PALMONES DANS LA TOURMENTE
Au fond de la baie d’Algeciras, depuis 1989 deux communes du Rio Palmones et une cohorte d’associations ornithologiques ou environnementales se battent pour la préservation de leur estuaire très particulier: une enclave méditerranéenne aux caractéristiques atlantiques.
Ses alluvions sont recouvertes d'espèces végétales adaptées à des concentrations salines élevées. Front principal des oiseaux migrateurs lors de leur voyage intercontinental, la richesse ornithologique est très importante, avec plus de 350 espèces recensées. Je me plais à imaginer que certains font peut être aussi étape sur notre joli étang à PENESTIN sur l’estuaire de la Vilaine.
Face aux géants de l’acier (ACERINOX ci dessous qui jouxte les marais) et de la pétrochimie (CEPSA la plus grande raffinerie espagnole sur 150 hectares ! 12 millions de tonnes de pétrole par an), les défenseurs de l’environnement ont obtenu de hautes luttes (30 ans), l’intégration dans le réseau Natura 2000 de 113 hectares comprenant marais d’eau saumâtre et cordon côtier de 750 m de dunes.
Cela mérite le déplacement. Le mouillage face aux dunes est d’ailleurs répertorié par Navily, l’appli des marins « qui jettent l’encre » où nous participons en tant que SDF: Séniors Des Flots.
Une promenade de santé pour Croix du Sud que nous menons au louvoyage face à un vent d’Ouest idéal pour aller s’ancrer…de l’Est, à l’Ouest de la baie.
Patrick aux manoeuvres, moi à la barre. Deux heures à slalomer entre les cargos, à gérer le dévent du à leur hauteur.
Les fonds remontent rapidement et un ressac nous fait craindre une nuit agitée proche de la belle plage. Nous restons donc à bonne distance sur des fonds de 7-8m.
Aller à terre en annexe est le programme festif du lendemain, jour de la Saint Patrick. Deux petits rouleaux déferlent devant l’entrée du Rio marquant la fin de la dune qui doit obstruer l’entrée par basse mer de forts coefficients . Mais nous sommes à marée haute et par vent de terre donc l’annexe franchit aisément les deux vagues.
Le Rio PALMONES a donné son nom au village de 1200 âmes qui affiche désuettement son passé gastronomique de pêche et de conchyliculture compromis par la pollution.
Nous choisissons un ponton pas trop vétuste pour notre annexe que nous sécurisons avec un cadenas. Patrick a recouvert notre 15CV SUSUKI trop neuf d’un sac poubelle et lui aussi est cadenassé au semi-rigide. Autant prendre tout de suite de bonnes habitudes puisque annexes et moteurs hors-bord sont notoirement des appâts appréciés, quelque soit le continent.
La configuration de PALMONES est simple et pavée: une jolie promenade « de santé » et de jeux pour enfants en bordure de rivière où malheureusement gisent nombres de carcasse de barques; une parallèle: la rue « gastronomique » dans un unique sens et derrière son homologue dans l’autre sens, avec de minuscules rues traversantes. Les petite maisons sont accolées sans jardins avec leurs fenêtres et portes garnies non pas de volets comme chez nous mais de ferronneries qui maintiennent des potées de plantes fleuries.
14H30. Nous sommes étonnés de voir tant de restaurants, bistros et autres terrasses remplis pour le déjeuner dans un si petit village… c’est qu’au bout, étonnamment invisibles derrière des arbres, grouillent des LEROY MERLIN, CARREFOUR, Décathlon, LIDDL et autres galeries consuméristes. Les employés ont ici leurs habitudes.
L’endroit est donc presque idéal pour les navigateurs sans voiture…un accès bucolique en annexe, une flânerie pittoresque, des commerces à profusion à 10mn de marche…
Outre les denrées pour nos sacs à dos, notre excursion profite d’un arrêt musical à la terrasse d’un restaurant de tapas. Ambiance chaleureuse très méditerranéenne. On s’apostrophe d’une table à l’autre, on s’accollade, et en ce 17 mars, on vient féliciter Patrick …pour sa fête.
La marée descendante nous incite à la prudence au retour, les deux vagues sont un peu plus hautes…mais « ça le fait ».
Nous remontons l’annexe sur le portique arrière en devisant sur les éventuelles améliorations à apporter aux palans pour rendre cette fréquente manoeuvre encore plus simple et aisée.
Un coup de vent d’Est étant annoncé pour le WE, nous levons l’ancre le vendredi pour retourner nous abriter de l’autre côté de la baie… à l’Est, sous le Rocher de Gibraltar. Un seul beau bord de près, Grand Voile haute.
A notre arrivée, 2 monocoques français (un couple seul et un autre avec 2 enfants d’une dizaine d’années) sont dejà mouillés et s’affairent pour préparer leurs bateaux aux 30 noeuds attendus.
Nous avançons notre catamaran largement devant eux. La Spade est mouillée à 4.50 m de profondeur et le guindeau dévidé à 50 de ses 80 mètres. Nous rentrons ce qui pourrait s’envoler et activons l’application ANCHOR pour surveiller la position du bateau et son aire d’évitement.
Le samedi, après une jolie régate matinale de J80 (installée trop près de nous), le ciel brièvement dégagé nous permet en 1 heure 30 de cuisiner au four solaire nos bananes au sucre vanillé de Madagascar.
RECETTE du BORD: Sortir de son petit banc-coffre le four (L= 70cm) et viser la poignée de bois/ Placer une feuille de papier cuisson au fond du tube inox/ Étendre les bananes coupées puis saupoudrer avec le sucre vanillé/ Enfiler le tube inox dans le tube de verre= le four est prêt / Régler la mire pour obtenir la meilleure exposition solaire.
Le vent ne monte vraiment que dans la nuit de samedi à dimanche. Comme l’appli ANCHOR inquiète Patrick par ses alarmes intempestives aberrantes, je propose de veiller, à l’ancienne, pour surveiller avec 3 alignements un éventuel dérapage: j’aligne notre cadène tribord avec le réverbère du quai et au loin le local à outil de la marina et je mets sur l’iPhone, un rappel musical tous les quarts d’heure.
La soirée commence par « Claire Andrieux » un film ARTE (en 4G grâce aux data de ma carte SIM prépayée espagnole qui expire le 24 mars), se poursuit, pour moi, avec des lectures étonnantes sur l’économie souterraine en Andalousie, plaque tournante de trafics illégaux avec le Rif marocain producteur de hachich et de cannabis (facilement mesurable par la teneur croissante en pollen de cannabis dans l’air ambiant). Cette narco économie représentait déjà en 2010 officiellement 0,5% du PIB espagnol; la prostitution associée 0.35% (Géopolitique du XXIème siècle, Nacima Baron et Barbara Loyer), tandis que s’effondraient l’artisanat et l’entreprenariat local, se multipliaient les interdictions de pêches et de conchyculture dues aux pollutions. PALMONES ancien village de pêcheurs est bien DANS LA TOURMENTE!
Patrick stoïque s’attaque à ses opérations bancaires, puis rejoint Morphée à 4H40.
La nuit se termine pour moi avec la rédaction de cette newsletter dominicale et un bon petit déjeuner au lever du jour (chocolat chaud et tartine de confiture de quetsches de notre jardin de Vaux) …comme lorsque je finissais mes gardes de sage-femme au petit matin.
Relève de ma veille à 9H! Le mouillage de Croix du Sud se comportera à la perfection jusqu’à la défervescence d’Eole vers 13 heures, ce dimanche. Je maudis cette appli alarmiste…qu’il va de toute façon falloir apprivoiser!…et pars me coucher.
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