Sicile, un peu, pas beaucoup...

Sicile, un peu, pas beaucoup...

Posté par : Jean Luc
08 Février 2016 à 10h
Dernière mise à jour 16 Août 2019 à 15h
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Après Delphes, cap sur la Sicile !
Pour éviter une nouvelle traversée laborieuse du golfe de Corinthe et du golfe de Patras, nous avons consulté la Pythie qui nous a prédit une courte fenêtre météo de vent d'Est favorable dans la nuit du mardi au mercredi 21 janvier 2016. Nous avons fait un dernier avitaillement grec, à base d'huile d'olive, de feuilles de vignes, de fêta et d'ouzo, puis nous nous sommes mis en route en fin de journée. Les conseils de la Pythie s'avérèrent excellents puisqu'il nous fallut à peine 10 heures pour parcourir les  60 miles entre Itéa et la sortie du golfe de Patras (contre 24h à l'aller... ).
Au petit matin, le vent nous abandonna mais notre faible vitesse (2-3 nœuds) permit à Jean-Luc d'attraper son premier calamar.

 

En effet, la pêche au calamar se pratique de nuit, à la traîne mais surtout à une vitesse modérée qui ne doit pas excéder 3 nœuds. Autant vous dire que les occasions de s'exercer à cette pêche furent nombreuses durant notre traversée.

A la fin de notre première journée de navigation, nous atteignions difficilement les côtes de l'île de Zakynthos, au large de laquelle nous avons admiré notre dernier coucher de soleil grec.

 

En pleine mer, le vent ne s'est pas montré plus généreux.
Malgré tout, nous avons essayé d'avancer le plus possible à la voile.
Ce fut une navigation plutôt calme, où nous ne fûmes dérangés que par une visite nocturne des coast guard qui ont effectué un contrôle de routine à la VHF. Jean-Luc étant occupé à pêcher le calamar, je me suis chargée de répondre à ces messieurs pour éviter tout nouvel incident diplomatico-linguistique.

Vendredi, jour du poisson, Jean-Luc eut l'adresse d'attraper à nouveau deux beaux calamars. Et un bonheur n'arrivant jamais seul, quelques instants plus tard, c'est un beau thon que nous remontions à bord.

 

De quoi tenir pendant plusieurs jours, développer des trésors d'imagination pour cuisiner tout ce poisson (sauté à la poêle, à la tahitienne, en rillettes, en carpaccio, en conserve pour les prochains jours de disette,...) et se régaler !


La suite de la traversée se poursuivit sous le soleil et la pétole.
Lorsque nous étions contraints d'allumer le moteur pour avancer un peu, nous en profitions parfois pour aller repêcher des morceaux de cagettes en polystyrène semées par les pêcheurs. Un matin, Jean-Luc nous dérouta de quelques degrés pour aller ramasser une nouvelle saleté qu'il croyait avoir repérée au loin. Nous avons alors eu l'agréable surprise de constater qu'en fait de saleté, il s'agissait d'une petite tortue qui se dorait la carapace au soleil...

 

Le dernier jour de la traversée, la patte de fixation de l'alternateur qui nous fournit de l'électricité a une nouvelle fois cédé. Plus question de laisser tourner le pilote automatique qui est très énergivore. Par chance, le vent est revenu et nous avons pu tester les performances de Pythéas au près, sans pilote. Verdict : il file à merveille tout seul, calé sur son bouchain, sans avoir à rester derrière la barre.
20 miles avant l'arrivée, le vent nous a une nouvelle fois abandonné. Nous avons donc terminé au moteur cette traversée de 441 miles, après 5 jours de navigation, pour accoster à Syracuse à la tombée du jour.

 

Nous avons séjourné deux jours dans une marina idéalement située aux portes de la vieille ville. Après avoir fait réparer la pièce de fixation de l'alternateur (20 euros en Sicile contre un pack de bière en Grèce pour le même travail...), nous avons arpenté le premier jour le dédale de petites rues aux façades colorées, tellement conformes aux images d'Epinal que l'on peut se faire des villes italiennes.

 

Le second jour, nous avons visité le parc archéologique de Syracuse, dont les arènes et le théâtre antiques sont deux monuments majeurs.

 

Le lendemain, nous sommes repartis pour une longue étape de 60 miles avec beaucoup de vent mais de face...direction Ragusa. Fort de notre expérience grecque, nous prévoyions au moins 24 h de navigation. Il ne nous en fallut pas moins de 40, pour parcourir 150 miles au cours d'une navigation épique...
Les premières 24 heures, nous avons tiré un premier bord très encourageant avant de rencontrer sur le bord suivant une houle très mauvaise qui nous a beaucoup freinés. La nuit fut longue derrière la barre (car malgré toutes ses qualités, même Pythéas avait du mal à avancer tout seul dans  cette mauvaise houle). Le lendemain, plus nous touchions au but, plus le vent semblait changer de direction et nous éloigner un peu plus de l'arrivée... Et comme si ça ne suffisait pas à contrarier nos espoirs d'arriver avant la nuit, dans l'après-midi le vent a décidé de forcir encore un peu plus. Il est passé de 20 à 25 nœuds puis 30, puis 35... Comme nous n'arrivions pas à avancer en tirant de petits bords, nous avons essayé de tirer de plus longs bords vers le large... Au large, nous avons rencontré les plus grosses vagues que nous avons croisées jusqu'à présent. Difficile d'évaluer leur hauteur (3, 4 mètres ?) mais dans mon barème personnel elles se situent juste après : "ouh lala tu as vu la grosse vague qui arrive " et juste avant "oh mon dieu" ...
La nuit est tombée sans que nous ayons réussi à rejoindre Ragusa, pourtant proche alors de moins de 3 miles mais nous ne pouvions plus remonter le vent. Nous nous sommes d'abord mis en fuite quand le vent a finalement décidé de faiblir un peu. Nous avons alors saisi l'occasion  pour  parcourir les 4 derniers miles qui nous séparaient de notre point de chute au moteur.
Malgré les grosses vagues qui s'écrasaient contre la digue de la marina, nous avons réussi à en  franchir l'entrée sans problème. Comme personne ne nous répondait à la VHF, nous nous sommes amarrés dans un petit coin près de l'entrée, fourbus et heureux de passer une bonne nuit au calme.

Le lendemain, nous sommes partis nous promener à Ragusa.
C'est encore une ville qui correspond complètement aux clichés que l'on a de l'Italie. Des ruelles étroites avec des maisons basses aux balcons ouvragés où sèchent les lessives des mamas en bigoudis qui refont le monde d'un côté à l'autre de la rue, alors que des effluves de poivrons grillés vous chatouillent le nez.

 

Le torticolis vous guette à chaque coin de rue tant il y a de détails à observer sur chacune des façades, qui recèlent toutes d'une profusion de détails architecturaux admirables.

 

Le soir, repus de tant de beauté, nous sommes rentrés la fleur au fusil à notre marina.


Quelle n'a pas été notre surprise de trouver à la place de notre bateau...un vide béant..
Pythéas avait disparu. Je vous laisse imaginer les longues minutes de flottement  qui se transforment progressivement en longues minutes de panique où on imagine le pire et le reste.
Après avoir réussi à contacter les responsables de la marina, nous sommes passés de la position de victimes à celle d'accusés. Nous étions accusés d'avoir laissé notre bateau sans prévenir la marina toute une journée (il faut dire qu'on avait pris de mauvaises habitudes en Grèce où l'on laisse son bateau sans que  personne ne vous demande de compte nulle part). Par conséquent, et malgré les nombreuses caméras qui leur avaient permis d'identifier l'équipage du voilier, « nous représentions pour la marina une menace terroriste » et ils avaient été obligés de déplacer notre bateau un peu plus loin. Nous avons donc eu droit aux carabinieri puis de 22 h à 1 h du matin, quand nous pensions enfin pouvoir nous remettre de nos émotions à la visite des coast guard, venus nous " notifier notre infraction à la loi italienne qui exige qu'on appelle la marina ou les coast guard lors de notre entrée dans un port". Malgré nos protestations, nous avons été gratifiés d'une rondelette amende de 344 euros.... avec recours possible…


Nous avons quitté Ragusa le lendemain matin pour une dernière escale vers Agrigente. Une dernière étape de 60 miles encore. Le vent étant plus favorable, nous avons réussi à parcourir cette distance en moins de 24 heures mais vaccinés par notre précédente mésaventure, nous avons attendu le petit matin pour nous présenter devant Empedocle et appeler les autorités avant de franchir l'entrée du port. Après une longue conversation à la VHF où mon interlocuteur ne semblait pas comprendre pourquoi je le contactais (il pensait que nous avions une avarie...), nous avons finalement été escortés par les coast guard qui nous ont indiqué le ponton de la marina où accoster. Nous avons poireauté 2 heures à attendre l'arrivée du gérant du ponton. Nous étions sur le point de  nous amarrer à couple d'un bateau de pêcheur mais nous avions tellement peur d'enfreindre encore une nouvelle loi italienne dont nous ignorions l'existence que nous nous sommes résolus à nous amarrer là où les coast guard nous l'avaient indiqué. On ne badine pas avec la loi italienne, comme nous l'a confirmé un plaisancier qui nous a appris que l'été dernier 4 voiliers avaient reçu une amende de 2000 euros pour s'être amarrés dans l'avant-port (où rien n'indique qu'il est interdit de le faire....)
Après cette longue attente pour nous amarrer, nous avons enfin pu aller visiter la vallée des temples d'Agrigente, site classé au patrimoine de l'humanité.

 

Avant de repartir, Jean-Luc a voulu compléter son arsenal pour la pêche au calamar. La même pièce achetée 60 centimes en Grèce coûte 8 euros en Sicile.  Loin de nous l'idée de faire passer les italiens pour des voleurs mais tout de même, nous garderons un goût amer de notre escapade sicilienne.

Prochain épisode : Malte ...

 

Retrouvez tous nos articles et toutes les infos pratiques de notre voyage sur notre site : levoyagedepytheas.wix.com/2015

 

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