de St Domingue à la Jamaïque - part 2 avec photos (par Joël)

de St Domingue à la Jamaïque - part 2 avec photos (par Joël)

Posté par : Joel
06 Avril 2013 à 19h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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Lundi 18 mars 2013, le marché.

C’est jour de marché au village Madame Bernard. La petite troupe francophone (2 flamands, 6 bretons et un apatride) se met en marche avec Pipi et Ashley pour une marche d’une heure trente entre collines, plages et mangroves, villages de pêcheurs et cocotiers, un vrai ravissement.

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On arrive par le marché au bétail, quelques moutons, chèvres et cochons. Un cheval si maigre qu’il paraît à l’agonie. On poursuit pour arriver au marché en bord de plage. Des dizaines de barques ont approvisionné le marché depuis les Cayes, la grande ville du sud d’Haïti.

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Des centaines de vendeuses, au sol, parfois sous un petit toit de palmes, proposent essentiellement des légumes, manioc, patates douces, petits pois, préparés en petits lots, unité de vente. Quelques rares fruits, bananes, papayes, mangues, un peu de tomates et d’oignons, noix de coco.

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Le marché au poisson, frais ou séché, poissons de taille très petite, indice d’une surpêche. A l’écart, un homme découpe un cochon qui a dû être abattu peu de temps avant notre passage. Quelques stands proposent un snack à base de ragout ou de bratwurst pas très locales. Du pain sans levain de différentes tailles. Un peu de droguerie, un peu de linge, le stand de la loterie, le bureau de change et les recharges pour les téléphones portables… Derrière la place du village, le parking à chevaux et mulets, seul motorisation de l’île. Les femmes portent leurs charges sur la tête. Ce n’est pas trop bruyant, pas trop odorant, pas trop sale. Pas de sollicitation, les gens semblent calmes sauf quand deux femmes se croisant l’une fait tomber le chargement de l’autre. Nous avons droit à une petite scène de rue, dommage en créole, on a loupé le piment du dialogue.

Nous poursuivons vers l’orphelinat à200 mètresdu centre village. Entrée gardée et verrouillée, nous pénétrons dans un havre de paix, domaine aux bâtisses blanches très propres où des dizaines de jeunes enfants nous entourent et commencent à jouer avec nous.

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Sœur Flora, petite femme droite et menue qui a ouvert cet endroit en 1967, nous reçoit dans son bureau.

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Avec l’accent canadien qu’elle a gardé, elle nous parle sans emphase de son travail d’accueil des orphelins et des handicapés de l’île mais aussi parfois d’Haïti, de ses guérisons de cas désespérés, elle nous présente quelques enfants et nous parle de leurs problèmes, de l’hydrocéphale qui va avoir besoin d’une nouvelle opération, de celui dont l’adoption a été bloquée suite aux abus qui ont suivi le tremblement de terre de 2010 et de quelques autres cas. Elle nous parle de l’éolienne bloquée à Haïti faute de moyen de transport jusqu’à son orphelinat. Jean Marie, médecin urgentiste, et elle engagent une conversation technique au sujet des médicaments qui lui manque le plus, en l’occurrence des antibiotiques injectables et sur les moyens de lui en faire parvenir. Demain Pipi va amener quelques uns de ces médicaments que Jean Marie a à son bord. Nous laissons le paquet préparé, petite goutte d’eau dans l’océan des besoins du pays.

Nous terminons la visite par la salle des handicapés majeurs, une quinzaine de petits corps tordus sur des grands matelas bleus au sol. 3 hommes s’en occupaient, c’était l’heure de la toilette. Au total 28 personnes travaillent avec sœur Flora.

Nous disons au revoir à ces enfants qui nous entourent et qui ne demandent qu’à jouer.

Paul et Mathilde qui ont adopté un haïtien sortent tout émus de cette visite.

Un CFA des pays de Loire envoie par rotation des hommes du bâtiment qui construisent de nouvelles cases et dépendances pour l’orphelinat.

Retour au marché, change d’argent, dollars en gourdes, quelques achats et nous rejoignons en pirogue la barque à voile qui va nous ramener au bateau.

Barque de10 mètres, très étroite, où nous nous entassons à 13 adultes, un chien, un cochon, plusieurs sacs de 50kg de riz et diverses provisions.

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L’eau arrive à ras du liston et nous embarquerons régulièrement des vagues du coté au vent. Un mat d’environ5 mètresde haut, avec une bôme de7 mètresau ras du pont (l’empannage a été folklo, il a fallu se coucher sur le cochon pour laisser passer la bôme) et un petit foc devant.

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Mais ça avance. Johann le flamand se demande comment nos assurances marcheraient en cas de chavirage. Trente minutes d’une navigation humide au niveau des fesses mais sans problème par ailleurs qui nous ramène à notre bateau.

Après une bière sur le catamaran de47 pieds, Like Dolphins, de nos amis flamands Johann et Sonia, repas, sieste et … Pierre Henri en haut du mat. On a emprunté un plomb de 20g à Johann pour servir de messager. 2 aller-retour en haut du mat, pas mal de problèmes, mais 2 heures plus tard, quelques instants avant le coucher du soleil, la drisse de GV est passée.

Ce soit nous dinons de produits de la mer chez la maman d’Ashley, le groupe français du marché, plus Benoit et Kathia du Callisto que nous avions déjà rencontrés. Nous terminons la soirée sur le catamaran de Johann dont c’est l’anniversaire aujourd’hui. Sauterne, vin blanc sec, Fernet Branca, rhum, vive les mélanges.

 

Mardi 19 mars 2013, le départ.

Les discussions de la veille me revienne à l’esprit. Comment influençons-nous ce coin de paradis. Les gens semblent nourris même s’il y a sûrement des carences. Nous déversons des flots d’argent au niveau de l’économie locale du village. Est-ce une bonne chose ? Et puis comment gérer ceux qui, arrivés trop tard ou au mauvais moment, ne décrochent pas un petit boulot ? Ils tournent de bateau en bateau, de plus en plus insistant. Faut-il  surpayer les services à l’échelle locale comme le pense les américains et nos amis flamands ou juste un peu au dessus du vrai prix local ? En ce cas, est-ce les exploiter ? Nous apprenons qu’ils ne vivent pas en communauté et que c’est du chacun pour soi au niveau de chaque famille. Ça rend chacune de nos décisions plus lourdes de conséquence.

12 bateaux ce samedi dont 3 américains, les prix flambent et nos nettoyeurs de coque deviennent très gourmands en se référant à ce qu’ils ont gagné sur les autres bateaux. Nous cédons mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Aucun bateau d’arrivé depuis samedi et demain tous les 12 seront partis.

Mais aussi comment oublier Ashley, bel athlète de 18 ans environ, leader né, qui rafle une majorité de travaux grâce à son dynamisme et qui les redistribue ensuite entre les membres de sa famille. Et Pipi, 18 ans, qui va à l’école une année sur 2 car ses parents ne peuvent pas envoyer leurs 10 enfants tous les ans à l’école. Pipi, si calme, intelligent, triste et gai à la fois. Il rêve d’être médecin, souhaiterait devenir professeur, mais sait qu’au mieux il sera mécanicien sur Haïti parce qu’il y a du travail et que les études ne sont pas trop chères. Il apprend l’anglais pour pouvoir travailler avec les bateaux américains de passage.  Law, père de 5 enfants, qui a du mal à trouver un boulot parce qu’il arrive toujours trop tard en milieu de journée. Bernardé, peut-être 14 ans, solitaire sur son morceau de planche à voile jaune, qui vient juste pour voir et discuter un peu.

Sans oublier l’orphelinat de sœur Flora avec ce paradoxe : grâce à son dynamisme et les soutiens qu’elle a pu susciter, ses enfants sont mieux habillés, semblent mieux nourris que ceux du village et sont plus joyeux.

Pour toutes ces questions sans réponses et parce que la météo est aussi mauvaise aujourd’hui que demain (très peu de vent) nous décidons de partir aujourd’hui. Nous invitons bretons et flamands pour un apéritif d’au revoir, eux tous partant sur Cuba, nous sur la Jamaïque. A 15h nous raccompagnons Johann et Sonia à leur annexe et entamons notre déjeuner. A 16h30 nous levons l’ancre, les bras s’agitent, un peu de corne de brume.

Cela restera certainement comme un des moments uniques de cette croisière.

 

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Mercredi 20 mars 2013, la pétole annoncée.

Depuis le départ nous avons 3 à 8 nœuds de vent arrière. Ce matin, nous mettons le spi pour la première fois depuis l’incident de drisse après le départ du Cap Vert, il y a plus de 3 mois de navigation. Arrivée prévue demain dans la journée.

Avec cette pétole, la routine de la traversée s’installe vite. En particulier l’iridium de 11h. Requête météo, mise à jour du blog pour en envoyer les derniers éléments à nos épouses qui reçoivent ainsi de nos nouvelles tous les jours en primeur. Nos 1 000 à 2 000 lecteurs mensuels (selon le compteur STW, ça me paraît énorme) doivent attendre une connexion wifi pour en connaître la teneur.

Midi, un grain arrive, on descend la chaussette de spi et on l’arrime à l’avant. Le grain passe, on remonte la chaussette et on ré-établit le spi en un instant. Ça c’est génial pour ceux qui ont connu la galère de l’affalement du spi dessous la bôme, du rangeage dans le sac dans la moiteur de la carré, du débrélage des bras et de la drisse et de la préparation l’envoi en ramenant tout le matos sur la plage avant.

Vers 18h, même sous spi, la vitesse tombe à moins de 2 nœuds. On rengaine tout le matos et hop pour une nuit avec la brise diesel. On va faire bannette chaude dans la cabine avant.

2 dauphins timides nous accompagnent un instant au coucher du soleil.

Pas mal de cargos depuis hier dans tous les sens, une veille toutes les 15 minutes est néanmoins amplement suffisante. Les cargos sont aussi en veille vu le trafic. Un s’est dérouté cet après midi. Je l’ai remercié à la VHF mais il n’a pas répondu.

 

Jeudi 21 mars 2013, bonjour la Jamaïque.

C’est dans un vent désespéramment faible que nous faisons notre entrée dans Port Antonio.

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On accoste au ponton de la marina Errol Flynn 10h20 locales, 12h20 heure du bord, 44 heures après avoir quitté île à vache. Pavillon jaune en haut, drapeau jamaïcain non sorti (à la différence des règles européennes où l’on envoie les 2 en même temps en arrivant).

Merci Joel pour ces magnifiques reportages, seul pb. avec le bras dans le plâtre cela me rend encore plus impatient! J'en vie Patrick, pour lui c'est du peu au jus! Amitiés à vous 3

merci de nous faire partager vos rencontres, vos repas, vos joies, vos négos et vos... avec talent. bientôt quelques photos ? Amitiés

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