La visite commence par les sédentaires du ponton, anglais, allemands, français, suédois, …. Au moins 6 enfants scolarisés à ce qu’il faut bien considérer comme l’école internationale de Graciosa.

Les sables de Graciosa et du Sahara apportés par le vent donnent un coup de vieux rapide aux bateaux, comme une bouteille qui se couvrirait rapidement de poussière.

Graciosa, vous ôtez vos chaussures et vous oubliez tout. C’est ce que dit la pub. Des voisins de ponton ont adopté ce slogan, apponté depuis plus d’un an, à 3€ par jour, il faut juste être autonome en électricité et avec le vent qui souffle, une éolienne est largement suffisante

Quant à la question, faut-il réserver pour la marina de Graciosa ? je ne sais pas. J’ai lu comme beaucoup ces récits de bateaux français refusés à l’entrée de la marina. J’ai cherché à contacter la marina avant d’arriver (canal 9) sans jamais recevoir une seule réponse.

Hors saison (maintenant), il y a une dizaine de places disponibles. Je pense qu’en saison la marina est saturée, surtout s’il y a des catamarans. Il n’y a pas vraiment la place pour mouiller à l’intérieur des jetées, surtout avec le ballet des ferries, de pêcheurs et de cargos qui amènent l’approvisionnement de l’île. Par contre par vents dominants de nord-est, les 2 mouillages juste à l’ouest du port (et signalés par l’Imray) sont très jolis et paraissent de bonne tenue.  4 bateaux mouillaient devant la playa Francesa quand nous sommes passés devant.

Je pense aussi que l’accueil au sifflet doit hérisser quelques baba cools, hippies ou même bobos. Pour rappel, une fois amarré, le gardien me demande d’aller ailleurs, me fait accoster du mauvais coté du catway, j’attends 40 minutes que le responsable de port termine son café, j’ai toujours gardé le sourire, remercié les gens et souhaité une bonne journée. Ça peut aider. Je pense qu’il faut respecter ceux qui ont de l’autorité, surtout s’ils ont un fort pouvoir de nuisance. Surtout qu’à la deuxième rencontre, ils sont gentils et serviables.

Graciosa, 500 habitants permanents, 500 touristes maxi pendant la haute saison (juillet à septembre), principalement des canariens en résidences secondaires, tout le monde concentré à Caleta del Sebo et dans une petite resort de résidences secondaires à 2 km, Pedro Barba, très mignon. Tout l’habitat respecte les règles d’urbanisme locale, ce qui donne un ensemble homogène où les constructions récentes s’intègrent parfaitement (et c’est suffisamment rare en Espagne pour le mentionner et insister). Plus de 95% de l’ile est libre d’habitat.

Tout le monde se connaît. Très vite vous repérez un cercle de personnes qui gravite autour du port, lieu de rencontre et servant de « centre ville », bars et restaurants, 3 supermarchés, boucherie, fruiterie, boulangerie et quincaillerie, bureau du port et douches (froides mais ça va), arrivée des ferries, petit chantier naval, location de vélo, taxis jeep, petit étal de bibelots, difficile de se perdre.

Rues de sable rectilignes, souvent désertes, propres, enfilade de maisons blanches à un étage, volets et portes peintes en bleu ou en vert,  quelques cactus, palmiers, des chiens souvent tenus en laisse, des espèces de pic-vert, des goélands fouillant les poubelles, des enfants abusant de patas (faux ami sauf d’un point de vue diététique, ça veut dire frites) et d’autres, faisant les mêmes abus mais maigres.

Un peu à l’écart, deux bistros/snack-bars avec wifi en accès libre.

De rares jeeps sillonnent les rues du bourg et les pistes de l’île, respectant piétons et cyclistes.

Un espace préservé de savane semi-désertique sur 10 km de long et 5 de large ; quelques espaces cultivés dans des creux, potagers protégés du vent par des murs de palettes et de plastique ; 4 cônes de volcan à moitié éventrés, rouges, oranges, ocres, noirs, grenats qui se répartissent sur toute la longueur de l’île et culminent à près de 200m ; des plages de sable jaune encadrées ou débordées de coulées de basalte noir formant à marée basse des piscines naturelles peu profondes, véritables jacuzzi, vous n’avez plus qu’à amener votre bouteille d’air comprimé pour faire les bulles, des dunes à la végétation clairsemée, de petites falaises avec un chemin en corniche et la houle qui chuinte et gronde en bas, se retient et se termine dans le crépitement des embruns retombant. Un gros crabe rouge bronze sur une pierre noire. Des oiseaux assez nombreux pour qui sait observer.

Et en face du détroit d’environ 10 km de long pour 2 à 3 de large, une falaise de 200m, noire et grenat, le nord de Lanzarote. Dans une grotte, César Manrique y a fait installer un mirador qui domine Graciosa : c’est la civilisation qui nous regarde de haut. C’est une muraille, nous sommes du bon coté, du coté du paradis (quoique Lanzarote soit aussi une île très attachante, mais ça ne sera pas pour cette année)

Graciosa est une île où en fonction du vent et de l’heure de la marée, vous choisissez votre plage pour vous baigner ou barboter en baignoire.

Globalement, si vous êtes fan de St Trop’ ou Elvizza, ce n’est pas pour vous. Ici, c’est pour les amateurs de l’immuabilité (ou immuhabitude à ne pas confondre avec immu à biture, ce qui est un autre sujet- anecdote : lundi soir restaurant Girasol sur le port, viejas grillées- c’est du poisson- délicieux, portion extra-large, arrosée d’un très bon vin blanc sec de Lanzarote, terminée par vodka-caramel, offerte par le patron ; Jean Paul demande s’il a du paxaran ; sitôt demandé, sitôt servi toujours sur le compte du patron, belles doses ; d’où immuabiture), donc je disais, l’immuabilité du temps qui ne passe pas.

Mardi, panne d’électricité depuis tôt le matin, jusque vers 16h. Quelques groupes électrogènes pour les frigos des supermarchés. Sinon, plus de café aux cafés, de cuisine dans les restos, de peseuses et de caisses aux supermarchés, pas moyen de payer le port, « espera » est le mot clé qui veut plus dire « attend » que « espère », faux ami bien connu de la langue espagnole. Journée de RTT pour beaucoup. La quintessence de la coolness, c’est la panne électrique. A bord des bateaux, privilège électrique.

Lundi matin, bricolage, courses et rencontre avec le capitaine du port. L’après midi tour de l’île à pied (une quinzaine de km) avec baignade à Pedro Barba et coup d’œil à la plage de Las Conchas. On est presque seul sans l’être tout à fait.

Mardi matin, le climat opère, pas grand chose, lever 9h, l’après midi VTT du sud au nord de la côte ouest (15 à 20 km) ponctuée par l’escalade (à pied) d’un cône de volcan (le  Bermeja, 157 mètres). En haut sous une pierre, des livres d’or, une bible en allemand et un stylo. Pierre Henri y lit une pensée qui est une véritable révélation pour lui : « rhum and sport, it is a question of balance ». Un petit mot signé Tri Martolod et une descente en courant dans l’éboulis. Ah, j’oubliais, vue magnifique 360° et en particulier sur le nord de l’île et les 3 ilots qui bordent Graciosa (Alegranza, Montana Clara et el roque del Infierno). Les couleurs et les alizées dans les oreilles.

Mercredi, le climat opère encore plus. Il était prévu de partir pour Gran Canaria vers 10h, on s’arrache vers 16h. On avait oublié d’aller se baigner à la playa Francesa, d’aller prendre un café en ville et surtout de faire la sieste.

On commençait à s’intégrer : les petits vieux (de notre âge) assis sur un banc devant le port nous disaient bonjour, longue discussion avec la loueuse de VTT, le capitaine du port (que l’on trouve à son bureau) nous imprime les horaires de bus de Sta Cruz de Ténériffe vers les aéroports, quelques jours encore et nos progrès en espagnol auraient fini par nous faire adopter.

J’adore cet endroit (me gusta mucho). Dans une autre vie, j’y passerai plusieurs mois ou un an comme certains, je connaîtrai tous les pêcheurs avec qui j’aurai visité leurs coins favoris, j’introduirai peut-être la pétanque ; à pied, en vélo, en barque, en PMT, je serai le meilleur guide de la Graciosa pour ceux qui en prendront le temps.

En attendant, nous sommes partis pour Gran Canaria.