Tunisie , plaisir des yeux
Nous avons mis 48h pour parcourir les 182 miles qui séparent Malte de la Tunisie.
Pendant 2 jours, pas beaucoup de vent et jamais celui annoncé par la météo. Ce n'est qu'à une quarantaine de miles de l'arrivée que le vent s'est enfin mis à souffler, à plus de 20 nœuds, sans mollir de la tombée de la nuit jusqu'au petit matin, nous obligeant (comble de l'ironie) à ralentir le bateau pour ne pas arriver avant le lever du jour.
Le 17 février 2016 vers 7h, nous nous présentions devant le port de Monastir.
Parmi les formalités d'entrée en Tunisie, nous avons eu droit à une visite du bateau par les douanes. Il s'agit plus d'une visite de principe que d'un réel inventaire du bateau. « Vous avez un radar? Vous avez des jumelles? Vous avez des matières explosives? Vous avez de l'alcool à déclarer? » (Malheureusement non, toutes nos réserves grecques d'ouzo se sont évaporées...). « Merci et bienvenue. »
Beaucoup de bateaux européens hivernent à Monastir car sa marina bien abritée offre de nombreuses commodités pour un prix très raisonnable. Aussi, nous avons pu (enfin) rencontrer d'autres navigateurs au long cours et échanger sur nos expériences respectives.
Le tour de la médina de Monastir ne prend pas beaucoup de temps. Le lendemain, nous avons pris le métro du Sahel pour aller visiter Sousse, dont la médina est bien plus grande et bien plus belle.
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Mais comme Sousse a été le théâtre d'un attentat en juin 2015, ici et comme partout ailleurs en Tunisie, les touristes ont disparu pour le plus grand désarroi des Tunisiens…
Nous avons ensuite fait route vers Kelibia, une étape de 60 miles qui nous obligeait à naviguer de nuit. En chemin, au clair de lune, nous avons été déroutés par les coast guards qui escortaient un bateau remorquant derrière lui un câble long de 5km! Dans ce genre de situation, on est content d’échanger dans la langue de Molière et de comprendre rapidement les instructions des autorités car il n’y a pas beaucoup de temps pour tergiverser…
Au petit matin, escortés par les bateaux qui rentraient de la pêche et par une vedette des coast guards venue nous contrôler, nous approchions de Kelibia dont la citadelle se repère de loin.
Kelibia est un des plus important port de pêche de Tunisie. Bien que personne ne nous réponde à la VHF, au bout de quelques minutes à tourner en rond au milieu du port, on a fini par nous indiquer une place à couple de 2 petits bateaux.
Outre sa jolie citadelle qui offre de très beaux points de vue sur la baie,
Kelibia possède également de grandes plages de sable qui attiraient les touristes il y a encore quelques temps.
Malheureusement, aujourd'hui tous les grands hôtels sont fermés et d'après les mines étonnées voire ébahies des autochtones sur notre passage, on comprend que cela fait bien longtemps que des occidentaux ne sont pas venus par ici...
Après cette agréable escale de 48 h, nous avons repris la mer en direction du golfe de Tunis.
Poussés par un faible vent arrière pendant les premières heures, nous avons lentement progressé jusqu’à atteindre le Cap Bon, situé à la pointe nord-est de la Tunisie.
Le vent se mit alors assez subitement à forcir et à tourner, nous faisant passer d’une allure portante assez pépère à une allure bon plein bien plus agitée.
Au fur et à mesure que le vent augmentait, nous réduisions notre voilure. Le cap Bon (qui porte bien son nom) fut effectivement très généreux avec nous puisqu’il nous offrit de belles rafales allant jusqu’à 40 nœuds. Au plus fort du coup de vent, nous avancions tout de même à un peu plus de 4,5 nœuds sous trinquette seule arisée…
Il nous fallut environ 3h pour franchir courageusement ce cap. Les heures qui suivirent furent pourtant nettement plus pénibles, car une fois le vent tombé, il ne nous resta plus que la houle dans laquelle le bateau (même aidé du moteur) avait beaucoup de mal à dépasser les 2 nœuds…
Quelques jours plus tard, en lisant les exploits d’un navigateur, nous avons appris que le Cap Bon est redouté des marins sardes qui « en [l’]approchant, […] joignent les mains en priant Capo Bono, Capo Bono. Et lorsqu'il est franchi, ils se retournent, font un bras d'honneur en criant capo di mierda ! » (Guy Quiesse, le Beligou, p.248)
Nous aussi, cette nuit-là on s’est un peu senti l’âme de marins sardes…
Au petit matin, après un contrôle devenu coutumier des coast gard à l’approche de la Goulette, nous entrions dans ce petit port de pêche situé à une dizaine de kilomètres de Tunis.
Malheureusement, contrairement à Kelibia, il n’y avait aucune place pour se mettre à couple d’un bateau de pêche, et les seules places disponibles pour un voilier étaient a priori réservées aux militaires qui nous ont fait sèchement comprendre que nous n’avions rien à faire ici…
Nous avons rebroussé chemin pour aller trouver une place dans la marina de Sidi Bou SaÏd, un peu plus au Nord du golfe.
Nous y sommes restés 2 jours au cours desquels nous avons pu visiter les magnifiques ruines de Carthage,
puis la capitale, Tunis. Mais malgré la renommée internationale de ces villes, nous avons été sidérés de constater que nous étions là encore les seuls touristes.
Nous avons visité le souk de Tunis où tout est « plaisir des yeux »,
puis le musée du Bardo qui possède la plus grande collection au monde de mosaïques antiques (5000 m²). Là aussi, l’attentat qu’il a subi en mars 2015 a fait fuir les touristes et nous étions tout seuls au milieu de ses magnifiques salles.
Ce n’est pas l’envie qui nous manquait de prolonger notre visite de la Tunisie vers Bizerte ou Tabarka mais nous étions attendus en France quelques semaines plus tard et la météo capricieuse nous obligeait à saisir la moindre fenêtre favorable pour entreprendre la route du retour vers le Nord…
Un retour qui s’avéra assez tumultueux, et dont vous pourrez lire le récit détaillé dans un prochain article…
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