de St Domingue à la Jamaïque avec photos (part 1) par Joël

de St Domingue à la Jamaïque avec photos (part 1) par Joël

Posté par : Joel
06 Avril 2013 à 16h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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Mardi 12 et mercredi 13 mars 2013. Nous quittons la marina Zarpar.

Il a fallu attendre 3 jeunes hommes qui ne sont arrivés qu’avec une heure de retard sur l’horaire annoncé : - un pour les narcotiques qui est venu sans chien (2 chiens pour notre jeune voisin américain barbu la semaine dernière au moment de son départ) et qui s’est contenté d’ouvrir un ou deux placards. - le douanier qui a vérifié qu’on avait le bon tampon sur les passeports mais ne nous a rien demandé - la marine de guerre qui sur l’accord des 2 autres nous donne le despacho pour la Jamaïque. Grands sourires, grandes poignées de main, le tout gratuit, on avait perdu l’habitude.

Puis le départ acrobatique de la marina avec du vent de travers mais qui finalement s’est bien passé. En route vers l’ouest. Nous longeons Sto Domingo peu attrayant vu du large, évitons de nombreux cargos.

Nous sommes partis en même temps que nous amis bretons qui filent plus vite, loin devant et en compagnie de Jim, un américain sur le ketch « top of the world » avec qui nous discutons à la VHF et faisons route à la même vitesse… jusqu’à ce que : « Joël monte vite, le bateau empanne » hurle Pierre Henri qui était de quart à minuit. Je monte immédiatement pour voir Pierre Henri accroché à la barre qui enchaine empannage sur empannage (on naviguait à ce moment sous GV seule) et me dit que le pilote est devenu fou. J’arrive avec quelques difficultés à stabiliser le bateau et me rend compte que le pilote ne répond plus. Bernard, réveillé par tout ce remue-ménage a la bonne idée de monter sur le pont. On affale la GV et met en place le solent dans un vent forcissant à plus de 20 nœuds. On décide de faire des quarts d’une heure à la barre. Je commence. Le vent monte à 26 nœuds.

Nuit noire. Portant. Mer hachée avec trains de houle. Il ne m’a pas fallu une heure pour m’apercevoir qu’on n’arrivera pas à barrer convenablement le bateau dans ces conditions. A la relève de quart, nous décidons de rentrer le solent et de se mettre à la cape sèche. Travers à la vague, barre arrimée à contre, le confort

Nous reprenons nos quarts de 3h30 pour surveiller les cargos dont un passe à 300 mètres de notre étrave dans cette nuit sans lune, impressionnant. Nous naviguons à environ 1 nœud en VMG.

7h, le jour se lève, nous déroulons le solent et reprenons des quarts d’une heure chacun en direction de l’île de Beata à 40 miles après avoir envisagé d’autres solutions, comme d’aller à Barahona, port important à 30 miles, mais le guide nautique est très dissuasif pour les voiliers au sujet de cette escale, base militaire, surtout avec notre despacho pour la Jamaïque.Avec un vent de 20 nœuds dans le nez, Santo Domingo était hors de question.

Le plan, c’est de trouver un mouillage tranquille ce soir à Beata et essayer de réparer. En première analyse, c’est soit le moteur grillé soit un problème de contact électrique. On va s’attaquer à cette deuxième hypothèse. Si échec, poursuivre jusqu’à la baie d'Angullas où sont nos amis bretons et profiter de leurs conseils s’ils en ont. Si toujours pas bon, aller en Jamaïque pour profiter de conseils d’experts et éventuellement faire un saut en France si besoin d’achat de pièces.

Le sud de St Domingue est semi-désertique avec de belles dunes et plages entre de petites falaises à souffleur. Nous mouillons devant la marina de guerra de Beata

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et nous plongeons dans les manuels Simrad du pilote. 2 heures plus tard, il faut se rendre à l’évidence, on n’a rien trouvé. Un mail au secours à Marc du chantier Allures pour avoir ses conseils. Auparavant un bon bain shampoing dans une eau superbe face à une plage de cocotiers abritant un petit village avec une trentaine de barques de pêcheurs. Aucune visite, ni de la marina de guerra ni des pêcheurs. On va essayer de partir tôt demain pour éviter surtout la première visite car leur réputation n’est pas bonne d’après radio ponton de Boca Chica. Jeudi 14 mars 2013, le miracle de la persévérance. Départ 7h vers la baie d’Agullas (ou Aguilas selon les auteurs), solent puis geenacker avec GV, fin au moteur dans un vent de face forcissant.

 

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Très beau site désertique, aucune route n’y mène, quelques pêcheurs, des oiseaux aussi pêcheurs, on y retrouve nos connaissances bretonnes chez qui c’est apéro ce soir. Arrivée, baignade, déjeuner (tagine de poulet aux aubergines), sieste, puis on se replonge sur le pilote. Un coup d’iridium et au milieu des mails d’encouragement parfois un peu ironiques de nos épouses, un mail de Marc sur lequel on se jette. Plein de suggestions qui ne figurent pas toutes dans le manuel Simrad mais surtout une information clé : le fusible est près du moteur du pilote. On repart à sa recherche après avoir encore contrôlé toutes les connections. Il faut remarquer que tout les circuits électriques et électroniques sont comme neufs après 2 ans dont près d'une année tropicale. On suit les câbles depuis le moteur du pilote qui rejoignent d’épais faisceaux d’autres câbles et en dépiautant tout cela dans des positions peu confortables, on a enfin la réponse : le câble rouge qui part du moteur est entouré, à un endroit difficilement accessible, de scotch noir pour cacher un raccord et ressort orange. On trouve très vite le fusible sur ce câble orange, 10 ampères comme annoncé, grillé, remplacé, ça remarche. Simultanément on a peut-être la réponse à pourquoi le fusible a grillé. Dans le cadre des vérifications, j’ai resserré tous les boulons autour du pilote et du système de biellette jusqu’à ce qu’une butée de barre tombe de son logement ovalisé. Nous avons été longtemps assez négligeant et avons laissé la barre tourner violemment d’une butée à l’autre lors des mouillages avant que je ne me décide à l’attacher (c’est là que le frein de barre manque). Si la butée a été déplacée par ces chocs répétés, c’est le système de biellettes qui encaissait les efforts de retenue et donc le moteur du pilote qui en a grillé son fusible. Comme tout n’est jamais complètement réparé sur un bateau, il reste à refixer la butée de barre tribord et à surveiller celle de babord.

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Vendredi 15 mars 2013, ciel menaçant.

Tôt levé avec un ciel menaçant qui va s’éclaircir dans la matinée, nous refixons la butée de barre grâce à du patex miracle. La butée babord semble en bon état.

Promenade sur une plage blanche, eau turquoise d’une légèreté incroyable, jusqu’à un mirador du parc. Vue panoramique sur la lagune, la falaise et cette plage de plus de 5 km absolument déserte ce matin,

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les rares pêcheurs ne sont pas encore arrivés. Ah si, on en croise un avec un fusil harpon qui ne date pas d’hier. Quelques mots en espagnol et nous poursuivons ces 2 heures de dégourdissement des jambes.

Snorkeling le long de la falaise sud sans trop d’intérêt si ce n’est celui de tester le grappin de l’annexe pour la première fois du voyage.

Les bretons partent vers 11h, nous les suivons vers midi. En sortie de baie un pêcheur nous montre des langoustes. Nous arrêtons le bateau et j’échange mes 400 derniers pesos dont je ne savais pas quoi faire contre 4 langoustes. Nous faisons l’un et l’autre une bonne affaire.

Bon vent faiblissant rapidement à moins de 5 puis moins de 3 nœuds. Moteur à 19h30 dans un ciel plombé. On doit arriver avant la nuit prochaine à l’île à vache. Des grains devant et derrière, on range tout et nous nous préparons à une nuit humide, la première depuis Vieques. Le pilote fonctionne bien, le moteur ronronne. Ça permettra de rester pas mal à l’abri.

 

Samedi 16 mars 2013, il pleut.

Je prends mon quart à 5 heures 30 au milieu d’une bioluminescence magnifique dans la nuit noire complète. Mais très vite nous recevons sur la tête ce que le radar nous annonçait depuis un moment. De la pluie ! forte d’abord puis crachin breton avec 25°, on s’y croirait une belle journée d’août. Le vent revient et on avance à 5 nœuds pour 2 heures, puis pétole à nouveau, crachin, houle arrière d’un mètre cinquante, brise diesel à nouveau. Un temps à tarot.

Ile à vache apparaît dans la brume à 2 miles ou est-ce Groix ?

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Le soleil se lève enfin quand vers 16h on entre dans l’anse Feret. Au fond de l’anse, on tourne à gauche pour entrer dans une lagune circulaire, de 5 à 7 m de profondeur, protégée du vent de tous cotés. ça ressemble à Marigot Bay à Ste Lucie mais presqu'en mieux.

On y retrouve une douzaine de bateaux à l’ancre et beaucoup plus de jeunes haïtiens sur des embarcations hétéroclites armés de rames faites de palmes.

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Kama, Bernardé, Law, Pipi, Castro, et d'autres encore. Chacun nous offre un service ou nous demande ce dont on a besoin. J’achète à Pipi un pavillon d’Haïti qui nous manquait pour 3$ au lieu des 6 demandés et du vrai prix qui doit être 1$. Avec Law, un adulte, je négocie un masque contre des tomates et des oignons qu’il doit m’amener demain. Ashley doit nous nettoyer la coque. Le tarif semble être de 5$ par plongeur à comparer aux 100€ que l’on a été tout content de donner à Alvaro à las Palmas pour le même job (on vérifiera si c’est vraiment le même job). Ashley a aussi organisé un diner chez sa mère lundi soir pour nous et nos amis bretons que l’on a retrouvés.

La mairie passe et nous demande 5$. Le garde s’appelle Pierre Henry (embrassades) et son aide écope en permanence son dinghy fuyard.

L’accueil est chaleureux, parfois un peu oppressant mais tout reste bon enfant. Barnabé me trouve même gentil !

Nos amis bretons nous rendent visite en annexe et poursuivent à terre. Ils pêchent beaucoup, nous taquinent un peu la dessus et ont été touché par la ciguatera. Jean Marie, en tant que médecin, doit avoir de quoi les soigner. Un voisin italien qui part après demain pour Carthagène passe aussi en annexe et nous donne des nouvelles de son bébé de 10 mois.

Nous prenons rames et annexe et allons voir Jim l’américain solitaire (voir épisode de mardi dernier) pour savoir si tout va bien. Il nous invite à bord et nous concocte un painkiller à sa façon, c’est à dire surtout à base de rhum concentré, délicieux. Nous apprenons qu’il sera à St George, Grand Caïman, mi-avril en même temps que nous.

Harry et son épouse du bateau américain voisin Sea Schell passent en annexe dire bonjour. Nous échangeons nos cartes de visite. Nous quittons Jim après l’avoir invité au pastis du dimanche et zigzagons jusqu’au bateau des bretons, prenons des nouvelles et poursuivons à terre jusqu’au ponton de Port Morgan, un hôtel de luxe qui occupe le nord de la lagune, très intégré au paysage, le village et la plage étant au sud.

En allant vers le village, nous rencontrons 2 couples de jeunes français, dont un sur Callisto déjà rencontré à la marina Zarpar. Ils travaillent en Angleterre, rentrent de temps en temps pour renflouer la caisse de bord et repartent à nouveau en bateau. Il y a plus malheureux. L’autre couple sur Zao est d’Auray mais nous n’avons pas encore eu le temps de discuter avec eux. Ils ont juste l’air cool. A notre premier mouillage, le vent a tourné et nous nous sommes trouvés à quelques centimètres de leur coque. Il nous a juste fait remarqué avec un grand sourire que c’était un peu tôt pour s’inviter à l’apéro. On a donc bougé un peu le mouillage.

Le village a confirmé mon impression d’Afrique en plus propre. On a vraiment l’impression d’être à l’étranger, un étranger francophone, souriant., le Sénégal un peu. Le charme, l’atmosphère, l’attitude digne mais le contact facile. Waouh, quelle étape !

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Retour à la nuit tombante pour enchaîner sur langoustes ; il y a plus malheureux que nous.

 

Dimanche 17 mars 2013.

La pluie nous surprend pendant le petit déjeuner mais s’arrête vite. On distribue le travail :

- Pierre Henri en tête de mat car il a décidé de changer la poulie de drisse de GV qui est abîmée. Effectivement tout un coté est complètement usé, il était grand temps. Par contre on a des difficultés à faire repasser la drisse de GV dans le mat. Après plusieurs essais infructueux et une fatigue de PH, on remet ça au lendemain.

- Ashley et son copain Stanley vont nettoyer la coque. On leur a préparé masque, tuba, brosse et spatule de bois pour les coquillages. Par contre malgré leur jeune âge (une vingtaine d’année maximum), ils s’épuisent vite du fait d’une nutrition sans doute un peu limite. On met du temps

- Pipi ou Castro, ou les deux, c’est à négocier entre eux, vont nous amener demain au village Madame Bernard pour le marché, l’orphelinat de sœur Flora et une promenade dans l’île, programme de toute la journée. En fait, il n’y aura pas de négociation possible car leur habitude est de ne pas partager entre familles différentes, il faudra décider et c’est un peu un crève-cœur.

Roman nous a promis de nous ramener dans une de ces étranges barques surtoilées qui font aussi le charme de l’île. C’est un champion, il a déjà gagné la régate.

- un petit lève-tôt nous a pris notre poubelle contre une canette de coca pour le plus grand malheur de tout un tas de lève-plus-tard.

- Law arrive vers midi avec tomates et oignons, comme prévu je lui donne un masque de plongée. Après réflexion et un peu de discussion, je lui donne aussi ma palme orpheline depuis qu’elle a perdu sa sœur au large de Villagarcia (çà, c’est vraiment pour ceux qui suivent très bien et mémorisent tout).

Baignade jusqu’à la caye Raquette dans la baie Freret, posidonies en majorité mais quelques beaux endroits de coraux et algues violettes. En fin d’après midi promenade dans les villages jusqu’à la magnifique plage de Abaca baie.

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On peut se rendre compte de la catastrophe agricole du déboisement des collines dont la terre arable est entraînée par les pluies diluviennes et l’herbe rare sur-broutée par moutons, chèvres, vaches et volaille.

Les gens croisés répondent gentiment à nos bonjours, nous proposent de nous servir de guide et devant notre refus souriant n’insistent pas. Quel plaisir : ces gens, très pauvres, nous savent très riches, essayent de gagner un peu d’argent en nous proposant un service ou des produits et ne montrent aucune animosité à nos refus, juste parfois un peu de tristesse, aucun racisme anti-blanc apparent. Ils savent que la fragile économie de l’île est en grande partie liée à sa très bonne réputation auprès des navigateurs. Tous les blogs, guides et radios ponton nous incitent, à juste titre, à faire escale à cet endroit. On peut demander un renseignement, une direction, l’information nous est donnée gratuitement et de façon souriante. Ça change de St Domingue et autres lieux.

Bière un peu chère à l’hôtel d’Acaba baie (9$ pour 3) et retour à Caille Coq par la colline, superbe vue sur l’est de l’île et son petit lac intérieur.

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Nous pouvons même assister au derby de foot Hôtel Morgan contre Hôtel Abaca. La foule du village, bon enfant, rigole des toiles et autres loupés de 22 compères qui ne marchandent pas leurs efforts. Match très correct, l’arbitre intervenant peu.

On achète 3 petits pains pour 1$ et on rentre au bateau la nuit tombant.

On prépare le colis pour l’orphelinat : une vingtaine de stylos, plus de crayons couleur et papier, quelques T-shirts, 2 casquettes, 1 serviette, 1 vieux K-way, 1 paire de chaussures et un bidon de lait en poudre.

Le match de foot est terminé et maintenant ce sont les tambours vaudous qui font le fond sonore. Pour le deuxième soir, encore langouste, puis avocat et melon au porto avec une lichée de rhum. Melon quelconque mais accompagnement bonne recette. Le tarot avant dodo.

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