Blog 17, enfin après les problèmes de déconnexion.

Blog 17, enfin après les problèmes de déconnexion.

Posté par : Michel
10 Juillet 2014 à 15h
Dernière mise à jour 30 Décembre 2014 à 17h
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17 – Blog

 

Lorsque vous nous lirez, nous aurons parcouru plusieurs centaines de Milles. Mais évidemment, il nous appartient de revenir à Reykjavik afin de vous narrer nos aventures locales. L’avitaillement en vivres frais s’avérant être prioritaire, il nous a bien fallu se lancer dans la recherche d’un centre commercial digne de ce nom car au centre ville, la ressource s’est avérée très limitée. Heureusement, un arrêt de bus a été magiquement positionné devant Harpa (opéra, centre multiculturel) dont nous étions les voisins impressionnés par l’architecture avant-gardiste de la structure (voir photo). Dûment renseignés par une charmante hôtesse d’un centre d’information bien nommé, nous avons pu prendre l’un des bus qui dessert un grand centre commercial  (lignes 1, 3 ou 6 à 350 ISK soit 2,36 € le trajet) situé à l’extérieur de la ville. Passons sur nos déambulations dans ce temple de la consommation pour en revenir aux deux gigantesques chariots dont le contenu nous a été très gentiment et gracieusement livré à bord, Tor ayant servi de guide au chauffeur de taxi (il suffit de demander et partout nous avons pu bénéficier de tels avantages). Dans le même temps nous attendions également de petites pièces mécaniques qui devaient nous être livrées par transporteur. Le colis était bien arrivé sur la plateforme logistique mais l’annonce de frais douaniers exorbitants nous a fait défaillir. Après d’innombrables tractations (car nous avions bien remarqué que tous les magasins pratiquaient la détaxe donc, pourquoi pas pour nous qui étions en simple transit ?) dignes des démarches imposées dans la maison des fous (cf. :Astérix et Obélix) nous avons reçu nos pièces sans payer de taxes. Ouf !

Le moral étant remonté au beau fixe malgré une pluie persistante, nous avons loué une voiture (129,06 € pour une Chevrolet Captiva automatique très spacieuse) et nous nous sommes lancés dans un périple de 400 kms. Inévitablement nous avons foncé sur de très belles routes vers Keflavík pour les visites au musée viking très impressionnant et bien évidemment au Blue Lagoon aux eaux chaudes et réellement bleues  (voir photos).

De retour à bord, profitant de la voiture, nous avons fait un dernier avitaillement express.

Samedi 21 juin 2014. Dédaignant une possible fête de la musique mais soucieux de procéder à cette fameuse réparation de la fuite d’huile au moteur nous avons appareillé pour tenter un échouage sur une rampe au port d’AKRANES situé à une douzaines de nautiques au Nord. Sur place, en raison de l’impossibilité de déterminer la nature précise des fonds, nous avons opté pour un départ vers le fond du Fjord Hvalfjòrdur. Nous y avons trouvé, notamment grâce au livre d’Andrew WILKES, un splendide mouillage « Hvammsey » dans une baie idéalement abritée et orientée, le tout à notre convenance (voir photos). Cerise sur le gâteau, un « hotpot», de la taille d’un grand Spa, se trouvait tout à notre disposition exclusive au bord de la plage (voir photo). Ce fût un moment de trempette agréable avec comme décor un paysage de hautes montagnes sorties frileusement de l’hiver comme en attestaient les très nombreux névés qui zébraient les pentes de longues traînées blanches sur un fond vert intense imputable à la pousse de l’herbe nouvelle. Les ballades à terre se faisaient sous les cris stridents des Sternes. Comme dans un film d’Hitchcock, ces oiseaux téméraires fonçaient sur nous en piqués impressionnants, faisant leur ressource à quelques dizaines de centimètres de nos têtes aux fins de nous effaroucher pour nous éloigner de leurs progénitures clouées au sol. Dans la baie, les familles d’Eiders nageaient nonchalamment, les mamans apprenant aux petits les rudiments des déplacements aquatiques sur et sous la surface ainsi que la vitale recherche et identification de la nourriture. Vers le centre de la baie, un petit îlot bas sur l’eau avait étrange allure. Non seulement il était couronné, sur une surface particulièrement plane, d’une chevelure de hautes herbes coiffées en brosse mais il était, en outre, sous une grille de fils entrecroisés et sévèrement gardé par des épouvantails. Nos supputations, notamment après le passage de ramasseurs d’œufs, nous ont fait penser qu’il s’agissait d’une sorte d’élevage « sauvage ».    

Dimanche 22 juin 2014. Pour nous, pas de repos dominical, il fallait s’échouer sur la plage à marée haute afin de pouvoir repousser l’arbre de transmission du bateau ; contrainte imposée par la réparation envisagée. A 16 heures nous étions échoués. Les travaux de démontage et remontage ont duré jusqu’à 1 heure 30 le lendemain. Nous avons ensuite raté le déséchouage à quelques poignées de minutes près.

Lundi 23 juin 2014. L’échouage devenu forcé, le temps a été mis à profit par Tor et Denis, déjà baigneurs fous dans les eaux glaciales, de retourner sans hésiter tenter de se dissoudre dans le « hotpot » évènement évidemment immortalisé. Vers 15 heures, une belle marée montante nous a permis, enfin, de glisser vers la mer et, après quelques rangements (oublions les multiples nettoyages) de prendre le large en redescendant le Fjord sous des vents de direction et de force variables en raison d’un relief très accentué et tourmenté de part et d’autre.

La météo ayant été annoncée particulièrement favorable par les Grib (vous vous souvenez, c’est l’extraterrestre) soit un vent de Sud-Est de 25 nœuds, nous partîmes heureux et confiants. Dégagé de la terre, nous avons rapidement reçu confirmation du flux et notre début de traversée s’annonçait bien. Au fil des heures, le vent s’est mis à forcir avec une mer belle, devenant peu agitée, puis agitée et enfin forte (voir vos documents préférés pour en avoir la hauteur significative mais je peux, sur demande expresse, développer davantage). La voilure a progressivement été réduite de grand-voile et génois à plein jusqu’à 3 ris dans la grand-voile et trinquette puis trinquette arisée ; Manevaï se comportait bien malgré une mer de travers et soulageait à la lame avec néanmoins un petit roulis.

Mardi 24 juin 2014. Vers 0h00 à la relève du quart de Michel par Eric, il encore fallu réduire et finalement la trinquette a été entièrement roulée et le bateau fonçait toujours, vent apparent plein travers, entre 6 et 7 nœuds en dépassant parfois brièvement les 8 nœuds dans des accélérations. Et soudain, patatras, alors que Denis commençait à sortir de sa couchette, une vague traitresse plus haute que les précédentes, appelée scélérate (voir Wikipédia pour une information complète sur ce type de vagues) explosait sur bâbord en en projetant l’essentiel dans le cockpit. Un triple gigantesque hurlement de rage : Møkk (merde en français), est sorti de l’immense poitrine Tor notre ami norvégien. Ce dernier, qui dormait paisiblement, venait de recevoir un jet d’eau de mer sous pression par un aérateur de 10 cm de diamètre. Evidemment, il en a résulté que toute la cabine était inondée ; duvets, matelas, vêtements, effets personnels de Tor et de Denis ayant absorbé ces dizaines de litres d’eau salée comme une éponge. Le bateau n’était évidemment pas en danger mais la situation était grave au regard de la mise hors service totale des deux couchages et des vêtements de Tor et Denis alors que nous ne naviguions pas dans des mers tropicales et que nous foncions vers le Groenland, pays assez connu pour son climat plutôt froid. Nous étions alors par 64°49,16’N et  24°32,0’W à 75 nautiques de Reykjavik et 600 nautiques du « cape Farewell » au Groenland. Il nous restait alors une seule décision à prendre compte tenu du nombre de jours de navigation restants : c’est le retour en Islande. La force du vent et la mer nous ont contraint à revenir au meilleur cap possible. Cela nous a amené vers 19 heures au port de Ólafsvik au Nord de la pointe de Snæfellsness où se situe justement le glacier Snæfells-jökull dont il est d’ailleurs dit qu’il s’agit de l’un des plus beaux sites de l’Islande ; le destin nous y a conduit. Pour un port exclusivement destiné à la pêche en haute mer, nous avons reçu, avec des vents de 35 nœuds et sous une pluie battante, un étonnant accueil chaleureux de la part d’une jeune femme du port qui est venue nous affecter un poste, nous a fourni les connexions à l’eau et l’électricité en nous indiquant de surcroit les commodités et les ressources locales. Il n’est pas inutile de préciser à ce stade du récit que le port, l’électricité et l’eau sont gratuits pour les plaisanciers (une trentaine de bateaux par an). Le problème de l’immense stock d’effets totalement mouillés a été résolu par l’amabilité du manager de l’hôtel local, établissement qui se nomme sans surprise « Ólafsvik hotel » où l’un de ses personnels a été affecté à l’utilisation des machines à laver et du sèche-linge. Mille fois merci à ce brave homme. Nous pensions en avoir pour trois ou quatre jours de remise en ordre et le tout a été bouclé à 22 heures 30 avec le retour à bord des deux victimes de la lâche et sournoise agression de la vague scélérate. Un policier local nous a même proposé de mettre à notre disposition son garage pour faire sécher les volumes importants ce qui a finalement été réalisé avec des chauffages soufflants à bord.

Mercredi 25 juin 2014. Après une bonne nuit de sommeil, le ronron des chauffages nous ayant bercé, nous avons fait une grasse matinée avant de commencer les derniers petits travaux de remise en état et vérifications diverses sans omettre un inévitable tour à terre. Vers 15 heures, nous avons largué les amarres pour une nouvelle fois mettre le cap sur le Sud du Groenland les vents annoncés devant nous être favorable du Sud-Est entre 10 et 30 nœuds (pourquoi une telle fourchette, mystère ! Nous verrons bien) qui permet une route au 230. Mais les vents, c’est bien connu, ont des caprices  et nos vaines incantations n’ont pas eu l’effet escompté. C’est donc au près serré que nous tirions des  bords dans une mer assez désagréable, le rythme quotidien étant simplement ponctué par les multiples changements de voilure pour nous plier à la dictature d’Eole. Evidemment nous faisions des bords carrés, multipliant ainsi la distance à couvrir. C’est ainsi que sont passées les journées de jeudi, vendredi, samedi et dimanche. Les manœuvres des voiles sont fréquentes et nous avons l’incommensurable plaisir de nous faire doucher à l’eau de mer glacée lors des prises ou des largages de ris de ris ou encore du changement des voiles d’avant car, si le génois est sur enrouleur, le foc un est endraillé sur l’étai largable avec l’impérieuse nécessité de le mettre dans son sac de ferlage lorsque nous mettons la trinquette laquelle est auto vireuse et sur enrouleur. Ouf !

Comme activités annexes, nous avions  tout le loisir de contempler avec désespoir les cartes météo que crachait l’ordinateur, seul instrument encore capable de nous donner les prévisions météorologiques, le NAVTEX ayant lâchement décidé de ne plus fonctionner et cela brutalement, sans le moindre signe avant-coureur. Chacun se perdait en conjonctures sur la meilleure tactique à adopter pour rejoindre le « cape  Farwell ». Bien sûr, les repas ponctuaient mais avec irrégularité (pour cause de manœuvres) les journées et, à part une journée ensoleillée mais ventée d’une mauvaise direction (SW 20 à 25 nœuds) nous ne pouvions observer qu’une mer désespérément vide. L’AIS nous indiquait bien six bateaux de pêche russes qui croisaient très exactement à la limite des eaux économiques du Groenland mais d’une part la brume et d’autre part les distances nous empêchaient de les apercevoir.Les chocs répétés sur la coque et les violentes rafales de vent ont finalement eu raison de la fixation de l’éolienne laquelle s’est arrachée de son support, les silentblocs ayant cédé. Fort heureusement, cet appareil coûteux et précieux en raison de sa contribution notable à la fourniture d’énergie, a eu le bon goût de choir dans l’annexe fixée sur le portique arrière où elle a pu être fermement saisi à l’évidence intacte. Fichtre, nous l’avons échappé belle !!!!! Pour parfaire à nos dépens les petites avaries, le coulisseau de grand-voile qui se situe juste après celui de la têtière s’est rompu ; cependant sans conséquences sur la marche du bateau mais à voir impérativement à l’escale après une réparation sommaire à la mer.

lundi 30 juin 2014. Après les journées précédentes assez éprouvantes et pratiquement toujours sur bâbord amures avec une gîte importante dans des mers formées ce qui compliquait nettement les passages aux toilettes (ouverture et fermeture des vannes, condamnation du lavabo pour cause de débordement) la nuit a vu progressivement le vent s’affaiblir avec une tendance NNW et la mer s’amortir notablement. Comme l’on coupe un robinet, le vent s’est soudain arrêté. D’une route quasiment Ouest sur le parallèle 62° Nord, nous avons pu faire une route au 230° nettement plus favorable (voir photo de la carte le 30 juin à 11 heures locale soit 12 heures UTC). Un peu avant dans la matinée, par mer calme, sans vent, la brume qui masquait la côte s’étant soudain déchirée comme le voile d’une mariée sous l’assaut de son époux impatient, le Groenland nous est apparu, à 35 nautiques, dans toute sa splendeur exposant à nos yeux ébaudis les montagnes enneigées ainsi que les glaciers gigantesques qui en barrent les interstices. Devant nous, à moins de cinq Milles, une barrière infranchissable de glace solide (fast ice) nous a amené à faire un cap au 200° faisant ainsi une route parallèle au trait de côte nous rapprochant ainsi du « cape Farwel » que nous déborderons largement (par prudence en raison de la glace). Dans la matinée, Tor, fidèle à la tradition norvégienne, s’est autorisé une douche glacée à l’eau de mer puisée dans un seau (voir photo), imité dans la seconde par Denis qui ne voulait pas être en reste. Aux fous !!

Ensuite, il a fallu passer à la confection du pain, opération hautement stratégique, confiée aux mains expertes de Tor avec Josiane comme assistante. Il a d’abord fallu cuire à la cocotte-minute trois gros galets de lave puis pétrir la farine avec son levain amoureusement cultivé avec une eau tiède à exactement 24°C.

Le même jour à 16 heures 10, après avoir manqué la vacation radio avec Andrew Wilkes de Young Larry pour cause de prise carte météo, après quelques vaines tentatives par la BLU et ayant opté pour la VHF, nous avons eu le contact avec AASIAAT radio. L’opérateur, très sympathique, après les formalités d’usages aux fins de nous identifier s’agissant du premier contact, consécutivement à notre avide demande de savoir où se situent les glaces, nous a fait contacter par la ICE PATROL. Ce deuxième correspondant nous a aimablement donné la situation du moment en égrenant les coordonnées précises des limites des champs de glace. Cependant, à notre grande déception, il nous a fortement déconseillé de faire escale à JULIANEHÅB bien que le port soit libre de glace ; au large de celui-ci des champs de GROWLERS (glaçons flottants en famille de la taille chacun d’une petite voiture) barrent le passage aux voiliers. Adieu donc au gigantesque HOTPOT dans lequel nous rêvions d’immerger nos corps meurtris par mille et une manœuvre à bord. Cependant, bonne nouvelle, le cap peut être arrondi à une quarantaine de nautiques de distance.

17h30 locale : la chape du réa (poulie) du hâle-bas de bôme s’est rompue au niveau de la bôme et a nécessité une petite réparation urgente réalisée dans l’instant. La soirée s’est bien passée par vent arrière forcissant au fil des heures pour atteindre un gentil 25 nœuds ce qui nous a permis de foncer, grand-voile haute et génois tangonné en ciseau, à 7,5 nœuds en moyenne vers le Sud Ouest pour contourner ce fameux cap dont nous avons déjà longuement parlé.

Mardi 1er juillet 2014. Vers  3 heures du matin, les bonnes choses ne durant généralement pas, le vent étant passé Nord Ouest, pour nous au près tribord amure, en forcissant méchamment, Tor et Denis se sont battus avec les voiles en réduisant  à deux ris la grande et rentrer le génois pour passer sous trinquette (non, ce mot n’a rien à voir avec les boissons). Dans la manœuvre, il a fallu frapper en urgence un palan sur la bastaque tribord qui venait d’être mise à poste car l’œil terminal de fixation, épris d’indépendance, ne tenait plus qu’à un fil menaçant de céder dans l’instant. Au quart de Josiane, avec Michel, il a fallu encore réduire la grand-voile pour l’ariser totalement, les vents soufflants alors à 40 nœuds constants avec des pointes à 45  (force 9 sur l’échelle de 10) et la mer déjà pas mal agitée puis forte est passée à grosse. Les vagues assez impressionnantes avec les zébrures caractéristiques des vents de grand frais, déversaient leurs crêtes déferlantes sur le pont avec la régularité d’un métronome. Vers huit heures, comme nous faisions une route Sud alors que nous devions remonter au Nord dans une mer abominable, et le vent faisant semblant de mollir, nous avons envoyé le foc manœuvre humide s’il en faut et seulement pour une petite paire d’heures car le vent forcissant, Manevaï gitait à garder pratiquement constamment le liston dans l’eau (pratique pour regarder la télé nautique par le hublot de coque latéral évidemment totalement immergé.). Ce programme télé ayant été jugé nul (pas un poisson n’est passé devant le hublot) et surtout parce que cela faisant souffrir le gréement, nous nous sommes mis à la cape, dérivant ainsi à 3 nœuds, tout de même, au 60° sur le fond c’est à dire que nous revenions sur nos pas (bon c’est une expression, évidemment nous ne marchions pas sur l’eau). Ce n’est qu’en soirée que nous avons pu sortir de cette allure confortable mais pénalisante en terme de progression vers Nuuk en faisant à nouveau route, hélas au Sud, sous grand-voile arisée et trinquette. Nous avions tous nos yeux désespérément rivés sur notre trace sur la carte électronique, pestant contre les petites flèches qui pointaient dans le mauvais sens et qui sont les représentations des directions et forces du vent (fournis par les fameux GRIB). Inutile de vous parler de la vie à bord lorsqu’un voilier marche sur la tranche. Faire la cuisine et manger consomment de l’énergie et, malgré la virtuosité d’acrobates de chacun d’entre nous, quelques chutes sans gravité et le passage d’objets volants divers dans le carré dont parfois des aliments et même le contenu d’une louche de soupe ont ponctué la journée. Josiane, imperturbable, s’accrochant jour après jour aux mains courantes de la cuisine et maniant avec une dextérité insoupçonnée les impédimentas indispensables à l’opération en cours, domptant sans sourciller les caprices d’aliments dont certains avaient la nette tendance à toujours vouloir s’échapper come animés d’une vie propre (quelqu’un a dit un jour : « objets inanimés avez-vous donc une âme ? »).

 

Mercredi 2 juillet 2014. Le vent mollissant à partir de 4 heures, Michel et Josiane ont envoyé le foc et à 6 heures, Eric et Michel ont largué un ris et viré de bord pour, enfin, faire une route presque directe vers Nuuk, port encore distant d’un peu moins de 500 Milles a bonne allure et dans une mer agitée mais maniable. Nous étions alors redescendu en-dessous de 58° de latitude Nord (donc à 120 nautiques Sud du cape Farwell). Notre consolation venait du fait que nous faisions une route utile et que nous n’avions pas à nous préoccuper des glaces. Tout cela étant trop beau, nous sommes rapidement passé à une série de virement de bord « carrés » sous grand-voile à un ris et génois en grand qui ne nous rapprochait pas vraiment de notre but. Une famille de globicéphales est aimablement venue nous saluer avant de disparaître dans un ballet gracieux. Soudain, une brume épaisse nous a enseveli dans un manteau cotonneux et cela malgré un vent de 20 nœuds. Evidemment, la veille radar s’est imposée, il ne fallait pas oublier que des icebergs ou autres growlers peuvent roder dans le coin.

 

Jeudi 3 juillet 2014.

Navigation : A à 09h00, un Gowler gros comme une petite camionnette a brutalement surgi du brouillard sur notre tribord à quelques encablures de Manevaï. Exit donc la route à la voile et c’est sous grand-voile à un ris et sec de toile sur l’avant et à 2200 tours moteur que nous avons poursuivi notre route. Bien sûr, nous savions que nous étions tangents des zones de glace dont les coordonnées nous avaient été données par la « Ice Patrol ». La brume se dissipant justement à l’approche de la glace, nous avons découvert d’immenses zones de concentration de Growlers. Une veille dans le cockpit était alors devenu la règle et nous zigzaguions entre les glaçons flottants peu denses (voir photos) ce qui constituait un bon entraînement pour ce qui nous attend pour la suite du voyage.

Vie à bord : À ce stade, il n’est pas inutile que nous abordions les conditions particulières de vie à bord de Josiane, seule femme, et sous l’angle de vu pratique. Chères lectrices, vous aurez naturellement compris que les conditions climatiques s’étant naturellement fortement dégradées, il a fallu se transformer en oignons s’agissant des couches à superposer sur nos peaux délicates. Mais cela n’est rien en comparaison de problèmes inhérents à la nature féminine (personne n’est parfait). En effet, le mâle de l’espèce humaine a été doté à la construction d’un système performant d’évacuation des liquides corporels usagés en la forme d’un tuyau à orientation multidirectionnelle aisément extractible des vêtements fussent-ils en couches nombreuses car astucieusement taillés. Pour Josiane, le ciré (le truc rouge en tissu technique particulièrement élaboré dont la souplesse s’apparente à de la bâche et au prix prohibitif) se présente sous la forme d’un pantalon qui monte jusqu’en dessous des aisselles. Il dispose sur le devant (notez bien !) une fermeture éclair qui permet d’enfiler le pantalon et accessoirement de braguette pour les homme (vous voyez toujours ?). Ensuite, il y a l’épaisse veste aux innombrables fermetures-éclairs et scratchs parfois étrangement disposés qui ne favorisent pas, et c’est peu le dire, un décapelage facile. Or donc, il s’agit, et pour cela la femme pour une fois est l’égale de l’homme, de se rendre aux toilettes.

Excursus : A bord de Manevaï, celle-ci sont installées dans le tiers avant sur tribord, la cuvette étant perpendiculaire au sens de la marche (voir photo). Il en résulte que selon le bord de près, préférentiellement dans une mer agitée et par vent fort, l’utilisateur est : soit couché sur l’arrière comme dans un « stressless » avec un peu moins de confort ou alors face au vide de la coursive comme perché au bord d’une falaise. N’oublions pas qu’il s’agit alors de se cramponner fermement à la main courante à gauche du trône et surtout de ne pas perdre son sang-froid. Evidemment, nous nous serons précédemment mis à quatre pattes pour ouvrir la vanne d’admission d’eau de rinçage (et oui c’est de l’eau de mer !) en évitant de se briser le poignet pour enfin se soulager d’une envie qui est parfois particulièrement pressante.

Josiane donc, le bateau ayant le liston dans l’eau sous le vent (jonction du pont et de la coque), après avoir procédé au laborieux déshabillage et aux manœuvres imposées par l’appareil, en considérant qu’elle est dans la situation d’un chat accidentellement mis dans un lave-linge sur position essorage, peut envisager de se rhabiller avec les mêmes difficultés, le tout en évitant  de se cogner contre une cloison. Et dire que cela s’appelle navigation de plaisance !

 

Navigation : Vers 16h30 locale, par 59°16,600’N et 046°05,250’W, lassés du bruit du moteur et bien dégagés des champs de glace pour lesquels nous venions d’ailleurs de recevoir les coordonnées des contours, le génois a été renvoyé pour une route à la voile au 330 à 6,5 noeuds bâbord amures au près serré dans l’attente de l’hypothétique coup de vent de Sud-Est annoncé par les prévisions météorologiques. Etrangement, une houle (1m) de face, probable reliquat du grand-frais de la veille, nous faisant piocher contribuant ainsi à casser l’élan du bateau. Nous ne bénéficions alors plus de l’amortisseur constitué par les champs de growlers entre lesquelles nous évoluions. La température de l’eau se stabilisait autour de 7°C pour une température de l’air de 3°C.

 

Vie à bord :Jeudi 3 juillet 2014. Les commissions alors ? Qui va acheter le pain le matin ? Pour le pain, nous l’avons déjà décrit, Tor et Josiane s’y sont collés selon leur rituel maintenant bien rodé. Par ailleurs, le stock de vivres frais touchant à la fin, c’est le crapahuteur (ouvre-boîte) qui est hardiment venu au secours des cuisiniers pour des combinaisons culinaires parfois étranges et toujours inédites mais au goût de tous (les flatteurs vivent aux dépens de ceux qui les écoutent !).

 

Vendredi 4 juillet 2014

Navigation : Après une nuit (enfin sans nuit) relativement calme, vers 2 heures, le coup de vent annoncé de Sud-Est a commencé à s’établir progressivement. Pour une fois, cette allure nous était favorable ; grand-large tribord amure avec un ris dans la grand-voile et génois à plein dans une mer peu agitée mais s’énervant avec régularité pour devenir agitée. A 9 heures, à l’occasion d’une manœuvre, nous voyons apparaître au loin sur notre avant tribord un gigantesque iceberg. Comme nous déboulions à près de 8 nœuds avec 25 nœuds de vent portant, en un rien de temps nous nous sommes retrouvés dans un troupeau d’icebergs dont le plus remarquable était un immense tabulaire (voir photo) bien éclairé par une rare percée du soleil. A ce sujet, cet astre nous a beaucoup manqué ces dernières semaines, une couche quasi-permanente de nuage restait obstinément en place. Ce n’était que l’apéritif car, rapidement, nous nous sommes retrouvés dans des troupeaux d’icebergs, les uns plus gros que les autres. Aisément visibles au radar, c’est sans difficulté que nous les évitions prudemment. Pour une mise en ambiance, nous étions servis et bien entendu parfaitement ravis de naviguer, modeste navire, entre ces géants des mers à la vie pourtant éphémère. Petit à petit le vent a forci pour s’établir crânement autour des 30 nœuds nous faisant danser sur de belles vagues très formées avec cependant la fâcheuse tendance à vouloir pousser notre tribord arrière pour nous mettre en travers de la houle. Le pilote, maître de la trajectoire du bateau ne s’en est cependant pas laissé compter ; il ramener bravement Manevaï sur la route demandée. La veille, une heure chacun à tour de rôle, était devenue de rigueur dans le cockpit et nous enfilions vêtements sur vêtements pour nous isoler d’un froid mordant. L’eau de mer était subitement passée à 2,3°C et l’air ambiant se situait autour de 0° degré. Autant dire qu’en raison du vent, le froid ressenti (comme ils disent à la télé) était plus important.

 

Samedi 5 juillet 2014.

Navigation : Approchant de la terre, nous côtoyions de plus en plus d’icebergs échoués sur le fond avant de nous présenter vers 3 heures devant le fjord qui conduit à PAAMIUT. Là également, comme pour nous en interdire l’accès, un iceberg échoué faisant le pendant d’un îlot nous laissant néanmoins un étroit passage. Puis, louvoyant entre les growlers échoués sur le fond ou flottants au gré du courant, nous avons, enfin, atteint le port non sans difficulté en raison d’un quasi-barrage de glace qui semblait vouloir nous empêcher de nous amarrer dans cet havre de paix. A 5h00, nous tournions les amarres par 61°59,808’N et 049°40,356W à couple d’un gros bateau de pêche, vous devinerez aisément qu’il ne s’agit en aucun cas d’un port de plaisance.

 

Suite au prochain blog et notamment la visite du port de PAAMIUT et ses environs.

Samedi 5 juillet 2014. Suite

Navigation :

Avec la naïveté qui vous caractérise, vous pensiez que notre blog était prêt à la publication (moi également d’ailleurs). Hélas, trois fois hélas (au pays supposé de mes ancêtres) le samedi est non seulement village mort mais également pluvieux à outrance. Peste et damnation, nous errions dans les rues comme des âmes en peine. Même les chiens nous aboyaient dessus comme si nous étions une menace à la tranquillité du bourg. Internet ? Oui mais uniquement chez les particuliers ; l’hôtel oui, mais fermé le samedi ; il ouvre le dimanche ???????? Il y a de quoi se perdre en conjonctures ! Heureusement, deux supermarchés, largement surdimensionnés au regard du nombre d’habitants étaient ouverts jusqu’à 16 heures. Nous nous sommes précipités pour des achats de vivres frais. Tor, fidèle à sa pratique, accompagné par Denis, est parti nez au vent et a déniché un technicien d’une grande structure industrielle qui nous a permis d’y prendre une douche et de laver du linge dans des locaux que jalouseraient bon nombre d’hôtels dans notre chère France, lui-même s’acquittant de cette dernière tache. Comme tout était fermé par ailleurs, un quidam, très inouï pour un Inuit, nous a donné rendez-vous pour « tomorow » afin de nous approvisionner en eau pour le bord. La démarche était identique pour le gasoil. Nous nous inquiétions de savoir, alors qu’il n’y avait personne à la pompe le samedi, si effectivement nous y trouverions un quelconque préposé le dimanche. Les balades pour les photos l’ont été sous une pluie battante et nous commencions à nous diluer comme le sucre dans le café tellement nous subissions depuis des semaines pluie, crachin ou mieux, grand frais avec les déferlantes afférentes à la violence des éléments. Un moment de grand bonheur a été ce rendez-vous avec un petit pêcheur professionnel que nous avions sollicité et qui est venu nous proposer de magnifiques poissons dont nous en avons acquis deux pour une poignée de figues. Il fallait voir cet homme (voir photo) à l’humeur joyeuse communicative, en bras de chemise comme seul ciré, sous la pluie sur son petit bateau parfaitement équipé pour son activité. Son insensibilité aux éléments nous a stupéfiés ; son rire communicatif nous a émus aux larmes et nous garderons longtemps le souvenir de cet homme ordinaire mais exceptionnel dans la façon dont il vie sa vie de pêcheur. Grâce à Tor, qui peut aisément communiquer et nous en traduire une synthèse, nous avons appris presque tout de la vie simple et heureuse de cet homme, lequel, comme nous le verrons est même venu spécialement le lendemain nous faire l’immense honneur de saluer notre départ.

Vie à bord.

Evidemment, vous vous doutez bien que nous avons été parfaitement requinqués grâce à ces douches miraculeuses que nous évoquions ci-dessus. Cela me permet de revenir, notamment pour l’édifiante information de la gente féminine dont je sais quelle est très inquiète des conditions d’hygiène dans lesquelles Josiane se débat, sur les détails pratiques de notre hygiène corporelle. En effet, les caractéristiques de Manevaï, voilier conçu pour la navigation au grand large, font que les architectes ont un « peu » négligé ce détail. Or donc, s’il y a bien une douche dans le compartiment des toilettes, celle-ci est totalement inutilisable. C’est donc, lorsque les conditions de gîte (c’est quand le bateau penche d’un côté) le permettent (tribord amure ; le bateau penche à gauche) que nous pouvons utiliser le lavabo pour nous débarbouiller avec un gant de toilette. Autrement, l’eau de mer envahit le bord si la vanne d’évacuation n’est pas fermée (idem pour la cuvette du WC comme plus ou moins évoqué plus haut). L’autre alternative, fréquemment utilisée notamment par Josiane laquelle est rodée par de longues et nombreuses traversées océaniques, consiste à utiliser les lingettes pour bébés (les quadras considèrent bien que les vieux comme nous retombent en enfance donc le produit est adapté). Eh oui mesdames, cela fonctionne parfaitement, bien qu’il faille en faire une consommation conséquente (nous sommes approvisionnés).

 

Dimanche 6 juillet 2014.

Navigation.

Au lever, nous avons eu l’énorme surprise de constater que même au Groenland, il y avait du soleil. Notre ami technicien est venu taper au pont pour nous informer que nous pouvions déplacer le bateau pour prendre de l’eau. Dans le même temps, il nous a gentiment offert un immense rectangle (10kgs ???) de morues congelées. Gasp ! Nous n’avons pas de congélateur ; les menus à venir seront donc tous à base de poissons. Comme si cela ne suffisait pas, Tor, toujours infatigable dans ses investigations, a pris langue avec le patron d’un baleinier (bateau chasseur de baleine ; et oui !) pour savoir s’il était possible d’acquérir de la viande de cet animal car nous avions appris qu’une baleine avait été livrée à l’usine l’avant-veille de notre arrivée. Ni une, ni deux, le capitaine a téléphoné à son père, lequel est venu chercher Tor en voiture, l’a amené chez lui, lui a offert gratuitement un immense morceau de viande de baleine (un bloc de 3 ou 4 kg) et l’a ramené au port. La gentillesse extrême des groenlandais n’arrêtera donc pas de nous surprendre !

Enfin, après une dernière visite en ville pour prendre des photos avec le soleil, nous avons refait le plein de gasoil pour appareiller vers les 10 heures, la météo annonçant des vents faibles et une mer belle ce que nous avons pu instantanément vérifier en sortant du fjord.

S’en est suivi une navigation pénarde au moteur en zigzaguant entre de petits icebergs échoués ou dérivants jusqu’à midi. Là, pris de frénésie et de folie furieuse, comme des gamins, nous avons décidé de nous amarrer à un petit iceberg le temps du déjeuner ; juste pour le « fun » comme disent les jeunes. S’agissant d’une première expérience, il nous a fallu nous y prendre à quelques reprises mais la récompense a été à la hauteur de nos espérances. Evidemment, le repas était à base de viande de baleine, parfaitement succulente (voir photo pour l’image et pas pour le goût bien sûr ! Pff !), d’un rouge profond et à la texture très semblable à du bœuf. Certains ont prétendu y trouver un petit goût de poisson ; je pense cependant que c’est parce qu’ils savent que les baleines vivent en mer. Na !

Poursuivant notre route parallèle à la côte par un cheminement entre des îles et des icebergs, nous avons laissé un moment, par le travers, un minuscule village de sept habitations dont un certain membre de notre équipage d’origine nordique, que la charité chrétienne m’empêche de vous citer, a froidement prétendu qu’il était habité par sept femmes et un seul homme, ce qui correspond, comme vos connaissances en calcul vous l’indiquent, à un jour par semaine pour changer de maison par une subtile rotation qui n’a rien à voir avec l’effet Coriolis.

Infatigablement nous avons poursuivi notre route jusqu’à l’île Ravns støre par 62°42,739’N et 050°23,368’W laquelle était, par le passé, une base de travail pour les pêcheurs. Seuls quelques bâtiments ruinés témoignaient d’une période dont il était aisé de deviner que les conditions de vie devaient y être particulièrement rudes. Nous avons mouillé par dix mètres de fond dans cette profonde échancrure pour y passer une nuit paisible. Nous avons abandonné l’idée d’une partie de pêche en raison d’une bise froide et de l’heure tardive.

Lundi 7 juillet 2014.

Les glaces de plus en plus fréquentes nous ont incité à passer à une instruction de tir. Aussitôt dit, nous avons débarqué, improvisé un pas de tir avec un vieux volet en bois et nous nous sommes postés à 100 mètres pour, chacun tirer deux coups (de 7,62). Au résultat, l’ours en bois a bien été occis par les balles dans la tête. Je sais, les mauvaises langues diront que nous opérions dans les conditions idéales, sans le stress de l’arrivée d’un véritable animal désireux de nous transformer en déjeuner. Mais l’essentiel était de se rappeler le maniement d’un fusil y compris son entretien. A ce sujet, justement, Tor et moi, rendus fous par une culasse, qui avait été entièrement démontée pour vérification, et devenue récalcitrante au remontage après la séance de tir pour cause de notice incompréhensible, avons fini par vaincre la ferraille après nous être réconfortés avec l’apéritif et un repas de steaks de baleine. Où il est démontré que le cerveau humain est réellement utile à quelque chose !

S’en est suivi l’appareillage toujours vers le Nord dans la perspective de faire un mouillage intermédiaire avant Nuuk (Godthab) pour, enfin, mettre à l’épreuve nos talents de pêcheurs. Après une belle journée ensoleillée la veille, la pluie était à nouveau au rendez-vous, nous empêchant de faire du « chenaling » entre les milliers d’îlots et îles éparpillées le long de la côte du Groenland.

Dans l’après-midi, de larges trouées ont déchiré les nuages et la pluie a laissé la place à de plus en plus nombreuses éclaboussures de soleil. Après avoir évité quelques hauts fonds heureusement bien signalés et nos cartes étant en conformité, nous avons jeté l’ancre au milieu d’un entrelacs de petits îlots par 17 mètres de fond (63°18,765’N et 051°09,080’W) dans une sorte de petit lac nous protégeant de toutes parts. Tor, Eric et Denis, toutes affaires cessantes se sont précipités sur les apparaux de pêche, ont mis l’annexe à l’eau, se sont chaudement capelés et ont foncé à quatre encablures pour poser un filet de 25 mètres par une quinzaine de mètres de fond. Fiers de leur manœuvre et anticipant déjà les menus du poisson qu’ils allaient évidemment inévitablement prendre dans le trémail, il sont revenus avec le petit hors-bord sur le point de défaillir. Pour être honnête, il faut bien dire que l’engin a un âge respectable pour ne pas dire canonique et que le temps et les traitements parfois rudes ont progressivement raison de tel ou tel autre élément mécanique. Cette fois, c’était le chapeau du coulisseau de pointeau qui avait manifestement des velléités d’indépendance au motif que le filetage ne tenait plus. Ni une, ni deux, la bestiole a été réduite en pièces détachées pour un bricolage qui, contre toute attente, s’est avéré suffisant pour ne pas dire adieu au filet en pêche.

Mardi 8 juillet 2014.

Dès potron minet, l’impatience des trois larrons les a précipités hors des couchettes, me laissant à peine le temps de terminer la préparation du petit-déjeuner qui se devait d’être copieux en prévision de la sortie en annexe. Vous nous pensiez bredouille, que nenni ; trois grosses morues (pour un poids total estimé d’une dizaine de kilos sans la TVA marseillaise), un poisson plat et un microscopique bébé poisson étaient bel et bien emmêlés dans les mailles. Par charité chrétienne nous ne décrirons pas l’abominable boucherie qui s’en est suivie à bord sur la plage arrière. Il en a même fallu laver d’urgence le pavillon, victime de la frénésie « découpatrice » de Tor ; c’est vous dire ! Je tiens cependant à épargner les âmes sensibles que nous imaginons déjà suffisamment effarées voire choquées par nos goinfreries de viande de baleine. Au menu du midi : rillettes de morue, brandade de morue, foie de morue entier mais cuit et poivrons rouges pimentés pour donner une note de couleur. Ah, vous voulez également le menu de la veille ! Flétan au court-bouillon le soir avec rillette de morue et morue à la poêle le midi avec rillettes de morue. Ah, également l’avant-veille ! Morue au court bouillon le midi et rillette de morue ; morue frite à la poêle le soir et rillettes de morue. Nous allons bientôt avoir des branchies !

Il s’en est suivi un appareillage pour un « chenalage » par « pétole virulente » et presque du beau temps, la température de l’eau s’étant stabilisée autour de 9°, celle de l’air voisine de 12° et le soleil faisant de timides mais insistantes apparitions. Cap sur Nuuk (Godthab) en prévision d’une escale un peu longue. Comme nous naviguions ensuite, avec un petit flux de Sud-Ouest, nous progressions à proximité de la grande terre ; le Groenland a alors offert à nos yeux ébahis des paysages sublimes. De hautes montagnes encore partiellement enneigées, au relief très découpé, trempent le bas de leurs pentes dans la mer et libèrent, de-ci de-là, les larges falaises des glaciers qui s’étalent sur des fronts impressionnants. Ce sont bien sûr les pépinières des icebergs tant redoutés mais admirés pour leurs formes impressionnantes et la majesté qui en émane. Leur lent glissement, animé par les courants marins, est imperceptible pour nous navigateurs ; cela donne l’illusion d’avoir des montagnes aux formes tarabiscotées, d’un blanc éclatant, éternellement visées dans une mer impuissante qui se brise à leurs pieds dans de belles et gigantesques éclaboussures.

Après un dernier joli « chenalage » d’une vingtaine de Milles, nous sommes, enfin, arrivés en vue du port de Nuuk. Nos appels radio à la capitainerie ont eu peu de succès pratiquement jusqu’à que nous soyons dans le bassin intérieur (à 20h15 locale par 64°10’N et 51°44’W). Ici, pas de luxueux pontons avec eau et électricité à la panne. Les navires grands ou petits, de commerce, de pêche ou de plaisance sont mélangés comme jetés en vrac et principalement à couple les uns aux autres avec des croisement d’amarres dans le style toile d’araignée. Le cheminement d’un bord à l’autre est sportif et il faut y réfléchir à deux fois avant d’envisager d’aller à terre. Nous y avons retrouvé deux voiliers déjà avec nous à Reykjavik dont l’un a immédiatement reçu comme cadeau une pleine bassine de nos morues fraîches de la matinée. Eric, Tor et Denis, le bateau mis en ordre, ont fait une sortie exploratoire en ville à 23 heures et sont revenus bredouilles ; qui plus est, contraints d’escalader le portail d’accès au port.

Mercredi 9 juillet 2014.

Au port, sous la pluie, par 8°C de température extérieure, nous allons procéder à l’avitaillement, au lavage du linge, etc.

Pour ma part, j’espère pouvoir enfin obtenir une connexion Internet pour alimenter le blog et traiter mes mails, mon opérateur Orange m’ayant par ailleurs coupé, il y a cinq semaines, de façon unilatérale, cette connexion sur mon téléphone alors que je paye justement un abonnement à un prix particulièrement prohibitif pour être connecté dès que j’ai la 3G ce qui était le cas en Islande comme au Groenland (74€ par mois).

 

 

 

 

Addendum au Blog 17

Note du scripteur. En mer du Groenland, vendredi 28 juin 2014.

 La curiosité légitime de certaines de nos lectrices dont il m’a été fait part, va m’amener à donner, dans les blogs, davantage de détails sur notre vie à bord comme vous pouvez le constater dans la partie finale du 17. Si nous nous en étions abstenus jusqu’à présent, c’est tout simplement parce que notre navigation était similaire à celle effectuée sur la plus grande partie du globe. Cependant, il est vrai, que nous allons maintenant rencontrer des conditions totalement inédites dont les principales caractéristiques portent sur le froid, la position et la densité des glaces, la dérive des icebergs, une météorologie capricieuse et la gestion de la vie à bord pour tenir compte de l’impérieuse nécessité d’avoir un membre de l’équipage en permanence affecté à une veille attentive (Cf. TITANIC). Depuis le départ, nous fonctionnons par « quarts » qui sont de 2/24ème de jour (deux heures quoi !) avec un glissement quotidien d’un quart pour éviter la répétition des mêmes heures surtout dans la partie nocturne (bien qu’il fasse jour ici la nuit) habituellement consacrée à un repos récupérateur paisible.

 Pour la cuisine, c’est évidemment Josiane, en compétition avec Tor et Denis qui tiennent les fourneaux. Eric et moi nous étant spécialisés dans le lavage de la vaisselle dont nous maîtrisons à la perfection tous les aspects (il nous faut cependant parfois disputer notre travail aux trois autres). Comme Eric passe également beaucoup de temps à torturer ses ordinateurs pour en extraire la substantifique moelle des conditions météorologiques, je me suis spécialisé dans la préparation et le service du petit-déjeuner (pain grillé, jambon, fromage, harengs fumés à la française, beurre confiture, certains produits norvégiens aux noms imprononçables et à la composition tenue secrète par Tor ainsi que le thé et le café) et bien évidemment la vaisselle d’icelui, le tout étant à la portée des mes piètres compétences de cuisiner.

Puisque je vous parle d’ordinateurs, voici le détail de ceux que nous avons à bord ainsi que les aides au positionnement (Michel et Josiane : avec navigation, deux ordinateurs portables, deux tablettes, deux GPS, un téléphone ; Eric : avec navigation deux portables, une tablette, un GPS en sus des deux fixes du bord, un téléphone ; Denis : un portable et une tablette sans toutefois de logiciel de navigation, PAS DE TELEPHONE, GASP !  ; Tor : en sa qualité de descendant de Viking utilise exclusivement une pierre de Feldspath comme ses ancêtres parce que cet instrument de haute technologie ne nécessite ni alimentation électrique ni logiciel susceptible d’être contaminé par des virus informatiques ; son téléphone d’un modèle préhistorique lui a été imposé par ses enfants). Et oui, d’aucuns, bien à l’ombre d’une terrasse en sirotant qui un whisky, qui telle ou telle autre boisson, pourront nous rappeler que les SLOCUM, MOITESSIER et beaucoup d’autres n’avaient nul besoin de s’encombrer de tels objets dont les caractéristiques principales sont la fragilité, la gourmandise en énergie et l’incompatibilité totale avec une immersion même passagère (c’est bien pour cela que nous multiplié l’équipement). Prudence étant mère de sûreté, nous avons la tranquille assurance d’un petit groupe de retraités qui tiennent à un minimum de confort et à une sécurité maximale ; qu’on se le dise !

S’agissant du confort à bord, nous disposons évidemment d’une gazinière qui fait four (cuisson du pain) alimentée par des bouteilles de propane de 13kg, de tous les impédimentas nécessaires et indispensables pour faire la cuisine et bien sûr la vaisselle. Un chauffage (Webasto: voir catalogues des shipchandlers) pour l’habitacle, fonctionnant au gasoil, alimente par un circuit d’eau des aérothermes judicieusement répartis, le moteur auxiliaire pouvant assumer alternativement la même fonction, les deux contribuant, également à chauffer l’eau du bien nommé chauffe-eau, ce dernier ayant également une résistance électrique pour l’utilisation au port. Les cabines sont confortables (sauf lorsqu’elles sont subitement et pernicieusement inondées. Cf. Tor et Denis) et chacun a largement prévu des duvets pour affronter d’éventuels froids polaires. Des cuves à eaux conséquentes (2x400 litres) confèrent une large autonomie et sont adaptées au programme. Les réserves de nourriture sont bien avitaillées et de rares boissons alcoolisées viennent occasionnellement  améliorer un déjeuner ou un dîner.

J’espère avoir satisfait la légitime curiosité des lectrices et vous promets de nombreux détails sur notre navigation dans les glaces que ce soit pour la vie à bord comme pour les éléments extérieurs.

Enfin, conscient que mes délires épistolaires doivent être particulièrement longs (surtout celui-ci après près de deux semaines en mer) à lire (d’aucuns peuvent même s’interroger sur ma santé mentale) sur le blog STW, je peux, sur demande à mon adresse mail : gotab_michel@orange.fr (attention le tiret séparatif est celui du soulignement) vous inclure (dans la limite du nombre maximum d’adresses dans un envoi unique) dans mon groupe d’envois mails blog par blog en pièces jointes avec quelques photos en format réduit. En fait, les difficultés de connexion à Internet et la gourmandise du Blog en temps de connexion me font craindre que son alimentation en photographies (3 à 8 minutes par cliché tels qu’ils sont aujourd’hui déjà autour de 30 Ko), une diminution de leur poids s’avérant impossible car ensuite totalement inexploitable.

Michel.

 

J'ai litéralement "bu" votre rapport avec des frissons (froid ou émotion ?) dans le dos. J'admire votre courage à tous et votre bonne humeur. Bravo à Josiane pour sa ténacité et ses bons soins pour ses hommes. Voilà pour tous une inoubliable aventure. On m'a toujours dit que les gens du Nord étaient très accueillants, je crois que ceux ce "l'extrème" en sont une preuve vivante. Merci à Michel de nous faire vivre ces heures de courage et d'Amitié, je vous embrasse tous Mamie

Bravo pour votre ténacité et votre bonne humeur. Au revoir à Tor, soyez sages sans lui. Bisous. Cathy.

Il est agréable et rassurant de vous lire, quant à la vague scélérate je pensais qu'elle ne sévissait que dans les mers du sud; depuis j'ai parfait ma connaissance, et je me suis aperçu que celle-ci était pour ainsi dire très vague . malgré des conditions difficiles quel bonheur vous devez avoir .bonne continuation à vous et n'oubliez pas la morue fait foi

Passionnant!!! Je ne lis votre blog que depuis peu car je n'en avais pas les coordonnées. C'est Alain et Monique qui me les ont fournies. Et je suis définitivement un fan inconditionnel de ta prose et de ton humour. Bravo à tous... Je vous suis mot à mot. Pierre(Joliep)

Après deux soirées d'une lecture assidue ponctuée de fous rires, je demande instamment la création d'un nouveau prix littéraire "Manevaï" dont le premier lauréat sera évidemment ... Michel! Merci et bisous à tous.

Et une petite blague de circonstance envoyée par notre belle-soeur Marie-Noëlle, pour ponctuer ces moments émouvants : Un iceberg vient d'être Papa. Que dit-il à ses amis? - C'est un glaçon! :-)

Je lis toujours vos blogs avec autant de plaisir et je vous envie de vivre si simplement une aventure humaine aussi exaltante. Vous faites parmi nous pauvres terriens d'innombrables envieux. Je vous sais modestes mais si vous venait la grosse tête je lis ce matin dans le journal qu'un lyonnais part à l'assaut du passage du Nord Ouest ... à la rame. Tout de même ces lyonnais! Bon courage à tous Dominique

Au moment où nous rentrons d'une semaine de croisière agitée (mistral) à bord de DIADEM, (OCEANIS 41 du club), nous pensons bien à vous. La relecture de vos aventures successives est passionnante et force notre admiration. MANEVAI est bien le voilier de la situation et l'ayant apprécié dans les meilleures conditions possibles, je mesure bien les difficultés évoquées pour se soulager la "carène liquide". Bonne navigation au Groenland et merci de nous faire partager cette superbe aventure. Bien amicalement Benoît et Lucette

C EST BIEN LA PREMIERE FOIS Q ON ME SOUHAITE MON ANNIVERSAIRE DEPUIS LE GROENLAND C EST FANTASTIQUE MERCI A TOI DENIS JE CONTINUE DE SUIVRE VOTRE ROUTE AU MILIEU DES ICEBERGS ET DES GROWLERS .... J AI REGARDE SUR GOOGLE EARTH OU SE TROUVAIT NUUK REVISION DE LA GEOGRAPHIE BON VENT A TOUS FRANCOISE

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