leurs jours sur le trampoline, on en retrouve sur le pont, il y en a même un qui finit direct dans le seau ... 20h : le vent mollit, on largue le 2ème ris, mais la GV tape énormément dans le hauban sous le vent (nb : celui du côté des cabines où l'on essaie de dormir !!), le génois n'est pas stable, le clapot très désordonné génère du roulis, c'est pas top. 20h30 : retour à 1 conf GV seule plus abbattu, pas mieux. De 21h à 22h, Olivier essaie de trouver la solution la moins traumatisante pour le hauban sous le vent et pour la bôme, mais à 3h, après plusieurs tentatives de réglage, il finit par affaler la GV et poursuivre sous génois seul.


Mardi 15 novembre : Grand soleil ce matin, on sent l'influence des alizés et du passage sous les tropiques, la température remonte, le vent est doux, on ressort les bermudas et on abandonne les polaires. Un cours d'histoire pour Quentin, une séance de français pour Gaëtan, on n'avance pas bien vite, mais au moins on avance. 11h : un groupe de dauphins, ils sont au moins une cinquantaine, vient jouer autour du bateau ...instant magique, le genre de ceux qu'on est venus chercher ... ils resteront une bonne heure tout autour du bateau à nous suivre, sauter, zigzaguer entre eux, un vrai bonheur ... à cause d'eux, on mangera des lentilles trop cuites à midi ... journée de nav idéale, 10 à 15 noeuds de vent, beau temps, belle mer (pour une fois), GV haute et génois 100% (c'est la première fois depuis le départ!!). 14h30 : je sors de ma cabine après la sieste, Olivier est tout content, il a bricolé sa balancine de génois (je vous l'avais bien dit!!), et eut la fort bonne idée de souquer la balancine de bôme, qui se retrouve donc coincée entre l'écoute, la balancine et la retenue, elle ne peut plus bouger !! Pour fêter ça, ce sera pancakes pour le goûter. 18h : on vient de discuter à la VHF avec Danademer, le cata franco-canadino-écossais rencontré à Gibraltar ... ils sont quelques miles devant nous et arriveront demain sur l'île de Sal où on devrait donc se retrouver. On espère aussi y revoir des bato-copains de Madère, et d'autres encore. Sourires sur les lèvres, ça commence à sentir bon l'arrivée, et ce soir c'est croque monsieurs!! 23h : quand je prends mon quart, Danademer est apparu sur l'écran de l'AIS et on voit sa petite lumière au loin devant ... on est en train de les rattraper tranquillement, on les dépassera dans la nuit ...


Mercredi 16 novembre : 17h00 : je suis seule à bord du bateau, Olivier est parti faire les formalités d'entrée sur le territoire cap-verdien (et chercher un forfait 3G pour le téléphone et l'internet, et sortir de la monnaie locale, et trouver un guide pour nous faire faire le tour de l'île demain), accompagné d'autres français qui ont déjà passé toutes ces épreuves il y a quelques jours, et les enfants sont partis sur l'annexe de Danademer voir les thons de 30kg sur le marché aux poissons. Nous sommes mouillés dans la Baia de Palmeira de l'île de Sal, la plus au nord-est de l'archipel, une des plus développées mais aussi une des moins attrayantes d'après le guide nautique. Nous n'avons pas prévu d'y rester très longtemps, mais il se trouve qu'elle est l'un des trois points d'entrée d'un point de vue administratif. Nous sommes arrivés vers 13h50 (heure canarienne, 12h50 heure capverdienne), après une nuit calme et peu ventée sous grand-voile et gennaker puis moteur à partir de 8h30. Matinée tranquille, motivés par la perspective de retrouver bientôt des copains, les enfants avancent le CNED, je profite du moteur et du déssal qui tournent pour faire une lessive, Olivier répare une des lattes de la grand-voile qui commençait à sortir de son logement. A notre arrivée dans la baie, nous sommes accueillis à la VHF par l'équipage de Talitha, que nous ne connaissons pas mais avec qui nous correspondons par mail et par blog depuis le départ. Bordelais partis de La Rochelle, 3 garçons dont un en 5ème et un autre en CM2, il nous semblait que nous étions fait pour nous croiser quelque part sur les mers. Les hasards de la météo et des problèmes techniques des uns et des autres avaient jusque là repoussé cette rencontre, mais c'est chose faite. Danademer arrive dans la foulée, en moins de deux, les enfants sont à l'eau, ils y passent une moitié de l'après-midi, discutent pêche avec les copains l'autre moitié. L'eau est chaude, 25°C, l'air aussi, on retrouve des conditions estivales qu'on avait un peu oubliées depuis les Baléares. Ce soir, apéro sur Danademer, avant une bonne nuit de sommeil ...


Au final, cette traversée Canaries - Cap Vert s'est révélée très formatrice, tant sur le plan navigation, connaissance du comportement du bateau dans différentes conditions de vent et de mer, que sur le plan de l'équipage, l'organisation à bord, la gestion des premiers jours toujours un peu difficiles, le CNED, le sommeil, et tout le reste. En quelques chiffres, environ 950 miles (ou 1700 km) en 6 jours, 5 heures et 50 minutes (soit une moyenne de l'ordre de 6,3 noeuds), de 5 à 30 noeuds de vent, une dizaine d'empannages,  autant de prises de ris / largages de ris, 6 pages du livre de bord, une quinzaine de comprimés de Stugeron, quelques petites séances de CNED, 200 litres d'eau consommés (soit environ une trentaine par jour, qui dit mieux ??), 1 pleine lune, 12 levers et couchers de soleil, 50 dauphins, quelques poissons volants, et ... 1 bonite ... Bref, une bonne répétition générale avant la future grande ...

Les photos des que j'aurai réussi à comprendre comment faire avec le tel... 

 

Emplacement

De séjour à Poligny je tiens au courrant tes grands parents de votre avancée. Bon ta grand mère ne reconnait pas forcément tout le monde sur les photos. (Lunettes de soleil, chapeau...Mais qui se trouve derrière) bises à vous quatre. Philippe

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