bilan de 7 mois de navigation dans la mer des Caraïbes

bilan de 7 mois de navigation dans la mer des Caraïbes

Posté par : Joel
06 Juillet 2013 à 21h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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Il est temps de faire un bilan de 7 mois de navigation aux Caraïbes, de novembre 2012 à juin 2013. Nous avons rejoint l’arc antillais à Antigua en provenance du Cap Vert, puis avons poursuivi notre route vers  l’ouest et le sud, manquant St Kitts et Nevis, les USVI et Cuba, mais visitant tous les autres pays sur notre route pour arriver au Guatemala.

 

D’abord des informations pratiques :

-          Le vent : le vent est en moyenne celui annoncé (vent d’est  15 à 25 nœuds, plus faible la nuit) mais avec de nombreuses exceptions (coups de vent en milieu de nuit, calmes plats persistants plusieurs jours, vent de sud fort au sud des grandes Antilles, etc…). il y a aussi des chutes brutales du baromètre, souvent l’après-midi , qui ne sont suivies d’aucun coup de vent.


La navigation : Les cartes électroniques comportent de nombreuses erreurs ou de grandes approximations, les guides nautiques n’en sont pas exempts. C’est surtout vrai pour le Yucatan et le Belize. Heureusement les dangers isolés sont rares. Il est donc facile d’identifier les zones où une navigation prudente s’impose. Les vues de Google earth prises avec le bon zoom et le bon contraste peuvent parfois être très utiles. J’en avais enregistré sur l’ordinateur un certain nombre, un peu au hasard, avant de partir. Les conséquences sont qu’il faut prendre les précautions suivantes : planifier sa navigation en fonction du soleil et du vent pour maximiser la visibilité des fonds, rester toujours manœuvrant (c’est à dire naviguer au moteur), avancer lentement en profitant des paysages et des couleurs de l’eau, mettre une vigie à l’avant du bateau (certains la monte dans le mat, à hauteur des barres de flèche ; ça, on ne l’a pas fait), porter des lunettes polarisantes pour bien appréhender les changements de couleur des fonds, bien préparer à l’avance et dans le détail sa navigation.   Pour ne l’avoir pas bien fait au début, on s’est fait de vraies frayeurs et un peu touché les récifs.

-          Deux autres points faciles à détecter si on prépare sérieusement sa navigation mais à côté desquels on était passé : la déclinaison magnétique qui peut approcher les 20 degrés à certains endroits, valeur inconnue en Europe. Important à noter si le cap donné est le réel. Des courants,  violents le long du Yucatan, et un peu partout dans la mer des Caraïbes dont il faut tenir compte pour faire route.

-          Pour la route, les bords vers l’est sont difficiles, voire impossibles. Le vent dominant est d’est, entre le 45 et le 110 , la mer est vite courte, croisée et hachée, un peu comme la méditerranée. Pour faire route vers l’est, attendre une pétole ou des vents favorables peut demander des semaines de patience. Sur les grandes Antilles aux montagnes élevées, le vent est dévié et sur la côte sud il est plutôt de secteur sud entre le 140 et le 220, parfois violent avec des zones de pétole. Si le vent synoptique n’est pas trop fort, un vent catabatique s’établit dès le milieu de nuit sur les côtes des grandes Antilles. Tous les matins, forte rosée qui rend le pont glissant. Il est donc plus facile de faire route vers l’est en passant au sud des Grandes Antilles avec sans doute un bémol pour le cap Beata de St Domingue toujours très venté d’est.

 

-          Les formalités  : Les formalités prennent en moyenne  2 à 3 heures sauf au Mexique où 2 jours sont courants. Les autorités sont soit amicales, soit un peu distantes mais très correctes (un peu à l’anglaise) sauf au Mexique où ils peuvent être franchement désagréables. Il est difficile de préparer les documents à l’avance, car dans chaque pays c’est différent. Cependant avoir plusieurs copies des papiers du bateau (pages blanches et rouges) et des passeports  aident.  Grouper aussi sur un papier toutes les informations des passeports de chaque membre d’équipage (numéro, date d’issue et de limite de validité, lieu d’issue, date de naissance, adresse), ce sont des informations souvent demandées et à recopier sur de nombreux papiers officiels.

-          Pour l’entrée aux USA, il y a deux solutions : soit demander un visa pour 10 ans à l’ambassade avant de partir, soit remplir un formulaire ESTA sur Internet de n’importe où, l’imprimer une fois accepté et faire un premier voyage vers les USA par un transport commercial. Nous avons pris un ferry des BVI vers les USVI et avons reçu un visa valable 3 mois. Avant d’aller aux USA, vérifier les clauses d’exclusion de son assurance. Nous n’étions assurés que pour 14 jours de présence.

-          Certains navigateurs rencontrés nous assurent avoir visité plusieurs de ces pays sans faire les formalités d’entrée et/ou de sortie. D’abord, à part à Barbuda, les formalités de sortie sont simples et rapides et ces papiers sont nécessaires pour entrer dans le pays suivant sauf apparemment sur les territoires français ( !). le risque est très important et les sanctions peuvent aller jusqu’à la confiscation du bateau et l’emprisonnement de l’équipage.  Si l’on se fait prendre, il faut avoir une histoire crédible de force majeure et suffisamment posséder la langue du pays pour convaincre les autorités de sa bonne foi.  C’est une région où le trafic de drogue sévit et où donc les contrôles existent.

 

-          Gestion de l’eau : Il y a très peu de marinas (assez chères en général) et si l’on n’a pas de désalinisateur, la gestion de l’eau peut être problématique. Par exemple, on a consommé 400 litres de la cuve à eau (qui en contient 560 litres) à 3 en 28 jours, durée entre 2 séjours consécutifs en marinas. Ces 400 litres ont permis de prendre en moyenne 2 douches par jour (après chaque bain de mer). Pour les shampoings et le savonnage, on faisait un premier rinçage à l’eau de mer et on se finissait à l’eau douce. Cette eau servait aussi pour la boisson et la cuisine (traitement aquaclean dans la cuve en alu, puis passage dans la britta avant utilisation). Vaisselle à l’eau de mer, rinçage des objets en inox et en fer à l’eau douce, lavage des légumes à l’eau de mer, pas de lessives à bord. On n’a pas utilisé d’eau en bouteille. On buvait moins d’une bière par jour, l’apéro, quand il y en avait, était souvent du pastis avec beaucoup d’eau.

 

-          L’argent : Le US$ est accepté facilement partout sauf dans les dépendances françaises où l’euro est roi. Le taux de change pratiqué par les commerçants est rarement favorable, c’est pourquoi il est souvent préférable de payer en monnaie locale. Cela permet aussi de marquer une différence avec les touristes US qui ont l’habitude de tout payer en US$ au prix fort sans discuter.

-          Dans de nombreux pays, une taxe de 4 à 6% est prélevée pour tous paiements par carte bancaire. Cette taxe s’ajoute aux 3 ou 4 % de commission que prélève votre banque pour le change monnaie locale/euro. De plus, le maximum retirable des distributeurs automatiques à chaque opération est plafonné bien en dessous du maximum théorique de sa carte bancaire. On est donc obligé de multiplier les opérations, donc de multiplier les commissions de sa banque. Dans ces pays, peu de gens ont des cartes bancaires, tout se paye en liquide, les queues aux guichets des banques sont toujours très longues.  On peut aussi venir avec de gros paquets de billets pour éviter ces 2 écueils, mais c’est quand même un peu risqué.

 

 

-          Avitaillement : Les touristes provenant essentiellement des USA, les supermarchés sont approvisionnés en produits leur convenant : larges apports de sucres et de matières grasses. Les ventes de fruits et légumes à part quelques exceptions (Antigua, St Barth, Placencia par exemple) sont assez limitées et souvent  chères. Les produits ne sont pas toujours très attirants et ne se conservent pas longtemps. Par contre on peut trouver presque partout des ignames, patates douces  ou autres tubercules qui peuvent remplacer la pomme de terre pas toujours présente et chère car rarement produite localement. Riz et pates, ail et oignons abondent. Les jaunes des œufs ont tendance à se crever à l'ouverture de l'oeuf, parfait pour les omelettes, rédhibitoire pour les œufs au plat. Coté viande, c’est en général plutôt pauvre : poulet et bœuf congelés pas partout. Charcuterie, c’est la disette : jambon blanc sans goût, saucisses dont quelques-unes sont très comestibles, salami et c’est tout. On trouve corned-beef et boulettes de viande en boîtes de conserve. Coté condiments, on trouve de tout : épices et condiments divers, cornichons, moutardes au goût européen à coté de tous les condiments US. Heureusement nous avions les fonds pleins de boîtes de conserve achetées en France et en Espagne pour agrémenter l’ordinaire. Par contre, nous avons été trop court en vin bien que nous soyons des consommateurs très raisonnables. D'abord, on ne trouve des cubitainers pratiquement qu'en France; ailleurs ce sont des bouteilles ou des packs d'un litre moins faciles à stocker. Ensuite, le vin est très cher et pas toujours très bon (on s'est fait avoir en achetant un Burgundy à Porto Rico qui s'est révélé être un vin sucré convenant à peine pour une sangria et à condition de rajouter pas d'ingrédients).

 

-          Réparation et entretien du bateau : Pour les réparations du bateau ou l’achat d’accastillage, les bonnes adresses que nous avons expérimentées  sont : St Martin (côté français ou hollandais), Tortola (BVI) pour les réparations et un peu d’accastillage, Boca Chica (St Domingue) pour le magasin d’accastillage à proximité, la marina Cucumber et le magasin Duke d’accastillage (très cher) à Belize City, Rio Dulce (Guatemala) pour les réparations et un peu d’accastillage. Georgetown à Grand Caïman semble aussi pouvoir répondre à une certaine demande mais on n’a pas testé. Pour le reste de nos explorations,  c’est le désert.

        
 

-          Communiquer : Parler l’anglais et l’espagnol, ça aide dès que l’on quitte les territoires français d’outremer . Le chinois doit être plus pratiqué que le français. Par contre, il y a une diaspora francophone (français, canadiens du Québec, haïtiens) dans la plupart de ces pays anglophones ou hispanophones. Pour les non-polyglottes, cela peut être un fil conducteur.

 

 

Et maintenant, rentrons dans le détail des pays visités et lieux visités:

-         Les plus agréables :

o   Antigua pour ses mouillages, la gentillesse de ses habitants et l’animation de sa capitale

 

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o   Barbuda pour sa beauté sauvage, mais ne surtout pas y faire de clearing in ou out

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o   Saint Barth pour son coté suédois, l’avitaillement en produits français, ses mouillages et l’île fourchue

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o   British Virgin Island, le seul archipel des petites Antilles, des îles toutes différentes, du très bon snorkeling.  A ne pas manquer : Norman island, les Baths, le snorkeling d’Anegada, l’atmosphère pirate de Jost van Dyke. Les bémols : c’est trop fréquenté en haute saison et c’est cher.

 

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o   Les îles vierges espagnoles, aussi belles et intéressantes que les BVI mais quasiment désertes. Mentions spéciales pour Culebrita et Vieques. Territoire associé aux USA, les formalités d’entrée à Culebra sont simples et rapides (si on a le fameux visa).

 

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o   Porto Rico : une mention pour l’île de los Muertos au sud et San Juan au nord, la capitale aux pavés bleus et à l’architecture militaire impressionnante défiant un océan atlantique déchaîné.

 

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o   République Dominicaine : c’est dommage de louper Santo Domingo dont le quartier colonial fourmille de vestiges des siècles passés mais les formalités d’entrée sont chères et parfois problématiques (préférer Casa de Campo à Zarpe de Boca Chica). Par contre, on peut mouiller 24h ou plus dans la baie déserte et magnifique d’Aguillas au sud-ouest du pays et n’y rencontrer personne sauf quelques pêcheurs qui viendront vous offrir langoustes et poissons pour des prix très intéressants.

 

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o   Haïti, l’île à Vache : passage obligé, expérience humaine bouleversante, cette étape justifie le voyage à elle seule. Dépêchez-vous, ça ne peut pas durer, la mondialisation va aussi finir par passer par là pour le meilleur et pour le pire.

 

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o   Les îles Caïman, au-delà du cliché du paradis fiscal, c’est un vrai paradis de la plongée et du snorkeling. Ce n’est pas trop cher comparé à des pays voisins. Les habitants y sont avenants et pleins d’humour.  On peut même y faire des randonnées. Peu de pays en offre la possibilité, ce n’est sans doute pas une demande du touriste obèse. C’est la très bonne surprise du voyage.

 

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o   La barrière de corail et les atolls du Belize, une des zones de navigation parmi les plus intéressantes, variée, de courtes distantes, des centaines de mouillages déserts, quelques contacts sympas avec les pêcheurs, Isla Bonita et Caulker cay pour rencontrer du monde. Le seul bémol, c’est le prix du permis de naviguer payé à San Pedro mais pas demandé au clearing out. Il y a peut-être une astuce pour réduire le coût. Une autre remarque : la partie continentale du pays offre peu d’intérêt, Belize City a mauvaise réputation et de toute façon ne mérite pas une visite.

 

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o   Guatemala : La remontée des gorges du rio Dulce et la visite des rivières se jetant dans le Golfete au milieu des pirogues mayas, de la jungle et d’une faune variée.

 

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-         Les déceptions :

o   Anguilla, trop cher et pas intéressant, dommage car les habitants et les autorités sont très sympas. Mais il y a nettement mieux ailleurs et beaucoup moins cher. Leur cible c’est les rock stars et les people, pas les TDM un peu trop baba cool et fauchés.

o   La Jamaïque, ce fut sans doute bien, ça ne l’est plus. Le touriste est trop devenu la vache à lait, le pays a opté pour le tourisme  de masse et l’état d’esprit s’en ressent. De plus, Il y a une psychose sécuritaire réelle ou fantasmée qui pourrit le séjour. On a été contrôlé à 12 reprises en 17 jours.  En de nombreux endroits, on nous dissuade de nous promener la nuit tombée (et elle tombe tôt aux Caraïbes). La côte, là où les constructions ne se sont pas multipliées, est jolie mais sans être exceptionnelle. L’intérieur du pays paraît mieux préservé mais à des tarifs de visite vite dissuasifs. Le snorkeling n’est pas exceptionnel. La musique, omniprésente et bruyante, est plutôt une techno internationale sans originalité. On a entendu du bon reggae et de la musique d’inspiration cubaine aux îles Caïman, au Mexique et au Belize, très peu en Jamaïque.  En résumé, beaucoup d’attentes et une grosse déception.

o   Le Yucatan, mais peut-on parler de déception ? la durée et le coût des formalités, la demande insistante de dessous de table  étaient connus. Je n’attendais rien de Cancun, j’ai été un peu déçu par Isla Mujeres et Cozumel.  Côtés positifs, L’atoll de Chinchorro aurait été à la hauteur si on ne s’en était pas fait lourdé par des militaires de mauvais poil. Bahia de la Ascension et Espiritu Santo sont 2 immenses lagunes bordées de mangrove au milieu d’une très grande réserve naturelle. Espiritu Santo est quasiment déserte. Les cartes ne sont pas assez précises pour en faire une complète exploration. En résumé, on peut trouver mieux au Belize.

Pour conclure, les bonnes surprises ont été infiniment plus nombreuses que les déceptions et cette croisière restera comme un merveilleux souvenir. Si c’était à refaire et sachant ce que je sais, j’aurais évité Jamaïque et Mexique que j’aurais remplacés par Cuba bien que j’ai entendu des avis contradictoires sur cette destination.  Je n’aurai pas hésité à faire le détour par les îles Caïman, surtout Brac et Little qui ne sont qu’à 80 miles au sud de Cuba.

 

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