La cuisine en mer pour une grande traversée dans la bonne humeur
Voilà enfin révélé le secret d’une traversée de l’Atlantique réussie : un bon cuistot à bord qui se régale de nous faire à manger et qui nous régale deux fois par jour.
Ce secret Raymond vous en révèle les rudiments. Spécial pour José et je l’espère Gilles qui ne vont pas tarder cette année à se lancer dans l’aventure.
Assez peu d’articles sur ce sujet et c’est souvent les questions que l’on se pose avant le premier grand départ.
moment de communion,
Bonne humeur et rigolades de rigueur...
Mais je laisse la place à la prose de Raymond :
(le lien vers le tableau des courses et des plats)
C’est pas exactement comme à terre ou en navigation côtière. La cuisine en mer exige une préparation, ça ne s’improvise pas : pas d’épicerie, de boucherie ou de marché en plein milieu de l’atlantique… Mieux vaut avoir avitaillé correctement, en fonction du nombre de passagers et de la durée de la traversée.
Un petit exercice d’anticipation et d’arithmétique auquel on devra se livrer avant le départ, en tenant compte de la durée de vie ou péremption des aliments. La salade verte n’existe ni en conserve ni en poudre, et une salade verte, ça ne dure qu’un à deux jours. Les pâtes, le riz, les légumineuses, c’est une autre affaire.
Pour autant, il faut donner une certaine fraîcheur et du goût à ce que l’on va préparer.
C’est important, voire indispensable pour le moral de l’équipage !
Compter le nombre de repas et de plats à servir, en entrée, plat de résistance et desserts. Sans oublier les en-cas. En cas de mauvaise mer, si plus aucun des membres de l’équipage n’est en état pour descendre dans le carré et se mettre au fourneau. Ça peut arriver, et dans ces situations, mieux vaut avoir sous la main les munitions qui vont bien : biscuits, pain, chocolat (pas trop noir, ça peut être difficile à digérer),saucisson, jambon sous vide, bananes, ……
Quand ça bouge...
...on continue à se restaurer !
Une règle de base : le rangement.
Savoir où trouver ce que l’on cherche… En clair ne pas avoir à chercher : se mettre la tête à l’envers dans les coffres à la recherche du dernier paquet de riz, ou du sel, du poivre ou du sucre quand ça tangue et que ça roule à tout va, ça n’est pas raisonnable et ça peut finir mal….
Donc organiser son rangement, à portée ce dont on a besoin à tous les repas, sel, poivre, épices, sauces, huile, et par type de repas, le petit-déjeuner à part, les desserts, les conserves dans un coffre, les matières en sachets, type riz, pâtes, farine, ….. en réserve dans un autre. Prévoir un « roulement » avec du consommable prêt à l’usage, à portée immédiate et des réserves. On puisera dans les réserves pour alimenter le courant quand le temps s’y prêtera.
Calculer ses besoins :
pour 20 ou 30 jours de traversée et quatre membres d’équipage, je conseillerai de préparer des menus. Lundi c’est ravioli, mardi c’est gratin de patates, mercredi c’est salade de lentilles… Avec entrée, plat et dessert. Ça évitera de tomber dans la routine, pâtes ou riz matin midi et soir... ça, c’est pas bon pour le moral, je l’ai déjà dit.
Et il n’y a pas que les trois repas, je l’ai aussi déjà dit, un petit quatre heures improvisé, type gâteau au chocolat ou tarte citron, on aime ! Ne pas oublier que les journées et les nuits sont longues, et qu’il faut s’occuper, cuisiner et manger, c’est essentiel, et ça crée du lien. Trouver son plaisir dans ce que l’on prépare à manger pour les autres et dans ce que l’on mange, ça fait du bien à tout le monde à bord.
La préparation des repas ne doit pas être une corvée. Mieux vaut mettre au fourneau quelqu’un qui aime cuisiner et qui s’est préparé à cette tâche. La cuisine chacun son tour….ça peut finir en corvée. A bord, il y a un capitaine, un seul, un second, des matelots et un cuistot : le bosco !
Revenons au calcul des provisions. Par exemple pour le pain, si quatre personnes, compter environ 100 à 150 g de farine par jour et par personne. Donc si 25 jours, quatre personnes, il faudra embarquer 15 kg de farine et si les vents ont été favorables et que la traversée n’aura duré au final que 17 jours, il restera 4 à 5 kg de farine en réserve. C’est pas grave, mieux vaut jeter que manquer.
Les indispensables :
Évidemment, la base c’est les pâtes et le riz, sans oublier les patates et les légumes secs, qu’on aura d’ailleurs intérêt à trouver cuits en boites ou bocal (lentilles, haricots blancs ou noirs, pois-chiches, ...). Mais plus important, se demander comment les préparer, donc prévoir tout ce qui va faire la fraîcheur du plat et son attrait : les sauces et les épices ! Il n’y a pas que la sauce tomate sous toutes ses formes, au pistou, bolognese, ….
Là il faut faire preuve d’un peu d’imagination car le râpé d’emmental ou de comté sur les pâtes, ça ne marche que les premiers jours et pour peu que l’on en trouve dans le pays où on s’avitaille. Il ne faut pas compter faire son plateau de fromage au Cap Vert !
Parmi les indispensables, et qui passent dans presque tous les plats, il y a bien sur les oignons et l’ail, et surtout les citrons qui se conserveront très bien et servent au petit déjeuner, avec le poisson, dans les desserts, …. Prévoir un pour deux par jour au moins (4 personnes 15 jours : trente citrons minimum).
Ils se conserveront très bien dans un filet, à l’air (ne pas les mettre dans un coffre en fond de cale).
Qu’est-ce qui va en entrée, en plat principal et en dessert dans un grand nombre de préparations ?
Les OEUFS !!! On les consomme durs en entrée dans les salades, dans les tortillas (œufs, patates, oignons), au plat, à la coque, dans les flans salés ou sucrés, les gâteaux…. Compter au moins un œuf par jour et par personne : 25 jours quatre navigateurs, 8 à 10 douzaines.
un petit gateau de temps en temps...
Les légumes :
Hors les patates, il sera difficile de les conserver plus d’une semaine hors du frigo. Et dans le frigo, il n’y a pas beaucoup de place… Mieux vaut y mettre le beurre, la charcuterie, les boissons, le poisson qu’on va pêcher.
Pour les autres légumes, on l’a dit, le filet est le moyen de les conserver le plus longtemps : ail, oignons, courgettes, aubergines poivrons, tomates, … Chaque jour y jeter un œil, ça pourrit très vite et ça contamine tout le reste.
Les patates, c’est facile à préparer, douces ou autres, surtout quand ça va mal ! Un fond d’eau dans la cocotte minute, deux à trois patates chacun (ou plus, on gardera le surplus pour la salade…), on les pêlera dehors dans le cockpit, avant ou après cuisson ; avec un peu de sel et une noix de beurre, c’est facile à préparer et ça cale bien. Et puis c’est comme les bananes, ça passe aussi bien dans un sens que dans l’autre….
Si on en trouve, les courges ou les butternut, ça se conserve très bien et on peut les préparer en gratins ou flans.
Évidemment avant de partir, on pourra préparer une grosse ratatouille, que l’on conservera au frigo pendant deux à trois jours : tomates fraîches, courgettes, poivrons, aubergines, oignons, ail, et le bouquet garni avec le laurier que l’on pourra utiliser dans d’autres plats.
marché à Mindelo,
Voilà pourquoi on a raté notre avitaillement en fruits et légumes... sous le charme de la vendeuse !
Les plus :
Pour donner du piquant et du relief, les épices (curry, curcuma, cannelle, clou de girofle, noix muscade, gingembre, safran, poivres, ….sont indispensables avec la moutarde (en prévoir plusieurs pots) et de la crème longue conservation (on en trouve aux Canaries, au Cap Vert… pas sûr!).
Les ingrédients du petit déjeuner et autres :
La difficulté tient dans l’accessoire, théière ou cafetière qu’il ne faudra pas casser le deuxième jour. Prendre du solide !
Le lait existe en longue conservation, en concentré ou en poudre (ça n’est pas la meilleure formule, celui acheté en paillettes aux Canaries nous a donné du mal, …. et beaucoup de grumeaux!) . Il compte parmi les indispensables, car utile au petit déjeuner, dans les flans, la purée, les gâteaux….
Bien sûr il faudra des tartines et donc du pain. Si vous êtes un inconditionnel de la biscotte et du petit pain grillé, et que vous en trouvez, pensez que c’est friable et ramollissant… Faire un bon pain, c’est mettre un peu de vie dans le quotidien, et c’est pas difficile.
(la recette du pain filmée sur ce lien)
Faire du pain est à la portée de tous, mais là aussi, il faudra compter. La quantité de farine, on l’a vu mais aussi les sachets de levure, et le gaz. Pas tant que ça consomme énormément du gaz de faire un pain tous les deux jours, mais avec le reste, gratins, lasagnes, gâteaux, le four va bien servir et les réserves de gaz s’épuisent rapidement.
Revenons au pain : dans un bol on fait lever environ une à deux heures, ça dépend de la température, une pâte liquide composée de deux à trois à cuillères de farine, avec le sachet de levure et une cuillère à café ou deux de sucre.
Quand elle est montée et avant qu’elle ne déborde, on la mélange à l’eau que l’on a disposée dans une forme de puits creusée dans la farine à laquelle on a ajouté le sel (pour 1 kg de farine deux à trois cuillères à café de sel).
On mélange, on pétrit, on bat. Attention, la pâte ne doit pas être trop liquide, trop molle ou trop ferme ! Ah la belle histoire, c’est évident non ? Il ne faut plus que ça colle aux doigts, et quand la pâte se déchire, là c’est bon.
Laissez reposer et monter un certain temps dans le four (c’est comme le fût du canon), à l’abri des courants d’air (un torchon par dessus, c’est bien et ça permet de vérifier que la pâte ne colle pas!!!), et avant là encore que ça déborde de votre moule, mettre au four. Feu fort environ 40’, ça dépend du four donc on surveille.
Pour agrémenter le pain, on peut ajouter des graines : courges, tournesol, lin blond ou brun, amandes,….
le pain,
Les accessoires de rangement :
Le rangement, on y revient ! Très important, dans un bateau tout bouge et c’est humide. Donc si l’on veut bien conserver ses aliments, mieux vaut pour le consommable courant avoir des boites étanches. On y mettra le reste du paquet de riz ou des pâtes que l’on a ouverts et pas consommés en totalité, le sucre, la farine, le beurre au frigo, …. Pour les réserves, si elles sont bien calées, on peut les conserver dans un coffre, si bien sûr il est sec. Si risque de présence d’eau, y mettre les bouteilles d’eau ou de vin ou d’huile et les canettes de bière ou autre.
Pour le poisson aussi, une fois vidé, écaillé ou dépecé, et débité, des boites étanches de différents volumes, c’est bien utile pour le conserver au frigo. Ça évitera que tout sente le poiscail !!
A ce sujet, comment le préparer le poisson ?
premier repas de poisson en mer.
Avec un peu de chance, et de savoir-faire, on peut pêcher et se nourrir de poisson frais. Pour le savoir-faire, inclure aussi la façon car la daurade coryphène tous les jours ou presque (il y a des jours de chance où on peut, surtout près des cotes africaines sortir une bonite que l’on pourra préparer crue à la tahitienne), va falloir varier les assaisonnements, sinon, la daurade frite panée façon « fish and ships » à l’anglaise on va vite s’en lasser. Et c’est là que les épices entrent en jeu.
Pour la daurade, nous l’avons consommée panée bien sûr avec du citron, mais surtout au curry, à la moutarde, au lait de coco...
Daurade coryphène avec à côté le poulpe qui va bien.
Les boissons :
La première des boissons c’est l’eau ! Compter a minima 1,5 l par jour et par personne. Il fait chaud sous les tropiques. L’eau en bouteille aux Canaries est peut-être moins imbuvable qu’au Cap Vert….. Affaire de goût !
Dans les deux cas, elle est faite localement par désalinisation, ce qui lui donne un goût assez spécial.
Quand on n’en peut plus de l’eau, il y a la bière, en canettes, facile à ranger et à boire (ne pas jeter les canettes vides par dessus bord), et le coca.
On trouve aussi au Cap Vert des boissons sucrées type limonade améliorée… Je ne conseille pas, trop sucré et vite écœurant.
Ne pas oublier l’essentiel, mais dont il ne faudra pas abuser : le Rhum. Il est préférable de l’importer de France ou l’acheter aux Canaries, mais le rhum du Cap Vert n’est pas très bon… quand il est buvable, mais il faut connaître.
faire le plein de bouteilles de vin aux îles Canaries, on n'en trouve plus de bon après. (ne pas oublier de le gouter...)
Les fruits :
On trouve des fruits qui se conservent assez bien comme les pommes et les oranges. Les bananes ont l’inconvénient de mûrir toutes à la même vitesse, on les mange un peu vertes les premiers jours et archi-mûres une à deux semaine plus tard. Quand elles sont franchement mûres, on peut les flamber (prévoir le Rhum). Ne pas oublier pour la deuxième partie de la traversée, les boites de fruits au sirop !
le filet pour les fruits et légumes, (derrière Raymond)
Bon Apétit !
PS : nous n'avons pas perdu de poids pendant la traversée !
le tableur des courses et des recettes
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Philippe
19 October 2017 - 11:46pm
Il y a des salades qui se
Maximine
13 January 2018 - 8:46pm
Cuisiner en mer
Hichem
15 October 2021 - 10:35am
tableau des courses
Captainkra
16 October 2021 - 10:48am
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