notre traversée de l'atlantique (par Joël)

notre traversée de l'atlantique (par Joël)

Posté par : Joel
25 Novembre 2012 à 01h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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4 novembre,

 

Départ du mouillage de Sao Pedro à Sao Vicente (Cap Vert) à 9h09 avec encore 2102 miles. L’heure du bord est actuellement GMT et le restera pour une bonne semaine sans doute.

 

C’est vraiment parti vers 14h quand le vent s’est enfin levé à 10/12 noeuds. GV plus geenacker à un bon 6 nœuds.

 

Ce matin, on a tout mis, solent, spi et geenacker avant de laisser GV seule pour déjeuner tranquille dans le calme plat. C’est le moment qu’à choisi une goupille d’axe de poulie d’écoute de GV pour se faire la malle. Une chance, toutes les pièces sont tombées sur le bateau. On a bricolé une goupille avec un bout de porte-manteau métallique et voilà de la réparation faite pour durer. Le problème, c’est cette houle très courte de 5 à 7 secondes créée par les îles. La bôme et la GV claquent souvent. Pour minimiser les coups de butoir, on a légèrement surbordé la voile et serré le frein de bôme. On perd un peu en vitesse mais le matériel se porte mieux.

 

A 17h, la dernière terre disparaît.

 

Depuis ce matin, 2 lignes de pêche à la traine. Il faut dire que l’ETA étant prévu dans plus de 200 jours, il fallait quand même prévoir un complément alimentaire. Midi, salade de riz composée (tomate, concombre, pousse de soja, saucisson, fromage) et ce soir cote de porc/pdt sautées et salade.

 

Je suis de quarts de 19h à 22h30 puis de 5h30 à 9h. C’est la meilleure séquence et on y voit le coucher et le lever de soleil. Bernard fait 22h30 à 2h du matin. C’est un quart que j’aime bien. Pierre Henri fait le 2h à 5h30. Celui là je ne l’aime pas beaucoup. Ça sera mon tour la nuit prochaine.

 

Comme prévu, beaucoup de sud dans notre ouest, ce qui fait des VMG de 1 ou 2 nœuds, donc ETA dans 100 jours, on s’améliore.

 

 

 

5 novembre, ça commence de bonne heure. A minuit 30, Bernard nous réveille, le vent a monté et tourné. On rentre le geenacker, empanne et envoie le solent. Le temps de faire la manœuvre le vent est retombé à 11 nœuds et a reviré.

 

3h30, Pierre Henri me réveille. En fait il voulait réveiller Bernard mais celui-ci ronflait trop fort, arme de dissuasion massive. Nouvel empannage.

 

A 9h, il faut le constater 41 miles sur la cible pour le premier jour, ETA 50 jours, ça s’améliore. (pour rassurer tout le monde, c’était prévu, on va chercher le vent dans le sud).

 

Après météo Annie par mail et Navimail par Iridium, on empanne vers 10h30 sous geenacker et plein ouest avec une bonne VMG, enfin. L’équipage dort beaucoup aujourd’hui mais fait honneur à la tagine de poulet au citron à midi. Des oiseaux nous saluent, des blancs avec une longue plume caudale, d’autres comme de grandes hirondelles.

 

La pêche a repris, un poisson a coupé mon leurre en emportant l’hameçon et me laissant le poisson de plastique sans crochet. C’est un double leurre qui a peu de chance de rapporter gros.

 

L’alternateur charge plein pot, le désal toujours OK, par contre on décoince le point d’amure de la GV à coups de marteau. J‘adore le bricolage quand ça devient un peu bestial. Il a du être bloqué par le sable de Las Palmas et on ne s’en était pas rendu compte avant. J’avais débloqué avec le même outil l’axe du frein de bôme à Mindelo.

 

La mer est plus calme qu’hier, mais il y a 2 trains de houle qui se croisent à 90 degrés.

 

On navigue avec le bimini et son rabattant coté sud. On range tout ça le soir par sécurité. Longe de porc braisée, purée d’igname, sauce poivron/tomate. C’était rudement bon.

 

Je perds mon bas de ligne et la planchette, l’émerillon a cédé.

 

 

 

Mardi 6 novembre, 2h, je prends mon quart, 1980 miles, c’est la date de naissance des jumeaux et de Mathieu. Pierre Henri vient de faire un quart record à 6 nœuds de VMG en moyenne. Bernard a eu moins de chance, le vent était plus faible.

 

Le vent augmente et on décide de remplacer le geenacker par le solent pour petit-déjeuner tranquille. 8h3O, drisse larguée, le geenacker ne tombe pas. On s’y pend, on fait levier avec une écoute et le guindeau, rien n’y fait. Il faut monter en tête de mat pour défaire le mousqueton du geenacker. GV affalée pas trop face au vent pour ne pas dérouler le geenacker. Pierre Henri s’y colle. On adapte le cap pour minimiser tangage et roulis mais il y a quand même 14 nœuds de vent, alors ça remue. Pierre Henri monte avec un bout pour assurer la tête de geenacker et permettre de contrôler sa chute. Il enroule le bout sur une marche de tête de mat pour servir de guide et de frein, réussit dans de superbes mouvements de balancier à accrocher son bout en tête de geenacker et à détacher le geenacker de sa drisse. Récupération de la voile sur la plage avant rapide et sans problème. On descend notre bouteille d’orangina de sa tête de mat. Moment de félicitations et de récupération intense. 11h, GV et solent hauts, bateau rangé, bimini déployé, c’est enfin l’heure du petit déjeuner pour contrer une hypoglycémie qui nous étourdit un peu.

 

Au prochain vrai calme plat, on remonte voir la drisse. En attendant plus de spi ou de geenacker, mais avec le vent actuel, ce n’est pas un handicap. 128 miles de route efficace pour le deuxième jour, la moyenne s’améliore. Ça nous fait une traversée en 25 jours sur la moyenne des 2 premiers jours, chaque jour on divise notre durée par 2 mais ça va se calmer.

 

On reconnaît l’équipier de quart, c’est celui qui est chaussé, a des gants de manœuvre, une brassière et est toujours attaché, plus une frontale la nuit. Les autres, en conditions normales de jour, peuvent être sans rien dans le cockpit. Brassière et longe si ils quittent le cockpit sauf de rares exceptions ou pendant la nuit. Sous moteur, de jour, les consignes de sécurité peuvent être allégées.

 

 

 

Mercredi 7 novembre. Le vent se maintient à 14/18 nœuds, ce qui nous permet une bonne moyenne (148 miles pour le jour 3 sur la ligne directe).

 

Cette nuit, des lumières à l’arrière, je me demande si c’est notre  premier bateau depuis le Cap Vert  et vu la lumière c’est surement un gros paquebot de croisière ? Quelques instants plus tard, la lune finissant d’émerger des nuages à l’horizon me détrompe. Un désert complet depuis le départ. On est sur les lignes Afrique/Amérique du nord et il n’y a pas un bateau tous les jours ou même semaines. A partir du 45ème de longitude, on croisera la route des cargos Amérique du sud/Amérique du nord. Il y aura peut-être plus de monde.

 

Fête aujourd’hui : douche sur la plage arrière. On met deux aussières, une à la hauteur des cuisses, l’autre du torse, bien tendues, ce qui empêche de dépasser la jupe même en se penchant en avant; on assure le seau aux marches ; un équipier surveille, bouée phoscar à portée de main ; l’autre à la barre prêt à manœuvrer. Ça se passe sans appréhension et dans un sentiment de grande sécurité. Lavage à l’eau de mer à grands coups de seau (le premier saisit un peu, l’eau n’est qu’à 28,3 degrés), rinçage final à l’eau douce de la douche de pont. Que du bonheur, on en frissonne de plaisir et de la fraicheur retrouvée.

 

Bernard a nettoyé la carré, c’est spectaculaire.

 

On a toujours une houle croisée, une trois quart arrière correspondant au vent, qui a grossi en 24h mais qui ne pose pas de problème et une qui arrive de travers au bateau et qui toutes les 3 à 5 minutes nous envoie un grand coup de roulis qui fait claquer les voiles, valdinguer ce qui est mal arrimé et ralentir le bateau. Cette dernière a faibli depuis hier et les coups de roulis sont moins marqués. Ça deviendrait presque confortable.

 

Un oiseau attaque mon leurre au bout de la ligne de pêche. S’il trompe les oiseaux, il devrait tromper aussi les poissons, à moins que je sois tombé sur le Rantanplan du oiseaux du grand large. En remontant la ligne, je m’aperçois qu’il m’a bouffé l’hameçon. Encore un leurre de foutu. Merci Rantanplan.

 

Des grains, les premiers de la traversée, nous évitent, un devant, un derrière.

 

Bernard nous prépare un  thé vert à 17h, Pierre Henri nous met Bob Marley en sourdine, on épuise tous les romans policiers du bord (de qualités très inégales), journée de farniente après un départ un peu perturbé par des incidents.

 

La météo prévoit un renforcement du vent cette nuit, on va prendre un ris (finalement on en prend 2 pour assurer), ça ne va pas beaucoup nous ralentir et ça va modifier les points d’usure sur la GV. Les sangles du point d’amure ont continué à s’user et sur les 3, ça ne tient plus que par une et demi. Il faudra bien un jour se décider à l’amener chez un voilier, mais le démontage des chariots à billes le long du mat va nous faire repousser cette échéance au maximum. Si ça cède, on pourra toujours continuer avec un ris. On modifie les réglages des écoutes de GV et de solent de quelques centimètres tous les jours pour faire varier les points de ragage. La GV est volontairement trop bordée pour limiter l’usure le long des barres de flèche. On surveille notre matériel comme le lait sur le feu.

 

Aujourd’hui nous terminons la viande fraiche embarquée à Mindelo, reste du poulet au citron avec du riz ce midi, restes de boudin (délicieux) et de longe de porc (très tendre) ce soir avec  pates, sauce et fromage. Il reste encore pas de mal de légumes, de fruits et tous les œufs.

 

 

 

Jeudi 8 novembre, le temps a changé : orages et chute du vent qui tourne dans tous les sens. On a renvoyé les ris et viré de bord, mais le vent est maintenant de face, secteur ouest. La VMG souffre, 137 miles le jour 4, mais le jour 5 risque de faire beaucoup moins.

 

10h, le vent monte brutalement à 25 nœuds, 2 ris et trinquette sous une belle averse tropicale. Sitôt fini, le vent retombe à 9 nœuds mais se maintient ouest. Les fichiers grib sont têtus : ils nous prévoient de l’est. Avec du vent d’ouest, on ne fait plus route du tout. Par contre coté pluie, il semble que l’on va être servi pendant au moins 5 jours. Cap plutôt sud en espérant échapper aux trombes d’eau prévues au nord du 15 ou 16ème  . Bernard s’est sacrifié pour les manœuvres à l’avant, il est trempé et parti se sécher et se changer (merci). On ressort les pantalons de ciré, ça fait tout drôle. Le bateau est bien rincé mais grâce au bimini la descente et le coté sous le vent du cockpit sont assez bien protégés.

 

Malgré notre faible vitesse, nous doublons un troupeau de 6 baleines (toutes noires, environ 10 mètres de long) qui nous méprise royalement, rien à voir avec les exhibitions des dauphins. Toujours ces oiseaux, espèces de goélands gris et blanc sale, qui nous accompagnent, attendant sans doute mon prochain essai de pêche. Ça ne sera pas pour aujourd’hui.

 

Le vent tombe à moins de 5 nœuds. Pour manger tranquille, on ramène la toile pour mettre le moteur en direction d’une éclaircie. 30 minutes plus tard le vent revient de secteur nord-est, on remet la toile, la tache de bleu s’élargit. On lui court après, mais le vent tombe en bordure nuage/ciel bleu. Heureusement le soleil dans sa course passe sous les nuages et nous permet de sécher un peu nos affaires.

 

22h, un paquebot en provenance des Canaries et à destination des Caraïbes nous double à 2 miles. 2 avions dans le ciel cette nuit, plus un reflet au loin non identifiable. La nuit s’est repeuplée. Le paquebot nous confirme une prévision de vent de 15 nœuds. En fait toute la nuit, on se bat avec un vent de 3 à 5 nœuds contre la houle qui fait claquer violemment les voiles.

 

 

 

Vendredi 9 novembre, minuit trente. Pierre Henri me réveille pour me montrer un bel orage sur l’arrière. C’était majestueux et impressionnant, un champignon atomique en explosion permanente, éclairant parfois le bateau bien que se trouvant à au moins 20 km ; nous empannons pour nous écarter de sa trajectoire probable. Se déplaçant à notre vitesse, il nous accompagnera toute la nuit, faiblissant progressivement en intensité. Effrayant.

 

Cette nuit, malgré l’absence de vent et de pluie, c’était pantalon et polaire, de l’air frais venu du nord sans doute. On voit des nuages défiler en altitude devant la lune assez rapidement mais rien au niveau de l’eau.

 

54 miles ces dernières 24h pour le jour 5, une grosse absence de vent qui donne un ETA pour dans une trentaine de jour. Pour l’instant on slalome entre les grains qui n’amènent pas de vent. Le bateau gémit et grince de partout mais les tournées d’inspection ne montrent pas de nouveaux points d’usure.

 

Miracle vers 17h et après 20 heures de pétole, on touche enfin un peu de vent, c’est à dire plus de 9 nœuds.

 

En dessous de 4 nœuds de vent, c’est la houle qui commande. Ça bat de tous les cotés et le mieux est de tout affaler et soit d’aller dormir en attendant un vent meilleur, soit de se déhaler au moteur comme on l’a fait une heure ce midi en chargeant les batteries. Entre 4 et 6 nœuds, on n’est pas maître de la trajectoire, il faut créer son propre vent et on arrive à faire du 3 nœuds mais la houle massacre assez souvent les efforts conjugués du barreur et du pilote. Au delà de 6 nœuds, on commence à faire du portant (en général, c’est ce qui nous emmène vers les Caraïbes). A partir de 8/9 nœuds, le bateau démarre vraiment et on commence à appliquer la règle dite de Patrick : vitesse du bateau au portant = vitesse du vent réel divisée par 2. Cette règle s’appliquant jusqu’à la vitesse limite du bateau bien sur.

 

Apéro pour fêter le quart du chemin passé à 15h (ça s’extrapole à 21 jours pour la traversée). Après un peu d’hésitation due à l’euphorie du vent retrouvé, on prend néanmoins un ris pour la nuit. Bonne option, à 23H, j’ai du 22 nœuds établi. Marre de l’entendre battre, je rentre le solent. Le vent se stabilise à 17/20 nœuds et on a une VMG souvent supérieure à 6 nœuds.

 

A propos d’apéro, je vais décevoir nos aficionados, on n’a toujours pas terminé notre quatrième litre de vin depuis le départ des Canaries, il y a un mois.

 

 

 

Samedi 10 novembre, 1h15, de retour des WC, Pierre Henri me fait la causette. C’est sympa car en fin de quart le sommeil guette.

 

Toujours ces oiseaux autour de nous dont nous avons compris le jeu : ils attendent que notre masse effraie les poissons volants pour en gober un. Jeu difficile dont les poissons sortent gagnant la plupart du temps. Il faut dire que les oiseaux doivent avoir un mauvais manager : pas assez nombreux et pas solidaires, l’organisation laisse à désirer.

 

Toujours un vent entre 17 et 24 nœuds sous GV 1 ris seule. Ça permet des petits surfs sur vagues où fugitivement j’ai vu apparaître 8,4 en VMG. Par contre on a toujours cette houle croisée assez inconfortable. Heureusement que l’on est tous les 3 bien amarinés.

 

112 miles le jour 6, la moyenne remonte.

 

On avait prévu la douche sur la plage arrière pour aujourd’hui, mais on va attendre une accalmie.

 

Le café soluble a pris en masse : on transfère les blocs dans un pot à confiture vide et on dilue pour faire du concentré de café solubilisé. Déjà qu’un café soluble, c’est pas terrible, là ça va devenir une punition.

 

Thé vert et tarot à 16h, c’est rare de se retrouver ainsi tous les 3 en dehors des heures de repas.

 

Le vent a légèrement faibli à 18/20 nœuds mais les fichiers grib nous prévoient quelques jours de pétole pour la semaine prochaine. Espérons qu’ils se trompent comme il le font depuis quelques jours.

 

On en profite pour envoyer la trinquette afin d’améliorer l’équilibre du bateau et soulager le pilote qui tape la brasse papillon parfois dans la houle. Après le tarot et en battant notre record de présence en mer continue qui datait de la traversée Canaries – Cap Vert, on largue le ris. Tout est relatif, hier après 20h avec un vent à 6 nœuds, 18 nœuds nous paraissait  la tempête. Aujourd’hui, après 10h à 20/24 nœuds, 18 nœuds nous paraît presque la pétole. On s’est aussi habitué à la houle et les vagues de 3 à 4 mètres qui arrivent par l’arrière ne nous impressionnent plus.

 

Une grande traversée, c’est aussi le tri sélectif. Deux catégories : ce qui coule et ce qui flotte. Tout ce qui coule part à l’eau sauf si toxique (en fait seulement les piles usagées qui ont une petite boite plastique pour les recueillir). Pour ce qui flotte, soit c’est biodégradable et ça part à l’eau soit ça contient du plastique et c’est nettoyé à l’eau de mer si besoin et stocké. Sous l’évier on a ainsi 2 poubelles, la normale pour bailler à la mer et un sac plastique pour remplir un sac poubelle de 100l qui est stocké dans le coqueron et qui sera largué dans le premier port. Le principal volume du sac plastique est constitué des tetra-bricks de lait et de jus de fruit. Quant aux piles, je ne sais pas trop où on va trouver un tel tri sélectif dans notre périple. Le principal danger des déchets est la fermentation et le risque de montée en température et d’auto-inflammation. Pour les nez délicats, il peut aussi y avoir le problème des odeurs mais avec un équipage qui se lave au mieux tous les 3 jours, il y a pire J.

 

 

 

Dimanche 11 novembre : le vent est brusquement tombé à 8h. On n’avance plus et on discute d’une stratégie de déhalement au moteur. On a quand même fait 139 miles ce septième jour et 758 miles depuis le départ.

 

Sitôt moteur mis, sitôt vent revient (un peu). Donc c’est sous GV et solent que l’on prend une douche sur la jupe arrière.

 

Dimanche midi, une première peut-être mondiale : chips de manioc rissolés dans de la graisse de canard du sud-ouest pour accompagner le confit de canard. Salade de tomates vertes et chou chinois en entrée et salade de fruits accompagnée d’un sablé à la noix de coco en dessert. Le tout arrosé d’un vin rouge qui fut aussi servi pour l’apéro. Là je vais encore décevoir nos fidèles suiveurs, celui qui a le plus bu avec la complicité vicieuse de la houle, c’est le cockpit qui s’est envoyé 4 verres plus ou moins pleins. Le bermuda de Pierre Henri a aussi eu sa dose. A ce niveau là, ce n’est plus de la maladresse, c’est de l’acharnement.

 

Le dilemme avec la houle, c’est qu’on ne peut pas laisser la voile haute pendant les séquences au moteur. Ça claque trop dans tous les sens et exerce des forces disproportionnées sur le vit-de-mulet, les lattes,  l’écoute et ses réas. Le résultat, c’est que l’on a tendance à attendre trop pour mettre le moteur quand le vent faiblit et trop pour remettre la voile quand il revient.

 

A 13h, il fut midi trente, premier changement horaire déclenché par le passage du méridien 37°30’. Celui qui devait faire un quart de 3h a fait un quart de 3h30 (ceux qui ne suivent pas doivent potasser les épisodes précédents).

 

Comme la météo nous prévoit 4 à 5 jours de pétole, on a phosphoré et mis au point une stratégie performante (comme toujours) pour garder le moral.

 

Les paramètres pris en compte sont les suivants :

 

Le cap de notre waypoint (288 degrés aujourd’hui) et une tolérance de + ou – 30 degrés autour de ce cap

 

La force du vent et l’angle maximum du bateau au portant en fonction de cette force pour que le bateau avance sans trop martyriser le gréement. Par exemple pour 6 nœuds de vent réel, l’angle maxi est de 115 degrés, pour 10 nœuds 150 degrés, etc...

 

La direction du vent.

 

Bernard voulait ajouter un paramètre concernant la houle mais on lui a fait comprendre que bien que ce soit très pertinent et judicieux , ça suffisait comme ça peut-être comme ça.

 

Ces paramètres nous donnent, entre 5 et 9 nœuds de vent, un cône de direction du vent dans lequel ça ne sert à rien de mettre les voiles : on n’avancera pas ou si on fait route, ce serait dans la mauvaise direction et avec une VMG très faible. En ce cas, ou si le vent est inférieur à 5 nœuds, de jour, moteur à 1200/1300 tours par minute pour une VMG de 4 et de nuit, on affale tout et dodo, l’homme de quart vérifiant toutes les heures le bon vouloir du vent.

 

On s’est vraiment éclaté à faire nos calculs et à définir cette stratégie, on n’est pas un bord d’ingénieurs pour rien.

 

Sur une suggestion de Bernard, on a mis la dérive bien qu’on soit portant. Le roulis a immédiatement diminué, stabilisant la route du bateau et facilitant les déplacements. C’est imperceptible sur la vitesse du bateau car la trainée supplémentaire est plus que compensée par la stabilité de route.

 

 

 

Lundi 12 novembre. On devient des experts de la pétole. On fait une VMG supérieure à 4 nœuds avec 5 à 6 nœuds de vent réel au portant. On a ainsi fait 91 miles ce 8ème jour avec pas plus de 4 heures de moteur.

 

10h40, voiles affalées et au moteur, Pierre Henri prend son courage et sa motivation à 2 mains sur sa chaise de calfat et remonte en tête de mat. Diagnostic clair : la drisse est coincée entre la réa abimée et sa joue. Vu le montage de tête de mat, c’est sans doute le spi symétrique qui abime la poulie. Il faudrait ajouter un œillet directionnel de protection. On décide d’envoyer un mail à Marc d’Allures Yachting, on lui parle aussi de notre problème de VHF. Ca confirme ce que l’on avait anticipé : pas de spi ou de geenacker pour cette traversée, ce n’est pas un cadeau avec la pétole.

 

Toujours des oiseaux. Le longue queue déjà décrit et une mouette blanche genre de colombe qui fait mine de se poser sur le bateau. Je vais mettre fin à une légende : les navigateurs d’autrefois qui, voyant des oiseaux, savaient qu’ils s’approchaient des terres, c’est du pipeau ou de l’imprécision. Pour se rapprocher de la réalité, soit ils voyaient plus d’oiseaux, soit plus vraisemblablement ils voyaient de nouvelles espèces qui s’éloignent peu des côtes.

 

 

 

Mardi 13 novembre , 1h du matin, marre d’entendre battre de tous cotés et surtout inquiet pour la tenue du matériel, le vent à 4 nœuds au 120, pile poil dans le cône interdit, j’affale tout et je vais me coucher. Le bateau roule abondamment mais le gréement ne détonne plus de toute part. Essai de renvoi de la toile à 5h par Bernard et Pierre Henri, échec. Moteur, 1200t/mn, à 9h selon la stratégie globale décidée. On a environ pour 200 heures d’autonomie à cette vitesse là, soit presque 800 miles au moteur. J’espère que l’on touchera du vent d’ici là.

 

Petit bilan pour le 9ème jour avec 64 miles parcourus sur la ligne directe, il en reste 1189 sur les 2102 au départ de Sao Pedro.

 

Il y a peu de choses à raconter sur une journée de pétole. Tarot, apéro, dodo. Ah, si ! j’allais oublier, j’ai repris la pêche hier. Pierre Henri a remonté la ligne cette nuit quand le leurre a dépassé le bateau.

 

Pierre Henri fait le pain tous les 3 jours environ. Il en prépare 2 d’un coup. Amorcer la levure dans un peu d’eau tiède jusqu’au début de l’effervescence. Mélanger à la farine et malaxer la pâte jusqu’à obtenir une boule élastique et homogène. Mettre 30 à 60 minutes à plus de 30 degrés. Le coffre moteur est un très bon endroit. Pierre Henri met la boule dans un saladier et vise le moment où l’on démarre le moteur pour recharger les batteries, ou, comme maintenant, pour faire route dans la pétole. Ensuite, il re-malaxe et fait 2 boules. Dans la cocotte, un fond d’eau, une barquette d’alu pour surélever le pain mis dans la barquette d’alu du dessus. Il ferme la cocotte et c’est parti pour 30 à 40 minutes. Au choix, pain de campagne, brioché, aux céréales ou pain blanc. Ce sont des pains conservés dans un sac plastique qui ne durcissent pratiquement pas

 

On a scruté météo Annie (passageweather) et météo Navimail. Ça devrait être mieux cette nuit mais on est parti pour une douzaine d’heures de moteur.

 

L’avantage du moteur, c’est que les 2 cabines arrières se transforment rapidement en sauna sans frais d’installation supplémentaires. De plus avec l’isolation du compartiment moteur, la chaleur diffuse de nombreuses heures après l’arrêt du moteur. On peut profiter de la relative fraicheur et du silence retrouvé de la cabine avant quand Bernard est de quart. Un intermédiaire, les banquettes de la carré.

 

15h, le vent dépasse les 2 nœuds, puis s’enhardit et vers 17h il flirte avec les 6 nœuds. Après avoir visité la rose des vents, il s’oriente nord-est (c’est bon pour nous). On termine la douche et hop, 17h30, on arrête le moteur (enfin)  et hisse GV et solent. On  se passe un petit Miles Davis en sourdine. Le vent en profite pour tomber à 5 nœuds. On persiste et maintenant 20h30, il est à 9 nœuds. Que c’est doux le gloussement glougloutant de l’eau le long de la coque ! le plus étrange, c’est que c’est conforme à la météo.

 

 

 

Mercredi 14 novembre : une risée à 19 nœuds devant un grain et une VMG, un instant, à 8,9, record à battre.

 

Depuis pratiquement le départ avec l’exception d’un jour ou deux, le scénario se répète : matin avec alignements de cumulus inoffensifs ; après midi quelques cumulus se congestionnent et vont donner les grains de la nuit et du petit matin et ça recommence. Depuis une semaine, plus d’orages. Par contre la force du vent paraît indépendante de ce cycle nuageux. On a eu des pétoles de matin, d’après midi et de nuit.

 

Pour le dixième jour, 105 miles de parcourues, c’est dans la moyenne, mais 8h30 avec le moteur.

 

Un oiseau à envergure impressionnante nous survole avant de s’éloigner. Une frégate ? On est à 900/1000 miles de la terre la plus proche.

 

16h08, GMT – 0h30, 1052 miles à parcourir, 1052 miles de parcourus sur la route directe en 10 jours, 7 heures et 38 minutes, pas un temps record mais ce n’était pas l’objectif. Apéro monstre pour ce soir.

 

On a rallongé la route de 2 miles en positionnant le waypoint sur English Harbour d’Antigua plutôt que sur le sud de Barbuda. Modification justifiée par 2 raisons :

 

- l’arrivée sur Barbuda n’est pas facile et les autorités pas toujours présentes pour le clearing. L’amende en cas de « trespassing » est dissuasive d’après les infos reçues.

 

- vu que la traversée sera un peu plus longue que prévue, j’ai revu le circuit touristique à la baisse. Plus d’aller-retour entre Barbuda et Antigua, St Kitts et Nevis à la trappe. Il reste de beaux mouillages à faire et la simplification du parcours permettra de prendre son temps. Il faut aussi réserver quelques jours pour les réparations potentielles à St Martin. On vise une arrivée Tortola le 13 décembre.

 

Jeu des pronostics pour une arrivée à Antigua : moi, le vendredi 23 (sans doute un peu optimiste comme d’habitude pour une moyenne de 115 miles par jour) , Pierre Henri le dimanche 25 (sans doute le meilleur choix pour une moyenne de 95 miles par jour), Bernard le lundi 26 (ça nous promet de la pétole pour une moyenne de 87 miles par jour).

 

En attendant, la météo nous prévoit au moins 3 à 4 jours avec du vent.

 

Les cargos : jusqu’à présent on était sur des routes Afrique/Amériques et on ne peut pas dire que ces lignes nécessitent l’instauration de rails de séparation de trafic. Un zéro pointé sur les 10 jours.  A cette masse de non cargos va maintenant s’ajouter les lignes entre le Brésil et l’Argentine et les côtes atlantiques des USA et du Canada. On va sans doute raccourcir notre intervalle de veille de 30 à 25 minutes au moins.

 

On a donc alerté Marc du chantier Allures au sujet de nos problèmes de VHF et de réa de drisse de geenacker. A sa demande on vient de lui envoyer des précisions que l’on avait omises dans notre premier mail. L’iridium, c’est une belle invention même si diagnostics et réparations à distance sont toujours difficiles.

 

Soupe chaude ce soir. Après le coucher de soleil, la température chute au moins à 25 degrés et nous fait frissonner.

 

Une autre légende à rectifier: très peu de levers et de couchers de soleil. Toujours des cumulus pour masquer ces moments. Par contre, le pourtour de ces cumulus se borde d’un liseré doré luminescent ; des roses, des turquoises, des mauves et des argentés colorent l’air humide ; oranges et rouges contrastés de noir pour les nuages. Le spectacle est souvent captivant.

 

 

 

Jeudi 15 novembre, 2h45, nous passons sous les 1000 miles avant l’arrivée. Le passage du point médian change complètement la mentalité. Avant, « on était parti », maintenant, « on est en train d’arriver », avant on ajoutait les miles, maintenant on les retranche. Pendant longtemps, la terre la plus proche fut le Cap Vert, puis ce fut Recife au Brésil, puis Cayenne en Guyane et bientôt, dans une centaine de miles, les îles des Caraïbes.

 

L’impatience de terminer, la plénitude du fait accompli, le regret que ce soit déjà fini, sans doute un cocktail des trois sentiments pour les prochains jours à moins qu’un imprévu ou un autre rende un élément prépondérant dans le shaker.

 

120 miles pour le onzième jour. C’est pas trop mal. On a du vent mais il ne vient pas tout à fait de la bonne direction.

 

Quelque chose de surprenant, c’est le cap donné par le GPS. Alors que l’on est déjà au nord de la cible, il continue à indiquer du nord dans le cap (285 actuellement). Paradoxe de l’orthodromie par rapport à la loxodromie.

 

Petit souci, le frigo donne depuis plusieurs jours des signes de faiblesse. Comme pour la VHF, le manuel constructeur ne préconise pas d’entretien. Cet après midi, il était à 21 degrés, ce soir à 16 degrés. c’est un vrai problème pour avoir de la bière fraiche, le premier bistro est encore loin. Allez, un petit mail à Marc pour savoir ce qu’il en pense.

 

A bord, c’est pas tamalou, c’est tadormi. Après une première semaine délicate, la gestion du sommeil s‘est nettement améliorée. Et puis j’ai fait des adeptes ; un réveil dans une poche, guetter les cargos toutes les 25 à 30 minutes ça suffit. Entre temps, allongé dans la carré, repos et parfois dodo à l’abri du vent (quand il y en a et qu’il est stable).

 

Pour organiser les repas, j’ai d’abord fait, avant le départ de Las Palmas, un inventaire des repas protéinés disponibles d’une part et des sucres lents et féculents d’autre part. cela me donne une première trame avec pour objectif de consommer de chaque chose en proportion de son stock au départ. Par exemple : conserves poisson/fruits de mer = 4 fois par semaine ;  œufs = 2 fois ; jambon =  3 fois ; etc… pour arriver aux 14 repas de la semaine. De la même façon, j’ai : riz = 4 fois par semaine ; lentilles = 1 fois ; petits pois ou haricot vert = 1 fois, pates ou spaghetti = 3 fois par semaine ; etc…pour arriver aux 14 repas de la semaine. Je combine les 2 et ensuite j’improvise à partir de ce canevas en y casant aussi les produits frais tant que j’en ai. Je m’y réfère quand je suis en manque d’inspiration et rétroactivement pour contrôler que je ne dévie pas de trop du schéma idéal. Pour cela tous les repas sont notés sur un cahier de même que les prévisions. Bernard a déjà remarqué que je ne respectais que rarement mes propres prévisions. Je ne vois pas pourquoi j’essaierais de faire mieux que les météorologues.

 

Les repas ont souvent la même structure : salade de crudités tant que j’en ai ou une soupe plus rarement ou rien surtout si apéro avant, plat principal à base de protéine et de sucre lent ou féculent la plupart du temps, fromage si plat principal pas assez copieux, fruit tant qu’il y en a ou desserts variés (compote, crème, fruits au sirop, …). Parfois un petit apéro, avec des graines, des crudités et/ou des olives, les jours de fête, des toasts de pâté ou de tartinable Belle Iloise (pub gratuite). C’est souvent jour de fête, tous les instants, nous battons nos records précédant : distance parcourue, durée en mer, jours sans voir de bateau, sans pêcher  de poisson, etc…

 

 

 

Vendredi 16 novembre : ça y est, on est désormais plus près des Antilles que de l’Amérique du sud. 149,9 miles le douzième jour qui a fait 24h30, décalage horaire oblige. Ce n’est donc pas le record qui tient toujours à 147 miles. Le vent est là entre 15 et 20 nœuds et on avance à 6 nœuds de VMG, légèrement sous-toilé pour garder un minimum de confort. On a rentré le solent cette nuit et on avance avec GV 1 ris à 160 degré du vent réel presque sur le cap. Avec le solent, on irait plus vite mais à 140 degrés du vent pour éviter qu’il ne batte. Le gain de vitesse serait en grande partie bouffé par le rallongement de la route. La seule question, c’est de savoir si on largue le ris. La météo prévoit un renforcement du vent aujourd’hui. Alors on va actualiser nos données et après on verra.

 

On a largué le ris. Ça file à près de 7 en VMG sous GV seule, dérive levée. La mer se forme petit à petit. On a choqué la GV un peu plus dans les barres de flèche pour éviter l’aulofée sauvage. Le pilote zigzague un peu mais ne s’en sort pas mal.

 

Pour la VHF, il faut la ramener en usine. Elle sera dans nos bagages de Noël.

 

Orthodromie, c’est bien beau, mais faire du 282 alors que l’on est au nord de la cible et voir la latitude légèrement baisser, ça trouble. On démarre le GPS de secours. HS, il n’a pas dû supporter les 50 degrés + de la cabine à Las Palmas. Le deuxième GPS de secours marche (heureusement, je n’ai pas eu à sortir le sextant) et confirme notre position.  Toujours intrigué, je sors la carte papier routière de l’atlantique pour chercher la déclinaison : 18 degrés ouest !!!!! Habitués aux 3 à 5 degrés de nos côtes, nous n’avions jamais imaginé de tels chiffres. Donc le cap magnétique 282, c’est en fait du 264 géographique. Le GPS nous demande bien un cap avec du sud dedans depuis quelques jours. Ça rassure.

 

Ce midi, j’ai voulu faire des chips de patate douce à la graisse de canard. On peut considérer ça comme un échec visuel, mais gustativement ça se défendait sans avoir ni la texture ni l’apparence de chips. Bernard et moi attaquons les choux en salade, dernière crudités restant du Cap Vert (avec quelques oignons et de l’ail). Pierre Henri, interdit de chou, a eu sa salade haricot vert / pousses de soja tout droit sortis de boîtes de conserve.

 

Pierre Henri est le dernier adepte de notre gameboy (en fait ça commande le pilote à distance). Pour Bernard et moi, cela nous permet d’ajuster le pilote la nuit sans sortir dans le cockpit. Pour Pierre Henri, qui est maintenant de quart, cela lui permet de jouer plus tranquillement au tarot. On passe Carmina Burana pour accompagner la houle.

 

Avant le diner, conciliabule et on décide de mettre solent seul. On a du 15 à 19 nœuds, mais les prévisions météo nous envoie du 20 à 25 pour cette nuit et ça chahute pas mal, la mer devenant forte. En comparant aux vitesses de la nuit dernière, « on perd » un demi nœud, ce qui nous ferra arriver une heure plus tard environ J mais mieux reposés. Je n’ai pas comptabilisé le nombre de petites décisions qui nous ont fait perdre une heure sur la route, elles sont nombreuses, toutes justifiées par le confort et la sécurité et de plus on s’en fout.

 

 

 

Samedi 17 novembre, ça souffle et ça graine aux deux tiers du trajet. Bonne option le solent avec un vent entre 11 et 30 nœuds venant du 50 au 110. le bateau est plat sur l’eau (enfin tout est relatif, la houle est plutôt forte), le pilote fatigue moins et s’il y a besoin, les manœuvres de réduction de toile se font facilement en solitaire. Avec cette mer, l’orchestre symphonique accorde ses instruments : l’eau entre trille de flute, accords de clavecin et plaintes du hautbois, le crin-crin des violons des bouts tendus contre du métal attendent le la, le pot de confiture joue du gong seul dans son coin, les petits pots d’épices des castagnettes, les plats en pyrex de la cymbale et les verres du triangle pendant qu’un certain nombre d’objets inanimés s’exerce à la grosse caisse. Et parfois la coque nous convie à visiter l’âme du violoncelle. Cette traversée tient plus de l’expérience sonore que visuelle. Une des occupations du quart est de renvoyer tous ces artistes inanimés à plus de discrétion pour que l’oreille puisse se consacrer à écouter les bruits du gréement.

 

143 miles pour le 13ème jour, le solent ne nous a pas beaucoup handicapé.

 

11h15, le luxe : vu l’état de la mer, pas question de douche sur la jupe arrière, alors douche dans le cockpit intégralement à l’eau douce. Nous avons une gestion si rigoureuse de l’eau douce que nous ne démarrons le désalinisateur que les 3 jours et pendant peu de temps pour empêcher la formation d’algues selon les préconisation du constructeur. L'avant dernière fois, on s'est rendu compte que l'eau partait par le trop plein et retournait à la mer.

 

Je me suis perfectionné en étoiles. Il faut dire que l’on vient d’aligner les nuits sans lune et des ciels assez dégagés. Ceux qui se foutent des étoiles peuvent sauter les lignes suivantes, j’ai juste écrit cela pour mon plaisir (comme le reste d’ailleurs) et pour m’aider à la mémorisation.

 

Cassiopée, en début de nuit, juste au sud est de la Polaire, avec son W reconnaissable, est mon point de départ. La pointe ouest du W me montre Andromède. Sur un alignement perpendiculaire, j’ai Pégase à l’ouest d’Andromède et Algol et Persée à l’est. Persée, 4 étoiles presqu’alignées que donne aussi une branche du W de Cassiopée. En prolongeant la branche est du V est du W de Cassiopée (vous suivez ?), on traverse un quart de voute céleste et on tombe sur Véga en laissant Deneb sur la droite. Véga, Deneb et Altaïr forment un triangle presque isocèle, Altaïr au sommet, normal, et presqu’au zénith derrière la GV en ce début de nuit de novembre.

 

En milieu et fin de nuit, j’ai la constellation d’Orion, ma favorite, le bouclier protecteur, quadrilatère barré au milieu par 3 étoiles alignées très proches les unes des autres. Orion est encadré au sud est par Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel, et, presqu’en symétrique au nord ouest, par Aldebaran. Au nord est, assez loin, Castor et Pollux et à leur sud est Procyon, plus loin à l’horizon, Regulus, le lion. Au nord d’Orion, en direction de la Polaire, Capella. A l’ouest de Capella, on retrouve Persée.

 

En fin de nuit, la Grande Ourse apparaît enfin à l’est de la Polaire pour compléter la collection.

 

Voilà notre moitié nord de ciel, car je n’ai pas de cartes de la partie sud.  

 

Et puis des noms qui font rêver, Aldebaran pour le bridge, Bételgeuse, sorte d’Armageddon, Algol sortie d’une BD.

 

Peu d’étoiles filantes, mais à l’instar du clair de lune, des clairs de Jupiter et de Vénus qui se reflètent sur l’eau.

 

Fin de mon évasion astronomique.

 

Je viens de préparer le planning des réparations et entretien à faire à Antigua, liste ouverte. On en a déjà pour une dizaine d’heures par personne. Ça ne compte pas les formalités d’arrivée ni l’avitaillement. Les gros postes sont le frigo, la drisse de geenacker, la vidange et entretien du moteur et l’inspection de la dérive et l’éventuel nettoyage de la carène.

 

Une très belle journée se termine avec très peu de cumulus absolument pas congestus. La mer se calme un peu. On termine le vin blanc en apéro pour fêter tout ce que l’on a à fêter et pour préparer la sortie du samedi soir. Omelette poivron jambon, espèce de pipérade, salade et cerises en sirop. On remet la sortie du samedi soir à la semaine prochaine, c’est mort ici comme ambiance, on attend toujours de croiser notre premier cargo.

 

 

 

Dimanche 18 novembre, le vent faiblit. Hier nous avons remplacé le solent par la GV. Nous avons pris un ris avant les quarts de nuit. Je viens de le lâcher à 3 heures, le vent étant tombé à 12 nœuds.

 

Quatorzième jour et entame de ce qui devrait être la dernière semaine. On a largement assez de carburant pour terminer au moteur, ce qui nous met à l’abri d’une casse ou d’une très grosse pétole (sauf si c’est le moteur qui tombe en panne, bien sûr).

 

Le matin, c’est mails et météo. Sur la dernière requête météo, on voit apparaître les Antilles à l’ouest pour la première fois. L’après midi, c’est consultation des guides nautiques pour organiser la suite de la croisière. J’ai fini les petites Antilles jusqu’aux BVI, Puerto Rico, St Domingue, la Jamaïque et les îles Cayman. Il me reste le Mexique, le Bélize, le Honduras et le Guatemala. Cette préparation fait partie du rêve et je m’évade ainsi tous les après midi.

 

132 miles pour le quatorzième jour. Dans quelques heures les trois quart du chemin. A 9h 30 Pierre Henri et Bernard envoient le solent. La VMG monte à 7. C’est comme un sprint final mais il reste encore pas mal de route et de la pétole à partir de mardi. Donc pas question de se laisser griser. La croisière continue après et il y a suffisamment de choses cassées ou en panne pour ne pas en rajouter.

 

L’entrée d’eau dans les fonds continue, 10 à 15 litres par jour, de façon irrégulière. Nous avons étanché celle qui venait de la cuve à eau douce. Nous avons analysé l’eau grâce à l’appareil fourni avec le désalinisateur. C’est de l’eau de mer. Elle ne rentre que bateau en marche, c’est sans doute lié à la pression dynamique. Il faut détecter cette entrée bateau en marche ce qui ne rend pas l’enquête toujours confortable. Nous avons analysé autour du moteur, du désalinisateur, des passes-coque, rien trouvé. Mais on persévère et on finira bien par trouver. En attendant, corvée de pompage à l’éponge tous les 2 ou 3 jours.

 

14h45, il ne reste « plus que » 500 miles, environ Lille – Perpignan, à parcourir à la vitesse du joggeur. Après 3 empannages (dont un avec un cocotier dans le solent 100% de ma faute, je les ai un peu énervés et j’ai présenté mes excuses), on est babord amure pour une des rares fois de cette traversée, vent moyen vers 12 nœuds au 110M. Mais c’est surtout la pétole annoncée à partir de mardi qui nous embête, on ne va quand même pas finir avec 70 heures de moteur ?

 

Le vent monte un peu en soirée, vers 14/15 noeuds mais comme les prévisions ne sont guère optimistes (pétole proche) et que le ciel ne paraît pas menaçant, on reste GV et solent pour ce début de nuit et on a terminé la nuit sous GV 1 ris et solent rentré.

 

 

 

 

 

Lundi 19 décembre, on renvoie toute la toile ce matin dans un vent faiblissant un peu. Grand nettoyage des planchers, le dernier avant l’arrivée sans doute (balai et serpillère dégraissante).

 

Le frigo toujours HS, heureusement qu’il n’est pas plein de poissons fraichement pêchés. D’après Marc, ce n’est jamais arrivé (comme d’ailleurs beaucoup d’autres choses à bord de ce bateau) et il doit y avoir un chat noir à bord. On lui a promis de faire appel à un sorcier vaudou pour exorciser le bateau.

 

Le shaker continue, nous sommes bien amarinés mais les objets inanimés non, cela répond à la question sur leur âme : sûrement pas sinon ils pourraient l’utiliser à s’amariner plutôt que de continuer à stupidement valdaguer dans tous les coins dès qu’on a pas la main dessus. Même les nappes anti-roulis n’arrivent pas à juguler tous leurs élans (mais c’est quand même bien efficace en moyenne).

 

148,1 miles pour ce 15ème jour de 24h30. c‘est pas mal du tout, il reste moins de 400 miles. Bientôt plus que l’équivalent d’un golfe de Gascogne à la seule différence, c’est que dans le golfe, on n’a jamais été à moins de 150 miles d’un port.

 

13h45, un cri, un paquebot pas loin, cap vers les Canaries, muet à la VHF, eh va donc snob. Pour conclure une étude savante menée par 3 ingénieurs émérites, de même que nous ne préconisions pas des rails de séparation de trafic de cargos entre l’Afrique et les Amériques, ceux-ci ne paraissent pas tout à fait nécessaire non plus entre l’Amérique du Sud et du Nord coté Atlantique. Par contre sur le trafic Caraïbes/Canaries des paquebots, en tablant sur une augmentation de la fréquentation touristique de 3% par an, ceux-ci deviendront nécessaire dans 390 ans environ, car il y a un bateau tous les 10 miles dans chaque sens. Effrayant, non ? Ce qui rassure, c’est qu’en doublant la taille des paquebots, on pourrait retarder l’échéance de près de 4 siècles. Astucieux, non ?

 

En attendant le vent tombe plus vite que prévu et surtout il s’entête plein est alors qu’on l’aimerait bien un peu nord est ou même sud est. L’avantage du vent faible, c’est que nous avons pu reprendre nos parties de tarot dehors sous le bimini.

 

 

 

Mardi 20 novembre, 1h10, le vent a tourné depuis 2 ou 3 heures, on empanne alors qu’on avait le cap sur New York pour le mettre sur la Martinique. Depuis le départ, à part sous moteur, on n’a pratiquement jamais pu faire route directe. J’ai déjà expliqué que plein vent arrière, le bateau était très lent, roulait beaucoup (plus) et que les voiles battaient. Il faut maintenir un angle qui est variable en fonction de la force du vent et de l’état de la mer pour empêcher les voiles de battre et maintenir une VMG acceptable. La force et la direction du vent sont variables en fonction du passage des cumulus et des grains, sans parler des variations synoptiques. Il est à remarquer que le passage de ces nuages se fait à une vitesse relative lente, ce qui fait que l’on bénéficie de leurs bienfaits ou malfaits pendant assez longtemps. Si le pilote est en mode « auto », il faut faire varier le cap si le vent change de force (entre 5 et 12 nœuds, au dessus, ce n’est plus la peine) ou de direction. Si le pilote est en mode « wind »  (sur mer pas trop agitée, c’est à dire vent assez faible - depuis hier après midi par exemple), il faut faire varier cet angle en fonction de la force du vent. Finalement, l’homme de quart n’est jamais tranquille très longtemps, en théorie. En pratique, il attend d’entendre les voiles battre ou de subir une augmentation de la gîte pour aller voir, surtout en quarts de nuit. De jour, le plaisir d’être dehors fait qu’il est parfois plus réactif.

 

6h, le pilote fait un bruit bizarre du coté du moteur. Je trouve quelques vis à revisser. Le bruit cesse, ouf. Mais ça mérite une visite approfondie à la prochaine escale.

 

Lever de soleil extraordinaire, avec des couleurs, il n’y a pas de noms pour les décrire, spectacle grand angle à 360 degrés, c’est magique, c’est pour des moments comme ça qu’on est là où on est.

 

120 miles pour ce 16ème jour, le bateau avance sur une mer plate et le vent se maintient à plus de 10 nœuds. Que du bonheur avant la pétole à venir ou non ? c’est l’heure de la vacation météo.

 

L’arrivée s’approche, j’ai nettoyé la carré, ma cabine et la salle de bain. Bernard et Pierre Henri ont complété. Il faut faire bonne figure pour les autorités. Nos poils de 3 semaines vont disparaître mais il y aura photos avant. Le bateau est resté rangé, une bonne discipline respectée. Les poubelles sont maîtrisées, on va bientôt cesser le tri sélectif pour ne plus rien jeter. J’ai calculé que, avec le vent d’est dominant générant un courant de surface de un demi à un nœud, si l’on jette quelque chose qui flotte au Cap Vert, il ne mettra que 3 à 6 mois pour atteindre les cotes américaines. C’est peu pour des déchets qui ne sont pas biodégradables.

 

Quelques grains et pétole de pétole. Moteur, on consulte nos fichiers  météo, il y en a au moins pour 24h sauf divine surprise. De toute façon il faut bouger car la pétole stationne au moins 48 heures entre le 58ème et le 60ème méridien, pile poil où l’on est.

 

Arrivée prévue vendredi matin, on va tâcher de tenir une moyenne de 4 nœuds. Plus vite, ce n’est pas la peine, arrivée de nuit déconseillée.

 

Dernier cycle de quarts de nuit. On s’organise pour passer la nuit avec le moteur : Pierre Henri a choisi de dormir dans la carré ; moi, je m’installe un matelas dans le cockpit en espérant qu’il  ne pleuvra pas. Sinon j’émigrerai dans la cabine avant.

 

 

 

Mercredi 21 novembre, l’hiver dans un mois, est-ce croyable ? cette nuit 2 cargos, on se rapproche des côtes. Belle nuit étoilée sans vent au moteur. Cela nous a permis de résoudre un problème mais en en soulevant un autre. Le frigo s’est mis à redémarrer avec les batteries à charge maxi. Marc nous avait parlé d’une sécurité sur le frigo qui fait qu’il s’arrête si le voltage devient faible. Moteur en charge, on est à plus de 14 volts, et le frigo marche, mais le fonctionnement normal des batteries, moteur arrêté, est entre 12 et 12,9 volts, et le frigo ne fonctionne plus. Panne analysée, Marc quelle est la solution ?

 

107 miles pour le 17ème jour. Il reste 164 miles ce matin à 9 heures.

 

Nous sommes actuellement dans les eaux territoriales de la Guadeloupe. On va bientôt sortir les pavillons (le Français pour l’immatriculation du bateau, sur une hampe à l’arrière du bateau, l’Antiguais par courtoisie sous la barre de flèche tribord et le « Q », c’est à dire le jaune, pour signaler notre arrivée et demander libre pratique sous la barre de flèche babord). A ce sujet, on lit de tout dans les guides nautiques, surtout les américains, et il faut se référer aux textes officiels. 

 

Quelle définition pour notre pétole ?  n théorie c’est 0 nœuds de vent ; pour nous c’est un peu plus et c’est fonction de 2 critères. Le premier critère, c’est le battement des voiles qui dépend de la forme de la houle et de sa direction et de l’appui du bateau sur l’eau. Le deuxième critère, c’est la vitesse d’avancement qui dépend de la force et de la direction du vent par rapport au cap désiré et de la houle. En fait ces 2 critères sont très liés et l’un va toujours avec l’autre. 7 nœuds de travers, houle moyenne, c’est bon, la même chose mais vent arrière, c’est pas bon. Depuis hier, à part un court laps de 30 minutes qui nous a donné le temps de hisser puis d’affaler les voiles, le vent est à moins de 4 nœuds.

 

Pourquoi le moteur, impatience d’arriver ? sans doute un peu. Mais aussi arriver en semaine pour les formalités, c’est plus facile . Et puis la fin de la pétole n’est pas très claire sur les fichiers météos.

 

13h, 7 nœuds de vent, voiles jusqu’à 19h, moment où il faut se rendre à l’évidence, le bateau n’avance plus. On a sorti les GRIB de météo Antilles. C’était exactement leurs prévisions. Encore une nuit au moteur, on vise une arrivée dans Non Such bay demain soir de jour et une entrée dans English Harbour vendredi tôt le matin.

 

Comme on a acheté du lait concentré sucré par erreur, je me suis lancé dans le riz au lait. Après un premier essai un peu sec (mais englouti rapidement par mes 2 compères), j’ai ajusté les proportions : un volume de riz, 2 volumes d’eau, un volume de lait concentré et 50% de temps de cuisson de plus que recommandé, cannelle et noix muscade. Rien qu’à voir ça, je prends 3 kg mais ils ont l’air d’aimer.

 

On a terminé la courge butternut, très bonne et très bien conservée, deux tiers en purée avec du jambon cru, un tiers en petits cubes dans un taboulé. Sur les produits frais, la perte principale c’est le manioc dont j’ai dû jeter la moitié au bout d’une semaine (c’est pour cela que les chips de manioc à la graisse de canard, il n’y en avait pas assez d’après Bernard). L’igname a à peine tenu plus. Les patates douces et les oranges très bien, j’aurais pu en acheter plus, elles auraient tenu toute la traversée. On va terminer les choux en salade avec la traversée, ça tient très bien. Quant aux yaourts UHT du Cap Vert, aucun handicap avec la panne du frigo.

 

Actuellement, c’est le stock de conserves qui baisse, mais on a encore de quoi tenir pour le voyage retour. Comme j’ai lu que certains pays ne permettent pas l’import de conserves à date de consommation périmée, on va faire un tri.

 

 

 

Jeudi 22 novembre, dernier jour en mer ? l’impatience guette certains membres de l’équipage qui mettent le moteur dès que le vent menace de faiblir. Un autre membre (le chieur ?) remet les voiles dès qu’il se lève pour son quart. Pour l’instant ça va, la divine surprise est là, on a un vent entre 7 et 10 nœuds, bien orienté. Les pavillons sont hissés.

 

Après séance de photos hier, les poils sont tombés. C’est galère à raser, la peau brule ensuite, mais c’est fait. A peaufiner demain pour le fignolage et chasser les derniers poils rebelles. Tant pis pour le club des amis des marins barbus, on a rendu notre carte. La douche est prise. Je vais nettoyer le cockpit et nous serons ainsi prêts à accueillir les autorités à bord si elles veulent y monter.

 

Cela fait 19 jours que l’on a quitté Mindelo, on aurait eu le temps de se préparer, mais pas du tout. Où est l’anti-moustique, où est l’argent, quelle est la monnaie locale, où est-elle valable, pour combien de temps va-t-on demander un permis de naviguer, mouillage ou ponton, etc… ? C’est plutôt la panique, la terre va déranger notre routine de petits retraités, de quasi mono-tâche (faire marcher le bateau), nous allons être obligés de nous multitâcher. Au secours les neurones.

 

110 miles pour ce 18ème jour, mais surtout un record pas glorieux, plus de 12 heures de moteur en 3 épisodes.

 

La bouteille de vieux Bordeaux que Christian nous a confiée à St Germain ce premier janvier va bientôt être sacrifiée, sur un confit sans doute.

 

La météo n’est pas trop mauvaise, le vent se maintient à 7/10 nœuds, cela nous permet de « débouler » à 4/5 nœuds dans le bruissement de l’eau plutôt que le ronronnement du moteur et d’avoir un ETA vers 18h, plein jour. J’aurais été très frustré de terminer aujourd’hui au moteur, ce serait comme terminer une course automobile en poussant sa voiture par panne de carburant ou une course de vélo avec celui-ci sur l’épaule pour cause de crevaison, ou un marathon en marchant ou un cinquante mètre nage libre à la brasse pour cause de tasses répétées (ça, j’ai fait aux épreuves du bac).

 

13h, on change d’heure pour la dernière fois, j’ai terminé mon dernier quart.

 

12h37 (nouvelle heure) les yeux bleus de Pierre Henri frappent à nouveau : terre ! Le jardinier négligeant a laissé 2 taupinières sous le solent. En dehors du jardinier, c’est celui en charge de l’horizon qui laisse à désirer : depuis le départ, l’horizon n’est jamais plat et rectiligne. Toujours des vagues « scélérates » qui ondoient la ligne bleue (pas des Vosges).

 

Les nuages des Caraïbes, cela fait 2 fois que le ciel s’est rempli de ces petits morceaux d’ouate, c’est comme de la barbe à papa de cumulus.

 

14h, plus que 20 miles (en fait il faut en rajouter 2 ou 3 jusqu’au mouillage).

 

Encore quelques miles à la voile puis 2 heures de moteur pour arriver au mouillage de jour. 19h 23, 19ème jour, nous prenons une bouée au nord de Green Island dans Non Such Bay, mouillage de rêve, plage et cocotiers. Juste avant, moment d’inattention et de décompression, on chevauche un récif heureusement constitué de débris de coraux.

 

 

 

Des chiffres :

 

- 18 jours et demi, soit exactement 434 h 23 mn pour une traversée de finalement 2 098 miles, soit 4,8 nœuds sur la route directe ou environ 5,3 nœuds sur la route suivie.

 

- 180 heures avec un vent inférieur ou égal à 10 nœuds, soit 41% du temps. 19 heures avec un vent établi à 20 nœuds ou plus, soit 4% du temps, une courte rafale à 28 nœuds.

 

- une bonne journée de perdue du fait de l’impossibilité, dès le deuxième jour, d’utiliser le spi ou le geenacker, à peu près autant suite à des décisions prises de ralentir le bateau pour améliorer le confort, surtout pendant les nuits.

 

- 49h 15mn de propulsion au moteur, soit 11% du temps.

 

- 129 prises de quart, presque toutes à l’heure, presque 434 relevés horaires sur le livre de bord (dans le feu des manœuvres, on en a loupé un petit nombre).

 

- 6 baleines, des dizaines d’oiseaux, 2 lignes de pêche de perdues, 3 gros leurres perdus dont un attaqué par un oiseau, 0 poissons pêchés sauf 6 poissons volants par le bateau, 2 paquebots, 2 cargos, quelques orages, quelques grains, vent force 0 à 6, majoritairement plein est, déviation magnétique de 18 degrés ouest, 37 repas en mer et autant de vaisselles, 2 montées au mat, 4 changements horaires de 30 minutes.

 

- 19 vacations météos et 19 mails envoyés aux épouses par Iridium,

 

- record de lenteur : 2 miles en 7 heures le 13 novembre, record de vitesse instantanée : 8,9 nœuds en VMG, meilleure moyenne journalière : 148 miles les troisième et quinzième jours.

 

- un virement de bord (par erreur), un nombre incalculable d’empannages (merci le frein de bôme) dont 0 involontaire (belle maîtrise)

 

- 2 gardes réussies par Bernard au tarot, en moyenne pas très gâté par la distribution

 

- moins d’une bière tous les 2 jours par personne, moins de 3 litres de vin pour l’équipage, un peu plus de pastis pour fêter les records successifs, un whisky pour je ne sais plus quel remarquable record.

 

- équipage : outstanding.

 

 

 

Les premières pensées de l’équipage :

 

- Pierre Henri : somptueuse traversée

 

- Bernard : plus facile qu’anticipé

 

- Joël : ce fut bref

 

                                                                                                                             

 

Bravo les champions pour votre traversée, sauf pour la la péche, faudra réviser les techniques de traine pour le retour. Bravo au narrateur principal pour la tenue du blog, j'ai bcps appris a vous lire,. Bon vent pour la suite, moi je retourne faire des ronds dans l'eau autour de porquerolle.

Super! Je retiendrai l'intérêt majeur de la formation ingénieur qui vous a permis d'élaborer toute ces stratégies/théories (comme d'habitude immédiatement remises en cause), mais aussi une optimisation parfaite du confit et de la graisse de canard. Impressionné par la maîtrise du chef cuistot dans sa programmation. Bien aimé le § musical très parlant, par contre j'ai zappē les étoiles. Bernard t'inquiète pas il y a tjrs un maudit au tarot sur ce bateau, j'en parle en connaissance de cause.Ce qui est bizarre c'est jamais Joel! Dans tous les cas encore bravo et vivement Mai 3013!

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