RDV CHEZ LES KOGIS

Posté par : Sylvie et Patrick
19 Novembre 2023 à 00h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2023 à 00h
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La  Colombie est riche de 115 communautés  amérindiennes.. Quelques 3% de la population.

Sans rupture historique depuis plus de 4000 ans, les 30 000 Kogis, sont un des 4 peuples pacifistes de la SierraNevada héritiers de la très puissante société millénaire des Tayronas.
Avec les Arhuacos, les Wiwas, les kankuamos , les Kogis représentent 100 000 personnes dont les  ethnologues soulignent le haut niveau de civilisation.

Alors que la Sierra était en proie à la déforestation, la pollution, le narcotrafic et les mégaprojets, eux s’évertuent à soigner la Terre, permettre à la forêt de reprendre ses droits, aux animaux de revenir, et aux sources de se remettre à couler. Et il se pourrait qu’ils soient peut être en passe de réussir…

Si vous avez eu la chance de regarder, par exemple, RDV en Terre Inconnues,  l’épisode où Thomas PESQUET rencontre les Kogis, ou des films du géographe explorateur Éric Julien sauvé  par les Koguis en 1985, vous mesurez le privilège que nous avons eu.

 

Une famille Kogie a accepté  de nous recevoir… une expérience inoubliable qui se mérite:

5 heures, sac à dos, depuis le niveau de la mer pour atteindre leur premier village à 900m d’altitude.

Notre contrat moral:  

Les Kogis partagent un profond respect pour la Terre Nourricière qu’ils vénèrent.

Leur raison d’être est double: être relié à la nature et réussir à vivre ensemble pacifiquement,  entre-eux et avec nous !

La contrepartie de notre privilège à les rencontrer est ce récit: ils nous demandent de faire connaître leurs valeurs:

“Racontez, Témoignez !”

 

Premier jour, s’alléger du superflu

 

Point GPS de RDV: 11°16'42.7"N 73°55'43.6"W (Sur la Nationale 90 qui relie toute la côte Caraïbe de la Colombie).

8H00 Le RDV a lieu à l’entrée d’un chemin de terre dans le magnifique parc nord-colombien de Tayronas qui appartenait aux Kogis avant l’arrivée des espagnols  en  1499.

Tonio, pantalon et tunique traditionnels blancs,  sac en bandoulière de feuilles de coca grillées à mâchouiller pour résister à l’effort, « poporo » à la main nous accueille avec simplicité.

Avec lui Juan, un jeune colombien traducteur français qui a vécu 3 ans à Valence (26-Drôme), solidaire des valeurs des peuples indigènes une vraie chance !


Tonio, représentant des valeurs des kogis dans les instances internationales

Juan, notre traducteur défenseur des valeurs indigènes 


Aimer La Terre Mère

Première petite conférence dans les galets du torrent, au pied du pont de corde suspendu qui sépare le monde des gens de la mer, de celui des montagnards de la Sierra. Tino parle simplement, joyeusement:

Toute la vie de son peuple est consacrée à mieux comprendre la Terre Nourricière, à la respecter, à la remercier pour ce qu’elle leur apporte au quotidien.

Agriculteurs, chasseurs et cueilleurs, leur quête de l’harmonie est quotidienne, leur autonomie respectueuse.

Ce, quelque soit l’altitude de l’ écosystème investi, entre 400m et 4000m!


Des terres récupérées en 2003

Dans les années 1970, les Kogis ont vu leurs terres investies par les paramilitaires qui ont défriché la forêt sur des centaines d’hectares pour y cultiver la coca et les ont refoulé vers les sommets.

Puis le développement de la culture intensive de bananes, de palmiers à huile et de maïs OGM a mis à mal leur tradition de polyculture.

Pacifistes, ils composent désormais avec les milliers de visiteurs du parc national de Tayrona, où se trouve leur territoire.

Juan traduit les consignes: D’abord, il y aura peu d’ombre puis dans la jungle nous serons abrités du soleil.  La pente deviendra plus ardue mais nous serons plus au frais. 21° dans la journée, 18° la nuit. Nous ne devons toucher à rien car certaines plantes sont toxiques.

Tonio nous avertira quand nous entrerons sur le territoire Kogi.

 

Un redoutable dénivelé

Les Kogis, sont les champions du dénivelé puisque la SierraNevada avec le Pic Colomb est le plus haut sommet  mondial de bord de mer:  5757m,  à 30 km des vagues.

Après notre sédentarité à bord de Croix du Sud, nous progressons modestement sur la pente de plus en plus escarpée, sans accalmie de terrain plat. Il nous faudra 5 heures. D’ordinaire Tonio et son épouse Olga (qui nous prépare le déjeuner) mettent 1h30 et Juan notre  traducteur, la trentaine musclée, moins de 3 heures, je crois.

 

Une ascension instructive :  un allègement ?

Nous sommes 3 : Jane, à bord pour 2 semaines  nous accompagne avec une belle énergie, et une curiosité sans faille pendant toute l’ascension.

Pour profiter de ses pertinentes questions et des réponses de Juan, Patrick et moi veillons à bien rester tout proche.   

Si besoin, Juan demande des précisions à Tonio. Ils se connaissent et manifestement s’apprécient. Notre guide Kogi d’ordinaire silencieux est aussi peu essoufflé que dans un fauteuil, attentif à tous les bruits de la jungle, au trajet qu’il nous fait prendre, aux pierres sur lesquelles nous devons prendre appuis.
Ça monte! Ça  monte!

Rapidement mon unique objectif devient m’alléger : boire mes 2 litres d’eau recommandés … pour ne plus avoir à les porter! Partager mes fruits secs...

Curieuse alchimie: A l’allègement physique émerge en écho celui des besoins véritables.

 

Les pauses sont salvatrices pour le souffle.

Pause pour les fourmis…

grosses, que nous enjambons à chaque pas, rigoureusement alignées, (à croire que nous allons au même endroit!!) portant chacune un morceau de feuille verte, rutilante avec le jeu d’ombre et de lumière des ficus géants et des fromagers.

Après avoir nourri leur reine et des jeunes, elles rejettent à l’extérieur de la fourmilière des monticules de feuilles digérées, désormais brunes.

Tonio nous explique toute la valeur de ce terreau pour leur culture. Car les Kogis sont d’infatigables agriculteurs.

Photo1: Pause sur la racine d’un ficus géant

Photo 2: Le compost fabriqué par les fournis

 

…Pause pour les plantes carnivores

Dans l’exubérance des végétaux bordant le chemin,  Juan nous fait la démonstration de ses plantes qui se referment dès qu’on les effleurent. C’est fascinant. Nous voulons tous les 3 essayer…pour faire durer la pause!

Pause pour le cacao…

Apprendre à discerner: Le très bon, le bon et le moins bon, voire le mauvais…

…Pause pour la natalité

Ce n’est pas rien: La Colombie candidate pour 2024 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO pour la représentation de ses Sages-femmes afin de sauvegarder et de renforcer leurs connaissances et leurs techniques.

« La sage-femme rassemble des connaissances et des techniques précieuses dans les territoires, liées au corps, aux soins du cycle de reproduction des femmes, à l'utilisation des plantes médicinales et au traitement des maladies des communautés. » un dossier monté depuis 2017 par la ministre de la Culture.

Je me rends bien compte que Tonio et évidemment Juan  connaissent peu de choses sur la surveillance de la grossesse de l’accouchement et des suites de couches. J’ai demandé à rencontrer une sage-femme. Ce sera possible demain.

Pour l’heure nous apprenons que Olga et Tonio, à 36 ans, ont 4 garçons et 2 filles. L’ainé, Julio, 20 ans, étudie pour être guide comme son père.

…Pour la santé et les Anciens

« Et quelle est l’espérance de vie? » demande Jane entre 2 rochers dont on ne sait s’ils sont glaiseux ou pas.

« A 70 ans hommes et femmes sont vieux » dit Tonio. (Oups ! Du haut de nos 205 printemps à 3, nous baissons le nez. Genre « pas concernés »).

« Le suivi sanitaire est bon » ajoute-t-il, « toutes les communautés bénéficient des vaccinations et des campagnes de prévention.

Il y a un docteur et une sage-femme dans chaque village ». Je n’ai pas bien compris ce que l’on entend par « village » avec la quantité de hameaux dispersés dans cette fin de Cordillère des Andes entre 900m les premiers villages amérindiens  et 4000 m d’altitude pour les derniers.

Tonio rend visite à ses parents tous les mois. 2 jours aller, chargé. 2 jours retour, chargé. Ils sont à 3000m près de la Cité Perdue. Ils n’ont pas voulu redescendre en 2003.

 

Pause  à propos de l’éducation…(grande pause!)

L’éducation kogi commence officiellement à 5 ans par la reconnaissance des plantes comestibles et vénéneuses puis au fur et à mesure par les plantes qui soignent.
A 12 ans garçons et filles sont autonomes pour se nourrir et passer une nuit sécure, si besoin , dans la Sierra quelque soit l’altitude.

Tous les enfants vont à l’école du village, mixte. Demain nous visiterons les classes primaires. Et ce soir nous croiserons probablement leur couple d’instituteurs car leur hutte est dans le même hameau.

 

Les plus jeunes enfants s’occupent des bébés près des mères qui tissent. Les « un peu plus grands » de la cueillette qui est quotidienne, après l’école …

Si vous saviez  comme les mandarines seront bonnes et à volonté, servies avant les repas!

Les ados oeuvrent aux même tâches que les adultes.

Pause pour le réseau d’irrigation…

Patrick s’arrête pour réparer le raccord entre 2 tuyaux d’irrigation. Il y a fréquemment des tuyaux vers des citernes cachées ou sortant de la jungle vers les champs défrichés. Tonio reste silencieux; visiblement il apprécie.

 

Pour les palmes

Elles sont destinées aux toits des huttes. Elles sont coupées dans la jungle, sèchent 8 jours sur place (c’est moins lourds) avant d’être ramenées au village à dos d’homme ou de mules.


L’arrivée

Partis à 8 heures,  nous arrivons vers 13H30.

Le hameau est caché dans la forêt au détour d’un virage escarpé. De là, le regard balaye toutes les vallées jusqu’à la mer. Au dessus des nuages. Inouï!

L’habitat

Seules les huttes des kogis sont circulaires, celles des 3 autres ethnies de la Sierra  Arawakos, Wiwa, Kankuamo sont carrées.

Comme les huttes sont très serrées, les épais toits de palmes, en débordant largement, se touchent et protègent de la pluie les passages.

Les charpentes sont magnifiques. Elles sont préparées au sol puis hissées au dessus des murs à l’aide de fourches de bois.

Les sols sont de terre battue bien tassée.

Les murs sont faits de briques de torchis qui s’arrêtent à hauteur d’homme laissant lumière du jour et aération en sous pente .

Les poules, les canards, les minuscules cochonnets se poussent devant nous, rappelés à l’ordre par les chiens si l’envie leur prenaient de pénétrer dans une hutte.Le sol reste escarpé d’une hutte à l’autre. Quelques cailloux imitent ce qui pourrait être des marches.

Des arbustes fleuris aident, un peu, à la délimitation de l’ensemble.

 

L’eau

La hutte tout en haut est pour la douche et les WC du hameau. Un savant montage de tuyaux à partir de la cuve de récupération créé une pression suffisante pour les ablutions.

Il n’y a pas de lavabo ni d’évier mais une écuelle pour récupérer l’eau dans la citerne et la mettre dans une cuvette que l’on descend pour les besoins de la cuisine.

 

Notre hutte-chambre: des hamacs

La hutte tout en bas fait le double des autres. Elle est pour nous. Il a fallu 2 mois pour la construire.

Elle contient 4 beaux hamacs pour nous 3 et un pour notre traducteur, avec 2 couvertures chacun.

Un gros fil la traverse, pour tout accrocher, même les chaussures.

 

La hutte des réceptions

Olga s’affaire dans la hutte à 2 pièces qui sert aux réceptions: un côté cuisine avec l’âtre au milieu de la pièce un côté salle à manger avec un plancher (grand luxe?) où ils se déchaussent sans rien dire.

Olga est aidée par sa jeune nièce orpheline Ruta … qui du haut de ses 11 ans nous regarde avec une tranquille curiosité. Ça sent bon.

Petite conférence de bienvenue de Tonio et Olga avec des gobelets d’eau du ciel et la cueillettes du jour: des mandarines et des bananes.

Olga parle en Kogi. Son mari traduit en espagnol. Juan nous traduit en français:

Après le déjeuner, ce sera:

 Repos d’une heure pour les ablutions de chacun. (A faire de jour, pas de nuit).

Filage de la fibre végétale. Tissage. Apprentissage.Présentation  de l’artisanat par Ruta et Olga. 

Tonio présentera la fabrication de la panela « miel » de jus de canne cuit, devant le champ de canne à sucre, à la sortie du hameau.

Puis le dîner avant la nuit car il n’y a pas d’électricité.

Le déjeuner

Pour l’heure, le déjeuner est un régal.

Le plat caraïbo-colombien: du poisson grillé servi avec du riz cuit dans du lait de coco à la cannelle, des haricots rouges, des bananes plantain, quelques crudités.

De la panela à boire à volonté, à température puisqu’il n’y a pas de réfrigérateur.

 

Des ordures sans plastic

Derrière le mur de la cuisine, c’est presque le précipice. C’est le domaine de la basse-cour (qui porte bien son nom!) et des cochonnets. Donc les épluchures leur sont dédiées. Pas d’emballages ni de plastic chez les kogis.

 

D’abord filer, puis tisser.


Les sacs servent à tout: pour transporter ou contenir des denrées, des vêtements, des objets, des bébés …

Elles en fabriquent toute la journée.

  • 1 D’abord la fillette me montre le geste pour rouler les fibres avec le plat de la main sur la cuisse et en  obtenir un fil.
  • 2 Puis c’est au tour de Jane qui apprend à se servir de l’aiguille pour tisser  un sac.
  • 3 Enfin Olga reste avec nous le temps d’expliquer les teintures de l’herbe aux couleurs des 4 Communautés kogies.

Car c’est une herbe que l’on file et qui sert à tisser les sacs.

Le tissage est une tâche noble et importante. Le mari se doit de fournir l’herbe à tisser en bonne quantité à son épouse.

L’épouse doit confectionner en priorité le sac de son mari, aux couleurs de la communauté, celui dans lequel il remise son poporo et ses feuilles de coca grillées à mâchouiller.

Les hommes doivent, en plus, savoir tisser leur habit d’apparat.

 

Photo 1 Le sac tissé aux couleurs de la communauté et le Poporo reçut à l’entrée dans la vie adulte

Photo 2 Les sacs permettent aux plus grands de porter les bébés pendant les longues ascensions.

 

La fabrication de la Panela .

La fin d’après-midi se passe avec Tonio.

Patrick vous racontera ça lui-même dans une prochaine newsletter … Il a été rebaptisé!


Deuxième jour:    S’ouvrir à l’altérité, à l’intériorité …

Nuit étoilée. Après le déluge de la veille au soir, la quiétude de la nuit semble doublement magique. Au fond du hamac, sous les épaisseurs des palmes du toit, l’impression   d’être protégée est étonnante.

Nous dormons.

Nous nous réveillons prêts pour aller plus loin dans la compréhension d’autres valeurs sociétales.

Olga s’est levée avant le jour. Je l’ai entendue car elle et Tonio ont installé leur hamac dans la hutte-cuisine à côté de notre hutte-invités. Pour veiller sur nous. Leur hutte est plus haut sur le chemin qui mène au village.

Une bûche a roulé quand elle a préparé l’âtre pour le café, les œufs, la bouillie de haricots. Ou c’est peut être Tonio qui ramenant de nouvelles bûches en a laissé tomber une.

Après le petit déjeuner, l’ascension n’est que de 20 minutes pour atteindre le village où les arcanes majeurs de la société Kogi nous attendent.

 

Photo 1 au centre les 2 huttes: La Maison des Hommes et la Maison des Femmes

En haut “en dur” L’Ecole des classes primaires et l’installation solaire

au premier plan “en dur” la cantine.

 

Il est  8 heures. Derrière Tonio, nous gagnons le centre du village, suivis par quelques regards bienveillants.

Là, se trouvent les 2 huttes majeures de régulation de la vie Kogie : la Maison des Hommes et la Maison des Femmes.
Il va devoir expliquer. Nous allons devoir comprendre. C’est ici que se joue la rencontre de nos 2 civilisations. 

Comment fonctionne une société pacifiste millénaire? Comment les kogis maintiennent-ils :

  • Leur cohésion au sein du couple et de la famille?
  • Leur cohésion sociale dans la communauté?
  • Leur pacifisme avec les autres communautés?
  • Leur pacifisme envers notre société consumériste et d’épuisement de leur (notre) vénérable TerreMère
  • Leur bien-être paisible ?

Photo 1 Tonio explique les fondements de la société Kogi 

Photo2  L’assemblée de Quinzaine (extraite de RDV en Terre Inconnue)

 

Une assemblée dirigeante: Démocratie entre Communication Non Violente et thérapie de groupe

Chaque quinzaine, les hommes adultes se retrouvent dans la Maison des Hommes.

Tonio nous explique toute l’importance des salutations lors de l’entrée dans cette hutte.

Il s’agit de n’oublier personne et de ne privilégier personne, quelque soit l’état d’esprit du moment: avec ou sans ressentiment.

Des bancs sont installés tout autour de la pièce et des tabourets éparses au centre pour les adjoints du Mamo.
Juan nous traduit adjoints par commissaires puisqu’ un rôle d’arbitrage des conflits ou des projets leur est dévolu.

Un commissaire peut aussi avoir une mission particulière comme Tonio qui a fait des études occidentales, a voyagé,  parle espagnol et œuvre dans les intances internationales pour la relation avec notre monde.

Avant d’aborder les grandes décisions de construction  et/ou d’organisation de la communauté, chacun aura le temps méthodiquement d’exposer son ressentiment, son problème ou son projet … toute la nuit s’il le faut ou même plus.

 

Le Sage du Village et ses adjoints

Le Mamo, sage, chaman  a son hamac près de l’entrée de la Maison des Hommes. Il écoute « avec les oreilles et le cœur ».

Ni chef, ni décideur, c’est un conseiller.

La formation pour être Mamo commence jeune. Il semble qu’il faille déceler chez les enfants une appétence particulière à la sérénité et un charisme à apaiser les conflits, une intuition à comprendre les besoins profonds de chacun.

Être adjoint-commissaire permet la pratique avant la sélection finale.

La difficulté pour les commissaires (et l’art pour le Mamo) est d’apporter à chacun selon son besoin sans léser celui de l’autre.

Il faut pour cela une connaissance très fine de nos proto-besoins les plus archaïques. Et être au plus près de ce qui se joue au quotidien.

Le  socle pacifiste: Exister, appartenir, devenir

Les ethnologues s’accordent pour dire que la formation de Mamo est longue.

Pour  comprendre, 2 ouvrages du bord nous ont été utiles:

  • Carlo MOÏSO ‘Besoins d’hier, besoins d’aujourd’hui » Éditions AT 57 pages, 2009.
  • Yuval Noah HARARI « Sapiens » Albin Michel  512  pages, 2015.

Le Mamo et ses adjoints doivent jongler avec nos fondamentaux: l’ontogénèse « Être »,  et la philogénèse  « Y être »  en d’autre terme et plus simplement:

  • 1   Exister 
  • 2  Appartenir au groupe social
  • 3  Devenir ( se réaliser)

Le premier proto-besoin Exister est assouvi par la TerreMère: Respirer du bon air, s’hydrater, se nourrir, se soulager, se reproduire. Avoir un toit protégé, pour soi même et sa famille.

Le 2ème proto-besoin Appartenir est toute la plus value sociétale, l’entraide pour les travaux et la protection,  le plaisir de la communication et de l’échange, de fêtes aux rythmes des saisons. Bref une vie sociale de qualité.  La communauté Kogi organise elle-même sa sécurité sociale en cas de défaillance physique depuis les soins jusqu’aux tâches domestiques. Et la prise en charge des aînés et des fins de vie.

Le 3ème proto-besoin Devenir est celui de la réalisation intérieure qui apporte la paix et la sérénité de se sentir en harmonie avec ce et ceux qui nous entoure(nt).

A chacun son dû : l’art de punir

« Comment sont traités les comportements préjudiciables? » demande Jane.

« Lors de l’assemblée » répondent en cœur Tonio et Juan

« Oui mais encore? Y a-t-il des sanctions? » Insistais-je

Les exemples de réprimandes infligées aux coupables  nous ont étonnées par leur diversité : outre la réparation de ce qui a été endommagé, le remplacement de ce qui a été détruit par un troc ad hoc,  cela pouvait aussi être,  travailler pour la communauté, méditer dans la montagne ou… dans un coin. Nous en restons baba.

Choisir une réprimande s’apparente à un art pour aider le kogi à grandir sur son chemin pacifiste.

Le défrichage des pentes escarpées est un travail très dur que nous présente Tonio

Le respect des femmes et des enfants

Dans la Maison des Femmes, l’organisation est moins formelle car elles gardent les bébés et un œil permanent sur les plus jeunes non scolarisés.

Les femmes font également appel au Mamo,

-pour un troc non équitable.

-pour elle même lorsqu’insuffisamment aidée dans les lourdes tâches domestiques

-pour une autre femme malmenée par son conjoint,( ce qui reste très rare)

-pour un enfant rudoyé, (idem).

C’est l’épouse Mamo, un peu chamane elle aussi,  qui sert d’intermédiaire.


Pendant que les femmes préparent la cantine pour les scolaires, Tonio et Juan nous présentent la Maison des Femmes.

Régulation matriarcale?

Les kogis sont assez souvent classés dans les sociétés matriarcales.

Les ethnologues s’appuient sur l’observation des 2 assemblées: la Maison des Femmes et la Maison des Hommes.

Les femmes semblent être à l’initiative du  repérage des problèmes et des améliorations souhaitables dont elles discutent dans la Maison des Femmes. Elles chargent ensuite les hommes d’en discuter lors de leur assemblée de quinzaine. Sachant que le pour et le contre vont être longuement disséqués, elle les laissent décider.

Évidemment j’aurai aimé rencontrer l’épouse Mamo avec une interprète féminine pour approfondir cette voie (x).

 

 

Des relations sexuelles précoces

L’appel au Mamo pour la vie amoureuse est sans aucun doute ce à quoi nous, femmes et hommes, ne sommes absolument pas préparés.

Le mariage traditionnellement suit d’assez près la puberté des garçons et des filles. Le garçon reçoit son Poporo.  Les jeunes filles ont leurs règles et peuvent dès lors le regarder comme mari potentiel.

Le Mamo est consulté pour les unions. Il connaît les jeunes et leurs tempéraments.

Si les caractères ne présagent rien de bon pour fonder un foyer harmonieux, il encourage les jeunes à continuer de chercher.

Pour les jeunes filles et jeunes garçons qui désormais descendent finir leurs études, il semble qu’elles, ils  puissent se marier plus tard.

 

Une société sans chef

« Est-on obligé d’obéir au Mamo? »

Tonio est étonné par la question car le Mamo n’est pas un chef qui donne des ordres. C’est un conseiller.

Depuis son plus jeune âge, le Kogi n’a qu’à se féliciter des conseils reçus et de l’écoute que le Mamo lui a consacré dans les moments difficiles, matériels ou spirituels.

 

L’école: de  6 ans jusqu’à la fin du collège.

Nous sommes attendus à l’école du cycle primaire. 2 classes très émues de lire devant nous un petit texte en espagnol.

Avec la récupération officielle des terres en 2003, les 4 communautés indigènes de la Sierra ont hérité d’écoles en dur avec installation solaire, cantine, dispensaire.

Les programmes sont bilingues (leur langue amérindienne et l’espagnol).

Rencontre avec le docteur

A côté de son dispensaire en dur, il vit avec son épouse et ses 2 enfants.

Dans un savant désordre, les remèdes d’herboristerie côtoient la pharmacopée de secours classique le tensiomètre, la toise, la balance, l’oxymètre de pouls, des bandelettes de surveillance urinaire et sanguine…des cahiers d’inventaires et des fiches de suivi individuel.

Le jardin des simples est au pied de la maison. Le docteur va y cueillir une plante pour Jane mais réalisant que le besoin de mon amie est autre, avant de jeter la plante, il embrasse les feuilles respectueusement.

Nous lui achetons quelques tisanes.

Rencontre avec la sage-femme.

Pendant que Patrick s’occupe, à leur demande, de l’installation solaire de l’école et Jane de photos, je vais m’assoir sur un banc face à la Maison des Femmes.

La sage-femme kogi est d’un autre type ethnique, plus longiligne, la peau plus brune: des cousins de la haute montagne. Elle vient d’arriver au village.

Elle me regarde longuement et s’assoit en face de moi. Ses doigts tissent, son regard dans le mien est profond. Nous savons déjà que les mots ne pourront nous satisfaire. J’accepte. Elle accepte.

Tonio, Juan s’approchent visiblement mal à l’aise pour aborder la surveillance des grossesses, de l’accouchement et des suites de couches. Il me faudrait une interprète féminine.

Quand Jane vient les chercher pour un pauvre chien famélique qui l’a émue, ils ne demandent pas leur reste et se précipitent… eux qui lui expliquent depuis 2 jours qu’en Colombie les chiens ne sont pas chouchoutés comme dans nos sociétés!

Nous, les deux sages-femmes nous nous sourions. C’est que ça devait être ainsi.

 

Le retour

Après le déjeuner, les embrassades d’Olga et de Ruta que nous invitons à bord…(viendront-elles avec Tonio?), nous entreprenons la descente, riches de tant de souvenirs, de tant de réflexions.

Les paysages somptueux défilent en 3 heures.

Jane réussit à intercepter un 2 roues pour préserver ses genoux mis à mal par le dénivelé… puis à dénicher une séance de massage pour les muscles endoloris arrivés à notre Finca (gîte chez l’habitant)! Enfin, elle nous prépare une tisane de feuilles de coca...

 

Les adieux aux Grands Frères

Nous prolongerons les adieux par une matinée shopping  avec Juan, Tonio et son fils, notamment à la recherche du produit que Patrick souhaite offrir pour entretenir l’installation solaire de l’école kogie.


Dernier matin dans la Finca, avec notre hôtesse au centre.
Julio, le fils de Tonio à droite
 

Nous sommes groguis. Joyeux et tristes. Nous voudrions étirer le temps….reculer l’échéance.

« N’oubliez pas » dit Tonio, « Nous sommes vos Grands Frères, il faut raconter ».

 

Un immense merci à notre traducteur Juan, sans lequel nous n’aurions pu avoir une telle qualité d’immersion.

 

Patrick prendra donc la plume le WE prochain pour un 2ème épisode

Au programme entre autre:

la fabrication ancestrale de la Panela à partir de la Canne à sucre

La participation kogie dans les instances internationales

Les bienfaits de la tisane millénaire de feuilles de coca.

En attendant les Seniors des Flots à bord de Croix du Sud vous embrassent.

Emplacement

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