Demain 15 novembre, le Canal! Alea jacta est !
Demain, après notre passage interocéanique, les dés seront jetés!
L’intensité de l’instant est … même plus forte que celle de notre départ de Camargue le 15 octobre 2021.
Car « pour revenir » notre Croix du Sud, devra enchaîner inéluctablement l’immense Pacifique puis le redouté Indien, ensuite descendre au 34ème de latitude Sud contourner la pointe sud de l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance.
Delà, les courants et les vents pousseront notre catamaran à traverser l’Atlantique Sud vers les températures plus clémentes du tropique du Capricorne brésilien.
Puis l’équateur franchit, Croix du Sud retrouvera hémisphère Nord, arc Antillais et tropique du Cancer, (autre constellation du bestiaire astro-logique/nomique) avec les départements de Martinique et de Guadeloupe pour se réparer et s’avitailler à la française.
Enfin, elle suivra les Alizés de la transat-retour, ceux qui d’Ouest en Est passent par les Bermudes et les Açores.
Oui, passer le Canal est un moment fort en émotion.
Ce crescendo nous habite depuis des mois: les portes de la première des écluses refermeront définitivement l’Atlantique derrière nous, le connu, « la maison ».
Avant nous pouvions toujours décider de pointer les étraves de Croix du Sud vers l’Europe. Après ce ne sera plus possible.
En attente à ShelterBay en face de COLON et sa zone FreeTaxe…
Pour l’instant nous attendons notre tour à ShelterBay, l’unique marina de la façade atlantique implantée dans une des anciennes bases militaires états-uniennes. Havre gazonné hollywoodien, verdoyant de quiétude tandis que si proche, mais invisibles se succèdent les processions de cargos.
Nous voilà amarrés ponton D. Un crocodile vit ponton F, près de …l’école de voile… paraît-il craintif??? Reste que le panneau d’ interdiction de se baigner est scrupuleusement respecté.
Nous en profitons pour organiser la 1ère révision réglementaire de notre radeau survie à COLON (celle des 4 ans).C’est une HERO, marque peu connue hors Europe. Le concessionnaire n’a pas été facile à trouver.
Acheter un nouveau karcher, hélas en 110! Acheter le futur antifouling JOTUN puisque dans le Pacifique il faut attendre…la Nouvelle- Zélande ou l’Australie pour retrouver des prix raisonnables….et préparer le bateau attaqué comme les autres par la corrosion , sous ses latitudes et avec le redoutable degré d’hygrométrie.
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Notre semaine à l’entrée de l’isthme le plus étroit entre les 2 Amériques est l’occasion de plonger dans l’histoire-aventure de la conception puis de la construction du canal de Panama, merveille de l’ingénierie du 20ème siècle débutant. On vous y emmène.
Sources: Le Monde diplomatique; Encyclopedia Universalis.
Marc de Banville, historien du Canal. Sciences et Avenir.
Dès le XVIe siècle, les Espagnols, conscients de l'intérêt d'un canal percé dans l'isthme de l'Amérique centrale, envisagent deux tracés, l'un au Panamá, l'autre au Nicaragua.
Le choix du Panamá s'impose avec la construction d'une ligne de chemin de fer dans le pays au milieu du XIXe siècle. Financée en partie par les États-Unis, déjà coûteuse en vies humaines, elle servira à amener hommes et matériel pour la construction du futur canal.
Le fiasco du projet français du Canal
La première tentative de percer un canal voit le jour en 1880, lorsque le gouvernement colombien (Panamá est une province colombienne) octroie une concession à la Compagnie universelle du canal interocéanique.
Cette compagnie privée, dirigée par le diplomate français Ferdinand de Lesseps, auréolé de son triomphe dû au percement du canal de Suez (1869), est financée par un emprunt lancé auprès de dizaines de milliers de petits épargnants français (sur 104 345 porteurs, 80 839 n'ont acquis qu'une à cinq actions).Lesseps contre Lépinay
Lesseps opte pour un canal à niveau, sans écluse, malgré les oppositions de l'ingénieur Adolphe Godin de Lépinay, qui connaît bien la topographie du Panamá.
Ce dernier propose d'utiliser les flots torrentiels des rios Chagres et Grande pour construire deux barrages à Gatún et à Miraflores et former deux lacs artificiels, puis de relier les lacs entre eux, en coupant à travers la ligne de partage des eaux et de joindre, ainsi, les deux océans par une série d'écluses.
Si Lesseps fait appel à des ingénieurs compétents, il ne prévoit pas de projet d'ensemble. Les machines utilisées pour percer le canal sont trop légères ou inadaptées
A la pelle
En 1880, commencent les travaux les plus titanesques jamais entrepris pour un ouvrage fluvial. Pendant six ans et sur une longueur de 80 kilomètres, 20.000 hommes - dont le peintre Gauguin, qui tente là de gagner sa vie - creusent à la pelle un plateau couvert d’une jungle épaisse, à 30 mètres au-dessus de la mer, afin d’atteindre le niveau de l’océan.
Les catastrophes s’accumulentTrès vite, d’immenses excavateurs à godets montés sur rails viennent en aide aux terrassiers qui se tuent à la tâche. Aux deux embouchures, des dragues monumentales sont spécialement conçues pour creuser plus profondément les fonds marins. Mais les catastrophes s’accumulent. Affaissements de terrain, inondations et crues soudaines des rivières emportent matériel et ouvriers, obligeant à construire dans l’urgence de gigantesques canaux de dérivation ou des barrages de rétention. Sans compter le paludisme , la dysenterie, la fièvre jaune, qui déciment plus de 6000 hommes.
Le triple du budget
Le chantier s’enlise et dépasse bientôt le milliard et demi de francs, soit le triple du budget initialement prévu et collecté auprès des banques et des petits actionnaires ! Un fiasco.
Sous la pression des ingénieurs et des financiers, Ferdinand de Lesseps se voit imposer un canal à écluses, beaucoup moins coûteux et plus rapide à construire.Eiffel en avance sur son temps
Pour sa réalisation, en 1887, il sort de son chapeau l’ingénieur français à la mode : Gustave Eiffel. "Jusque-là, les écluses fonctionnaient avec des portes busquées, c’est-à-dire s’ouvrant comme un portail.
En avance sur son temps, Eiffel propose un système très innovant d’écluses à portes coulissantes montées sur rails : exactement ce que feront les ingénieurs cent trente ans plus tard pour l’élargissement du canal", s’émerveille Marc de Banville, l’historien de référence du Canal.Refus des banques
Mais les banques, échaudées, ne croient plus au projet. Et elles jettent l’éponge, entraînant la ruine de milliers de petits actionnaires, alors que les premières portes, fabriquées à Nantes, sont déjà prêtes à partir pour le Panama.En 1889, la Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama, fondée par Lesseps neuf ans plus tôt, dépose son bilan.
Le plus grand scandale politico-financier de la IIIème république qui s’ensuit signe l’arrêt de mort du canal… dans sa version française. 1898.
Le projet est repris par les États Unis
En 1902, De Lesseps ruiné cède la Compagnie aux EtatsUnis.
Promettre la poule aux œufs d’or
Théodore Roosevelt œuvre à convaincre les bourgeois locaux de la province du Panama à se séparer de la la Colombie et de céder à perpétuité (tant qu’à faire!) l’ « usage, l’occupation et le contrôle d’une zone de terrains pour la construction, l’entretien, l’exploitation, l’assainissement et la protection du dit canal ».
Ainsi fut fait: le 4 novembre 1903 aidé d’une seule canonnière, sans combats ni morts, la province de Panama fit sécession. Et fut reconnue aussitôt comme nation par les États-Unis.
Les bourgeois reçurent une indemnité de 10 millions de $.Le 18 novembre 1903 naquit la « Canal Zone » 14KM dans laquelle Washington déploya 10 000 soldats distribués dans 14 casernes et forts.
C’est là où nous sommes.
La CanalZone
3 générations d’occupation
Les citoyens états-uniens furent grassement payés pour venir y vivre avec des avantages en natures de rêve.
Le lieu devint le centre d’entraînement des forces armées états-uniennes et d’Amérique latine, un centre d’espionnage continental, une base d’appui aux opérations de contre-insurrection.Il a servi de tête de pont pour de multiples interventions, secrètes ou non, menées par les Etats-Unis en Colombie, en Bolivie, à la Grenade, et particulièrement en Amérique centrale dans les années 80.
La restitution du Canal
Le traité de cession à perpétuité du Canal fut remis en cause à plusieurs reprises. Enfin le 31 décembre 1999, les Etats-Unis ont rendu au Panama la voie d’eau interocéanique qu’ils ont percée entre 1903 et 1914.
Si les dernières centaines de soldats états-uniens qui « gardaient le canal » sont parties, la plupart des multinationales sont restées attirées par la fiscalité avantageuse.
Demandez notre programme!
15/16 novembre 2024
A une moyenne de 6 noeuds (12KM/h), il faudrait 9 heures pour passer d’un océan à l’autre, mais en pratique cela ne se passe pas ainsi.
Une traversée typique du Canal de Panama consiste en deux transits d'une journée, donc au total entre 15 et 20 heures.
Le 1er jour
Il commence l'après-midi entre 14h et 17h. Pour nous, ce sera demain vendredi 15 novembre 24 à 16 heures.
Les différents types d’amarrage pour passer les écluses
- 1- Récupérer le pilote, baie de Limón (avant le pont majestueux de l’Atlantique)
- 2- S’engager dans le chenal d’accès . Le suivre pendant 11 km
- 3- S’amarrer aux compagnons de fortune, les autres plaisanciers monocoques ou catamarans dans une zone prévue à cet effet avant de
- 4- Passer les 3 écluses de Gatún qui nous monterons au lac artificiel Gatùn 26 m plus haut.
le barrage Gatun sur le Rio Chagres; le lac artificiel est également alimenté par les eaux du lac Alajuela
- 5-Mouillage pour la nuit (séparé des compagnons) au commencement du Lac Gatún jusqu’au lendemain 8h. Le pilote nous quitte pour la nuit.
Notre 2ème jour
Il sera plus long, avec le même pilote ou un autre, récupéré à 8 heures.
- 6- Navigation (toujours au moteur) sur le lac GATUN pour atteindre la ligne de partage des eaux. Fin du Lac Gatún.
- 7-Tranchée Gaillard 13km (du nom de l’ingénieur états-unien qui supervisa sa construction)
La retenue d’eau (425 km2 - 5,3 km3) permet en serpentant de contourner les sommets (transformés en îles) avec une profondeur comprise entre 14 et 26m. Pour nous ce sera 25,90m.
- 8- Écluses de Pédro Miguel pour descendre de 9 m
- 9- Arrivée dans le lac de Miraflores, traversée 2km
- 10- Ecluses de Miraflores pour descendre au niveau de la mer.
- 11- Chenal dragué de 11km pour gagner l’océan Pacifique
Notre périple se terminera le samedi 16 novembre entre 15h et 18h, en franchissant le Pont des Amériques.
Là, Croix du Sud retrouvera des véritables marées : les 4 mètres de marnage du Pacifique.
Nous avons réservé pour la nuit dans une marina proche de la sortie.
Préparatifs à - 24 heures du passage
Pour l’heure,
- nous avons protégé nos hublots et panneaux solaires avec notre stock de matelas pneumatiques et de tapis de yoga( protection contre les lancés intempestifs).
- notre agent Éric GALVEZ (Centenario-Consulting) nous a fait apporter en grande pompe à 6 heures 30 du matin mardi, les 4 aussières et les pares-battages officiels compris dans les 3000 dollars du package de la traversée. 3250 en 2025. Ça augmente chaque année.
- Nous nous appliquons à préparer les noeuds de chaises à l’une de leur extrémité que nous renverrons aux hand-liners qui accompagneront en marchant sur chaque berge embarcations de plaisance, moteurs au ralenti. (Les cargos eux sont tractés par des petites michelines sur rail, les mulas).
- Nous avons lu et relu la procédure envoyée par l’agent, intégré quand et à qui il fallait donner des pourboires et combien. Et surtout les suppléments que l’on risquait de payer si nous dérogions aux règles.
Nous avons re-visionné les YouTube et les Vimeo pédagogiques officielles pour nous montrer:
- les arrivées et les départs du pilote chaque jour (il ne passe pas la nuit à bord.. mais se fait nourrir sur les 2 jours d’1 petit-déj, d’1 déjeuner et d’1 dîner dont la composition nous est imposée - amende de 1200 dollars si on ne cuisine pas comme il faut ! Si si!)
- les différents types d’amarrage entre les bateaux dans les écluses.
- Les lancés de pommes de Touline et comment y frapper nos aussières.
- les mouillages sur le lac d’altitude Gatun où l’on ne se baigne pas : crocodiles.
- le maintient d’une vitesse d’eau moins 5 noeuds entre les écluses.
- la sortie dans le Pacifique après la dernière écluse descendante et la manière de restituer le matériel tout en continuant de naviguer.
6 à bord avec le pilote
Pour satisfaire à la réglementation drastique, en plus du pilote nous devrons être (au moins) 5 adultes (en forme) à bord : le capitaine à la barre et 4 palangriers (Hand-liners) pour tenir les aussières à l’avant et à l’arrière, à bâbord et à tribord.
Nous accueillons donc 3 plaisanciers (rencontrés à Bocas del Toros) qui ont choisi de ne pas mener leur propre bateau dans le Pacifique mais qui veulent cependant vivre l’expérience fascinante du Canal: Éric et Florence sympathique couple de sexagénaires bordelais qui sont à bord depuis 1 semaine (avec qui je pratique mes premières leçons de drone. J’espère vous montrer çà un de ces jours) et un quadragénaire autrichien qui embarque demain matin, David.
Pour conclure la facture pittoresque ET onéreuse: 2922 $
(3047 $ sans la réduction de membre PANAMA POSSE) environ 2900 Euros
- TRANSIT INSPECTION Inspection visuelle: 75 $
- TRANSIT TOLLS Droits de passage: 1600 $
- TRANSIT SECURITY Taxe de sécurité 165 $
- ELECTRONIC DATA COLLECTION SYSTEM Participation système de données électroniques 75 $
- FENDERS AND LINES RENTALS Location des Pare-battages et aussières 75$
- BANK FEES Taxes bancaires 60 $
- AGENT SERVICE FEE Prestations de l’agent 350 $
- PANAMA PERMIT CRUISING Permis de naviguer au Panama 235 $ (Déjà payé à notre entrée le 1er janvier 24))
- LINE-HANDLERS (100 $ each you need 1 capitaine + 4 hand-liners over yrs old) 400 $ (Nos équipiers)
- ÉQUIPEMENT & LINE LANDING FEE Taxe pour l’équipement des Hand-liners à bord 12 $
Réduction en tant que membre de OCÉAN POSSE , PANAMA POSSE 125 $
Les Seniors des Flots à bord de Croix du Sud vous embrassent et vous partage la devise du Canal:
La terre divisée, le monde uni
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