MON BAPTÊME KOGI

Posté par : Sylvie et Patrick
25 Novembre 2023 à 17h
Dernière mise à jour 02 Décembre 2023 à 03h
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Patrick prend la plume pour ce 2ème épisode consacré au peuple amérindien Kogi (prononcer Kogui).

« Pas moins que nous,  différents !  » Eric Julien

La rencontre avec les Kogis est sans nul doute ce que nous avons vécu de plus fort en Colombie.

Nous continuons la découverte de cette altérité, en étudiant à bord. Et c’est un bonheur!

Voici nos sources vidéo sur le net

  • alunathemovie.com
  • Amérindiens de Colombie/Ce que Les Kogis ont à nous dire (une très jolie co-production de 2023 très documentée INRESS CERA Institut Économie positive Ulrich Ramp Foundation Tchendukua…).
  • #3 Sauver la Terre: le message des Kogis de Colombie Un podcast de l’AFP
  • Éric JULIEN Les indiens Kogis gardiens de la planète
  • soundsandcolours.com « Pourquoi Les Peuples Kogui de Colombie Sont-ils si Uniques? Emma Saville 21 février 2018
  • peopleareculture.com
  • Quand les jeunes et les scientifiques dialoguent avec les Kogis » Tchendukua-Ici et Ailleurs.
  • 1987 Sierra Nevada Santa Marta INDIOS KOGUIS Colombia Antigua
  • The Wiwa An Indigenious tribe in the Colombian Mountains Culture Trip
  • Dialoguer avec le vivant Éric JULIEN #325 Podcast Métamorphose  d’Anne GHESQUIÈRE
  • Jugukui-Goberno proprio para el bien vivir COCOP Comisión National de Comunicación Indigena
  • André Conte Sponville ‘Pas le bonheur, pas le malheur: l’ennui »

La part du colibri

Parce qu’il doit la vie aux Kogis qui l’ont récupéré en 1985 mourant dans les sommets de la Sierra, Éric JULIEN, un français, a consacré sa vie à la récupération de leurs terres.

Entre 1997 et 2020, plus de 2000 hectares ont été récupérés, 60 familles ont pu se réinstaller sur les lieux de leurs ancêtres et près de 1200 hectares de forêts ont été régénérés" grâce aux fonds de son  association Tchendukua-Ici et Ailleurs

Alan EIRERA, journaliste à la BBC  fait de même, des espagnols également.

Depuis les années 90, les sages Kogis demandent à leurs protecteurs la rencontre de scientifiques, pour convaincre de l’urgence. Aluna, la Terre Nourricière est malade.  
Du coup, les spécialistes internationaux du sous-sol, du sol et de l’hydrographie, de la faune, de la flore, s’approchent des espaces récupérées et… s’étonnent.

Tous constatent le miracle kogi :

En 10 ans, les terres « mortes » ravinées, désertiques récupèrent, ressuscitent. « la Mère est de retour »

Mais comment font-ils ?

S’en suivent des reportages et des écrits poignants…On vous résume.

Aider nos  Petits Frères

Les kogis se nomment nos Grands Frères. Ils nous nomment pacifiquement Petits Frères… parce que, selon eux, nous vivons de façon infantile, développant le monde de l’envie. Nous dilapidons la Terre-Mère pour assouvir l’envie.

  

L’urgence les décident à se rapprocher de nous pour nous aider à comprendre les liens entre nos actions et la détérioration de la Terre.

  • D’une part leurs sages, les Mamos vont « aller vers nous » .

Ils apprennent l’espagnol, voire l’anglais. Ils sollicitent les « colibri » occidentaux qui sont arrivés jusqu’à eux pour apprendre à filmer, participent à des colloques, des expériences scientifiques.

  • D’autre part Les kogis s’engagent à tour de rôle à accueillir des touristes chez eux :

Quelle chance, quelle merveille, qu’en début de Voyage, ainsi nous puissions rencontrer l’altérité à un si haut niveau. Quel honneur de transporter dans nos becs de tout-petits colibris quelques gouttes d’eau…contre l’incendie.

 

Le Cœur du Monde: laboratoire et caisse de résonance

Figurez-vous que vue du ciel, cette extrémité Nord de la Cordillère des Andes, la Sierra Nevada de Santa Marta à la forme d’un cœur.  Notez aussi sa  «méga diversité ». La Sierra Nevada de Santa Marta est sur le podium de la biodiversité de la planète: La quasi totalité des écosystèmes terrestres s’y trouvent étagés, depuis les fonds marins jusqu’à ses 5750m d’altitude. Déserts, jungles plaines et forêts toundra, glaciers…la liste serait quasi infinie.

Et par curiosité, regardez les 2 photos ci dessous:

  • la première c’est ce que nous voyons quand nous regardons une montagne.

  • La 2ème c’est ce que les indiens Kogis lisent du paysage quand ils regardent leur montagne: Shikwakala, les trames invisibles qui maintiennent le monde. Un ensemble très précis de trajets hydrographiques, de passages d’animaux, d’insectes, d’oiseaux, de poissons qui interagissent fécondent et nettoient la terre. Et eux, les peuples de la Sierra Nevada  savent où et quand intervenir pour soigner l’écosystème.

Pour les Kogis, la Sierra représente "le cœur du monde", un organisme bien vivant, dont les fleuves, rivières, montagnes ou forêts sont les organes…comme devrait être tout pays pour ses habitants soucieux d’en préserver les richesses.

La contrepartie de ce trésor « concentré » est sa vulnérabilité.

Ce qui se passe ici quelque soit l’étage affecté, abîmé, détruit devient la caisse de résonance de ce qui se passe sur le reste de la planète

« Si Aluna, notre Mère meure, c’est toute notre vie sur Terre qui va s’éteindre » dit un Sage Mamo Kogi

 


Photo 1 Les sacs tissés des indiens sont amarrés sur les mules

Photo  2 Pendant l’ascension, avant l’entrée dans le territoire Kogi,  nous croisons des maraîchers: Maman et les paquets sur la mule, Papa et le loupiot sur la moto.

 

En 2022, l’UNESCO  déclare les Kogis Gardiens de la Nature

Les Kogis, au même titre que les communautés  voisines, les Arhuacos, les Wiwas, les Kankuamos conservent aujourd'hui les connaissances nécessaires pour "prendre soin de la vie de mère nature, de l’humanité et de la planète".

L’Unesco a décidé d’inscrire en 2022 le savoir des indigènes colombiens de la Sierra Nevada au patrimoine immatériel de l'Unesco.

Une décision qui réaffirme leur rôle de "gardiens de la nature".

Ce sont en effet leur connaissances et leurs résultats en « Biodiversité » qui interpellent notre monde « civilisé » qui renâcle à la « transition écologique ».

 

Pour plus tard…quand nous serons prêts

La description des étoiles invisibles par les sages Mamos aux astrophysiciens londoniens médusés est un grand moment des vidéos.
Car Les sages Kogis possèdent bien d’ autres connaissances qui laissent pantois: Astronomie, mathématiques, physique, chimie,  médecine dont on ne sait d’où elles proviennent. Que nous nous appelons ainsi mais qui pour eux forme un tout et non des disciplines différentes. Mais où donc? Et comment ont ils pu apprendre tout cela?

Le refus du profit

A la demande du gouvernement colombien, les communautés indigènes de la SierraNevada de Santa Marta s’étaient lancés dans la production du café.

Mais se rendant compte que les rémunérations en argent commençaient à propager de l’envie, de la jalousie et des querelles, les communautés ont décider d’arrêter.

Le partage et l’entraide, source de joie et de sécurité pour tous, sont leurs valeurs ET leur manière d’ETRE au monde, depuis plus de 4000 ans.

 

Cherches et tu trouveras


Évidemment le pont se balance…

Notre aventure avait commencé la veille avec la  recherche du gîte rural  qui nous permettrait d’être au RDV matinal le lendemain . C’est Jane, l’amie franco-anglaise d’enfance de Sylvie qui a trouvé dans la jungle l’entrée du pont suspendu qui y menait.

Puis trouver le bon chemin avant la tombée du jour: la pancarte était tombée dans les herbes.

Juan un traducteur engagé

Nous avons eu beaucoup de chance d’avoir un traducteur qui partageait sincèrement les valeurs indigènes.

C’est à Adrian, l’organisateur de notre immersion lui même indigène d’une autre communauté que nous le devons.   

 

 

Juan attend la fin des propos de Tonio pour traduire . Sa nièce Ruta n’en perd pas une miette…ni Jane qui filme.

Tonio vérifie régulièrement que nous avons retenu et que nous sommes capables de transmettre.

 

Surplombant le champ de canne à sucre…

La canne à sucre est connue depuis la préhistoire. Alexandre Legrand la fait découvrir aux européens en-325 AvJC., ramenée de l’Orient. Le mot sucre dérive du sanscrit Shakar.

Les apothicaires d’Europe la vendent alors pour ses vertus médicinales.

A partir de 1654 on commence à en trouver dans toute la mer des Caraïbes soit en provenance du Brésil soit en provenance des Antilles.

C’est une graminée tropicale herbacée de 2,5 à 6 m de haut que l’on coupe avant la floraison.

Photo 1 Derrière Tonio le champ de cannes à sucre du village. Au fond la mer des Caraïbes, si proche.

Photo 2 Tonio nous montre le repiquage facile: 2 morceaux ainsi plantés dans le sol

 

Je vais maintenant vous raconter mon baptême Kogi

Naama Sicau , moi, Patrick, je suis débaptisé et renommé ainsi dans la communauté Kogi .

Dans la communauté Kogi, les gros outils sont communautaires. Entendez par là, qu’ils appartiennent à tous, sont utilisés par tous,  réparés par tous, pour des profits communs.

Celui-ci est la presse à canne à sucre, qui défie le temps et se renouvèle constamment. La machine a une vie de 10 ans en plein air, 20 ans sous abri.

Celle-ci a été fabriquée par le menuisier de la communauté, pour une jeune vache en échange. La monnaie n’a pas de valeur ici. Le troc est roi, chacun selon sa spécialité apporte ses compétences aux autres….

Mon nouveau baptême provient de mon intérêt pour la  dite machine et sa compréhension.

Conçue au XVI siècle , avant l’arrivée des espagnols, broyer la canne à sucre était un titanesque travail. Un morceau de bois, comportant des entailles, dans lesquelles la canne était coincée faisait office de broyeuse pour récolte la sève sucrée de la canne.

J’ai vu, j’ai essayé… il paraît que l’on pouvait produire 20l/jour par personne, attelé au morceau de bois…

Naama Sicau, Kogui, qui avait conçu ce premier outil, n’était pas satisfait du résultat, constatant la peine et l’effort nécessaire à ses compatriotes Kogui. Il conçut une machine avec 2 cylindres bois, que l’on faisait ensemble tourner par une barre pour écraser la canne. Le rendement augmenta de façon notoire pour arriver à 60l/JOUR/ par machine…

Non satisfait, tout de même, il conçut un système avec 3 cylindres, munis de pignons en bois, reliés ensemble à une roue munie d’un grand bras de levier, attelé à une mule. Le  rendement parvint à 60l/HEURE.


Cette machine est celle que nous avons sous les yeux, de conception XVI siècle… inouï.

Il faut mettre la canne entre 2 cylindres, le central et celui de droite, puis lorsqu’elle ressort derrière le cylindre central, la remettre entre le cylindre central et celui de gauche. Doublement broyée, la canne expurge son jus dans un canal placé sous la machine, vers un récipient, en extrémité de machine.

Ce qui a suscité mon intérêt est le mécanisme utilisé. Toute la machine est démontable en une heure, remontable aussi vite…  elle est réglable grâce à des coins de bois, qu’il suffit d’enfoncer plus ou moins… avec un maillet. Tout se règle simplement, pas de panne possible si le bois est entretenu. Celui de Colombie vaut celui du Bresil pour sa qualité , des veines très serrées, une dureté exemplaire.

Si la machine vient à se dérégler sous la bousculade d’une mule têtue, un ajustement au maillet sur l’un des coins règle le problème.

Penser que cette machine a 500 ans de conception me laisse perplexe vis à vis de notre société de consommation.

Mon intérêt pour cette machine, mes questions, mes touchers sur les cylindres de bois, mes recherches sur le démontage, ont attiré l’œil de Tonio, notre guide Kogui, qui a choisi de me débaptiser pour me renommer Nama Sicau.

 

La panela 

La panela est la boisson des peuples amérindiens de la Sierra Nevada de Santa Marta

Le jus de canne est ensuite mis sur le feu de bois pour une cuisson lente. Tournée constamment et délicatement,   le jus melassé est ensuite mis dans des formes de bois pour obtenir un lingot doré de Panela, sucre non raffiné au goût exquis, riche en minéraux.
Mélangée à l’eau c’est l’aguapanela, servie « frio », désaltérante dans les restaurants. Avec l’alcool, boire avec modération, cela coule si délicatement vers la gorge…

Faire si simple, si perfectionné, une machine qui traverse le temps…

Tonio très cérémonialement me passe son sac kogi de coca et son poporo.
Je suis fier et ému.

Ce sont les attributs féminins (le sac) et masculin (le poporo)  du Kogi, qui symbolise son lien à la Terre-Mère et son aptitude à la soigner.


Comment soigner la terre?…L’art de calmer l’agitation mentale.

Pour nous Les Civilisés, l’affaire démarre sur un terrain peu aisé:  Pour soigner la Terre, les Kogis commencent par méditer et observer. 

Pour eux, l’apaisement du mental est indispensable.

Alors nos mémoires originelles des bienfaits de la création se réveilleront et l’envie consumériste s’endormira.

 

Tonio a souligné un comportement qui aurait peu retenu notre attention sans son insistance: hommes et femmes kogis sont éduqués à l’importance…de s’occuper les mains pour calmer l’esprit.   


Photo 1 La teinture de l’herbe à tisser précède le filage

Photo 2 Sylvie apprend avec Ruta ( 11 ans ) à rouler l’herbe sur la cuisse pour en faire un fil.

Le tissage des sacs: forme de méditation féminine

Le fil symbolise le lien avec La Mère … La pause tissage est valorisée, encouragée.

Si une femme ne reçoit pas ses herbes pour filer, la communauté s’inquiétera de ce désintérêt manifeste du mari pour les besoins de son épouse.

 

Faire grandir le poporo, forme de méditation masculine.

Photo 1 Un Sage Mamo : le col du poporo très épais

Photo 2 Le poporo d’un jeune Kogui : le col du poporo est encore  fin

 

Le premier poporo est remis aux adolescents par le Mamo lors de leur entrée dans l’âge adulte.

Symbole identitaire fort, les 4 ethnies de la Sierra ont des poporos de formes différentes.

Mode d’emploi:
Au centre d’un vase de fruit séché  (sorte de coloquinte) de 25ml environ, de la poudre de crustacés: le lima.
A l’aide d’un bâton humecté de salive, la poudre est touillée.

Simultanément les feuilles de coca sont  mâchées, et le lima extrait avec le bâton est sucé. (apport de calcium, magnésium  et de silice…)
Il en résulte une pâte que les hommes Kogi étalent autour du col du poporo pour développer une croûte durcie.

Elle grossit au fil des semaines, des mois, des années. De ce fait, l'étendue de cette couche  révèle   l'âge et la maturité de l'homme Kogi. 
La répétition du geste favorise l’état méditatif.

 

Le sac de feuilles de coca

Tonio, pendant notre ascension, a croisé un Kogi d’une autre communauté qui descendait. Ils ont échangé quelques feuilles de coca. Un partage respectueux.

Dans les pays andins, la coca est une plante sacrée. Son éradication est perçue comme un génocide culturel. Les peuples andins utilisaient les feuilles de coca à des fins religieuses et médicales des milliers d’années avant que les hommes blancs n’apprennent à en extraire son alcaloïde, la cocaïne. Riches en vitamines et en minéraux, elles servaient traditionnellement à guérir des maux comme la dysenterie et le mal des montagnes.

La grande majorité des hommes amérindiens continuent à en  mâcher quotidiennement pour prévenir la sensation de faim car, mélangées à de la cendre, elles ont un effet anesthésiant sur l’estomac.

 

La tisane de feuille de coca

Olga, en maîtresse de maison attentionnée pour nos muscles endoloris, nous prépare la tisane.

Les infusions de feuilles de coca suffisent largement à satisfaire les besoins journaliers en calcium, fer, phosphore, vitamines A et B2. Contrairement à la croyance populaire, le coup de fouet que procure cette plante ne vient pas de son 0,5 % de cocaïne – qui est en fait détruit par la salive dans le tube digestif – mais de la transformation de ses hydrates de carbone en glucose et de son effet stimulant sur l’appareil respiratoire

 

Pour conclure

Ce sont les rouages civiques de la communauté qui m’ont  vraiment impressionné.
Les kogis maintiennent leur société pacifiste en respectant les besoins de chacun depuis 4000 ans! Tout de même! Respect! 

Ils commencent par l’éducation et se poursuivent par la régulation de Maison des Hommes et de la Maison des Femmes, tels que Sylvie l’a évoqué  dans la précédente newsletter.


A bord de Croix du Sud, Les Séniors Des Flots  vous  embrassent.

 

 

 

 

 

 

Emplacement

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