du Groenland à Terre Neuve

du Groenland à Terre Neuve

Posté par : Michel
30 Septembre 2014 à 23h
Dernière mise à jour 30 Décembre 2014 à 17h
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Vendredi 29/08 Sisimiut Groenland (66°57’ N – 53°41’ W)

 

Arrivée à Sisimiut vers 5h du matin, après une cavalcade de plus d’une journée à une vitesse de 7-8 nœuds, poussés par 25 à 30 nœuds de vent de travers dans une mer assez formée. La veille aux growlers la nuit (car il fait nuit noir maintenant) est assez épouvante pour les nerfs car l’écume des vagues qui déferlent est très blanche. En voyant brutalement une grosse surface blanche apparaître, le rythme cardiaque s’accélère jusqu’à ce que la tache blanche se dissipe … montrant que ce n’était que de l’écume et qu’il n’y a pas de morceau de glace, OUF !!

 

Dans le port de Sisimiut il y a déjà un voilier amarré à un gros bateau garde-côte : ce sont nos amis de « Revenge 2.0 », dont nous avions rencontré l’équipage de 3 américains à Dundas Harbour. Après nous être amarrés à eux, sans réveiller personne à leur bord (c’est étonnant), nous nous sommes couchés, fatigués mais heureux d’arriver à l’escale.

 

Plus tard : après une rapide douche à la maison du marin, nous visitons la ville et succombons aux achats divers. Nous retrouvons l’organisation danoise avec des maisons de couleurs pimpantes, des magasins bien approvisionnés, des prix moins exagérés qu’au Nunavut canadien et surtout avec des dates de péremption indiquées sur les boîtes de nourriture. Il est vrai qu’avec un bateau par an à Pond Inlet il ne sert à rien de mettre une date limite d’utilisation … Tant que la boîte n’est pas bombée elle est consommable !!

 

 

 

Samedi 30/08 Sisimiut Groenland (66°57’ N – 53°41’ W) - voilà 15 semaines que nous avons quitté Brest.

 

Après 3mois et demi, Josiane et Michel débarquent et vont rentrer en France. Ils vont passer par Kangerlussuak (l’aéroport international du Groenland, celui qui est situé au fond d’un fjord de 180 km) suivi d’un vol pour Copenhague où ils vont passer la nuit, puis prendre un vol vers Marseille.

 

Nous célébrons notre séparation au meilleur restaurant de Sisimiut où nous essayons le plat d’entrée fait de spécialités locales à base de morceaux de peau de baleine (il faut avaler le morceau de cartilage qui est au milieu), de petits poissons séchés (il faut de bonnes dents pour couper un morceau, de la salive pour l’imbiber et du courage pour l’avaler !), de filets de morues fumés et de boulettes de viande de renne (ce qui est plus de notre goût). En plat principal, comme il n’y a plus de bœuf musqué, nous nous rabattons sur des steaks de bœuf … non musqué.

 

 

 

Dimanche 31/08 départ de Sisimiut (66°57’ N – 53°41’ W) vers le Labrador

 

Dernières courses pour compléter la nourriture fraiche dans les magasins ouverts le dimanche. A la poissonnerie ( !) nous achetons de la viande de bœuf musqué, taillée dans d’énormes cuissots. A ce jour, à part une boule de poils noirs descendant au loin sur Devon Island, nous n’avons aperçu aucun représentant sur pattes de ces animaux, seulement des photos … et des morceaux de viande dans nos assiettes.

 

A midi dernier repas avec Josiane et Michel à la « maison des marins » ou « Somandshjemmet » (pour les danisants) où nous apprécions de manger … des frites !!

 

Appareillage vers 15h. La météo avait prévu du calme plat mais dehors nous trouvons un bon vent portant qui nous oblige à prendre des ris. « Manevaï » est un peu bousculée par une mer de l’arrière mais elle marche à 7–8 nœuds.

 

Les quarts de nuit reprennent avec un équipage réduit à deux, donc changement toutes les 3 heures, il faut « dormir vite ».

 

 

 

Lundi 1/09 de Sisimiut vers le Labrador

 

Sieste dans la journée pour compenser le rythme des quarts de nuit plus fatigants. Toujours un bon vent portant et une mer formée mais la météo annonce du calme pour demain Mardi, suivi d’un coup de vent de Nord-Ouest pour Mercredi. Celui-ci nous poussera vers le Labrador.

 

Ce soir nous avons enfin un ciel complètement dégagé et étoilé mais le vent est déjà tombé à une dizaine de nœuds. Nous voyons notre première aurore boréale ou « lumière du nord » ou « nordlys » en scandinave. Celle-ci, hélas, n’est pas colorée mais c’est féérique de voir ces draperies blanches tombant du ciel dans le silence de la nuit.

 

Plus tard : l’aurore boréale, qui coupait le ciel en 2, forme maintenant 2 rideaux cylindriques dans l’Ouest. Elle reste de couleur blanche.

 

 

 

Mardi 2/09 de Sisimiut vers le Labrador

 

La dépression est prévue pour cette nuit avec des vents du Nord-Ouest à 30 à 35 nœuds. La météo ne s’est pas trompée. Au début du poste de nuit, par précaution, nous avons pris 3 ris dans la GV et déroulé la trinquette.  Manevaï sous toilée pour les vents de travers à 20 à 25 nœuds du début de nuit roule beaucoup avec la houle du vent, mais à partir de minuit le vent a forci et atteint ce qui était prévu. Le bateau bien appuyé dans les vagues reste très confortable.

 

 

 

Dernières analyses à ce jour du passage du NW : l’étude des cartes des glaces montrent qu’au Nord-Ouest de Somerset Island, le Peel Sound ne s’est jamais vraiment ouvert et qu’au Nord-Est le Prince Regent Inlet s’est assez dégagé pour laisser l’accès au détroit de Bellot. Ce dernier ne s’est ouvert que qq jours du 28 Août au 1er ou 2 Septembre environ pour laisser l’accès au Franklin Strait, à la sortie Ouest du détroit, en prolongement Sud du Peel Sound. Franklin Strait avait un chenal ouvert le long de la péninsule de Boothia. Ceci pour dire que la fenêtre de passage était extrêmement étroite cette année et que le commandant du garde-côte Pierre Radisson n’était pas loin de la vérité en disant que le passage risquait de rester bloqué par la banquise.

 

Nous avons aussi eu une info (à vérifier) disant qu’il y a qq jours, les gardes-côtes canadiens interdisaient maintenant aux bateaux de s’engager dans un sens comme dans l’autre. Comme déjà dit, le Pierre Radisson a du secourir « Le Manguier » qui fort de sa puissance de remorqueur pensait pouvoir passer : n’est pas brise-glace qui veut !!

 

 

 

Mercredi 3/09 de Sisimiut vers le Labrador

 

Ce matin brouillard et vent faiblissant. Puisque la dépression d’hier continue son chemin vers le Nord-Est, nous nous retrouvons pile au centre. Le baromètre est descendu à 993 millibars, il n’y a plus de vent, la mer est complètement chaotique avec des vagues pyramidales qui ne savent pas d’où elles viennent ni où elles vont ! Ça bouge beaucoup et dans tous les sens.

 

Plus tard : la mer est retombée assez rapidement mais le vent reste absent, cette dépression a vraiment un centre de grande envergure.

 

Puisque nous avons progressé vers l’Ouest, à midi re-re–re changement d’heure : les montres après avoir été retardée d’une heure pour le Groenland, sont avancées d’une 1/2h pour être à l’heure HNT (Heure Normale de Terre-Neuve) qui est de « Zoulou–3h30 » mais avancée d’une heure donc « Zoulou-2h30 » puisqu’ils sont à l’heure d’été. Ouh ! ça donne mal à la tête et je vais retourner me coucher.

 

L’après midi, en regardant dehors je remarque parmi les pétrels qui tournent autour du bateau, hôtes habituels du grand large, un petit oiseau sombre au vol très heurté. Les mergules nains qui ont, un temps, remplacés les guillemots sont aussi des oiseaux du larges et ils ont un vol plus planant. Le petit oiseau vient se poser sur la plage arrière de Manevaï et se révèle un passereau marron et noir qui a l’air épuisé. Il a du être emmené au large par le coup de vent car nous sommes à plus de 100 nautiques des côtes. En sautillant, il fait le tour du bateau, gêné par les mouvements de la plateforme, le vent et le crachin. Je sors pour lui poser une coupelle avec des graines de céréales au cas où cela fasse partie de son menu. En pied de mât, il cherche à se percher sur les tours morts de la drisse de grand voile mais il y a trop de vent. Un moment plus tard il a disparu. Avec la nuit qui vient il va avoir du mal à trouver un endroit où se reposer. Combien de dizaines de passereaux comme celui-ci disparaissent en mer, emportés loin des côtes par les tempêtes en laissant derrière eux des familles éplorées ? Vous pouvez rentrer vos mouchoirs

 

 

 

Jeudi 4/09 de Sisimiut vers le Labrador

 

Brume et brouillard donnent une visi de moins d’un nautique donc veille au radar. Pas d’icebergs en vue bien que nous soyons entrés dans la zone à risque donnée par le service des glaces du Canada. A 6h le jour commence à peine à poindre, il y a qq jours c’était à 4h. Il nous faut nous réhabituer aux longues heures de nuit noire.

 

Depuis que nous sommes au centre de la dépression, le baromètre, après un plongeon sensationnel, atteint des profondeurs jusqu’à 990 millibars et y reste ! Le « quartier maître Perkins » (le moteur) est à la tâche depuis hier puisque le vent nous fait défaut.

 

A 8h le brouillard a la bonne idée de rester au large et apparaissent devant nous des masses sombres qui se découpent sur un fond de nuages : « TERRE !!», ça y est le Labrador est en vue. Eric a déterminé un mouillage abrité pour que l’équipage « réduit » ait enfin une nuit complète de repos, puisse aller à la pêche et poser le filet. Nous prendrons évidemment le fusil, (pas pour la pêche !) car il peut toujours y avoir des ours polaires ou pas polaires, donc ours bruns ou grizzly.

 

Si nous avons les cartes détaillées des côtes de la région nous n’avons pas la carte « Michelin » avec les villes et villages, nous ne savons pas très bien où trouver de la civilisation. Nous attendons des infos demandées aux amis, rencontrés sur les autres bateaux, et habitués de ces lieux. De toute manière, avec le plein de vivres fait à Pond Inlet puis à Sisimiut nous pouvons voir venir.

 

En longeant la côte, nous retrouvons des icebergs plantés sur les hauts fonds et se désagrégeant petit à petit en semant, tel le Petit Poucet, une file de « cailloux blancs » qui partent vers le large. De jour c’est facile à éviter mais de nuit pas sûr que le radar détectent ces growlers.

 

Pour nous mettre à l’abri du coup de vent de Sud-Est annoncé pour demain, nous avions visé Saglek fjord et les petits canaux entre les îles de son entrée. Evidemment le vent a tourné et nous avons dévié notre route plus Sud, pour une baie dans Hebron fjord, juste au Sud de Jerusalem : ça ne s’invente pas ou alors les baptiseurs manquaient d’imagination ou étaient très religieux. Au près, avec un bon vent de Sud-Ouest Manevaï a tôt fait d’arriver dans le fjord choisi.

 

 

 

Vendredi 5/09 Labrador – Hebron fjord (58°12’N - 62°37’W)

 

Hier vers 19h nous sommes entrés dans Hebron fjord, où sont indiquées les ruines d’une ancienne mission Morave ou Moravienne (voir photo de la plaque explicative). Il y a bien les restes de qq constructions et des maisons en bois de guingois mais encore debout. Seule l’église semble bien entretenue, peinte en blanc récemment semble-t-il.

 

Nous attendions ce mouillage, son calme et notre repos avec impatience.

 

Après une matinée de rangement nécessaire, cet après-midi nous allons à terre pour visiter le site en emmenant le fusil. Il fait un temps superbe : soleil et chaleur. Nous marchons dans des prairies d’herbe et entre de petits arbustes genre charmilles : il y a longtemps que nous n’avons pas vu autant de verdure !! Il y a même des myrtilliers et des pieds d’airelles avec des fruits, mais pas assez pour une confiture.

 

En approchant des restes de village, nous passons à côté de 2 petits cimetières : un avec des tombes Inuits du début 20ème siècle et l’autre avec des tombes écrites en allemand fin 19ème, les deux avec des traces de remise en état des barrières, donc qq’un s’occupe d’entretenir les lieux.  Près de l’église nous retrouvons Buddy, l’inuit rencontré hier soir sur le plan d’eau, et Jenny son épouse, ils sont les gardiens et responsables du site. Ils nous expliquent qu’une communauté protestante allemande est venue début 19ème siècle pour évangéliser, éduquer et soigner les Inuits de la région. En 1959 le gouvernement canadien a décidé de déplacer les communautés pour les regrouper ou créer des « colonies de peuplement » plus au Nord, il a donc obligé les personnes vivant ici à quitter les lieux. Il y a qq années, le gouvernement a reconnu les erreurs de ses prédécesseurs et, en s’excusant, a entrepris de remettre l’endroit en état pour en faire une sorte de musée. Depuis 5 ou 6 ans, 2 menuisiers-charpentiers-maçons viennent travailler ici les 3-4 mois d’été. Ils ont déjà remonté des murs, refait les poutraisons et l’étanchéité du bâtiment principal qui est recouvert avec des tuiles de bois.

 

Nous visitons le rez-de-chaussée de ce bâtiment qui est composé de l’église, prolongée dans sa longueur par l’école, puis un couloir central avec, situées à droite et à gauche, les pièces de vie pour les familles, puis une infirmerie-hôpital et même une poste ! L’isolation des plafonds était faite à base de copeaux de bois. Au premier étage un immense grenier servait de stockage des denrées ainsi que pour les viandes et poissons séchés. La communauté vivait de l’agriculture, de la chasse et de la pêche et des échanges commerciaux avec les Inuits et la compagnie de la baie d’Hudson.

 

L’armature et la charpente en bois de ce bâtiment furent, à l’époque, fabriquées et assemblées en Europe (Angleterre ou Allemagne) puis chaque pièce numérotée et repérée, avant que l’ensemble ne soit démonté pour être transporté et réassemblé ici. Même les briques entre les colombages viennent d’Allemagne.

 

Ce devait être un mode de vie en communauté très spécial et très rude. Les tombes du cimetière montrent que beaucoup d’enfants mourraient entre 2 et 3 ans.

 

Nous pensions trouver un endroit un peu perdu et désert mais, en plus du personnel entretenant l’endroit, nous rencontrons un caméraman de télévision qui prépare un reportage sur la colonie Moravienne d’Hébron, plus l’homme qui l’a amené ici en bateau depuis le village de Nain (6 à 7h de hors-bord !! le cameraman se demande comment il va supporter le retour) et demain un paquebot (le National Geographic Explorer déjà aperçu à Erebus & Terror bay près de Resolute) vient faire escale et débarquera des passagers !!

 

Nous avons bien fait de prévoir le fusil car fin Juillet une ourse et 2 petits se sont installés dans l’île en face pendant 1 semaine pour repartir ensuite vers le Nord. Cette « famille » est venue visiter le site d’Hebron jusqu’à qq mètres du bungalow de la famille de Buddy. Comme dit Buddy « on ne l’ennuie pas alors elle ne nous ennuie pas ! ». De toute manière la migration des ours passe par ici car les noms de lieux et des îles sont explicites : « white bear Island » « bear point » etc.

 

 

 

Samedi 6/09 Labrador – Hebron fjord (58°12’N - 62°37’W)

 

Pluie depuis le milieu de la nuit car une nouvelle dépression est en train de passer donc à partir de demain, Dimanche, le vent devrait être portant. Nous restons à bord pour régler divers petits problèmes électriques (propulseur d’étrave) et mécaniques. Le « NG Explorer » arrivé vers 8h débarque des passagers mais vu le temps, très humide, à midi, il est reparti.

 

A midi les pâtes ont failli être des pâtes aux crevettes ! A bord nous faisons toujours bouillir 1/3 d’eau de mer et 2/3 d’eau douce. Quand j’ai pompé l’eau de mer sur l’évier, surprise ! des petites crevettes ou puces de mer se sont fait aspirer et nageaient dans le fond de la marmite. Comme elles n’étaient pas assez nombreuses j’ai rejeté l’ensemble à la mer. Après 2 pompages supplémentaires les bestioles avaient disparu.

 

 

 

Dimanche 7/09 Labrador – Hebron fjord (58°12’N - 62°37’W)

 

Hier soir vers 22h un bateau à moteur est venu mouiller pas loin de nous dans la baie. Une espèce de péniche de mer ( ?) mais comme il faisait nuit noire impossible de voir à quoi il ressemblait vraiment. Ce matin il est reparti avant le jour … ces endroits que nous pensions isolés voient passer beaucoup de monde !!

 

Plus tard : appareillage vers 17h, nous remontons avec l’ancre, une quantité d’algues dont le poids a presque mis à genoux le moteur du cabestan … certains les auraient gardées comme salade, nous n’avons pas le temps d’essayer. En sortie du fjord d’Hébron une baleine (de Mink ?) montre sa dorsale mais elle est trop timide pour se laisser approcher et sonde très vite.

 

Et une fois de plus le vent n’a pas regardé la météo qui prévoyait 15 à 20 nœuds de Nord Est, donc portant … et nous avons calme plat … donc moteur ! Nous allons longer la côte jusqu’à demain soir puis nous nous arrêterons dans un mouillage pour cause de prévision de vent contraire.

 

 

 

Lundi 8/09 de Hebron vers … le Sud du Labrador – Port Manvers (56°56’ N et 61°31’ W)

 

Vers minuit, au changement de quart, enfin du vent … de Nord-Nord-Ouest, ça nous va puisque c’est du portant, le moteur se tait et Manevaï se balance au vent arrière sous grand voile et foc tangonné.

 

Plus tard : grand soleil, ciel bleu et température de saison pour la région : au dessus de 10°C. La météo, comme déjà dit, prévoyant du vent du Sud pour 2 jours, nous revenons vers la côte pour nous mettre en attente au mouillage dans Port Manvers, un bras de mer entre la côte et l’île de South Aulatsivek.

 

En venant du large, après avoir passé un goulet d’entrée encadré par des roches sur lesquelles la houle lève des gerbes d’écume impressionnantes, nous arrivons dans une rade immense avec l’impression d’être les premiers à découvrir cet endroit ... Hé non ! nous apercevons une maison au Nord, au pied des dunes de sable, mais impossible de dire si elle est habitée, la distance est trop grande. Autre surprise : il y a des arbres, des vrais, les premiers que nous voyons depuis longtemps. Des forêts de conifères, que les canadiens appellent « épinettes », montent depuis la mer jusqu’à mi-pente des montagnes, formées de roches usées et râpées avec de grandes étendues herbeuses. Le paysage est magnifique : les rivières se terminent en cascades dans la mer … mais il est déjà trop tard pour les remontées de saumons.

 

Après qq nautiques, le chenal se resserre et nous mouillons dans une anse bien protégée (56°56’ N et 61°31’ W).

 

Nous descendons à terre et aujourd’hui c’est moi qui porte le fusil. Pas loin de cet endroit nous avons repéré une autre maison visiblement abandonnée mais difficile à rejoindre car la côte est rocheuse puis marécageuse. A notre point de débarquement nous trouvons les ruines d’un bungalow avec des panneaux de bois éparpillés, la gazinière renversée, le châssis d’une moto neige et des plastiques, canettes, etc., visiblement le tri des déchets n’est pas arrivé jusqu’ici !!

 

Dès que nous avons quitté la plage et le vent, en entrant en forêt, nous découvrons l’animal le plus insupportable du Nord Canada : le MOUSTIQUE ! Nous sommes assaillis par des nuages de ces bestioles, moustiques et moucherons, qui nous rentrent dans le nez, les oreilles, … et nous n’avons pas emmené nos moustiquaires à enfiler sur la tête ! L’impression est terrible et nous nous rappellerons de la leçon ! La prochaine fois nous remplacerons le fusil par un fly-tox !! Il y a qq airelles et des baies noires au raz du sol, mais pas de « bleuets » (myrtilles en canadien), nous voyons des champignons taille XXL dont des bolets bruns, hélas déjà trop vieux pour être ramassés.

 

Nous trouvons aussi des crottes énormes remplies de baies noires : ours ? brun ou polaire ? ou autre animal ? mammouth ? girafe ? rhinocéros ?

 

 

 

Mardi 9/09 de Port Manvers (56°56’ N et 61°31’ W) vers le Sud.

 

Nous n’avons rien senti hier mais ce matin nous découvrons que nous avons plusieurs piqures de moustiques : étaient-ce les fameux « maringoins » de si mauvaise réputation au Canada ?

 

Eric étudie les infos météo pour décider du programme : il nous faut être dans un abri sûr avant Vendredi car une dépression  très creuse engendrant une tempête force 10, avec plus de 50 nœuds de vent du Sud, est annoncée. Nous allons rejoindre la ville (?) ou village (?) de Makkovik (55°05’N - 59°06’W) plus au Sud, avec un port et des quais semble-t-il et où nous serons abrités du vent.

 

Après le déjeuner nous appareillons et regagnons le large par le même chemin qu’à l’arrivée, plein Est, car chenaler vers le Sud entre l’île de South Aulatsivek et la côte représenterait un très long détour avec beaucoup de moteur. Il fait un temps splendide avec un chaud soleil et un vent du Sud de 15 à 20 nœuds, chargé de l’odeur de résine des épinettes. Il nous faut nous éloigner de plus de 15 nautiques de la côte pour nous dégager des innombrables îles, îlots, rochers, cailloux (hiboux, choux, genoux) et écueils qui encombrent la zone.

 

 

 

Mercredi 10/09 en mer vers Makkovik (55°05’N - 59°06’W)

 

Etrange météo : les variations de vent sont étonnantes car des bouffées de vent surgissent de n’importe quel endroit avec des forces variables et il faut reprendre le réglage des voiles,  prendre des ris, les larguer, etc. En 1/4h le vent est monté de 15 à 30 nœuds avant de s’effondrer complètement … et le moteur a pris la relève et cela plusieurs fois dans la matinée.

 

Nous retrouvons de vieilles connaissances : les icebergs, dont qq spécimens apparaissent dans le soleil levant après avoir été vus par le radar. La carte des glaces canadienne pour la mer devant le Labrador est divisée en carrés et le nombre d’icebergs repérés est indiqué dans le carré … mais ils ne sont pas tous répertoriés comme celui que nous croisons au large devant Makkovik, pourtant il est visible ! Alors prudence.

 

Plus tard : vers 16h, arrivée devant le fjord de Makkovik plutôt musclée car, en ½ h environ, le vent est monté de presque rien à 35-40 nœuds. Le génois déjà roulé il a fallu ferler la grand voile et sous trinquette seule, vent de travers, Manevaï est rentrée dans le fjord de Makkovik à plus de 6 nœuds !! Tout aussi rapidement le vent est retombé et nous sommes arrivés dans la baie du village de Makkovik au moteur pour nous amarrer au ponton devant l’usine de conditionnement de crabes des neiges. Les phénomènes météorologiques locaux sont vraiment d’une rare intensité.

 

Nous devrions avoir toutes facilités car l’usine permet aux marins des bateaux de pêche d’avoir le wifi, des douches et de laver du linge. Mais le plus urgent est de vérifier que le bateau est en sécurité amarré à ce ponton avec la tempête prévue à partir de cette nuit. La dépression va nous envoyer d’abord un vent de Suroit puis quand elle sera passée un vent de Noroit, il ne faut pas que des vagues fassent taper Manevaï contre le ponton.

 

De même que la baie de Disco est une fabrique de « glaçons » (icebergs), il semble que le Labrador soit une fabrique de dépressions qui partent vers l’Est, Groenland puis Islande.

 

Nous faisons la connaissance de Mike, le chauffeur du camion citerne de GO qui est du village, connaît tout le monde et nous renseigne sur les magasins et facilités en ville (ou non facilités car pas de pub ni de bières pression !!).  

 

Encore plus tard : vers 21h un ancien (1953) bateau de chalutage latérale, le « Cape Race », transformé en charter vient s’amarrer de l’autre côté du wharf : on se croirait dans un « Tintin et Milou » car la forme du bateau rappelle les cargos dessinés par RG pour le capitaine Haddock !! Des scientifiques et des étudiants sont à bord et s’équipent pour aller plonger (de nuit) et récolter des algues et oursins pour étude. Nous sommes invités à le visiter et il faut reconnaître que l’intérieur est superbement aménagé avec des placages en acajou, des cabines spacieuses avec lits « king size », etc.

 

 

 

Jeudi 11/09 Makkovik (55°05’N - 59°06’W) – Makkovik veut dire « les 2 baies » en Inuktitut.

 

Nous sommes allés faire des courses à la superette « grocery » repérée hier soir : comme à Pond Inlet  il n’y a pas grand chose de frais dans les rayons car la livraison vient par avion … peut-être aujourd’hui. Et les prix sont aussi des prix « avion » !! Nous remplissons les caisses à eau et quand nous signalons au personnel de l’usine que l’eau a une couleur jaunâtre la réponse fuse « c’est l’eau de la ville et tout le monde la boit !! »

 

Plus tard : nous venons de passer l’après-midi sur internet dans les bureaux de l’usine de « crabes des neiges » où un local est à disposition jour et nuit pour les visiteurs. Ce matin nous avons même pu laver et sécher notre linge gratuitement dans leurs machines. Quel service désintéressé, ça change des marinas habituelles plus au Sud.

 

Au Canada les prises de courant sont en 120V et de type américains donc il a faut revenir à bord recharger nos ordis. Avant de quitter les bureaux de l’usine, nous avons acheté du « crabes des neiges » congelé ainsi que de l’omble fumé. Il semble que seule la chair des pattes des crabes soient utilisée et le reste jeté. Quand je pense que dans la superette on ne trouve que des boîtes de crabe importées de Taïwan !!

 

Encore plus tard : re-visite à la supérette qui a enfin reçu de la salade verte, du raisin, du PAIN … la civilisation se rapproche ! Il y a un vol journalier et un bateau par semaine, c’est mieux qu’à Pond Inlet,  … et ce bateau, un cargo mixte, le « Northern Ranger », vient d’arriver en fin d’après midi pour débarquer des motos neige, des quads, du matériel de TP et des passagers.

 

Pour le dîner, en entrée salade verte avec une moitié d’oignon rouge coupée fin et en plat principal la moitié des pattes de crabes sautées avec de l’ail, accompagnées de pommes vapeur et une aïoli, un peu trop forte. Comme dit un copain : « rien qu’à la sentir t’as les yeux qui pleurent et à la manger t’as le plombage des dents qui saute !! ». Mais aucun de nous deux ne sort en ville ce soir et de toute manière il n’y a même pas de « pub » ou bistrot dans ce village.

 

La tempête est annoncée avec du retard donc après ce bon dîner, nous devrions passer une nuit tranquille. Mais demain, avant que la dépression ne passe dans notre Nord, nous devrions avoir des vents forts de SW, puis une fois qu’elle sera passée des vents forts de NW (rappel : les vents générés par une dépression tournent dans le sens antihoraire)

 

 

 

Vendredi 12/09 Makkovik (55°05’N - 59°06’W)

 

Le baromètre enregistreur montre une chute spectaculaire dans la nuit : de 1010 à 985 millibars (25 mb) en 12h. Mais étonnamment nous n’avons pas eu le fort vent de SW, attendons la suite ...

 

Encore de l’internet ce matin puis retour à bord pour doubler le nombre d’aussières qui relient Manevaï au quai. Vers 14h le baromètre commence sa remontée avec la même pente que la descente. Maintenant le vent de NW souffle déjà à 30 nœuds en éloignant le bateau du quai comme prévu, et juste un petit clapot passe et balance Manevaï.

 

Nous restons à bord par sécurité et cette nuit nous ferons peut-être un quart de surveillance.

 

Plus tard : rafales à 57 nœuds, une aussière a cassé tout à l’heure et nous l’avons remplacée. La pluie fouette et brûle le visage, il ne fait pas bon rester dehors. A marée basse, même protégé par la digue, rien que la surface du mât et la force du vent suffisent à faire giter le bateau ; avec la marée qui remonte, le fardage de Manevaï va augmenter car elle ne sera plus abritée par le quai, les aussières vont avoir du boulot.

 

Encore plus tard : nous veillons jusqu’après 23h mais le plus gros de la tempête est passé et le vent n’est plus qu’à 30-35 nœuds dans les rafales.

 

 

 

Samedi 13/09 de Makkovik (55°05’N - 59°06’W) vers Cartwright ou plus au Sud selon le vent

 

Hier le sémaphore de Makkovik a enregistré des rafales à 65 nœuds. Ce matin ciel « bleu layette » comme dans les pays du Nord et il fait beaucoup plus frais.

 

A propos de température, nous voyons les différences d’organisation selon les cultures et l’environnement :

 

·      au Groenland, où il n’y a que du rocher, le chauffage est collectif à la Scandinave, et les tuyaux bien isolés courent en surface et distribuent l’eau chaude et l’eau froide dans toutes les maisons.

 

·      Au Nunavut comme à Pond Inlet, pas de système communautaire, chaque maison a ses 3 réservoirs : 1 de fuel pour le chauffage, 1 pour l’eau de consommation et 1 pour les eaux noires, avec des camions citernes (pas les mêmes !) qui viennent remplir ou vider ces cuves.

 

·      Au Labrador à partir de Makkovik et de la zone de forêts, donc climat un peu plus tempéré, chaque maison a son tas de bois pour le chauffage (voir la blague : « hiver très froid car homme blanc couper beaucoup de bois ! ») et le réseau d’eau est enterré.

 

Plus tard : appareillage en fin de matinée avec encore 20 à 25 nœuds de vent NW, exactement ce qu’il nous faut pour aller vers le Sud, mais une fois que nous sommes sortis des fjords le vent devient instable puis s’évanouit puis revient puis repart : le vent est très joueur par ici !!

 

Plus tard : Du moteur et encore du moteur jusqu’à 23h puis du vent de SSW qui permet d’avancer à la voile en surveillant attentivement les écrans GPS car nous prenons une « inner route » entre des îles pour éviter de faire un grand détour vers l’extérieur. Malgré un ciel étoilé et une lune au dernier quartier, il fait très sombre. Un peu avant 6h le levant devient rouge et le soleil apparaît sur l’horizon, puis se cache derrière un ciel gris.

 

 

 

Dimanche 14/09/14 de Makkovik (55°05’N - 59°06’W) à Cartwright  (53°42’N – 57°01’W)

 

Enfin du vent  … de SE donc de face. Pour nous rapprocher de la côte nous tirons quelques bords au près à 45°-50° du vent car, comme il n’y a pas de mer, Manevaï remonte bien.

 

Nous entrons dans le fjord de Cartwright vers 15h et chenalons sur une quinzaine de nautiques, dans une rade immense avec des chenaux partout, pour rejoindre ce village où, paraît-il, il y a un pub !! Enfin la civilisation !!

 

Deux quais en dur et dans un renfoncement, amarré à un bateau de pêche, un ketch « Kuan Yin » contre lequel nous nous amarrons. Le propriétaire, Dennison, un écrivain anglo-canadien très sympa, navigue en solitaire tous les étés depuis 4-5 ans dans les eaux du Labrador. Chaque fin de saison, il convoie son bateau dans le détroit de Belle Île, entre Terre Neuve et le Labrador, pour hiverner à terre dans un ancien « settlement » (village ou colonie). Il ne reste dans cet endroit qu’une grue à bateau et un gardien qui est trop content d’avoir de la visite et un peu de travail de réparation sur le ketch. Le seul problème est qu’en début de saison, même en Juin, Dennison doit attendre le passage du brise glace pour rejoindre la pleine mer ! La tempête de Samedi ne l’a pas gêné car les quais sont suffisamment hauts et depuis qu’il navigue dans ces eaux il en a vu d’autres.

 

Descente à terre pour découvrir sur le terreplein du port des barcasses en bois en train de pourrir, des carcasses de voitures à moitié désossées, du matériel abandonné … bienvenus à Cartwright !! Comme il existe des camions poubelle ailleurs, ce matériel doit peut-être attendre un bateau « poubelle » pour être évacué ??

 

Le pub ne sert pas d’alcool avant 19h mais nous pouvons utiliser internet … qui est à « très très bas débit » … prendre les bulletins météo demande des nerfs d’acier et une patience à toute épreuve.

 

 

 

Lundi 15/09 Cartwright  (53°42’N – 57°01’W)

 

Courses au super marché … qui attend une livraison de frais, nous reviendrons l’après midi. Passage à l’usine de poissons qui ne fait ni crabes ni ombles arctiques congelés, (dommage) mais des bulots et du flétan : nous nous en contenterons !!

 

Pour la soirée, nous invitons Dennison, notre voisin navigateur en solitaire, à prendre l’apéritif puis le dîner. Il se révèle un très agréable convive qui connaît la région comme sa poche et possède nombre d’anecdotes sur l’histoire du Labrador. Il est écrivain, et après beaucoup de recherches et de consultations de documents, il prépare un livre sur la vie de certains colons Moraviens. Ces protestants très libéraux sont venus, début 19ème siècle, éduquer et soigner les Inuits sans imposer leur religion. D’après lui, ils ont attendu que les Inuits veuillent adhérer à leur foi en voyant leurs vies exemplaires et leur croyance dans un au-delà qui n’existe pas dans la culture Inuit.

 

Nous apprenons aussi qu’ en 1918 la population du village d’Okak a été complètement décimée par la grippe dite « espagnole », à l’exception d’une fillette qui a survécue à l’épidémie. Ensuite, son propre chien l’a protégée des autres chiens, redevenus sauvages, qui voulaient la dévorer. Elle a réussi à survivre jusqu’au passage d’un bateau venu aux nouvelles. Ne sortez pas les mouchoirs.

 

Et puis la très belle et très triste histoire de Mikak, une inuit du Labrador dont un capitaine de navire anglais est tombé amoureux. Il l’a ramenée en Angleterre où elle a eu beaucoup de succès … avant de revenir dans son pays. Son amoureux a voulu la rejoindre mais il n’est jamais arrivé car son bateau a disparu en mer. Sortez les mouchoirs.

 

 

 

Mardi 16/09 de Cartwright  (53°42’N – 57°01’W) vers le Sud

 

Appareillage à 6h du matin pour profiter du courant de marée descendante. La soirée s’étant terminée tard, le réveil est un peu difficile !!

 

Une fois dégagés du fjord, un bon vent de Nord Ouest de 20-25 nœuds, nous pousse à 7-8 nœuds, au portant, génois tangonné. Nous suivons toujours une route « intérieure » entre les nombreuses îles.

 

Plus tard : temps de Méditerranée car ciel bleu de Méditerranée, soleil de Méditerranée, mer bleue de Méditerranée, mais beaucoup plus d’îles qu’en Méditerranée, … juste la température un peu plus basse mais très acceptable : crème solaire de rigueur.

 

Après le déjeuner, le vent décide de faiblir, ce qui nous fait bien rire car nous roulons le génois et envoyons le spi … Manevaï retrouve ses 5 à 6 nœuds de vitesse.

 

En cancanant, un vol d’oies sauvages, formation en V, décrit de larges cercles dans le ciel au dessus de Manevaï. C’est la période d’entrainement avant le grand voyage vers le Sud : l’automne est presque là.

 

Plus tard : le vent tombe complètement, nous ne rions plus, rentrons le spi et démarrons le moteur !! Le vent tourne au Sud à 20 nœuds, avec 24h d’avance sur la prévision météo. Nous allons chercher un mouillage pas loin pour passer la nuit. Nous repartirons Jeudi ou Vendredi quand le passage d’une dépression nous donnera du vent NW pour plusieurs jours.

 

Comme recommandé par notre ami Dennison, nous nous arrêtons à Punchbowl (53°15’ N – 55°45’ W) où une passe étroite donne accès à une baie très fermée. Ici, en 1985, le gouvernement canadien a installé un centre de service pour les pêcheurs, avec wharf, magasin, station service, eau douce, douche, laverie, etc. Ce coin était devenu tellement populaire qu’il y a eu jusqu’à 50 cabanes installées autour de la baie et que le bruit des barques à moteur était incessant. Suite au moratoire sur les quotas de pêche, le gouvernement a fermé ce centre en 1992 et qq années plus tard tout était pillé et démoli. Par chance le wharf est toujours là et nous offre un abri sûr mais l’environnement de ruines, de débris et de cabanes aux portes et fenêtres béantes est un peu déprimant. Comme il fait déjà nuit noire, nous irons poser le filet demain.

 

 

La météo a encore changé et pour la fin de semaine c’est un coup de vent de NW à 35 nœuds qui est annoncé. Attendons … car ça peut encore évoluer !!

 

 

 

Mercredi 17/09 de Punchbowl (53°15’ N – 55°45’ W) vers Battle Harbour (52°16,5’ N – 55°35,2 W)

 

Nous prévoyons une visite du site aujourd’hui et, si le vent tourne cette nuit comme annoncé, un appareillage ce soir avec une navigation d’une dizaine d’heure pour rejoindre le site historique de Battle Harbour (52°16,5’ N – 55°35,2 W), lieu de la première installation d’européens au Labrador vers 1700. Le lieu a été entretenu ou reconstitué comme à la fin du 19ème siècle quand la pêche à la morue battait son plein. Nous y attendrons de nouveau des vents favorables.

 

La matinée s’est passée à de petites réparations ou entretiens du bateau. Une visite à terre en début d’après midi confirme cette impression de « ville fantôme » avec beaucoup de pollutions par des débris de toute sortes. Le gouvernement canadien devrait organiser des « chantiers de jeunes » pour nettoyer des endroits comme celui-là.

 

Comme prévu le vent tourne de Sud vers Ouest-Sud-Ouest et nous appareillons vers 17h. A peine sommes-nous sortis de la baie qu’un grain orageux nous tombe dessus avec des rafales à 34-36 nœuds, mais ça ne dure pas. Une fois dégagés des îles nous prenons un cap Sud avec un vent capricieux qui nous oblige à faire du près.

 

Un peu avant la tombée de la nuit nous admirons un arc en ciel quand nos regards sont attirés par un grand nombre de goélands et pétrels posés sur l’eau et d’autres arrivant de tous les côtés, preuve de la présence d’un banc de poissons. Autour d’eux nous voyons monter vers le ciel 1 puis 2 puis jusqu’à une dizaine de souffles de baleines qui, restant en surface, sont, elles aussi, en train de se nourrir de « capelans » (mallotus villosus), ces petits poissons qui se regroupent en bancs de millions d’individus. Ce sont eux qui en venant frayer sur les plages avaient attiré les phoques, la baleine et les bélougas dans la baie de Beechy Island.

 

Nous devrions arriver à Battle Harbour vers 4 ou 5h du matin donc la nuit sera courte. Le monde civilisé se rapproche car il y a déjà des bateaux de pêche autour de nous et de nombreux feux, balises et phares sur la côte ainsi que des lumières d’habitations.

 

 

 

Jeudi 18/09 Battle Harbour (52°16,5’ N – 55°35,2 W)

 

Après avoir longé Great Island, Red Island et évité Black rock, nous prenons le chenal étroit entre Battle Isl et Great Caribou Isl. Battle Hbr à 4h du matin est plutôt désert et ce que nous pouvons voir du quai avec les qq lumières du village montre qu’il ne semble pas en bon état (effondré ?) et le vent canalisé dans ce couloir est assez puissant. Pour ne pas prendre de risques, surtout de nuit, nous ressortons de ce passage étroit et allons mouiller dans une baie de Great Caribou à 4 nautiques plus à l’Ouest. Couchés à 5h30, réveillés et levés à 9h, la grasse matinée a été courte !!

 

 

 

 

 

 

 

Retour vers Battle Hbr en longeant l’île de Great Caribou dans notre trace d’hier. En traversant la baie, des vols de goélands et les barques de pêcheurs signalent les bancs de poissons mais la concurrence est rude avec plusieurs groupes de grands dauphins (2m) gris et blancs (bottle neck dolphins) qui patrouillent la baie. Certains viennent jouer brièvement devant l’étrave mais ils préfèrent retourner rapidement au casse croûte.

 

Arrivée vers 12h et cette fois-ci il y a un comité d’accueil pour nous orienter vers un quai plus court mais en bon état et prendre les aussières … en nous informant du coût à 2 $ Canadien HT par pied de longueur du bateau et par nuit (soit environ 70 € pour Manevaï !! le plus cher jamais payé) mais nous nous disons que c’est pour l’entretien du site.

 

Des pêcheurs, qui appareillent à ce moment là, nous offrent, en cadeau, des filets de morue : c’est tout à fait l’accueil et la gentillesse des canadiens vis à vis des étrangers.

 

Plus tard : le manager du site, Peter, vient nous saluer, demande d’où nous venons, nous explique les facilités du site, etc.

 

Nous visitons les hangars et les magasins remis en état avec des panneaux expliquant la vie des saisonniers et de leur famille qui embarquaient chaque été de Terre Neuve sur des dizaines de schooners (goélettes) qui remontaient vers la côte du Labrador. Ces familles rejoignaient leur endroit de la côte, certains réservés comme lieux de pêche depuis plusieurs générations. Ils commençaient par réparer leur « maison » qui avait souffert de l’hiver puis venait le travail très éprouvant, à cause du climat, de la pêche au saumon suivi de celle de la morue puis de celle du hareng. Battle Harbour était réputé pour son vent favorable au séchage des poissons qui, selon la météo, étaient étendus chaque matin sur des estrades faites de rondins de bois et ré empilés chaque soir pour que les poids posés au dessus continue de presser et chasser l’eau. Ce dernier travail, assez éprouvant, était plutôt réservé aux femmes et aux enfants, les hommes allant à la pêche.

 

Pour ceux qui cherchent un endroit calme et retiré il y a des maisons remises en état qu’il est possible de louer … mais après avoir fait 10 fois le tour de l’île et appris les panneaux du musée par cœur on doit guetter le bateau navette pour revenir à la civilisation … et en plus le wifi est extrêmement lent.

 

 

 

Vendredi 19/09 de Battle Harbour (52°16,5’ N – 55°35,2 W) vers Terre Neuve

 

Le vent qui devait être Sud toute la nuit a viré Nord vers 3h du matin en poussant Manevaï contre le quai. Il a fallu rajouter des pare battages pour protéger la coque.

 

Pour les 70 € TTC la nuit au ponton nous avons droit à l’utilisation de la machine à laver, du sèche linge et de la douche du village, qui autrement sont facturés 5 et 4 $ canadiens + taxes 13%. Internet est gratuit mais, comme dit plus haut, il est très très lent !

 

Nous suivons encore les chemins autour de l’île et après le passage près de l’ancien puis du nouveau cimetière, nous découvrons le site de « crash plane » où, en 1976, un hydravion privé qui venait de décoller de Battle Hbr s’est écrasé pour raison inconnue. Ces visites macabres nous mettent le moral au taquet !

 

Appareillage vers midi après qu’un couple de touristes Irlandais (habitant Dun Laoghaire où nous avions fait escale) soit venu s’enquérir de notre route future et des projets de navigation en cours … pendant que nous avions le moteur en route et les aussières à la main.

 

Evidemment le vent, qui nous poussait vent arrière en sortie de Battle Hbr, s’est dépêché de baisser et de venir du Sud alors qu’il était prévu Ouest ! Bon, en vieux philosophes nous faisons avec et tirons un bord de près, tribord amure, pour laisser Belle Île dans l’Ouest.

 

Plus tard : le vent est enfin venu de l’Ouest à plus de 30 nœuds avec la mer et la houle qui vont avec : 2 ris dans la grand voile, le génois est remplacé par la trinquette et Manevaï file ses 7 nœuds. Nuit très étoilée avec une lune à son « der des ders » quartier donc très petite et qui n’éclaire rien, radar de rigueur car la carte des glaces nous prédit encore des icebergs.

 

 

 

Samedi 20/09 de Battle Harbour (52°16,5’ N – 55°35,2 W) vers Terre Neuve

 

155 nautiques en 24h !! ça a déménagé … mais ça n’a pas duré. Nous sommes passés cette nuit devant la baie White puis la baie Notre Dame sur la côte Est de Terre Neuve, la température de l’eau est arrivée au dessus de 10°C ! Elle atteint même 12° ! Nous n’avons pas vu cela depuiiiiiiis … plusieurs mois.

 

La prévision météo donne pour la nuit à venir un coup de vent de Sud Ouest à 45 nœuds avec rafales à 55. Sagement nous mettons à la cape courante en attendant que ça passe. Et nous passons 8h à dériver vers le Sud-Est pour laisser passer des rafales à 48 nœuds. Ceci nous permet de dépasser la baie de Bonavista, hélas en nous éloignant au large.

 

Si les performances de Vendredi s’étaient maintenues nous devions arriver demain Dimanche à la baie de Conception et à la marina RNYC (Royal Newfoundland Yacht Club).

 

 

 

Dimanche 21/09 de Battle Harbour (52°16,5’ N – 55°35,2 W) arrivée à Bonavista (48°39’ N – 53°07’ W)

 

Vraiment Eole n’est pas avec nous !! Le vent de Sud-Ouest est très variable en force (de 2 à 8 !) et nous avons du modifier la voilure une douzaine de fois entre 9h et 15h. Toutes les surfaces de voilure y sont passées … sauf le spi car nous sommes au près. En tout cas le soleil est de la partie et les températures extérieures sont très agréables, mais maintenant  les manœuvres aux winchs font transpirer.

 

Pour demain Lundi un nouveau fort coup de vent du Sud est confirmé pour 2 jours et sagement nous revenons vers la baie de Bonavista  pour nous mettre à l’abri.

 

Plus tard : une fois dans la baie, Eole (encore lui), pour se faire pardonner ses errements de la journée, nous gratifie d’un 30 nœuds bien appuyé qui nous amène, vers 20h, sous 2 ris et trinquette, jusqu’aux digues qui enserrent l’entrée du port. Grâce aux documents de Dennison (notre voisin de Cartwright) nous avons les informations pour savoir où nous amarrer … mais le ponton des visiteurs affiche complet car tous les pêcheurs du coin et d’ailleurs, sont aussi venus se mettre à l’abri. Eric choisi un bon gros « sabot » de pêche pour nous mettre à couple. Nous vérifierons à postériori que ses aussières sont assez résistantes !

 

Une personne est venue sur le ponton flottant pour prendre les aussières, nous apprendrons que c’est Jerry, le superviseur du port. Il a du nous voir arriver grâce à l’AIS mais c’est sympa de venir faire des heures extras après 20h pour nous réceptionner.

 

Nous allons profiter de cette escale imprévue pour une visite culturelle des musées d’une des plus vieilles villes du coin … où il y a aussi des pubs - wifi.

 

 

 

 

 

 

 

Lundi 22/09 Bonavista (48°39’ N – 53°07’ W)

 

Incroyable !! malgré la tempête, il fait 18 à 20° … nous ne sommes plus habitués ! il faut ressortir les chemisettes légères et ranger les pulls et polaires.

 

Le coup de vent a commencé ce matin avec 30 nœuds dans le port qui est pourtant très protégé. Nous verrons des rafales à plus de 40 nœuds et dans la rue il faut se méfier de ne pas se faire déséquilibrer par le vent.

 

Le wifi au bureau du port est aussi lent que celui de Battle Harbour ! Il nous faut nous résoudre à aller au pub-wifi et prendre une bière ! J’arrive quand même à mettre quelques photos sur le blog.

 

 

 

Denis

 

A suivre

 

 

super ces commentaires avec la pointe d'humour qui met de la joie au coeur. Que de manipulations de voile avec ces vents irréguliers et soudains, je me demande comment vous tenez avec si peu de sommeil. Merci Denis de toutes ces nouvelles et d'avoir accompagné Eric durant cette belle aventure; même modifiée elle vous laissera de magnifiques souvenirs...Nous attendons maintenant le Navigateur chef pour la fin du mois, je pense. A bientôt peut être

Bonjour, Je m'étonne de l'information que vous relayez, visiblement non vérifiée, selon laquelle le brise-glace Pierre Radisson aurait dû secourir «Le Manguier» dans le Passage du Nord-Ouest. Le Manguier n'a jamais bénéficié de l'assistance d'un brise-glace. Après avoir franchi le passage du Nord-Est en 2009 en ralliant la Corse à l'Alaska, le Manguier a achevé cet été le passage du Nord-Ouest, entrant ainsi dans la très petite famille des bateaux ayant réussi les deux passages sans assistance. Le Manguier a appareillé le 23 juillet 2014 de Paulatuk, à l’extrême Nord-Ouest du Canada, après un hivernage de dix mois dans les glaces de l’Océan Arctique, mettant le cap à l’Est pour rallier le Groenland en empruntant le fameux passage du Nord-Ouest. Au total, ce sont près de 2000 miles (3200 Km) que Le Manguier a parcouru en une cinquantaine de jours, dans des conditions effectivement difficiles, la concentration des glaces étant cette année exceptionnellement élevée pour la saison. Trois bateaux seulement ont pu effectuer cet été le passage du Nord-Ouest dans le sens Ouest/Est: Empiricus (Jesse et Samantha, US), Altan Girl (Gürsoy, Turquie), le Manguier (Philippe Hercher, capitaine). Arrivé à Aasiaat au Groenland le 7 septembre 2014, le Manguier y restera les mois d’hiver avant de repartir l’été prochain pour le chantier naval de Rivière-au-Renard au Canada où il sera mis en cale sèche et fera l’objet de travaux d’entretien essentiels. Pour info, le Manguier est un ancien remorqueur de 21 mètres de long qui fut en service à Toulon. Construit en 1968 aux Chantiers La Perrière à Lorient, il fut désarmé en 1998, sauvé du ferraillage, et transformé en navire d'expédition. En 2009, il est équipé d'un système tout à fait unique de mats bipodes et de voiles dans le but d'essayer de trouver des solutions pour permettre aux bateaux de travail de naviguer de façon moins énergivore. Bien cordialement, Olivier Pasteur Équipier du Manguier

Bonjour Olivier Désolé pour l'erreur d'information. Nous étions avec d'autres bateaux à Erebus et Terror bay en attente de l’ouverture des détroits pour descendre vers Cambridge bay ou Gjoa haven et cette rumeur avait circulé. Donc rumeur fausse et nous nous réjouissons que certains bateaux, dont « la Manguier » aient pu passer d’Ouest en Est. Nous avons aussi appris que 2 ou 3 bateaux (ou plus ?) ont réussi à passer d’Est en Ouest. Hélas pas le nôtre, car la saison avançant, le risque de rester bloqué par la banquise le long de la côte d’Alaska et être obligé d’hiverner n’était pas envisageable. Mais il semble que la descente de la banquise vers l’Alaska soit aussi très en retard ce qui a permis à ceux qui ont atteint Franklin Strait de sortir vers l’Ouest. Encore désolé pour cette fausse info et bon vent au « Manguier » que j’ai peut-être vu au travail à Toulon lors de mon service dans la Marine Nationale. Denis

Merci Denis. Une petite note rectificative dans le corps du billet serait la bienvenue. Tout le monde ne lit pas forcément les commentaires :) Bien cordialement, Olivier

Salut Denis, Je viens de découvrir cette fausse nouvelle qui est vraiment désobligeante. J'imagine que la rumeur a pour origine un type très dangereux, dénommé Douglas Pohl, USCG à la retraite, et qui se plaît à ce genre d'exercice, à savoir faire circuler de fausses rumeurs. Empiricus, qui a fait le passage du NW avec nous cet été, en a eu aussi la triste expérience. Il me semble essentiel de vérifier ses sources avant de publier quoique ce soit, plutôt que de publier du "il paraît que ...". Ça éviterait ce genre de situation. Merci de faire une note dans ton blog pour rectifier le tir, Phil le marin

Bonjour à tous. Etant l'administrateur de ce blog et maintenant que les uns et les autres se sont expliqués, je souhaiterais, Denis, auteur sur le blog après mon départ du bord à Sisimiut s'étant excusé, qu'il soit mis fin aux commentaires des commentaires sur ce sujet. Je réfléchis à un éventuel ajout au blog. Merci à tous de votre compréhension. Michel GOTAB

Bonjour Michel, Je ne suis pas du tout d'accord avec votre analyse bien évidemment facile et décontractée. Quand on fait circuler une fausse rumeur, on assume. Si vous aviez pris la peine de lire notre blog plutôt que de vous fier aux ragots, vous n'auriez pas publier cette ineptie. Peut être cela vous passe t il au dessus de la tête, mais j'ai mon honneur de marin, et je n'entends pas le laisser bafouer de cette façon, Je vous demande donc encore une fois de nous présenter des excuses et de le faire par une note dans votre blog,

Monsieur Hercher. Je constate, sans cependant m'en étonner, que vous accusez froidement un certain Douglas Pohl d'être à l'origine de la fausse information publiée par Denis. Vous procédez très exactement avec la même logique et l'identique absence de preuve ou de vérification. Vous semblez n'avoir pas lu ou pas compris mon commentaire précédent. Vous parlez d'honneur de marin! Vous vouliez probablement faire référence à votre réputation. J'ai parcouru presque toutes les mers du globe; j'ai rencontré des navigateurs vaillants, généreux, modestes, riches, pauvres et, malheureusement beaucoup d'autres, orgueilleux, vaniteux, menteurs ou même pour certains voleurs. D'autres enfin, se répandent à l'envie, toujours à leur avantage, dans telle ou telle autre publication. Sachons donc raison garder et permettez-moi de profiter égoïstement d'une magnifique arrière-saison pour faire les dernières belles courses en montagne loin du tumulte et sans me faire agresser par cette horrible nouvelle technologie des courriels qui me parviennent même sur les plus hauts sommets. Vous avez mon adresse mail et je recevrai vos éventuelles doléances et/ou récriminations par cette seule voie car il me paraît stérile, voire puéril, de laisser une polémique se développer sur un blog dont le seul objet me semble être celui de faire un peu rêver les rares personnes qui le lisent et qui restent à terre. Alors que je reste habituellement particulièrement discret sur mes propres navigations, réservant mes récits à un cercle très restreint de familiers, j'ai consenti, sur demande, à me plier à cet exercice du blog car nous n'étions, mon épouse et moi, que partie prenante et équipiers de cette tentative. Depuis mon retour en France, bien que je sois toujours le seul responsable des publications et commentaires de mon blog, mon seul lien actuel avec celui-ci réside dans la réception des courriels de notification de commentaires, ma disponibilité ne me permettant pas d'exercer une éventuelle censure, qui serait d'ailleurs inconvenante, sur les écrits de l'auteur qui a pris mon relai. Ce dernier, si je sais bien lire, s'est platement excusé d'avoir rapporté, en ayant toutefois pris soin de la mettre au conditionnel, une information qui avait pourtant réellement circulé sur les ondes. En conséquence, pour tous les motifs ci-dessus développés, votre injonction, en la forme, n'est évidemment plus recevable.

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