Un deuxième Canaries Martinique 2023 surprenant
Après deux mois passées à Lanzarote, Teranga est prêt à repartir.
Le départ est donné le 15 janvier après-midi avec un joli vent de nord est force 4-5 qui va nous accompagner pendant les 8 premiers jours.
On prend 2 ris dans l'avant port d'Arrecife et Teranga s'élance grand largue à plus de 7 noeuds de moyenne, babord amure.
Très beau temps, mer confortable, première nuit sympathique bien qu'un peu fraiche.
19° à l'intérieur, beaucoup moins à l'extérieuret il faut ajouter des couches sous le ciré.
Fort heureusement l'hydrovane barre pour nous et le veilleur de nuit peut rester à l'abri de la capote.
Le lendemain, nous avons laissé Fuerteventura à tribord et pouvons descendre sud-ouest en ciseau, le tangon est installé à tribord, il reste beaucoup de Sud à faire....
Pendant 3 jours, le vent va osciller autour du NE entre 4 et 5, ce pseudo alizé ondule et descend l'atlantique comme des vagues.
Une belle bonite de 4 kg monte à bord, on en mangera trois soirs, le midi étant réservé à la salade.
Un peu de pluie passe sous forme de grains, la température monte, le vent est de plus en plus irrégulier, on a l'impression d'être installé dans les Alizés, il reste plus qu'à dérouler et attendre l'arrivée ...
Et bien le scénario que nous allons vivre va plus que nous étonner!
Après ces 8 premiers jours conforment aux attentes de Teranga, autour de 6 noeuds de moyenne vent arrière, la couverture nuageuse en moyenne altitude va s'épaissir.
Le vent faiblit, passe WNW puis va osciller entre SE et S pendant 8 jours.
Il est très variable, voire rafaleux, accompagné de bruines, les éclaircies sont rares, nous sommes à moins de 20° de latitude nord, les pilots charts n'envisagent pas ces conditions....on se demande où est l'autoroute des Alizées?
Entre temps une daurade coryphène de 6 kg est montée à bord, et on continue notre régime poisson du soir.
Heureusement , la température est largement remontée, l'eau est maintenant à 25° et la pluie n'est pas froide, le bonheur.....on peut enfin se laver avec plaisir...
Le 25 février, à 1500 milles de la Martinique, on se retrouve quatre voiliers d'à peu près les mêmes tailles, un à la cape, un cata incapable de faire du près et deux "en régate" au près, dans un rayon de moins de deux milles, au milieu de nulle part!
La "régate" a duré plus d'une journée et n'a pas manqué de rebondissements, plusieurs virements de bord pour le concurrent de Teranga qui ne devait pas comprendre pourquoi on allait plus vite que lui alors qu'il faisait un meilleur cap au prés.....
Elle s'est finie en pleine nuit noire, Teranga a fini par doubler définitivement le prétendant au bout d'un long bord de prés pendant lequel l'AIS nous a donné une distance minimale de croisement de 1 nautique, puis 0,5 puis 0,2,
et enfin 200m pour finir. La situation était ubuesque et inspire plusieurs remarques:
- si les distances de rapprochement maxi annoncées par l'AIS sont fiables pour les bateaux à moteur, elles sont inexploitables pour des voiliers qui ont des caps trop variables, surtout quand ils font du près tout les deux.
- on peut rencontrer des voiliers avec routes de collision au milieu de l'Atlantique; toutefois Teranga n'a pas eu à manoeuvrer pour éviter l'un deux et comme le disait si bien Antoine, les risques de collision réelle restent extrêmement faibles.
-Si de jour, cela peut être rigolo, voire sympathique, de voir un voilier venir régater au milieu de nulle part (notre ami régatier a du virer de bord plusieurs fois pour suivre Teranga qui lui est resté au près bon plein , même bord), par nuit noire cela devient vite inquiétant. On peut se demander si notre ami régatier n'était pas devenu inconscient, tout obsédé par la route de Teranga. Heureusement , après le croisement de tous les dangers, 200m c'est vraiment peu quand on ne distingue que les feux de route, le vent a forcé généreusement et notre inconséquent a abandonné le prés serré et disparu des écrans très rapidement.
- enfin, le cata ne pouvait faire que des bords carré, nous ne l'avons pas vu longtemps, ce qui a rendu Teranga extrêmement fier.....même s'il n'y a aucune gloire à distancer un sabot.
Pendant ces 8 jours Teranga a vécu et revécu toutes les configurations, moteur (quelques heures seulement de nuit histoire de rester manoeuvrant et d'avancer, c'est bon pour le moral!), geeneker (hé oui, c'est la première fois en quatre traversées dans les Alizés), GV un, deux, trois ris, génois à l'avenant, vent de 0 à 35 noeuds (en rafale seulement et heureusement), toujours bon plein (Teranga n'aime pas le près serré!), et des journées entre 80 et 140 milles, n'importe quoi pour cette zone en cette saison!
J'oubliais dans ce grand n'importe quoi, la daurade de plus de 20 kg (1,2 m hors tout) qui est montée à bord et a alimenté notre régime poisson 8 jours de plus (quinze jours au total!), elle n'a pas du voir qu'on était que deux à bord!
Et puis le soleil revient généreusement, on se baigne, on installe le tangon sur babord, nous sommes à 16° de latitude nord à mille milles de la Martinique, il ne reste plus beaucoup de sud à faire.
Quelques sargasses font leur apparition, nous aurons l'impression de moins en voir que dans les précédentes traversées.
Les 8 derniers jours seront rapides, 150 milles jours en moyenne, plusieurs empannages surprises (sargasses dans l'hydrovane?, houles croisées?, vent qui refuse?, tout à la fois?...) qui finiront par avoir raison de la fixation sur la bôme de l'ami Walder, sans lequel je ne ferais sans doute pas de ciseaux dans de telles conditions.
Nous avons même été obligé de barrer quelques heures, le vent et les houles étant devenus incontrôlables pour notre valeureux hydrovane.
Une dernière semaine conforme enfin à ce qu'il faut attendre en cette saison sur cette route, grains y compris.
Un peu inconfortable quand même grâce à ces houles croisées qui vont et viennent et peuvent faire taper le bateau y compris à l'allure grand largue!
Teranga a trouvé une nouvelle allure; après un empannage surprise, dans des conditions peu agréables, il s'est retrouvé grand largue babord amure, génois tangonné. Faisant trop de nord et ne voulant pas réempanner, il a fait du vent arrière, génois tangonné serré même bord que la GV. Allure peu orthodoxe mais qui marche bien dès qu'il y a plus de quatre beaufort et qui permet d'optimiser la route à moindre frais de manoeuvre!
Enfin nous serons contents d'arriver à Saint Anne après 24 jours , de dormir à plat et sans quarts.
Globalement cette traversée pas ordinaire aura été la plus longue mais aussi la plus confortable, comme quoi la vitesse est un élément d'inconfort. Teranga est très bien entre 5 et 6 noeuds de moyenne, au delà ça dépend....
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