Jeudi 6 juin 2019 - Visite de l’île de la Grenade

Jeudi 6 juin 2019 - Visite de l’île de la Grenade

Posté par : Dominique
19 Juin 2019 à 01h
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Jeudi 6 juin, 9 heures, nous rencontrons Bruno qui sera notre guide pour un tour de l’île de la Grenade. Bruno est français, vit depuis 11 ans dans l’île et est guide officiel : il aime cette île et est heureux d’avoir des occasions de parler français ; tous les ingrédients sont réunis pour une journée enrichissante.

L’île a été découverte par Christophe Colomb, lors de son troisième voyage en 1498 et il l’appela « La Concepción ». Plus tard, les Espagnols lui donnèrent son nom actuel, comparant ses sommets verdoyants aux sommets dominant la ville andalouse de Granada. L’île ne commença à intéresser les occidentaux que lorsqu’il s’est agi d’intercepter les navires de l’Invincible Armada, qui passaient chargés de l’or extrait des îles des Grandes Antilles (au nord). Les Français s’en emparèrent en 1650 (la désignant par « la Grenade ») et finirent par la céder aux Anglais, (qui lui redonnèrent son nom « Grenada »), après de nombreuses luttes, en 1783 avec le traité de Versailles. La domination britannique s’est poursuivie jusqu’à l’indépendance 1974, sans rompre les liens avec le Commonwealth.

Première étape de ce tour de l’île : Grand Etang.

Nous quittons Saint Georges et montons dans une forêt dense, humide et bien verte, au cœur de l’île. Au milieu de cette forêt tropicale humide, se dresse un eucalyptus au tronc remarquable ; il y a sept exemplaires de cet arbre sur l’île !

Grand Etang, est un lac dans un cratère ; actuellement des roseaux envahissent ses berges et réduisent la surface liquide, mais des études sont en cours pour essayer de rendre à ce lac sa surface initiale. Le lac, les forêts, et les monts qui entourent ce site sont une réserve depuis 1906, pour une superficie de 1600 ha. Dans ces forêts, de nombreuses rivières importantes de l’île prennent leur source ; et ce site offre un grand nombre de randonnées pour atteindre les trois plus hauts sommets de l’île : Soulheast Mountain (712m), Mount Sinaï (700), Mount Qua-Qua (713m) ; recevant jusqu’à 400 cm de pluie par an, la réserve est à une température moyenne de 21°.

La faune y est riche : singes (Mona Monkey), Opossum, Tattoos, boas, grenouilles, et oiseaux variés. Un petit musée en fait l’inventaire, tout en rappelant par quelques images les dégâts causés par le cyclone Ivan, en 2004 qui a frappé de manière très exceptionnelle cette île très au sud des parcours habituels des ouragans (en effet, Grenada est à 12° nord de latitude) : au lieu de la verdure actuelle, tout est marron, déchiqueté… Quelle richesse que ce climat qui a régénéré si vite cette belle forêt, sans toutefois effacer toutes les cicatrices.

Redescendant des hauteurs, notre route vers Grenville nous fait passer devant une coopérative qui traite les fèves de cacao. Bâtiment ancien, gestes ancestraux, cette coopérative travaille les cabosses de cacao que lui apportent les habitants. Le cacaoyer est un arbre toujours vert sur le tronc duquel une petite fleur va donner la cabosse ;

passant du vert au grenat, celle-ci est jaune lorsqu’elle est mûre. Elle est alors ouverte pour extraire les fèves ; celles-ci sont entourée d’une sorte de gélatine blanche au goût sucré et légèrement chocolaté.

Les fèves sont placées dans des bacs en bois d’1m3 environ pour une période de quelques jours de fermentation ; les fèves sont régulièrement brassées pour répartir la chaleur de la fermentation, et transvasées dans trois bacs différents au fur et à mesure de l’avancement de la fermentation. Puis, elles sont placées dans des sacs de jute, pour être apportées et étalées, au rateau, sur de vastes plaques, pour sécher au soleil ; deux systèmes permettent d’éviter l’humidité de la nuit ou les pluies : soit les plaques sur rails sont rentrées sous des constructions, soit des toits coulissants peuvent recouvrir ces plaques.

 

Régulièrement, au cours du séchage, des femmes passent, pieds nus, pour retourner les fèves. Si nécessaire, un rotissoir peut être mis en service lorsque la saison est trop humide. Une fois sèches, les fèves sont prêtes à être envoyées aux chocolatiers qui les travailleront ; cette coopérative fournit le chocolatier français Valrhona, notamment.

 

La suite de notre parcours nous conduit au marché aux poissons de Grenville. Il est plus important que celui de la capitale Saint Georges, et sa proximité avec cette dernière conduit les restaurateurs à venir s’y approvisionner. C’était le cas de Bruno, notre guide, qui est cuisinier et qui a son préparateur de poissons attitré. Des filets sèchent au soleil ; sous les auvents du marché, en retrait sur des étals, d’énormes thons attendent d’être débités, et des poissons colorés attirent l’œil des badauds.

 

Notre route se poursuit le long de la côte Atlantique en direction de Pearls Airport. Un feu tricolore régule la circulation sur un pont étroit ; nous apprenons que c’est un des 5 feux tricolores encore en fonctionnement sur l’île. Nous arrivons sur le site de l’aéroport : là, le long de la piste, deux énormes oiseaux d’aciers, des Antonov, se dégradent au fil du temps, encore marqués « Aeroflot ».

Construite en 1942 – 1943, la piste orientée est-ouest, et l’aérogare à côté, constituaient le premier aéroport de la Grenade, mais n’étaient pas équipés de feux pour les atterrissages et décollages de nuit. L’île a acquis son indépendance en 1974, et en 1979, Maurice Bishop, grenadin, formé en droit à Londres, admirateur de Cuba, prend le pouvoir. Premier ministre du Gouvernement Révolutionnaire Populaire de Grenade, il entreprend, pour relancer le tourisme, la construction d’un aéroport à envergure internationale, au sud de l’île, à Saline Point, avec l’aide des Cubains et des Russes qui utilisaient Pearls Airport pour acheminer fournitures et personnels. En pleine guerre froide, le gouvernement américain avec Ronald Reagan surveille de près cette aide cubaine, estimant que des armes pouvaient être stockées. Le 19 octobre 1983, Bishop est renversé et exécuté ; les Américains profitent de cet événement pour intervenir en Grenade en prenant tout d’abord Pearls Airport avant de sécuriser Grenville, puis de se heurter à plus de résistance à Saint Georges et à Saline Point.  Les Américains et Canadiens ont repris et terminé le projet d’aéroport à Saline Point ; il a ouvert le 28 octobre 1984, laissant à l’abandon complet l’aéroport de Pearls avec les avions russes immobilisés au sol depuis l’invasion américaine. Le site sert de pâturage aux maigres vaches des Grenadins, et la piste revit lors de compétitions de « dragsters ». Pour nous, elle servira de raccourci pour la suite de notre visite de l’île, car nous devons rejoindre la distillerie Antoine, avant midi.

 

Cette distillerie a été fondée en 1784, et nous y arrivons sous une voûte de flamboyants qui nous conduisent aux bâtiments anciens, mais encore en activité. Avant de suivre le processus d’élaboration du rhum, nous allons très vite admirer la roue à eau alimentée par une dérivation d’un cours d’eau (la roue est arrêtée à midi) et qui entraîne la machine qui sert à broyer les cannes fraîchement coupées, pour en extraire le jus.

Nous reprenons alors le sens de la visite : les cannes coupées sont broyées, un ouvrier est chargé de faire passer une seconde fois les tiges dans la broyeuse.

La bagasse est ce qui reste des tiges, une fois extrait le jus qu’elles contiennent ; nous passons sur ces bagasses et le long d’un immense amoncellement, pour arriver devant la bouche d’un four, dans laquelle cette bagasse est brûlée, ainsi que des cartons d’emballage de spiritueux concurrents (cette pratique relève du passé vaudou des esclaves africains).

Ce four chauffe une vaste pièce située au-dessus appelée « boiling house », bain de chauffe : il s’agit de transformer le jus (filtré, purifié et acidifié avec de la chaux blanche) en sirop, par un réchauffement progressif durant quatre jours ; il est transvasé à la louche de marmite en marmite (4) de plus en plus près du foyer.

Ensuite, on laisse fermenter ce sirop quatre à cinq jours encore, avant de passer à la distillation proprement dite. Deux grands alambics, sont situés à l’arrière des bâtiments de chauffe et de fermentation, sous un auvent, au-dessus d’un four alimenté au bois.

Le rhum ainsi obtenu est versé dans des cuves, contrôlées par l’Etat, puis placé en fûts avant d’être mis en bouteilles, de façon ancestrale : l’employé aspire avec un tuyau le produit des fûts, créant le siphon qui permet le remplissage des bouteilles ! Cette distillerie a fait le choix de maintenir sa façon artisanale de produire le rhum, et même l’étiquetage des bouteilles se fait manuellement.  La distillerie River Antoine produit un rhum qui titre à 69° d’alcool, pour le moins fort, et un autre qui titre à 75° ! La dégustation doit impérativement s’accompagner du verre d’eau glacée pour tuer le feu ! La distillerie propose également un « rhum punch » : un planteur rhum-passion savoureux (16°). Bruno nous a vanté l’élaboration d’un rhum-chocolat, que nous n’avons pas pu déguster sur place. Nous devrions en trouver à la chocolaterie…

Nous poursuivons notre route vers le nord de l’île, et effectuons une brève mais rude ascension d’une côte pour atteindre un point de vue assez remarquable sur la côte nord-est de Grenada, et les îlots qui la bordent.

Mis en appétit par cette marche, nous faisons une halte dans un restaurant situé à Petite Anse près de la ville de Sauteurs. Cette ville tire son nom de l’événement qui a marqué la fin de la colonisation de l’île par les Français : refusant de se soumettre, les derniers Karibs réfugiés dans cette anse, ont préféré se jeter dans la mer du haut du promontoire qui la borde, plutôt que de tomber sous le joug français…

Après un déjeuner rapide et reposant, au-dessus d’une belle plage, nous reprenons la route en direction de Victoria, pour un arrêt dégustation et approvisionnement à la chocolaterie Jouvay. Une bonne odeur de chocolat nous attend à la descente de voiture ! Nous dégustons les différents chocolats proposés : nature avec un degré de cacao plus ou moins important, au gingembre, à la noix muscade…

Nous trouvons du rhum au chocolat et, une fois nos achats effectués et nos produits soigneusement rangés dans la glacière de Bruno, nous repartons, descendant la côte Caraïbe, en direction de Gouyave. Un bâtiment domine les habitations, c’est la coopérative de noix muscade, ou plus exactement une des trois de l’île.

A l’entrée de ce grand bâtiment deux sortes de grandes tables reçoivent les récoltes de muscades apportées par les habitants ; elles sont pesées et ensuite, chaque partie du fruit récolté est utilisée. Le péricarpe, enveloppe épaisse, blanchâtre, s’ouvre en deux, à maturité laissant apparaître la noix foncée, entourée d’une arille rouge vif, appelée « macis ». 

Le péricarpe est utilisé dans la fabrication de gelées et de cosmétiques ; le macis séparé de la noix est soigneusement séché et trié en fonction de ses qualités (couleur, état de l’arille) : il est utilisé comme colorant en cosmétique et en alimentaire, notamment. Enfin, la noix est mise à sécher sur de grandes plaques, situées en étage dans le bâtiment, dans des pièces très aérées. Une fois séchées, ces noix sont décortiquées ; en effet, une dernière enveloppe protège l’amande que nous appelons « noix muscade ». Ce travail s’effectue de façon manuelle, à l’aide d’un petit maillet, éventuellement, pour casser l’enveloppe si elle ne s’est pas fendue au séchage et lors de la manutention entre les plaques de séchage et le silo où elles sont déversées pour être récupérées et décortiquées. On récupère les coques car elles sont utilisées dans les jardins, pour conserver l’humidité autour des plantes, ou comme anti intrusion dans les allées, puisqu’elles craquent de manière très sonore sous les pas. Ensuite, les noix muscades sont triées par densité : les bonnes noix sont lourdes et coulent dans un bassin rempli d’eau, tandis que les véreuses ou de mauvaise qualité, flottent et sont retirées avec des passoires. Les unes et les autres sont à nouveau entreposées, dans deux endroits différents pour un dernier séchage.

Puis les bonnes noix muscades sont calibrées, toujours manuellement, sur des tamis, selon les attentes des consommateurs. Enfin des sacs de jute sont préparés de 50 kg ou 25 kg, selon les pays destinataires, et marqués de différents tampons pour le suivi des produits.

 

Les noix muscades de moindre qualité sont utilisées dans les poudres de muscade toutes prêtes pour la cuisine, (voilà comment Ducros se décarcasse !)…

Grenada est le deuxième exportateur de noix muscade après l’Indonésie, mais pourrait être le premier si l’île ne se trouvait pas confrontée à la difficulté d’atteindre tous les muscadiers, au milieu de la forêt tropicale. Après le passage d’Ivan, les chercheurs ont obtenu une espèce plus rapidement productive et dont les arbres sont moins haut. Car, la cueillette des noix se fait essentiellement à la gaule, une fois le péricarpe fendu, sans attendre que le fruit tombe à terre, pour éviter qu’il ne s’abîme. L’arbre n’est pas endémique à La Grenade, mais a été importé avec réussite en 1782. De ce marché de la noix muscade, l’île tire son appellation d’« île aux épices » et nous avons pu en reconnaître quelques-uns, grâce à notre guide Bruno : giroflier, cannelier.

La dernière étape de notre tour de l’île passe par l’une de ses nombreuses cascades : Concord Falls. Nous y parvenons après une route étroite où on croise très difficilement et nous arrivons sur une immense aire de parking : c’est une des cascades très visitées par les tour operator et Bruno nous indique qu’il faut parfois le double du temps pour l’atteindre en raison des nombreuses manœuvres de croisement à effectuer. Nous nous félicitons d’être hors saison, et en fin de journée, car nous ne sommes pas confrontés à tout cela ; le long de la route, Bruno nous montre toutes sortes d’arbres, ou de plantations. A notre arrivée, un muscadier couvert de fruits, une muscade tombée au sol, ouverte nous complètent la visite précédente.

La cascade est fraîche mais a peu de débit en cette saison ; en revanche, les rochers hors d’eau montrent bien le travail de sculpture effectué par les chutes d’eau…

Tout autour, la végétation est riche et les arbres fruitiers nombreux et variés : monkey fruit, french cachou, papayer, ananas…

Notre route retour nous fait passer le long de la côte caraïbe, et nous confirme la première impression de la baie d’Halifax : plusieurs épaves longent ses bords, et la décharge de l’île se trouve au-dessus… En de nombreux endroits, nous avons pu admirer l’art de la récupération des habitants, créant des bars ou façonnant le paysage, confortant des talus en bord de routes, toujours aux couleurs de l’île.

 

Le pavillon national est coloré : vert pour les forêts, jaune pour le soleil, rouge pour le sang des esclaves ; les étoiles rappellent l’île de Grenada, (étoile centrale et ses six autres îles voisines, Petite Martinique, Carriacou, …) et la noix muscade apparaît comme symbole de l’« île aux épices ».

Après cette première découverte de Grenade, nous devons retourner à Carriacou pour caréner Nissos, mais nous sommes satisfaits à la perspective d’y revenir ensuite pour passer la période à risque cyclonique et en profiter pour découvrir le sud de l’île, riche en mouillages et propice à une navigation journalière.

Enfin, pour ceux qui liront ces lignes et qui pourraient avoir envie de découvrir Grenada, nous ne saurions trop vous conseiller de prendre contact avec Bruno, qui se fera un plaisir de vous faire aimer cette île qui est devenue sa nouvelle patrie :  delvallee.bruno88@gmail.com

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