c'est parti (par Joël)

c'est parti (par Joël)

Posté par : Joel
24 Avril 2012 à 09h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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L’entrée en matière.

 

Depuis un an, planning décidé, planning suivi : rassemblement le 10 avril, départ le 11 si la météo le permettait. La marée autorisant un départ vers 14h (ou 2h du matin, option même pas discutée :-)), le froid polaire, le besoin d’amarinage impose une première étape à Aurigny.

Départ tôt le 12 pour un passage smooth du ras Blanchard à la renverse de mortes eaux. Le vent monte de face et zou, St Peter’s port, son carburant à moins de 1€ le litre et son château Cornett (superbe visite), une bière dans un pub.

Lever tôt avant le soleil le 13, Trébeurden, beaucoup de moteur, un peu de voile le long des 7 iles, une première pêche, un poisson bizarre genre anguille avec livrée de maquereau. Persuadé d’avoir trouvé une nouvelle espèce, no kill, remise à l’eau et rangement du matos pour rester sur ce beau succès. Mouillage sur bouée pas pépère avec du clapot devant Trébeurden.

Vent de face le 14, moteur, grains, ile de batz, enfin voile pour passer la Malouine avec 2 empannages et entrée triomphale à L’Aber Wrach sous GV et geenacker. Comité d’accueil fourni (le fan club s’était enrichi de 4 enfants qui prirent rapidement possession du bateau, s’attribuèrent les couchettes et furent réticent à quitter leur nouveau royaume à l’appel de leur mère).

4 experts autour de la capote arrachée. Des conseils judicieux,  mis en œuvre le lendemain, réparation qui tient toujours. On a enchaîné par le Kig hag fars après douches salutaires pour nos narines et poils rasés. Accueil chaleureux de Fanch et Maguy, avec confitures, andouille, poireaux du jardin et tomates du voisin qui vinrent enrichir l’ordinaire du bord.

Départ le dimanche 15 vers 14h pour le chenal du four avec la marée, tentation de mouillage à Lampaul en prenant le Fromveur sans changer de bord mais Sagesse nous mena à Camaret avec un virement de bord après lecture des instructions nautiques pas vraiment encourageantes pour Lampaul. Belle journée intégralement sous voile, la première depuis le départ, un bon force 5, une mer bien agitée mais pas cassante. A part le froid persistant, le pied.

Départ tôt le lundi 16, rase-caillou à Sein pas entièrement volontaire contre un courant de 3 nœuds. Beaucoup de moteur, le vent arrive trop tard pour motiver l’équipage à établir la voile en vue de Loctudy.

 

 

 

Marche d’approche terminée.

 

Notre marche d’approche vers notre Everest est terminée. Nous voilà au pied du mur avec 3 jours de coup de vent annoncés, histoire de nous bloquer au port de Loctudy et de faire monter la pression (quoiqu’elle doive baisser en hp).

En attendant, Loctudy, lundi soir, ses demoiselles (2 kg à 4) suivies d’étrilles après l’apéro/tarot.

Cherbourg / Loctudy en 6 jours, on n’a pas fait sauter les compteurs, mais 6 c’est le nombre d’épaisseurs sur le dos pour lutter contre le froid (ne te découvre pas d’un fil). Nez bronzé, mains gercées, en route vers le sud.

Pas vraiment l’impression d’avoir débuté quelque chose : c’est la quatrième fois que l’on fait cette route dans ce sens avec pratiquement les mêmes étapes. Ca va démarrer maintenant.

Le Golfe de Gascogne : l’endroit avec la pire réputation de tous les endroits prévus de notre périple et ça arrive tôt dans le froid avec un amarinage plutôt léger. Trop de lectures de vagues pyramidales, de houle croisée, de coup de vents imprévus. Et tout ça pour arriver en Galice, une côte à réputation sulfureuse. Voilà pour l’appréhension et le stress.

Cotés positifs, un équipier qui n’aura surement pas le mal de mer (Bernard) et un bateau indestructible. Aussi la possibilité de raccourcir l’étape en visant l’est de La Corogne, Gijon par exemple. Mais ça fera 2 nuits en mer de toute façon.

 

Le Golfe de Gascogne

 

L’attente à Loctudy aura duré 3 jours avant que la fenêtre météo ne s’ouvre. S’entrebaille plutôt. Un vendredi assez favorable avec un 5 de WNW, un samedi inquiétant avec un 6/7 d’ouest et un dimanche avec vent faible pour regagner à l’ouest et au moteur ce qui aura été perdu en cap le samedi (le cap théorique est au 218 pour La Corogne). Puis à partir de lundi, 3 jours de tempête en Galice, il faudra être de l’autre coté et dans un port.

En fait le départ idéal aurait été le jeudi soir, mais manque d’enthousiasme de l’équipage pour démarrer par une première nuit en mer et surtout passer au total 3 nuits en mer dans le froid. Et la météo du dimanche était suffisamment bonne pour valider un départ le vendredi matin tôt.

Vendredi 8h, pas de vent heureusement car j’ai demandé de garder la mauvaise aussière en dernier, 2 marches avant, 2 en arrière pour une sortie laborieuse avec l’aide du propulseur d’étrave… 1 heure de moteur à l’abri de la cote puis le vent s’établit, force 4 puis 5 à 70 degrés de la route. Bateau gité sous trinquette et GV 1 puis 2 ris. 6 nœuds de SOG un peu à l’est du cap. Salade de riz au thon mangée sur le pont dans une mer arrosante, aspergeante, croisée  et cognante avec des creux de 2 à 4 mètres pour les plus grosses vagues.

Le riz passe mal. Patrick craque et adopte la position allongée en duvet sur la banquette du milieu de la carré (tribord amure, elle est assez confortable), à la tête 2 seaux : un pour le vomi, l’autre pour le coca et la bouteille d’eau, barres de céréales et pain d’épice sur la table en attente d’envie improbable mais qui finira par arriver. C’est parti pour 36 heures si l’on excepte quelques expéditions aventureuses vers les toilettes et un ou deux passages sur le pont pour prendre l’air.

Pierre Henri et moi sommes en survie, pas malade, pas faim, pas soif, juste rien faire, heureusement pas froid. Beaucoup allongés dans sa couchette tout habillé, bottes aux pieds, les quarts assez peu actifs. Pierre Henri avait adopté la couchette anti-roulis de la carré (plutôt que la cabine avant du genre préparation de cocktail (autrement dit shaker)), moi dans ma couchette bâbord, bizarrement la tête au fond et les pieds à la tête (position sécurité pour gicler plus vite au cas où…). Allongé dans ma couchette, hors quart, je sentais parfois la main de l’océan qui saisissait le bateau, le secouait rapidement dans tous les sens, puis le relâchait, le bateau reprenait sa route. Pas peur, j’avais confiance dans le bateau, mais c’était … saisissant.

Incapable de ranger le tas de spaghettis qui pendait du piano : au premier essai, grosse suée, vite de l’air et ne surtout rien faire. Une barre de céréale a du mal à passer, la gorgée d’eau aussi.

Nous avions au début le pilote en mode « vent » pour limiter les interventions sur les voiles et profiter des adonnantes. En fait le vent apparent variait trop avec les vagues, le pilote avait du mal à étaler et nous ralentissait beaucoup. On est alors passé en auto et on modifiait le cap toutes les 5 à 10 minutes pour suivre les variations du sens du vent. Ca occupait les quarts. Comme le bateau cognait beaucoup, j’ai essayé un peu en manuel. Pas beaucoup d’amélioration et en plus je perdais 10 degrés en cap.

Pendant le quart de nuit je me décide de prendre un mercalm. En fait, la dernière fois que j’en avais pris, il y a 4 ans,  j’avais été très mal pendant 12 heures, complètement abruti et tremblant. Là, ça marche, je vais mieux. Ils étaient périmés depuis 2 ans, ça avait peut-être atténué un peu leur virulence.

De plus, on a passé le plateau continental et la mer se calme, creux de 1 à 2 mètres, mer moins croisée, le bateau cogne moins, on est moins souvent arrosé même si la plus grosse vague reste à venir, submergeant tout et s’infiltrant dans la carré pendant un quart de Bernard.

Pierre Henri va mieux aussi , Bernard est impérial finissant la salade de riz, attaquant le pâté, se plaignant un peu que je ne sois pas à la cuisine en train de mitonner des petits plats. Je lui explique gentiment que c’est non.

Et puis la grosse (et bonne) surprise c’est la météo : on continue à avoir du 5 de WNW au lieu du 6 d’ouest prévu, ça nous permet de continuer à bonne vitesse dans la bonne direction dans un temps plus maniable. Arrivée prévue La Corogne en fin de journée dimanche.

Je demande une météo sur navimail le samedi midi (signe que coté estomac, ça va nettement mieux car ça m’a pris une bonne heure) et la mauvaise surprise c’est que le mauvais temps doit démarrer dimanche après midi en Galice au lieu de lundi matin. On décide de raccourcir l’étape et de viser Viveiro à l’est de La Corogne. A ce moment on était à 14 miles à l’est de la route directe Loctudy/La Corogne. C’était un raccourci d’environ 50 miles, soit près de 10 heures de mer.

Un beau samedi avec dauphins, oiseaux, une frégate (militaire) et 2 cargos. Très peu de grains qui passent devant ou derrière, la plupart nous évitant avec adresse. Très belle nuit du samedi au dimanche avec un vent faiblissant force 4 mais restant toujours WNW, quelques grains, le plancton comme autant de pétards silencieux, les étoiles, la température de l’eau qui monte (un peu…), les lueurs de la cote puis quelques lumières, sans doute les éoliennes sur les sommets. Je continue mercalm un peu, je me réalimente un peu, je bois un peu, j’ai rangé le tas de spaghettis (enfin), urine jaune foncée.

L’écoute de trinquette n’a pas supporté le golfe, cordage dénudé sur un mètre et 4 torons de sectionnés (sur 12). Enseignement important pour la suite : faire varier le point de ragage, l’usure va très vite dans des conditions (un peu mais pas trop) difficiles.

Largage du deuxième ris à 5h (un peu épique entre celui qui est déjà endormi et celui qui n’est pas encore réveillé, alors pourquoi ne pas y faire participer le skipper qui n’y était vraiment pour rien, :-) maintenant mais :-() sur le moment). Le vent faiblit encore, la vitesse passe en dessous de 5 nœuds. Vu la prévision météo, il ne faut pas trainer, on démarre le moteur, gardant encore un peu la GV, puis le vent passant WSW, annonçant le coup de vent à venir, nous rentrons dans Viveiro. On cherche un peu la marina, visitant d’abord le port de pêche, apercevant un canot, on se dirige vers lui : ola, podemos ir aqui ? il nous répond ‘no, alla’ en montrant la rivière, nous la remontons et trouvons la marina un demi mile plus loin.

Le responsable, tout de rouge vêtu, nous montre un emplacement et nous aide à nous amarrer. Accueil chaleureux multilingue.

12h 30, la fringale et le bordel à ranger à l’intérieur, la sieste urgente, quelques coups de fil et SMS.

C’est fait ! On a traversé. Et comme dirait Patrick, une ligne de plus sur notre CV nautique.

 

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