TSUNAMI, 2 MOIS APRÈS

Posté par : Sylvie et Patrick
06 Octobre 2025 à 20h
Dernière mise à jour 07 Octobre 2025 à 20h
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2 mois (et 6 jours) après l’événement, de mouillage en mouillage, les navigateurs au long cours en sont encore à se demander leur part de responsabilité dans la gestion de l’alerte Tsunami du 29-30 juillet 2025.

Étonnante formulation, n’est ce pas! Explications dans ce billet.

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Nous avons quitté les Marquises Sud le 28 juin 2025 pour les Marquises Nord.

Nous y avons retrouvé l’Oiseau de Passage (Océanis 36 des savoyards Fabienne et Denis, rencontrés à Tahuata du 1-7 juin) et naviguons de concert depuis.

  • Du 28 juin au 4 juillet : Ua Pou,

Une semaine Coup de cœur ! Trop bref mais il fallait rallier la capitale et Cécile, son unique shipchandleure pour la maintenance des bateaux.

  • Depuis le 4 juillet 25: Nuku Hiva

Nuku Hiva est la plus grande des marquisiennes et la plus riche en mouillages et en randonnées. Nous en faisons et refaisons le tour au grès de nos envies, de la MTO, des nécessités de ravitaillements et des livraisons des pièces commandées.

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Lors de la propagation du Tsunami, Croix du Sud et l’Oiseau de Passage étaient mouillés sur la côte Nord de Nuku Hiva, donc…dans l’axe central de « l’onde océanique ».

Le 29 juillet 2025, à 13H24, (heure des Marquises), un séisme de magnitude 8,8 sur la partie russe de la ceinture de feu déclencha une onde de tsunami, sur l’ensemble de l’océan Pacifique.

A cette heure là, une randonnée nous occupait.

Et les métropolitains dormaient: avec les 12 heures de décalage horaire, il était 1h24 du matin pour eux.

Progressant à la vitesse d’un avion de ligne, 800km/h,  le tsunami parcouru le 1/3 de la distance qui nous séparait de lui, avant la fin de notre ballade.

 

  1. RÉALISER

Nous fûmes de ces chanceux qui bénéficièrent de l’alerte terrienne.

Satisfaits de notre effort du jour et du spectacle de nos bateaux paisiblement ancrés, nous savourions notre boisson, les pieds dans le sable « chez Juliette » à l’ombre de la canopée.   


 

Rentrés à bord avec le coucher du soleil, l’antenne Starlink (6A 220V) et la VHF (12V) branchées, nous découvrîmes d’abord les messages de nos fidèles amis de métropole qui se réveillaient.

Il était 7 heures pour eux. L’alerte était déjà bien orchestrée par les médias internationaux.

Soulignons d’emblée leur soutien efficace pendant cette alerte: ils cherchèrent par tous les moyens du web à nous apporter le maximum d’informations, cartographies et de bonnes ondes. Précieux quand brutalement vous vous demandez si votre vie ne va pas être menacée dans les heures à venir.

  Un immense Merci à eux, ils et elles se reconnaîtrons.

 

        2. VÉRIFIER L’INFO

Le texte ci dessous «pour terrien» ne pouvait nous suffire.
Il ne sera d’ailleurs diffusé sur l’ensemble des téléphones portables qu’à 23 heures.

Comprendre était devenu un besoin vital.


la fin du  message précise bien que l’info se fera via internet et les réseaux sociaux


La carte de la NOAA

LA ! carte nécessaire à notre représentation mentale de ce qui nous menaçait n’arriva qu’après des recherches effrénées sur le web.  
Les Marquises, nous,  étions bien dans l’axe central du déplacement de l’onde.

La VHF resta muette. Sur le moment cela ne nous  interpela même pas. Cela aurait dû!

 

3 AGIR

La solidarité s’organisa au mouillage, avec nos 7 voisins.

A la tombée de la nuit (18H30), Happy, joli Moody canadien (monocoque de 50’) fit la tournée en annexe des bateaux ancrés dans la baie.

Anecdote attachante: Ce couple attentionné avait offert une baguette croustillante “française”à chaque voilier un matin Baie des Vierges (Fatu-Hiva, Marquises Sud), suprême luxe à l’arrivée d’un mois de TransPacifique.

Aux Marquises, en raison des rafales sous les nuages combinées à celles que canalisent et accélèrent  les vallées, (effet venturi), voire à celles qui dégringolent directement des sommets (vents catabatiques), la longueur du mouillage résulte de la hauteur d’eau sous les coques multipliée par 7 (et non par 5).

Dans ces fonds de sable de 8-9m, nous convînmes tous de rallonger à 70m nos chaines pour pouvoir absorber la descente du niveau des eaux devant la vague du tsunami (aspiration) suivi de la remontée au passage de celle-ci.

 

Personne ne s’étonna de ne pas avoir d’alerte VHF; nous avons tous la connexion internet via Starlink.

Pour la petite histoire commerciale, les opérateurs téléphoniques français bloquent la vente des produits Starlink en Polynésie française.
Mais terriens ou navigateurs qui en sont équipés (parce que achetés dans des pays ayant passés les accords idoines avec la société d’EM) sont connecté sans problème à la ceinture satellitaire de SpaceX avec leur forfait habituel.

 

4 S’ADAPTER 

Puis un peu avant 20H, quelqu’un armé d’un projecteur éblouissant arrivât de la vallée voisine, baie d’Hatiheu à 20mn de mer de là.

C’était, nous l’apprîmes 5 jours plus tard, le policier municipal des 3 vallées nord de Nuku Hiva.

A la demande du Maire, il avait dû réquisitionner un bateau et répétait désormais consciencieusement (et brièvement) de bateau en bateau, une dépêche gouvernementale, nous préconisant de prendre la mer ou de descendre à terre camper sur les hauteurs.



Nous devions changer nos préparatifs.

 

5-  SE PRÉPARER

Les huit voiliers choisirent de partir en mer, dès 20H30.

Tout était solidement amarré à bord de Croix du Sud. Nous étions capelés.

  • Nous fîmes route Nord, vent de travers, à faible allure, pour atteindre une zone de 3000m de fond.

Tous à faire la même chose, le comble aurait été un accrochage.
La lune n’en était qu’à son premier quartier donc nous nous surveillâmes grâce à l’AIS et aux feux de navigation;

  • Nous nous éloignâmes à 10 milles nautiques (presque 20km) de l’île.

 

La VHF  n’avait toujours pas annoncé l’alerte Tsunami.

Nous ne vîmes pas de bateaux sortir des autres baies de cette côte Nord. Seul notre mouillage, halte favorite des plaisanciers bénéficia d’une alerte « humaine » à l’initiative du maire.

  • Communicant  entre « voileux » sur un canal autre que le 16 (réservé aux urgences), aucun n’évoqua le curieux silence du 16: l’absence d’alerte aux navigateurs, ni ne pensa à ceux qui n’avaient pas Starlink.

 

6- EVALUER LE RISQUE

Sur le web et la télévision en revanche, la Cellule de Crise trônait. (Je vous épargne la photo officielle). Sa décision la plus tangible fut d’augmenter la hauteur prévisionnelle maximale de 2,60m de la vague… à 4 m, ouverture du parapluie administratif oblige.

Ce qui ne manqua pas de nous interpeller car l’onde océanique qui touchait à ce moment là Hawaï (également sur l’axe central ne produisait qu’une vague de 20cm en arrivant sur ses côtes…mais bon, ces VIP supposèrent (peut être) une remontée des fonds marins (donc une vague) différente là bas.

Les communications des divers groupes WhatsApp dont nous sommes membres ( Tonga, Fidji, Vuanatu, Marquises, Tuamotus,) étaient intenses, en direct des phénomènes observés, ou pas.

 

Tsunami en japonais veut dire « vague dans le port, dans la baie ».   

La série pédagogique « Curionautes des sciences », avec son épisode « Comment se forment les tsunamis? » est une belle ressource pour les enfants (2 minutes40, You tube).
Elle permet de comprendre la différence entre la progression de l’onde océanique “ au large” et la formation de la vague Tsunami  en arrivant sur les côtes.

 

Emmener nos bateaux au large devaient donc nous permettre d’éviter la « vague Tsunami » qui se forme et grandit à la remontée des fonds puis déferle à la côte.

 

 

   7 NOTRE PERCEPTION de l’onde océanique AU LARGE  vers 0H52

Comme prévu par l’alerte de la NOAA, cette onde de tsunami toucha les îles Marquises en Polynésie française,

12 heures plus tard, vers 0H52, le 30 juillet.

Il était 13 heures en métropole, tous ceux qui pensaient à nous, attendaient…. comme nous.

Lorsque l’onde est arrivée, nous l’avons (probablement?) ressenti.

La houle normale était d’Est, donc latérale pour nous, d’1,50 environ

Croix du Sud est monté tranquillement sur une vague à peine plus haute, mais unique arrivant du Nord, donc de face, avec dans la nuit, une belle gerbe d’écume blanche de chaque côté des coques.

« Ça devait être ça !»   Ensuite plus rien.

Nous avons tourné en mer assez loin jusqu’au lever du jour, en faisant des AR sous voile d’avant seule.


 

Nuku Hiva, à la latitude Sud de 8°50 mn et à la longitude W de 140°, la plus grande et la plus habitée des Marquises fut donc la première touchée sur le trajet de l’onde océanique (avec sa petite voisine UA HUKA).

La vague, moindre que celle annoncée de 1,10 mètre fut observée sur la côte sud de Nuku Hiva où se trouve la capitale Taiohae. 

Entre 0,60 et 0,80 mètre comme paraît-il sur les autres îles de l'archipel.

 

8 TERMINER L’ALERTE 

L'alerte au tsunami fut finalement levée par les autorités polynésiennes le 30 juillet 2025, à 12H00 pour nous, aux Marquises.

Un avion militaire parti de Papeete a survolé la zone vers 10H.

Et avec lui, la VHF enfin grésilla sur le 16.
Il nous fut demandé d’attendre 12H avant de rejoindre la côte. D’énormes remous finissaient de se dissiper le long des côtes, dans le port de l’île. Des courants importants s’étaient établis.

Comme notre programme de la semaine le prévoyait  nous allâmes ancrer dans la baie voisine d’Anaho, devant le village d’Atiheu, vers 13H.

 

Au total, vous l’avez compris l’alerte arriva aux navigateurs uniquement via internet et non par la VHF!

La « révolution » est là!

 

Conclusion

  • Personne n’a pensé à donner l’alerte sur le 16.
  • Ni les autorités, ni les navigateurs.
  • Cela paraît incroyable et laisse songeur.
  • Depuis, nous nous sommes tous fait la même réflexion: Quid de ceux qui N’avaient PAS Starlink ou qui n’était pas suffisamment connecté avec la carte SIM locale, parce que le relai de l’opérateur local trop loin.

 

A la VHF, sur le 16, nous aurions du entendre, voir nous même émettre, sans prétendre bien sûr, suppléer les autorités (silencieuses):

 

« A tous les navires qui n’ont pas de connexion internet

A tous les navires qui n’ont pas de connexion internet

A tous les navires qui n’ont pas de connexion internet,

 

une alerte tsunami a été émise le 29 juillet 2025 à 13H25. 
Veuillez vous renseigner ».

 

C’est ce que l’on appelait, un AVURNAV, un AVis URgent aux NAVigateurs,dois-je dire « jadis »,

La cellule de crise de Papeete n’a communiqué sur l’ensemble de la Polynésie française que via la télévision et les réseaux sociaux.

Au milieu du Pacifique,

ni le CROSS (JRCC), ni la Marine,

ni PERSONNE N’ONT ÉMIS d’ALERTE SUR LA VHF.

 

Le monde nautique a changé.

 

Épilogue

4-5 jours plus tard « le » policier municipal du village est passé en fin de matinée recueillir nos avis (toujours avec un bateau réquisitionné):

les maires des 6 îles habitées des Marquises se réunissaient le soir même pour faire le bilan de l’alerte.

 Nous lui avons fait part de notre étonnement de l’absence d’une alerte VHF qu’il a scrupuleusement noté dans son calepin…

 

Sauf que!

  • Les VHF sont éteintes au mouillage depuis que la météo ne s’écoute plus en vacations quotidiennes précédées le cas échéant des fameux AVURNAV.
  • Désormais la météo se charge sur le web, via les téléphones mobiles, les tablettes et computers.

 

Le monde de la mer, et pas seulement celui de la plaisance hauturière a vraiment changé.

 

Avant de clore ce billet, vous apprécierez probablement lire Patrick et quelques photos.

 

Chers amis,

Nous sommes toujours sur l’île de Nuku Hiva, dans un mouillage paradisiaque; pas de vents catabatiques, eau plate favorable à la wing, chenal dans le récif de corail pour atteindre le sable blanc, population familiale accueillante, légumes sur place, chevaux, randos dans la pampa montagneuse, raies mantas, tortues, poissons colorés, resto local pied dans l’eau (version locale), chevaux libres…

On améliore, sécurise le circuit électrique au fur et à mesure, avec Denis, Grand Technicien de la fée Électricité.

Sylvie et Fabienne font du kayak, du snorkeling, du longe-côte les pieds dans le sable….de bonnes recettes et, rendons leur hommage, le “plaisir” inépuisable du  lignes de flottaison quinzomadaires et de la chasse à la rouille.

Et sur L’Oiseau de Passage, ce sont le dessalinisateur et le guindeau…qui battent de l’aile (facile!!!).

P’tit apéro sur la plage de temps à autre chez Juliette (jolie hôtesse, tenancière du lieu éponyme).

Discussions pointues avec Raymond (délicieuse pension chez l’habitant) qui a travaillé au CEA lors des 30 années d’essais nucléaires polynésiens entre 1966 et 1996, ou pour Sylvie avec Anita, sa sœur, qui a les savoirs de la médecine traditionnelle.

Aujourd’hui, on va essayer de transformer le système électronique d’un DCP, échoué sur la plage voisine, en un feu d’entrée du chenal d’accès à travers le récif. Quitter la plage de nuit sans lune sera plus facile. Je fixerai ce système sur la bouée du chenal (actuellement bouée grisâtre de 50cm de diamètre) invisible dans le clapot…

 

A bord de Croix du Sud, les Séniors Des Flots, vous embrassent

et vous souhaitent un bel Automne…

 

P.S.   Le 15 octobre 2021 …cela fera 4 ans!

CROIX DU SUD quittait Port Saint Louis du Rhône pour son Grand Voyage.

 

 

Emplacement

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