traversée retour vers les Açores, troisième et dernière semaine

traversée retour vers les Açores, troisième et dernière semaine

Posté par : Joel
06 Juin 2014 à 20h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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Jeudi 29 mai 2014. Jour 15 de la traversée. Flores à 623 miles

Un schooner danois à voiles rouges, Mie, avec 5 personnes à bord,  me contacte à 7h. J’avais essayé de l’avoir au début de mon quart, mais il n’avait pas répondu. On a dû le doubler cette nuit sans le voir, maintenant je le vois bien derrière moi. Il revient d’un tour du monde de 3 ans et rentre sur le Danemark. On a échangé nos météos et peut-être on se verra  à Horta (Faial) où il compte rester 5 jours.

L’euphorie commence à gagner l’équipage, les parties de franche rigolade sont plus nombreuses. Les angoisses du quart de nuit s’estompent, quand le bateau mugit sur les vagues à plus de 8 nœuds, fonçant dans le noir, projeté sur babord par une vague scélérate, la bôme frôlant l’eau,  puis compensant la gîte sur tribord, le sillage amorçant une série de lacets. C’est le moment pour le pilote malade de lâcher, le bateau amorce une aulofée sauvage, vire de bord solent à contre et termine par un empannage qui tord le vit-de-mulet ou casse la bôme. Bon, c’est juste un des scénarii catastrophes qui viennent égayer mes insomnies de quart de nuit.

A midi, confit de porc, compotée de poivrons et d’oignons, semoule aux raisins secs, en entrée tomates et céleri branche frais avec mais, en dessert, abricots au sirop et dattes, le sirop un  peu dilué d’une petite rasade de rhum. On termine les produits frais. Il reste du chou pour environ 7 jours de salade journalière, des tomates pour 4 salades, des baby carottes pour un apéro gourmand, quelques oignons, aulx et piments. On a fini les pommes hier (des Gala). Elles ont très bien tenu, on aurait pu en prendre plus. Par contre les ananas n’ont pas apprécié leur stockage près des pommes. Ils ont pourri en quelques jours.                              

Navigation et météo :

Voile : 2 ris + solent, 2 ris + solent 2 tours à 2h, 2 ris + solent à 4h, 1 ris + solent à 7h, 2 ris + solent à 17h – vent apparent 10 à 19 nœuds – cap 85 à 110 M grand largue jusqu’à 17h, puis 103 à 110 M petit largue ensuite.

Un élément imprévisible est la force du courant : hier pendant 8 heures on a eu un courant de près de 2 nœuds à nous pousser. De 1h à 1h, on a fait 192,4 miles, record à battre. Mais cette nuit, on a eu un nœud contre nous. Les pilot charts ne sont pas assez précises pour l’anticiper et bien l’intégrer dans le routage. Encore une journée ventée à passer et à partir de samedi, le vent va chuter.

 

vendredi 30 mai 2014. Jour 15 de la traversée. Flores à 465 miles.

5h15, une vague scélérate explose sur le bateau et remplit le cockpit, arrose la carré. Impressionnant le bruit du choc de la vague englobant le bateau, gîte à fond, pourtant le vent n’est qu’à 20/22 nœuds. De jour, on voit mieux les vagues pyramidales qui se succèdent toutes les 4 à 5 secondes ; on se croirait presqu’en Méditerranée. On continue à être sous-toilé mais c’est déjà assez rock-en-roll comme ça avec les vagues. Les bols de fruits au sirop du dessert de midi ont valsé au passage de Khéops, sympa le côté collant et gluant du sirop.

Hier, l’heure du bord est passée à GMT – 1. Plus qu’une heure à gagner et on sera à l’heure des Açores.

Navigation et météo :

Voile : 3 ris + trinquette,  2 ris + trinquette à 13h55, 2 ris + solent à 15h20, 2 ris + trinquette à 20h30 - Vent apparent :  17 à 23 nœuds – cap 97 à 106 M petit largue, puis 68 à 90 M grand largue à partir de 9h.

Les derniers jours de mer se précisent : du vent encore assez fort qui s’évacue vers le nord-est en laissant de belles molles derrière à partir de samedi après-midi. Notre stratégie a été de laisser le gros du vent nous passer au nord en faisant de l’est et le poursuivre en obliquant nord-est dès ce matin. On ne porte pas assez de toile pour vraiment réussir à rester dans la veine de vent mais la mer est trop mauvaise pour l’instant. L’après-midi, on a un peu lâché les chevaux, 2 ris et solent, quand le vent a un  peu baissé, on aligne les miles mais pas vraiment le confort.

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Samedi 31 mai 2014. Jour 16 de la traversée. Flores à 302 miles

Il ne reste plus qu’un petit golfe de Gascogne à traverser pour arriver. Le vent et la mer se calment très lentement et on continue à aligner vaillamment les miles. Ciel couvert ce matin, baromètres qui montent au ciel, l’anticyclone s’approche et avec lui la pétole. Depuis hier, il fait à nouveau bon, vent du sud et température de l’eau qui a remonté à plus de 21 degrés (Annick, prépare tes maillots de bain). Tout le monde va bien à bord, pas le plus petit bobo à déplorer après 15 jours de shaker.

Ce soir, c’est soirée crêpes à bord. Bon, les bretons cherchent la bilig mais les poêles, ça marche très bien. Ce midi taboulé (tomate et citron frais), puis boudin espagnol avec petits pois en boite (améliorés d’une rissolée d’oignon et d’ail, parfumés aux herbes), mangues au sirop et dattes avec légère dilution du sirop au rhum (sinon, c’est un peu écœurant). Ça me rappelle les discussions avec Black Niboune et Kayok : à part la météo, on passait beaucoup de temps à commenter  les menus servis à bord. Aucun des 3 bateaux n’avait quelque chose à envier aux autres côté élaboration des repas. La NSA doit avoir coché la case : Français = bouffe à moins qu’ils ne s’imaginent que c’est un code et que, par exemple, pruneau à l’Armagnac veut dire qu’on se prépare à couler un de leurs sous-marins. Va savoir Charles !

Pour la première fois depuis le départ, sun-deck et bronzage ce début d’après-midi mais ça s’est couvert à partir de 16h30. Le vent a baissé de 10 nœuds, la mer aussi (!).

Navigation et météo :

Voile : 2 ris + trinquette, 2 ris + solent à 8h05, 1 ris + solent à 11h05. Vent apparent : 10 à 18 nœuds. Cap 75 à 90 grand largue puis 85 à 102 M petit largue à partir de 17h30.

Ça y est, on a une vision claire de la météo des 2 prochains jours : un petit anticyclone se centre à l’immédiat sud-ouest de Flores lundi. On va donc le contourner par le nord en montant au 39° 30’ N et en passant par le nord de Flores. Comme ça, on devrait toujours avoir un vent d’environ 10 nœuds portant et ne mettre le moteur que pour gonfler un peu les batteries et planter l’ancre. Petite cerise, on vient de se choper un courant favorable de plus d’un nœud qui rend l’arrivée lundi sur Flores de plus en plus probable.

 

Dimanche 1er juin 2014. Jour 17 de la traversée. Flores à 149 miles.

On envoie le dernier ris et le bon vieux geenacker à 7h. Rapiécé mais vaillant, il nous traine à un peu plus de 5 nœuds. Cela fait 24h que l’on n’entend plus le pilote cogner. Bonne ou mauvaise nouvelle, on ne sait pas, mais maintenant, on s’en fout, l’arrivée est vraiment très proche. On va à nouveau changer d’heure aujourd’hui pour se mettre à l’heure des Açores (GMT + 0).

 

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Le GPS traceur calcule un ETA et indique une heure d’arrivée, jamais le jour d’arrivée ; mais maintenant on connaît le jour, c’est demain, et l’heure fluctue, mais c’est dans l’après-midi. La mer est enfin calmée, le ciel bleu, le vent faible comme prévu, une chaude journée en perspective.

Demain, on voit des arbres, réflexion philosophique de Bernard tout à ses racines paysannes. En attendant, on voit un porte-container énorme à 10 miles en route pour Gibraltar.

Ce midi tapas variées arrosées d’un petit rosé chilien : maquereau aux artichauts (Belle Iloise), poulpe fumé (Lisbonne), œufs durs, tomates, chorizo, jambon serrano(tous les deux de la rue Legendre), cornichons, olives noires,  sobresade(aussi de Legendre), quartiers de citron, pas tout à fait dans ce désordre, échafaudages consolidés par une pique en bois, 5 ou 6 larges tapas pour remplir les estomacs les plus exigeants.

 

Navigation et météo :

Voile : 1 ris + solent, GV + solent à 6h30, GV + geenacker à 7h15, moteur à 19h45. Vent apparent : 4 à 12 nœuds. Cap 97 à 108 M petit largue jusqu’à 6h, grand largue ensuite.

Fatigue ou oubli, on n’a pas appliqué la stratégie météo et on a fait du plein est cette nuit au lieu de se repositionner plus au nord. Le vent ayant basculé sud-ouest, on ne peut plus le faire. On va faire route directe et passer les molles au moteur.  Ce n’est pas très grave. De toute façon, les fichiers météo d’aujourd’hui montrent un anticyclone plus nord que ceux d’hier, donc on n’y coupe pas. Moteur à 19h45 jusqu’à l’arrivée sans doute. Par contre le mouillage de Flores semble jouable jusqu’à mercredi.

 

Lundi 2 juin 2014.

Flores se précise. On longe ses falaises, on voit des villages, des barques de pêcheurs.

 

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14h30, GMT + 0, c’est terminé, on est mouillé à Porto das Lajes. Enfin, on croit, car il va falloir bouger pour un meilleur mouillage.

Fin de croisière au moteur sauf 5 minutes d’essai du spi car on ne voulait pas rester sur un échec. Essai positif sauf qu’en affalant le spi, la drisse s’est bloquée à mi-chemin. On a ferlé le spi sur la trinquette et on va monter dans le mat pour voir ce qui se passe.

 

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A l’arrivée, coup de fil aux épouses, gonflage de l’annexe, sortir les euros pour remplacer les dollars, passer à la capitainerie et prendre la météo, voir s’il y a une place dans le port. Après-midi chargée.

Heureusement une place en marina se libère, voilà la terre ferme.

 

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Conclusions :

Une traversée menée tambour battant (genre tambour de lessiveuse par moments). Vu la bonne force des vents, nos options prudentes de réduction de voile ne nous ont pas fait perdre beaucoup de temps. On a plutôt perdu une douzaine d’heures lors de la pétole du troisième jour lorsque l’on a décidé de ne pas mettre le moteur et un peu de temps lors du refus du spi de bien vouloir sortir du chaud de sa chaussette.

D’un point de vue navigation et routage, nous sommes très contents de nous, surtout après avoir discuté avec la demi-douzaine de bateaux français arrivés en même temps que nous à un ou deux jours près. Ils avaient rencontré 35 ou 50 nœuds de vent, des mers très fortes auxquels nous opposions nos 25 nœuds maximum et une mer de toute façon bien assez forte pour nous. Certains bénéficiaient même des services d’un routeur… La principale erreur que l’on ait faite a été de vouloir rapidement rejoindre le 39/40ème Nord comme le conseillait l’Imray. Heureusement on s’est arrêté bien avant car les dépressions étaient encore très sud en cette fin mai 2014. On aurait dû faire de l’est plus tôt et sans doute gagner au moins un jour sur la traversée. Les autres bateaux se sont entêtés un peu trop nord à un moment donné et se sont faits br… plus ou moins.

La grosse surprise, c’est la chute rapide des températures dès que l’on a quitté les Bahamas. L’autre surprise, c’est l’état de la mer, pas en rapport avec la force des vents, une mer courte, vicieuse, hachée, digne de la Manche ou de la Méditerranée mais bien loin de la longue houle atlantique tant vantée. L’autre point à noter, c’est le trafic assez intense entre les Bermudes et les Açores, voiliers et cargos. Même un voilier anglais avec un francophone à bord mettait à profit nos échanges avec Black Niboune pour mettre à jour sa météo ; nous l’avons appris en croisant le francophone dans les toilettes (c’est un endroit où l’on cause comme un autre).

 

 

Bonjour les amis et bravo pour cette navigation ( quand même aidée à terre!). Il faudrait mettre une alerte aux âmes sensibles, pour certains passages. Après lecture de la troisième semaine, Odile en a eu le mal de mer (nous étions pourtant au mouillage) et n'a pas pu dormir , tellement elle était angoissée, à l'idée de se trouver bientôt dans votre situation! Toutes nos amitiés Odile et jacques

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