Non, je ne vais pas parler de vélos mais des barres à roue des bateaux.

Sur tous les bateaux neufs et dès 35 pieds (mais ça va encore diminuer), les bateaux sont conçus en version de base avec 2 barres à roue.

Sur de vraiment gros bateaux, je veux bien, il peut y avoir des problèmes de visibilité lors des manœuvres de port, il y a la place disponible pour bien gérer les positions du barreur au vent ou sous le vent ; et puis le surcoût est négligeable par rapport au prix de  tels bateaux, mais sur des 40 pieds, c’est comme mettre un frigo dans une 2cv.

Voyons la problématique sur les petites unités munies de ce dernier must. Vous avez 2 barres et la plupart du temps vous ne doublez pas les commandes ni les instruments parce que cela devient vite prohibitif par rapport au prix du bateau.

Si vous êtes en programme grande croisière, vous allez essentiellement toucher la barre lors des manœuvres de port. Je ne parle pas des mouillages qui ne sont pas impactés par cette profusion de barres.

Vous rentrez dans un port que vous ne connaissez pas, la main sur la manette de gaz, complètement désaxé sur tribord si c’est là que vous avez votre commande moteur. Vraiment pas pratique si vous accostez bâbord amure. Ne vous faites pas de soucis, selon la loi des emmerdements maximum, ce sera plus d’une fois sur deux et au moins à chaque fois où la visibilité sur bâbord sera cruciale.

Pour résoudre ce défaut, vous n’avez pas d’autre solution  que de doubler les commandes moteur et les principales informations d’aide à la manœuvre, si c’est prévu par le chantier et si vous avez le budget. D’ailleurs si vous avez le budget, pourquoi pas un 50 pieds ?

Maintenant, imaginons que la brise soi bonne et que vous vouliez vous offrir le plaisir de barrer un moment. Ou que la mer soit déchaînée, le pilote débordé et que vous n’ayiez pas le choix. De passage  au Nautic, je me suis essayé à m’asseoir à la place du barreur ou debout devant la barre sur ces unités de 40 pieds environ. Assis, il faut oublier : la position n’est pas ergonomique, on barre la colonne vertébrale tordue et sans possibilité de reposer un bras en changeant de main. Debout, c’est à peine mieux : ces 2 barres se gênent, elles sont petites pour permettre un passage au milieu (un des objectifs annoncés). On a l’impression d’avoir un volant de voiture entre les main tellement c’est riquiqui. Pas génial. Ensuite, j’ai imaginé une forte gîte : le calage des pieds est parfois très acrobatique, voire inexistant.

L’objectif annoncé est de dégager l’accès à la plage arrière, facilité intéressante en grande croisière. Mais nous atteignons parfaitement cet objectif avec une barre à roue centrale démontable, moyennant un petit surcoût certes, mais rien à voir avec ceux induits par cette mode des 2 barres à roue.

Finalement, avec 2 barres à roue, vous complexifiez la tringlerie, donc augmentez le risque de pépins sur le long cours.

Le résultat, c’est ce bateau belge de 44 pieds environ croisé à Palmeira de Sal aux îles du Cap Vert et visiblement parti sur un programme grande croisière: une seule voile à l’avant, pas de tangon ou de gréement de spi asymétrique ou de geenacker (pas de drisse), pas de taud de soleil, pas de capote de rouf, pas de portique d’annexe, pas d’éolienne ou panneaux solaires mais 2 barres à roue. Cherchez l’erreur.

J’en ai parlé avec des fabricants. C’est, paraît-il, un effet de mode. Ils ne m’ont pas donné d’arguments plus convaincants.

Alors c’est vrai que ceux qui sortent leur bateau 2 ou 3 jours par an et qui veulent impressionner les amis, 2 barres à roue ça en jette, ça fait gros bateau. Que ce ne soit pas pratique, pour 2 ou 3 jours, je comprends qu’ils s’en foutent et je ne vais surtout pas les critiquer. Mais pour ceux qui naviguent en grande croisière, est-ce qu’on ne pourrait pas exiger d’avoir au moins l’option une seule barre à roue (et si possible un peu moins cher :-))).

C’est plus un sujet de forum que de blog, mais j’ai trop peur que Tudo ait choisi un bateau avec 2 barres à roue et ne m’y assassine (plaisanterie pour les familiers du forum STW), surtout qu’étant à la limite de la mauvaise foi, ce serait trop facile.

Et puis comme mon prochain bateau fera moins de 9 mètres, j’espère pouvoir échapper à cette malédiction des 2 barres à roue et peut-être même, suprême jouissance, avoir une barre franche.