Anguilla (par Joël)

Anguilla (par Joël)

Posté par : Joel
28 Décembre 2012 à 19h
Dernière mise à jour 20 Novembre 2014 à 08h
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Samedi 8 décembre, lever tardif (il fallait cuver et récupérer – voir épisode précédant), GV et solent pour un bon surf par 20 nœuds de vent au 100 et un nouveau record instantané à 9 nœuds. Le pilote a un peu de mal à ces vitesses mais c’est assez captivant à barrer. Une heure plus tard nous passons la pointe ouest d’Anguilla et nous remontons contre le vent et au moteur jusqu’à Road Bay. Mouillage dans le sable devant une jolie plage. Immigration, on a envie d’y rester, un amour de policière, belle, gentille, souriante, on a tous craqué. La douane, douche écossaise, pas à cause du personnel toujours sympa, mais quand ils nous annoncent le prix de la journée de permis de navigation à Anguilla.

C’est simple : Road bay, c’est gratuit. Si vous voulez bouger et mettre l’ancre ailleurs ou prendre une bouée, c’est 60 € par jour le permis de navigation et le soir vous revenez de toute façon mouiller à Road bay. Si vous fraudez, c’est 1500€.

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road bay (c'est mignon)

 

Pow pow. Le grand conseil décide de ne rester que 3 jours à Anguilla au lieu des 5 prévus, de payer 2 jours le permis de navigation et de retourner à St Martin avant de filer sur Tortola (finalement la météo en décidera autrement comme verront ceux qui auront la patience de lire les jours suivants).

Une astuce, c’est de déclarer un bateau de moins de 5 tonnes. C’est beaucoup moins cher (30€ quand même) et le tonnage du bateau ne figure pas sur l’acte de francisation. Maintenant il faut oser le faire si vous avez un bateau de 20 mètres. D’un autre coté, le douanier ne connaissait rien à la plaisance et quand je lui ai expliqué que le bateau faisait 11 tonnes parce que c’était un dériveur, sans ça il ferait moins de 5 tonnes, il a paru ébranlé. Mais c’était trop tard, j’avais déjà fait enregistré ma déclaration à 11 tonnes. Ne pas oublier, si c’est le cas, de dire que c’est un bateau de propriétaire, c’est environ 20% moins cher qu’un charter.

Quand je leur ai dit que c’était des prix pour américains, que nous européens on était dans la shit, que l’on n’avait payé que 30€ pour une semaine de navigation à Antigua, 0€ à Barbuda, 0€ à St Barth, ils ont eu l’air surpris.

Au bar, c’est 4 US$ la bière dans le petit lolo de Jonno en bord de plage, c’était moins de 2US$ à la mangouste sauvage de  Falmouth Harbour à Antigua.

Il n’y a que 6 bateaux « étrangers » au mouillage à Road bay. Comme c’est mouillage nocturne obligatoire, c’est facile de compter le nombre de bateaux visiteurs à Anguilla. On en a vu plusieurs centaines à St Martin, à St Barth ou à Antigua. Cherchez l’erreur. J’oubliais, une demi-douzaine à Barbuda aussi. Ça serait plus simple d’afficher : déconseillé aux  plaisanciers.

Malgré le vent, c’est 2 à 4 piqures de moustiques tous les soirs. Ils ont des turbo-moustiques ici. Heureusement pour se distraire et couvrir le bruit des ailes des anophèles, nous avons droit à la stéréo-cacophonie du samedi soir (un bar de plage à babord, un hôtel sur la falaise à tribord) jusqu’à 4 heures du matin. Quand les danseurs infatigables vont enfin prendre leur douche, les chiens en hurlent de joie jusqu’à ce que vers 6 heures du matin, les coqs leur disent d’aller se coucher, mais on est déjà dimanche.

Dimanche 9 décembre, nous prenons au saut du lit Pierre et Jessie de Lol avec qui nous avions sympathisé la vielle et en route sous GV et solent par 15 à 20 nœuds de vent au 120 vers Prickly Pearl island, la Mecque du snorkeling d’Anguilla.

Lo et La arrivent sur TM 2.JPG

 

Bouées à l’arrivée. Annexe un peu surchargée à 5 dans une mer houleuse et ventée. Quelques douches et dizaines de litres d’eau embarqués plus tard, nous halons l’annexe sur une belle plage déserte à cette heure là de la journée face à la barrière de corail à 500 mètres. Palmes, masque, tuba et plouf dans l’eau limpide. Le guide nous avait prévenu, courant entre l’île et la barrière de corail. Traversée à la nage interdite avec plus de 3 nœuds de courant accéléré par le vent fort. Nous devons nous contenter de l’anse protégée pour un snorkeling plutôt moyen. Juste une superbe raie manta avec une queue de plus de 2 mètres pour nous faire regretter la barrière de corail inaccessible. Morale de l’histoire, c’est un site à fréquenter par vent faible. Retour à bord pour le déjeuner. Le vent forcissant plutôt nous abandonnons l’idée de retourner sur Prickly Pearl et nous nous dirigeons vers Sandy island, petit crachat de sable à 1 mile de Road Bay. GV 2 ris et trinquette au près. Juste la toile pour que ce soit marrant à barrer sans trop d’inconfort. Pierre s’y colle et apprécie la douceur de barre de l’Allures 44. Arrivés à Sandy, plus de bouée libre, pas envie (et sans doute interdit) de mouiller. Le moteur peine un peu pour nous ramener face au vent à Road bay.

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Soirée apéro sur Lol, un Voyage superbement restauré et équipé par Pierre et Jessie, petit intérieur cosy avec carré ronde très boisée, plancher parquet de bois vernis (pieds nus dessablés de rigueur), plan de travail de la cuisine gigantesque et 2 cabines arrières transformées en atelier et stockage à vélos. Pas très voileux à l’origine, originaire de Troyes, leur challenge initial était de traverser l’Atlantique en partant de Marseille. Réussi dans de bonnes conditions de mer en début 2012 entre Mindelo et la Barbade en 14 jours après un début de croisière sportif depuis Marseille quittée un peu tardivement fin octobre 2011. Maintenant leur rêve c’est de rentrer dans le port de New York avec leur bateau en 2013. Ca paraît relativement accessible après les galères qu’ils ont déjà traversées dont une panne de pilote en route vers Madère.

les TM en apéro sur Lol 1.JPG

 

7 bateaux visiteurs ce soir à Anguilla.

Lundi 10 décembre : partis pour Shoal bay et sa plage « parmi les 10 plus belles du monde », le vent forcit et nous contraint à mouiller à little bay. En effet les instructions nautiques ne sont pas très encourageantes entre l’étroitesse du chenal « pour initiés », les patates de corail non balisées et les 25 nœuds de vent de travers. Bon choix, Little Bay, c’est un petit mouchoir de plage au pied de falaises calcaires ocres, festonnées de cavités par la mer, végétation presque méditerranéenne tendance cactus, eau couleur Caraïbes. Juste 2 villas récentes, de style moderne vitré,  en haut de la falaise, rompent l’harmonie sans totalement la détruire. Mouillage bien abrité, pas rouleur, sur bouée, ça c’est un plus. Gentil snorkeling au pied de la falaise dans un nuage de milliers (ou millions, je n’ai pas eu la patience de compter) de minuscules alevins qui font masse en se groupant. Murène, raie manta, une sorte de rascasse pour les poissons sortant de l’ordinaire, mais une pauvreté de coraux et de plantes marines.

Pour certains, promenade à terre et rencontre avec des gens très aimables. Sur les hauteurs, on peut se rendre compte qu’Anguilla est bâtie de partout mais sans concentration urbaine. Le littoral est occupé par des hôtels et des villas à louer, architecture discrète la plupart du temps et assez bien intégrée à part quelques cubes de promoteurs du manque de goût. Il n’y a aucun vrai port, cela explique sans doute leur méconnaissance ou leur désintérêt des attentes des plaisanciers. Faire de la voile, c’est quitter les autoroutes et aller presque partout où l’on veut, en totale liberté et dans le respect de l’environnement. On peut concevoir des contraintes, des lieux protégés, mais pas au point que tout le pays soit une contrainte, une contrainte très onéreuse de plus. Dommage, les gens ont l’air sympa, les sites marins, sans être exceptionnels, ont un certain charme, mais c’est une étape que les plaisanciers peuvent éviter ou faire comme Lol, mouiller à Road bay et ne pas en bouger. Le stop semble marcher dans l’île pour se déplacer mais, d’après les guides, il n’y a pas vraiment grand chose à visiter.

4 bateaux visiteurs ce soir à Anguilla.

Mardi 11 décembre. Depuis 3 jours on a droit à un BMS spécial sur mer dangereuse en Atlantique et dans les canaux. Météo France et Météo US sont concordant : vent et mer forts jusqu’à jeudi matin, puis vent et mer plus maniables. Attendre jeudi et s’ils se trompent, c’est le piège. De plus 20 à 25 nœuds de vent, rafale à 35 nœuds, ça peut le faire avec ce bateau. Mais qu’est-ce que mer dangereuse veut dire ? et où s’arrête l’Atlantique entre Anguilla et les BVI ? est-ce un canal ?  Au mouillage, on s’aperçoit que les prévisions de vent sont bien respectées avec pas mal de grains en plus, averses tropicales blanches, dessalement du bateau assuré. Equipage d’avis partagé à front renversé. Décision hésitante du skipper, pesant le pour et le contre mais décision finalement de ne partir que jeudi. On restera donc les 5 jours prévus à Anguilla.

Fin de carénage au narguilé. Nettoyage bondes éviers et lavabos. Huilage des huis couinant. Petite ballade à terre. Longue sieste. Les journées passent vite quand on a décidé de ne pas faire grand chose. Apéro du soir sur Lol qui va aussi partir pour les BVI jeudi (superbe petits flans au fromage de chèvre, spécialité de Jessie, reçus comme des princes).

6 bateaux visiteurs ce soir à Anguilla.

Mercredi 12 décembre. Prévenir la marina aux BVI de notre arrivée probable vendredi. La météo confirme l’accalmie à partir de jeudi. Wifi gratuit sur la plage devant Jonno’s bar.

Une raie manta bébé (une rainette quoi) se prend pour un dauphin et nous fait 3 sauts carpés (ou dauphinés ?) le long du bateau. Une petite tortue s’assure que le spectacle nous a plu. Les mouettes qui ont confondu le bateau voisin avec la décharge à guano ricanent encore.

Clearing out, grosse déception, la jolie policière de repos ou malade était absente. De toute façon, on n’a affaire qu’à la douane (dame charmante qui s’inquiète de savoir si mon séjour s’est bien passé. Formalité expédiée en 5 minutes. Merci pour l’efficacité et la gentillesse)

Promenade à pied de 4 heures vers et dans The Valley, la capitale de l’île qui est d’ailleurs située sur un plateau. Pour être tout à fait honnête, 5 minutes de promenade à Paris ou à Venise soulève infiniment plus d’émoi. Seul moment d’émotion, c’est l’avion qui passe à 30 mètres au dessus de nos têtes en bout de piste.  Les gens sont gentils et accueillants mais n’ont à offrir que de rares vestiges des maisons des planteurs esclavagistes et une bien curieuse église catholique réformée. Maisons éparses sans grand style, vastes terrains vagues envahis d’une végétation buissonnante presqu’autant que les fils électriques autour des poteaux, avenues larges menant nowhere, saupoudrage clairsemé (pléonasme ?) de magasins souvent à moitié vides et peu éclairés. Pas de piéton, nous seuls, pas de vélos, juste des voitures, 50% avec volant à gauche comme la conduite (heureusement qu’ils n’ont pas fait l’inverse). 2 feux rouges et deux ronds-points. Conclusion : la marche, c’est bon pour la santé, heureusement.

Une bière au retour dans le lolo de Jonno en bord de plage,

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Jonno (ou son frère) à la guitare sèche pour un concert country blues, voix éraillée, barbe blanche, galure sans âge et sans forme, tout à fait le look de l’emploi et du lieu.

Lol a acheté des langoustes (10 US$ le kg, ça c’est un bon prix) mais ne mange ni pattes ni têtes. Les charognards de Tri Martolod sont partis faire leurs poubelles et vont se régaler.

7 bateaux visiteurs ce soir à Anguilla.

Jeudi 13 décembre. Lever pluvieux, lever heureux ?

Vendredi 14 décembre, 2h22, dernier quart de nuit de notre 38ème et dernière nuit en mer pour 2012. J’ai passé 7 nuits en mer en 2011 pendant le neuvage du bateau et 10 seulement entre 1976 et 2010.

Bruine d’étoiles filantes à raison de plus d’une par minute coté est de la voute céleste pour saluer cette dernière.

Nous avons quitté Anguilla hier soir vers 19h30 dans un vent faiblissant et une mer redevenue clémente.

Nous avions passé la journée sur la plage de Shoal bay où nous étions allés en taxi (50 US$ pour 24 km AR, tarifs toujours élevés mais chauffeur très sympa).

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shoal bay

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shoal bay et profession de foi (?)

Le temps s’est mis au beau mais toujours avec un alizé soutenu. Snorkeling à portée de palmes de la plage dans une eau agitée un peu trouble. Une tortue surprise par mon ombre a rapidement distancé le lièvre : ce que ne dit pas La Fontaine, c’est que la fable se passait sous l’eau. Petit lolo de bord de plage à prix enfin raisonnables (Uncle Ernie à 53 US$ pour 3, bières et cafés inclus) même si ce n’était pas de la haute cuisine. La pub locale classe cette plage parmi les 10 plus belles au monde. C’est sympa mais un peu surfait et de plus en plus construit.

Il est 4 heures du matin, j’ai maintenant les lueurs d’Anguilla 40 miles derrière moi. Dans notre Patuelli qui date de 12 ans, le permis de navigation y était gratuit pour les moins de 20 tonnes et à 40 US$ au dessus. Maintenant, cela a bien changé. Malgré la très grande gentillesse des habitants, c’est une étape qui peut être omise dans la visite des Antilles. Il y a mieux ailleurs et beaucoup moins cher. Le paradoxe, c’est qu’en même temps, comme pour Barbuda, nous ne regrettons pas d’y être allé.

 

bonsoir les marins ! apprenant ce soir que vous étiez dans l'avion du retour, je me dépêche de vous envoyer un petit mot : j'ai enfin trouvé un moment pour me connecter à votre site et j'ai beaucoup apprécié de voyager avec vous mais dans mon lit...surtout les 18 jours de traversée...moi qui ai le mal de mer ! bravo pour cette grande expédition qui demande quand même beaucoup de courage! gros bisous à vous tous et à vos familles stef

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