Naviguer seul. Décembre 2020.

Naviguer seul. Décembre 2020.

Posté par : DANIEL
16 Décembre 2020 à 14h
Dernière mise à jour 23 Avril 2021 à 15h
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Après avoir beaucoup lu Moitessier et Antoine,  j'ai du commencer à rêver à la navigation en solitaire il y a plus de quarante ans.

Avec le temps, n'éprouvant    pas de plaisir particulier a être seul  et étant de moins en moins jeune,   j'en étais arrivé à la conclusion qu'il était plus raisonnable de naviguer à deux, sécurité oblige.

Mais toujours avec l'arrière pensée, vieille de 40 ans , que naviguer tout seul doit être une expérience bien particulière et peut-être la quintescence de ce que  la liberté sur un voilier peut nous apporter sur cette terre bien contrainte.

C'est donc sans trop d'hésitations que j'ai accepté de faire cette traversée Cadiz - Lanzarote tout seul, mes candidats équipiers ayant tous déclaré forfait  devant le confinement français du mois de novembre, que je trouve, soit dit en passant, largement trop pénalisant pour l'économie  française et infantilisant pour la population. De ce point de vue, j'ai largement apprécié les politiques sanitaires espagnoles beaucoup plus raisonnables et respectueuses  des besoins des gens.

Ceci étant dit,  et pour revenir à notre sujet, entre y penser et le faire, il y a le même espace que celui que j'avais  éprouvé quand mon instructeur  de pilotage d'avion avait  quitté sa place de passager pour me laisser faire mes preuves de pilote tout seul, je m'étais tout d'un coup senti bien seul et petit dans cette  cabine de pilotage devenu  bizarement bien trop large.

Se retrouver seul change bien des choses et de nombreuses questions viennent rapidement    à l'esprit.

La première, la plus importante et inquiétante est celle du sommeil.

Est-ce que je vais arriver à dormir suffisamment sans sacrifier la sécurité de la veille?

Afin de ne pas réinventer le fil à couper le beurre, plongeons nous tout de suite dans les dernières connaissances sur le sujet: les coureurs du Vendée Globe sont entrainés à dormir par tranches de 40 mn, 3 de jours et 6 de nuit.

Pour moi qui dort "normalement" entre 9 et 10 heures , le coup est dur.....  et on va faire en sorte qu'il ne dure pas trop longtemps, 4 jours pour 600 milles seront bien suffisants.....

C'est donc parti pour des séances de 40 mn,   dès que c'est possible,    en espérant que le sommeil vienne. Il faudra attendre    5 heures du matin , le lendemain du départ pour  le trouver , environ 2 heures et demi en trois séances.

La journée qui suit se déroule sans fermer l'oeil  et je change de tactique en me disant que 40 mn c'est trop court et passe à 90 mn, après vérification à l'AIS qu'il n'y a rien d'inquiétant autour.

Je dormirai ainsi 3 heures la deuxième nuit, 1 heure la  deuxième journée, 4 heures la troisième  nuit, le tout sans se sentir particulièrement fatigué.

La troisième journée, pas de sommeil, l'arrivée est prévue le lendemain et les conditions s'agitent à partir de midi. La quatrième nuit se passe en réglages permanents et arrivé à 30 milles de Lanzarote,  je me dis que si je veux dormir c'est maintenant ou jamais.

Sommeil vite trouvé pendant trois quart d'heure car même si j'ai   du    me  forcer    à aller me coucher, la fatigue était là.

Sur la petite centaine   d' heures de la traversée,  j'aurais dormi 10 heures de nuit et une de jour. J'ai l'impression qu'avec l'habitude, j'aurais   facilement dormi de plus en plus.

Enfin , j'avais quand même les oreilles bourdonnantes à l'arrivée et la tête un peu en vrac..... 

Et la sécurité de la veille dans tout ça, me direz-vous?

Sur  Teranga, on fait beaucoup confiance à l'AIS: on y "voit" normalement à plus de 40 milles et ceux qui l'ont, à l'exception des pêcheurs , sont en général plus rapides et se détournent pour passer à plus d'un mille.

J'ai l'impression cependant que certains bateaux n'allument pas leur AIS en permanence, notamment deux pêcheurs que je n'avais pas repérés avant d'aller dormir, et qui au réveil n'était plus qu'à quelques milles,  tout ça à plus de 100 milles des côtes.

Si je suis inquiet je donne un coup de radar, mais cette précaution ne m'a jamais  donné de nouvelles cibles . J'ai l'impression que les navires de moins de trente mètres ne sont que rarement détectés  au radar à plus de 5 milles.

Pour conclure je rappellerais l'avis d'Antoine  qui dans les années 1980 disait "ma conviction est qu'au grand large, en dehors des routes  habituelles des cargos, le risque de voir deux trajectoires  se couper exactement est vraiment très faible".  Il reste à chacun de savoir où commence le grand large pour se permettre les longs quart de sommeil.

Quand aux autres questions qui m'ont interrogées avant ce départ bien particulier, il s'agissait de  voir     comment    je pouvais mettre en oeuvre le tangon   tout seul, répétition donc de rigueur en imaginant que les conditions  dans les vagues ne sont celles de la marina.  Révision non testé en conditions réelles , le vent arrière n'étant pas au rendez-vous.

Ensuite les prises de ris et là    j'ai pu vérifier que  les ris automatiques sont bien sécurisants, surtout quand on arrive au troisième en pleine nuit. Il faut ajuster la surface du génois pour arriver à une allure travers confortable que le pilote automatique pourra tenir sans difficulté pendant la manoeuvre. 

On réalise alors que seul et sans pilote, les manoeuvres deviendraient    vite très compliquées, voire scabreuses. L'idée d'avoir un pilote de secours germe alors et l'Hydrovane  offre une solution facile avec son deuxième safran. 

Teranga sera donc équipé  dans le futur d'un petit pilote de barre franche qui en prime permettra de garder un cap par rapport au vent , ce que mon pilote principal ne permet pas.

Naviguer seul est donc une vrai aventure qui conduit à réfléchir sur la sécurité de la conduite du bateau et à améliorer, toujours.......

Et avec l'âge s'avançant, je me dis qu'une manivelle à winch électrique peut être aussi un précieux secours, des solutions à base de perceuse sans fil  (beaucoup moins onéreuse que le matériel dédié)  étant en gestation grâce à mon préparateur préféré, soit BMS à Saint Raphael qui suit Teranga depuis sa naissance.   

 

 

 

   

Bravo pour avoir osé cette expériance !

merci pour ton expérience

Hello Daniel, excellent, on en redemande :-) en phase avec toi, et j'installe un radar doppler dernier cri sur l'arceau afin de doubler la veille (ais + radar donc) et ainsi renforcer la sécurité pendant les phases de sommeil/cuisine/réflexions à la table à carte. radar sur l'arceau parcequ'il est plus bas et devrait donc être optimum pour l'anti-collision où on a surtout besoin de voir près (enfin j'espère que l'ombre du mat ne fera pas un gros trou). Hydrovane posé à coté de l'échelle, ne mange pas trop la jupe finalement...les travaux avancent :-) bon séjour dans l'arc antillais nous on risque fort de reconfiner debut février ! Olivier

Merci pour tes commentaires Belle traversée en 20 jours Pas de pluie mais beaucoup de roulis Bon courage pour les travaux A+

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