Goméra par Joël

Goméra par Joël

Posté par : Joel
20 Juin 2012 à 00h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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Si Graciosa nous avait couvert de sable orange, donnant un air de vieux au plastique, Goméra nous couvre de sable noir. Au début, ça fait ressortir la blancheur du plastique, ensuite ça fait suie de charbon plutôt crade. Il y en a partout.

Goméra, île ronde de 15 km de diamètre culminant en son centre à près de 1500 mètres avec des ravins en rayons de bicyclette.

2 routes circulaires de 50 et 70 km en très bon état permettent de faire le tour de l’ile en une petite journée avec haltes touristiques.

 

Point de départ (ou dernière escale) de Christophe Colomb pour la découverte d’Hispaniola en 1492.

 

Nombreuses randonnées assez bien balisées (juste les kilométrages parfois fantaisistes) dans des paysages très contrastés entre le pourtour de l’île et son sud semi-désertiques et ravinés, des vallées encaissées irriguées  et le sommet en forêt dense et humide, parc national avec une faune très rare du tertiaire (avis aux botanistes) dont la présence tient au fait que les dernières éruptions volcaniques sur Goméra datent de cette époque. C’est un contraste avec les autres îles canariennes dont l’activité volcanique est plus récente.

Nous avons fait 2 randonnées :

- la première sur les conseils de la charmante personne chargée de l’accueil au point touriste de  Laguna Grande : à partir du hameau d’El Cedro et de son auberge-camping (nourriture correcte servie par 3 jeunes sœurs), l’arrivée en voiture vaut le déplacement par les paysages traversés. Nous avons effectué la remontée du torrent d’El Cedro dans la forêt jusqu’à la chapelle de Notre Dame de Lourdes et même un peu plus haut pour certains et la descente raide (à remonter pour le plus courageux d’entre nous ?) pour admirer la chute de 200 mètres du même torrent. Pour les très courageux, départ possible depuis Hermigua, village à visiter dans le creux d’une vallée verdoyante ouverte au nord, quelques 400 ou 500 mètres plus bas.

- depuis la GM2, départ pour le sommet de l’île, le Garajonay où un belvédère 360 degrés vous attend pour découvrir l’ile, avec une vue magique sur le Teide, voir La Palma et Hierro, deviner Gran Canaria. Pour les très très courageux, l’ascension est possible depuis El Cedro (ou même Hermigua pour plus de 1000 mètres de déniveler positif). A ne faire que les jours sans brouillard qui est quand même la caractéristique du sommet de Goméra et la raison de sa forêt qui capte la rosée avec ses feuilles, entretient ainsi l’écosystème et alimente les ruisseaux.

 

Technique d’irrigation semblable à celle de Madère avec l’équivalent local des levadas pour des vallées vertes, beaucoup de champs en terrasse abandonnés, encore quelques uns en culture.

 

Ile où a démarré le massacre des Guanches, habitants originels des Canaries, un des quelques génocides espagnols de l’époque. Depuis ils se contentent des toros et d’autres peuples ont pris le relai pour les génocides.

Histoire : à la prise de possession des Canaries par les espagnols au 15ème siècle, le roi d’Espagne avait nommé un sage gouverneur sur l’île de Goméra. Celui-ci conclut un traité de paix et d’entraide avec les Guanches de l’île pour une période de prospérité et d’entente entre les 2 peuples. Son petit fils, qui lui succéda, interpréta ce contrat comme un traité d’allégeance et la situation s’envenima rapidement. Il lui vint à l’idée de chercher à séduire la fille du chef des Guanches. Ceux-ci, simulant un rendez-vous amoureux, l’attirèrent dans un guet-apens et le tuèrent. Sa femme, pas rancunière envers son mari volage – ou peut-être en quête d’un remplaçant- alla chercher le gouverneur de Gran Canaria pour le venger. Celui-ci extermina les Guanches de l’île avec quelques raffinements que l’Inquisition n’aurait surement pas désapprouvés. Pour faire bonne mesure, il en extermina aussi sur les îles voisines pour les dissuader de se venger à leur tour. Il est vrai que pour arrêter les vendettas, il n’y a que 2 solutions : la sagesse, rare et qui doit être partagée ou l’extermination totale de la partie adverse, solution radicale et diablement (c’est le cas de le dire) efficace.

 

Coté architecture, sans atteindre la quasi-perfection de Lanzarote à cause de quelques immeubles hideux mais pas trop, le développement touristique respecte à peu près le style local ou international de qualité, très beau parador à San Sebastian sur la falaise. Par contre de nombreuses maisons traditionnelles de centre bourg à l’abandon de même que de nombreuses et très modestes fermes mais cela est moins étonnant et va de pair avec l’abandon des cultures en terrasses. Visite commentée par panneaux bilingues d’Agulo très intéressante dans un cirque remarquable.

 

Arrivé à Goméra un lundi en fin d’après midi, nous réservâmes le mardi pour récupérer et faire un peu de ménage, puis nous louèrent une voiture 2 jours pour le programme suivant :

- une première journée où un brouillard glacial et des vents à plus de 100km/h dans les cols nous ont vite fait nous réfugier dans les bas de l’île. Au large, ça moutonnait encore plus que le jour de notre arrivée. Baignade dans une eau translucide avec la compagnie d’une escorte de petits poissons sur la plage abritée de Puerto Vueltas (Valle Gran Rey),  ailleurs trop de rouleaux pour se baigner. Les plages sont de sable noir, inaccessibles pieds nus à marée haute car le sable est réellement brulant. Accès uniquement possible sur l’estran qui garde un peu de fraicheur.

- une deuxième journée sous un soleil magnifique dévolue aux randonnées.

 

Vendredi, inspection et réparation du bateau. J’ai attendu ce moment pour poster ma note précédente.

 

Samedi 16 juin, pendant que Myriam et Bernard (le genou toujours très enflé de sa chute de lundi et peut-être de la randonnée) trouvent plus sage de rejoindre Tenerife en ferry, Pierre Henri et moi faisons route vers Los Cristianos pour récupérer Mathieu et Cédric qui sont nos invités pour une semaine.

Encore plus de 30 nœuds dans la survente de Goméra avec une mer hachée puis calme plat. Nombreux dauphins et à 2 milles de Los Cristianos, un troupeau de petites baleines de 4 à 5 mètres, pépères, pas farouches mais pas curieuses comme les dauphins, se déplaçant à un train de sénateur (quoique depuis que le sénat est passé à gauche et avec l’aide des cheminots, le train a peut-être changé ?).

Récupération des nouveaux équipiers en 2 voyages en annexe dans une mer agitée et sur une plage ayant visiblement souffert de la tempête de la semaine.

 

Dimanche, nous retraversons vers Gomera (quand on aime, …), dauphins et baleines au rendez-vous, déception : en hissant le geenacker, nous nous apercevons qu’il s’est déchiré dans la partie supérieure qui s’était désenroulée. Survente aussi mais limitée à 30 nœuds. Plus que le vent, c’est la mer très hachée qui pose problème. Sous solent seul, avec un près pas trop serré et sans dérive, le pilote se débrouille bien et en une heure la survente est traversée pour une fin de croisière en brise diesel.

Mouillage à San Antonio (bof) au sud de l’île et à Puerto de Vueltas  dans du sable noir de très bonne tenue à l’ouest de Goméra au pied d’une falaise rouge d’environ 200 mètres dans une eau bleu profond (le sable est noir), limpide. Beau snorkeling en chute de falaise. 5 autres bateaux au mouillage, comme quoi la saison doit commencer : 2 français (3 avec nous), un allemand et deux  espagnols.

 

Lundi, programme ambitieux : les colonnes basaltiques au nord de Goméra visibles uniquement depuis la mer et traversée de 40 milles vers La Palma. Lever 7h, départ 8h. 30 minutes après, la mer devient très hachée, le bateau cogne et avance péniblement à moins de 3 nœuds, le vent s'est lèvé de face à 20 nœuds et, vu l’état de la mer devant nous et parce qu’on a déjà donné, il y a du 30 à 35 nœuds de face à venir. Adieu aux colonnes basaltiques et en même temps à La Palma. Demi-tour pour un mouillage superbe, repéré la veille : cala Cantera. A nouveau 3 petites baleines nous accompagnent (à moins que ce soit l’inverse - nota : j’appelle baleine des cétacés qui ne sont pas des dauphins ni des orques). Mouillage 10h30 pour une journée de repos et baignade pépère … quoique vers 17h, sac à dos et chaussures de marche, après un rapide coup d’œil à l’usine de pêcherie en ruine et partiellement récupérée pour un camp d’été plutôt rustique dans une yourte, nous entreprenons le chemin qui nous sort du ravin. Qualité exceptionnelle du chemin qui doit bien voir une dizaine de randonneurs par an. Quelques cactus et autres plantes avides de sécheresse, un troupeau de chèvres et son berger, des grottes naturelles, poches de gaz dans la lave en fusion (partiellement refroidie depuis). 18h, 500 mètres plus haut, 500 mètres encore avant le village d’Alojero à 1000 mètres d’altitude et l’espoir d’une bière (j’avais pris un billet de 20 euros pas trop lourd), bière qui nous attend aussi 500 mètres plus bas à bord avec baignade à la clé, sous un soleil espèce de chalumeau qui ne se calme pas avec la soirée qui approche. Demi-tour stratégique décidé et exécuté à la perfection.

La falaise jaune tombe en un drapé brodé, colonisée par des oiseaux aux cris moqueurs que l’on avait déjà entendus aux Desertas. Mouillage à recommander.

La vedette des douanes patrouille devant notre mouillage pendant 1 à 2 heures mais ne se décide pas à venir prendre l’apéro à bord.

 

Mardi, nous quittons Goméra, la survente  est limitée à 11/13 nœuds mais plus large ce qui nous permet de faire plus de 3 heures de voile sur une mer quasi plate, un régal. Baleines et tortues sur notre chemin. Avec le Teide qui joue au Fuji Yama (à moins que ce ne soit l’inverse), pyramide douce et imposante silhouette sur l’horizon, rouge, noire, jaune et blanche, avec un foulard de nuages, lumière bleutée. C’est sans aucun doute de Goméra que la vue du Teide est la plus fascinante.

Le soir, marina de Las Galletas, bourg artificiel, architecture low cost 1970, peu d’âme mais des bistros chauds…Adieu Goméra.

 

Encore 3 jours et cette première étape se terminera à Las Palmas de Gran Canaria.

 

Je viens de me faire une "rafale" de proses de joel. En plus de mon admiration sur la qualité littéraire ( on se croirait au cinéma!), je suis encore plus impressionné par la maîtrise marine: vraiment bravo. En vous souhaitant que les "bobos" disparaissent vite ( JP est reparti n'est-ce pas).amitiés. chris

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