Naples - Brindisi 10 - 20 Juillet
Lundi 10 Juillet, au matin nous quittons le Golfe de Naples, après les derniers approvisionnements nécessaires : légumes et fruits frais, eau, gasoil….
Cela nous permet de longer la fin du Golfe de Naples en direction de l’île de Capri, où nous avons choisi de ne pas nous arrêter à cause des tarifs prohibitifs mentionnés dans les guides, et de la foule de visiteurs. Nous apprécions ces derniers regards sur ces villes et villages accrochés à flanc de collines verdoyantes : San Agnello, puis Sorrente et son Cap.
Le passage entre le continent et l’île de Capri nous réserve un traditionnel phénomène de Venturi et le bateau se retrouve à nouveau bien salé : vent et mer de face ne nous épargnent pas.
Cela dure le temps de passer la Punta Campanella qui nous fait entrer dans le Golfe de Salerne. La Punta Campanella est remarquable par son changement de végétation sur ses flancs : le vert des forêts tournées vers le Golfe de Naples contrastant avec l’aridité de la partie ouverte au Sud et au large.
Nous traversons le Golfe de Salerne de part en part, ou plutôt du Nord-Ouest au Sud-Est en direction de Punta Licosa, soit une traversée d’une quarantaine de milles nautiques. Le vent est faible et nous naviguons essentiellement au moteur, appuyant parfois les voiles. Nous attendons un peu Hédonist qui vient de pêcher un espadon d’1,75 m et qui a besoin de prendre le temps de le découper. Il est plus chanceux que nous qui venons de perdre un leurre tout neuf !
Nous atteignons Punta Licosa vers 18 h et admirons, encore un fois le jeu des couleurs au soleil déclinant.
Après avoir contourné la pointe, nous pouvons enfin mouiller l’ancre dans l’anse d’Oligastro à 19 h. Les cigales donnent un grand concert dans la pinède devant laquelle nous sommes mouillés.
Un petit bain qui permet aussi un transfert de notre part d’espadon, nous rafraîchit après cette journée de navigation bien chaude. Le tartare d’espadon aura aussi une saveur particulière.
Nous avions ensuite projeté de laisser derrière nous le continent italien pour rallier « le phare de la méditerranée », le Stromboli. Cette étape de plus de 80 milles nautiques pouvait se faire de nuit pour avoir le plaisir de l’arrivée au petit matin sur le volcan, voire de se laisser guider par ses éruptions continues. Mais nous avons préféré naviguer de jour afin d’éviter les bateaux de pêche assez nombreux dans cette région. La nuit sera brève et nous appareillons à 4 heures du matin, mardi 11 Juillet. Quelques derniers bateaux de pêche en activité nous confirment dans notre choix de naviguer de jour : des chalutages, des casiers clignotants, autant d’éléments de veille auraient rendu la nuit intense !
Cap au 167 vers Stromboli, la côte italienne est derrière nous ou sur notre bâbord, flottant au-dessus d’un lit de brume. Vers 8 h au loin, un nuage ocre et un cône en-dessous nous signalent notre point d’arrivée, à 60 milles nautiques ! Malheureusement, le vent est le grand absent de cette traversée, et c’est sur une mer d’huile, au point d’en paraître lourde et grasse que nous naviguons au moteur, durant près de 14 h… Des dauphins viennent nous apporter de la diversion se mettant dans l’étrave à notre vitesse et nageant, sans sauter, en se retournant pour nous regarder et nous cligner de l’œil, semblant nous sourire ! Le bleu de l’eau limpide, sans une ride, et sa clarté rendent ce moment magique et fascinant : nous le vivrons pleinement, sans en garder une photo, car nos appareils sont éteints.
En arrivant plus près du Stromboli, nous pouvons voir la « Sciara del Fuoco », le flot de feu, par où descendent jusqu’à la mer les rejets et les coulées de lave du volcan.
La luminosité est plus rasante et les couleurs sont rehaussées : les différents étages de végétation et de roches sur les pentes du volcan, et les villages blancs à ses pieds.
Nous tournons quelque peu pour trouver où mouiller ; les bouées sur corps morts, annoncées dans le guide nautique sont inexistantes, et le petit plateau de lave à 10 m de fond n’est pas très étendu et les bateaux, déjà nombreux. Nous tentons un premier mouillage mais sommes vite refoulés par un sicilien qui garde la partie de plage qu’il a privatisée : on ne peut pas mouiller en-deçà des 300 m de la plage. Nous mouillons par 12 m de fond, et une plongée pour vérifier le mouillage nous montre que nous sommes sur le flanc descendant de la coulée de lave. Nous ne reprendrons pas le mouillage après le départ de plusieurs bateaux car devant nous traînent dans le fond les blocs de béton et les chaînes des corps morts. La plage est grise de pierre ponce, le village blanc et la végétation d’un vert intense, avec les taches de couleurs des bougainvilliers et lauriers roses.
Pendant la traversée, nous avons tenté une recette pour sécher des filets d’espadon, et après un temps de trempage, nous les mettons à sécher à l’arrière du bateau… en attendant de les déguster.
La journée du mercredi 12 Juillet se passera au repos au pied du Stromboli. Pour nous ce sera la mauvaise surprise de la découverte d’une fuite d’huile sous le moteur. Après recherche, cette huile s’égoutte depuis la pompe manuelle de vidange de l’huile. Après de nombreux échanges avec nos amis à Marseille, avec Yann et son frère, après avoir vérifié et testé, grâce aux conseils téléphoniques de notre mécanicien attitré et historique (il suit la famille depuis trois générations !), que le gasoil ne passait pas dans le carter, nous montons un tuyau sur cette pompe, pour récupérer dans une bouteille, l’huile qui s’écoule. La journée de repos à Stromboli permettra de surveiller cet écoulement après avoir fait tourner le moteur et vérifié le débit du goutte à goutte. Pour la suite de notre traversée, jusqu’à un port où l’on puisse envisager une réparation, nous surveillerons le niveau de la bouteille en plus des autres points de veille habituels.
Yann et Christine d’Hédonist se sont inscrits pour une montée au sommet du Stromboli : le départ se fait en fin d’après-midi pour arriver au sommet, 3 heures plus tard et assister aux éruptions à la nuit tombée. Nous sommes à une longitude de 15°, 14, 686’ E et nous ressentons bien la différence dans les heures de lever et de coucher du soleil d’avec Marseille. La montée raide, sur les flancs d’abord verdoyants de fourrés permet d’avoir une belle vue sur les deux villages voisins au pied du volcan. Ensuite le sentier s’élève dans les pierres ponces rouges. La redescente se fait à la nuit tombée, avec des lampes frontales, et du bas nous pouvons suivre le serpentin des différents groupes montés accompagnés de guides.
Jeudi 13 Juillet, nous vérifions notre moteur, la bouteille ne s’est pas remplie… Nous prenons une mesure précise de l’huile sur la jauge. Nous sommes prêts à appareiller pour rejoindre Scylla, afin de passer le détroit de Messine dans de bonnes conditions. En effet, le passage entre Charybde et Scylla qui a tant fait souffrir Ulysse et ses compagnons, n’est pas un mythe : une différence de hauteur de plateau, de salinité de l’eau entre la mer Tyrrhénienne et la mer Ionienne, une différence d’heures de marée haute et basse dans les deux mers, font qu’un fort courant ascendant se crée deux fois par jours alternant avec un fort courant descendant. Le courant ascendant, portant au Nord commence environ 1h45 avant la marée haute à Gibraltar, et le courant descendant, portant au Sud, commence environ 4h30 après la marée haute à Gibraltar. Forts de tous ces éléments donc, nous passerons une nuit à Scylla afin d’être à la bonne heure devant Charybde, plus exactement, le cap Peloro.
L’arrivée sur Scylla nous permet de repérer ledit cap et l’entrée du Détroit.
Scylla est une anse au Nord d’un grand rocher sur lequel est construite une citadelle.
Nous approchons cette anse et sommes amarrés sur un corps mort à l’avant et à l’arrière par un service du « port ». Le seul quai, qui protège du large, en prolongement du rocher est réservé aux bateaux de pêche, à l’espadon notamment. Pris en charge par « les services du port » pour notre descente à terre, nous arpentons les ruelles le long des maisons en bord de l’anse, bâties sur les cailloux. Chacune d’entre elle est séparée de sa voisine par un petit passage permettant de tirer à terre la barque de pêche du propriétaire.
La montée vers la citadelle nous permet d’avoir une vue sur l’anse dans laquelle nous sommes mouillés, et sur l’anse au Sud du rocher qui est une station balnéaire. Le contraste est saisissant entre ces deux parties. Le tourbillon de Scylla est à peine visible depuis un tremblement de terre en 1783 qui a modifié les fonds. Mais le courant est perceptible.
Redescendus au port, nous prenons le temps de regarder de près le bateau de pêche à l’espadon, amarré sur le quai, avec sa longue passerelle sur l’avant pour harponner le poisson, et sa haute vigie pour guetter le poisson, et manœuvrer le bateau grâce à des répétiteurs des commandes de barre et de moteur . Nous espérons pouvoir assister à une scène de pêche durant notre passage dans le Détroit de Messine, car ces bateaux ne se trouvent que dans cette partie…
Vendredi 14 Juillet, nous appareillons peu avant 10 heures, après avoir vérifié notre bouteille sous la pompe de vidange de l’huile et la jauge. Rien n’a bougé. Nous mettons le cap sur Charybde (Cap Peloro) pour traverser le chenal et le « rail », réservé aux bateaux de commerce, rapidement, et récupérer le courant de la marée dans le bon sens. Comme nous sommes bien avant les vives eaux, notre navigation sera calme, au moteur, attentive aux quelques tourbillons discrets, et surtout attentive et admirative du ballet des bateaux de pêcheurs d’espadon. Nous qui souhaitions en voir en mer, nous sommes servis ! Nous avons suivi l’évolution d’une dizaine de ces navires particuliers, rapides, effectuant des aller-retour sur certaines zones, sur notre route jusqu’à Messine. L’agilité du marin qui court sur le « bout dehors » est impressionnante. Des mouvements, de l’activité pour placer des bouées, mais nous n’avons pas pu voir la remontée à bord d’un des bateaux, d’un espadon… Ce fut néanmoins un beau spectacle, d’autant plus que ces bateaux sont assez colorés.
Nous arrivons peu avant midi à Messine, à la Marina Di Neptuna. Nous sommes amarrés le long de la digue (flottante) d’entrée, et le demi-tour pour être placés face au vent qui se lève n’a pas été aisé. L’entrée du port est tournée vers le Nord. Le zodiac du personnel du port aura été utile pour aider Hédonist arrivé en second, avec un vent qui ne cessait de monter et atteint à ce moment largement 25 nœuds !. Le crew man qui nous amarre recommande de baisser grandement les défenses, et calcule longuement la manière de placer des « gardes montantes et descendantes ». Nous sommes au déjeuner sur Nissos lorsque nous assistons à l’arrivée du courant de la marée ; tout d’abord le vent forcit encore, venant du Nord ; ensuite on voit arriver sur l’eau un front blanc de vaguelettes courtes qui entrent dans le port, accompagnées de tourbillons, et qui dans l’espace entre la digue où nous sommes amarrés et les autres quais de la marina créent un courant qui rappelle un torrent de haute montagne ; se heurtant aux quais, ce « mascaret », sans la haute vague qui d’ordinaire le caractérise, cherche une sortie en créant des tourbillons violents à l’intérieur de la marina.
Nous comprenons pourquoi la digue extérieure est flottante, pourquoi elle est couverte de sel, et pourquoi le crewman avait pris tant de soin à l’amarrage des gardes et pourquoi les défenses devaient être si basses… Et nous comprenons aussi qu’à l’entrée du Détroit le spectacle décrit par Ulysse n’est pas forcé : « Mais à peine avions-nous laissé l’île (des Sirènes), que je vis de la fumée et que j’entendis un bruit immense. Et mes compagnons, frappés de crainte, laissèrent les avirons tomber de leurs mains. Et le courant emportait la nef, parce qu’ils n’agitaient plus les avirons […]. Et nous traversions ce détroit en gémissant. D’un côté était Scylla ; et, de l’autre, la divine Charybde engloutissait l’horrible eau salée de la mer ; et, quand elle la revomissait, celle-ci bouillonnait comme dans un bassin sur un grand feu, et elle la lançait en l’air, et l’eau pleuvait sur les deux écueils. Et, quand elle engloutissait de nouveau l’eau salée de la mer, elle semblait bouleversée jusqu’au fond, et elle rugissait affreusement autour de la roche ; et le sable bleu du fond apparaissait, et la pâle terreur saisit mes compagnons. » Odyssée Chant XII, 4.
La pâle terreur ne nous saisit pas, mais l’inquiétude sur notre amarrage et la curiosité devant ce phénomène. Une petite demi-heure plus tard, le calme commence à revenir. Le lendemain, samedi, où nous serons encore à quai, nous assisterons à ce même phénomène, avec moins de tourbillons dans la marina et davantage dans l’entrée du port, au point qu’une des « malles », ces bateaux qui traversent entre l’Italie et la Sicile, restera en stand-by pour laisser passer le « mascaret ».
Notre après-midi sera consacrée, comme à chaque escale dans un port, au rinçage du bateau, (avec une eau chaude, tant la température extérieure a chauffé les adductions d’eau), aux approvisionnements, et pour nous, à la recherche d’un magasin d’outillage et accessoires pour le moteur, car nous pensons vidanger l’huile pour en mettre une qui supporte mieux les grosses chaleurs. Nous longeons tout le port de commerce de Messine, arrivons à la gare, passons par-dessus les rails par un pont routier dont tous les parapets sont à moitié délabrés, et finissons par trouver notre magasin, le long de la plage au sud de Messine, dans un quartier assez désolé. Mais nous sommes en été, un vendredi 18 h, et le magasin est fermé…
Nous revenons bredouilles, passons par le Duomo, et nous nous réconfortons en admirant cette cathédrale et le campanile attenant.
Nous y repasserons le lendemain, samedi, aux alentours de midi, et après avoir admiré l’intérieur de la cathédrale, ses charpentes peintes et ses marbres, nous assisterons à l’animation complète des automates du campanile après les 12 coups de midi. Un beau spectacle qui révèle un remarquable savoir-faire des artisans strasbourgeois qui ont participé à cet édifice. Les arbres aux troncs et feuillages de grandes dimensions nous impressionnent aussi.
La Marina Di Neptuno sert d’abri, avant ou après le passage plus resserré du Détroit, mais Messine reste un port de commerce, et il n’y a pas de magasins pour la plaisance. Il n’y a même pas de carburant sur les quais, et plutôt que de remonter à 1 mille au Nord sur un appontement spécial, Yann refait son plein de gasoil à l’aide de jerricans, à la station-service qui se trouve sur l’avenue juste derrière les quais.
Samedi 15 Juillet au matin, l’eau est fraîche au robinet, ce qui nous permet de faire notre plein d’eau douce. Ensuite nous inspectons le moteur, et la bouteille chargée de collecter l’huile qui fuit. Hélas elle s’est bien remplie durant notre trajet depuis Scylla. Après réflexion, nous demandons l’aide d’un mécanicien. Le service de la marina nous en trouve un qui, vient vers 16 h. Pour lui, il suffit de boucher la pompe de vidange, et on peut repartir. Comme il est encore l’heure de finir la descente du Détroit, nous nous réconfortons avec des « gelatti », tout en reprenant une météo, grâce au Wi-Fi du glacier, et appareillons vers 18 h 30.
Effectivement, le vent nous porte encore et le courant également, ce qui nous permet d’atteindre la « Punta dell’Armi » au Sud de l’Italie en 2 heures de navigation sous voiles. Le reste de la nuit nous fera longer les côtes ioniennes de l’Italie, admirant les éclairages de villes et villages, faisant des pauses régulières pour soulager le moteur, en espérant que le vent faible nous porte un peu durant cet arrêt du moteur.
Au matin du dimanche 16 Juillet, le lever du soleil entre les nuages est magnifique, mais ce rouge du soleil n’augure rien de bon !
Nous sommes devant Roccella Ionica, port de la Calabre où nous comptons reposer les bateaux et les équipages, mais des orages à terre et ensuite en mer nous empêchent de tenter toute approche du port : la foudre tombe pas très loin de nous, et nous faisons des routes diverses, au large du port, en tâchant de ne pas nous perdre de vue tant le rideau blanc de la pluie rend la visibilité mauvaise. Au bout d’une heure, nous pouvons tenter notre approche de ce port difficile puisque son accès s’ensable régulièrement. Nous suivons les indications données par nos guides, nos sondeurs et nos GPS, avec beaucoup d’attention, et après des moments avec 1,30 m sous la quille, nous pouvons nous amarrer à des cateways, en prenant là-aussi des gardes en prévision du coup de vent de Nord-Est annoncé pour le lendemain. Nous nous séchons et nous réconfortons avec un déjeuner chaud à l’intérieur du bateau. Une sieste plus tard, le soleil est revenu et nous commençons à essorer les serviettes des matelas extérieurs (le traditionnel rinçage du bateau n’est pas nécessaire !). Mais l’orage reprend, ce sera donc pour plus tard.
Les orages de la nuit ont endommagé l’alimentation électrique du port, et il faudra attendre lundi après-midi pour que cela soit réparé. L’accueil dans cette vaste marina assez déserte a été bon, une remise nous a été faite sur le prix du séjour, en raison du désagrément de l’absence d’électricité et une bière locale nous est même offerte ! Les services annexes (sanitaires, laverie) sont bien pensés ; la pizzeria est excellente, (les parts de pizza sont au mètre !) mais nous la testerons lundi soir, car dimanche elle souffre elle-aussi du manque d’électricité.
Nous laissons donc passer le coup de vent annoncé lundi 17 Juillet en allant faire un tour au village de Roccella Ionica à 2 km de la marina ; nous longeons la plage de sable, dans laquelle se jettent des petites rivières, à sec, au soleil de ce lundi, mais qui ont dû charrier des alluvions durant les orages de la veille ; l’eau est toute limoneuse et d’un bleu turquoise, de ce fait. Des collines très érodées par endroits surplombent ce rivage sablonneux, et sur l’une d’elle un château domine le village.
La côte calabraise n’est pas réputée fournir de nombreux abris, ni les golfes de Squillace et de Tarente être très confortables selon les conditions météo. Nous étudions soigneusement nos différents bulletins de prévisions lundi soir et décidons de partir mardi 18 Juillet au matin pour traverser ces golfes et contourner le talon de la botte italienne. Nous n’avons rien résolu de notre souci d’huile de moteur, et donc c’est sous haute surveillance des niveaux et de la bouteille que nous ferons cette route jusqu’à Brindisi. Nous alternerons de courts moments de voile et de longs passages au moteur, sur une mer d’huile, en le laissant reposer toutes les deux heures, à la dérive.
Hédonist se met à notre rythme et nous prenons le temps d’admirer les couchers de soleil sur les côtes de la Calabre au loin, de fatiguer un petit thon qui a mordu à l’appât, mais en vain, il se libère avant que nous ayons le temps de le remonter à bord…
La nuit nous réserve son lot de surprises, avec, peu avant minuit, un bruit sourd de moteur. Est-ce le nôtre qui donne des signes de fatigue ? Vérification à la lampe frontale des niveaux, de l’écoulement d’eau à l’extérieur, le bruit enfle toujours, et alors s’allume un projecteur à moins de 50 m du bateau par le trois-quarts arrière. Pour éviter une collision, être sûr d’être vus et pas confondus, nous éclairons les voiles (puisque nous marchons voiles et moteur). Le bruit de moteur s’arrête, le projecteur s’éteint, et le bateau repart à vive allure à en croire le bruit, tous feux éteints. Un quart d’heure plus tard à la VHF, Hédonist nous signale avoir vécu la même aventure. Sans doute une erreur de rendez-vous !
La suite de la nuit se passe plus sereinement, toujours au moteur appuyant les voiles et à la dérive durant les pauses du moteur tant le vent et absent. Nous retrouvons Yann, et vers 7 h 15, le moulinet se met à filer. Et cette fois nous réussissons à remonter à bord un petit albacore de 60 cm. Après l’avoir découpé en filets, nous en passons un, bord à bord, à l’équipage d’Hédonist pour son déjeuner. Durant le reste de la matinée, nous attendons toujours un peu d’air, et voyons nager pour la deuxième fois, le long de la coque une petite tortue marron ; nous assistons un peu plus loin à une scène de pêche avec des poissons d’assez belle taille qui sautent, et des mouettes qui nagent et survolent à cet endroit pour attraper leur part. Ces mouettes ont des ailes de grande envergure et sont de couleur marron ; elles sont magnifiques lorsqu’elles planent au-dessus de l’eau.
Vers midi, mercredi 19 Juillet, le cap Santa Maria di Leuca (pointe du talon de la botte italienne) est à une dizaine de milles et l’air arrive favorable. Nous installons le spi asymétrique du grand mât, et espérons le porter assez longtemps. En fait, le vent va tourner autour du cap, et nous naviguerons ainsi pendant 5 heures, passant de la Mer Ionienne à la Mer Adriatique sous spi, poussés tranquillement, à une vitesse entre 3 et 4 nœuds. Quel plaisir de passer ces heures sans moteur et d’admirer ce cap que nous contournons avec une certaine émotion.
Vers 17 heures, nous affalons le spi, renvoyons grand-voile et génois pour quelques heures encore de voile, et vers 21 h devant Otrante, le vent nous lâche complètement et nous terminons la nuit au moteur. Il nous reste une quarantaine de milles pour atteindre Brindisi. Cette nuit se passera bien avec une surveillance constante du trafic assez dense dans cette partie étroite entre Italie et Grèce (le Détroit d’Otrante) et nous éviterons quelques pêcheurs, tout en longeant une côte éclairée encore une fois, permettant des repérages constants. La lune en est à son dernier quartier et lorsqu’elle apparaît vers 3 h du matin, elle apporte un éclairage particulier par son halot roux.
Jeudi 20 Juillet au matin nous sommes devant le port de Brindisi, port de commerce, et de nombreux tankers et cargos sont en attente au mouillage devant. Hédonist est devant et nous trace la route pour entrer dans le port. La bouée cardinale Est d’entrée est difficile à trouver, d’autant plus que ses cônes ont blanchi au soleil ! Nous contournons des ilots protégeant l’entrée du port. Un petit château abandonné, relié à la grande digue du large, portant un feu, sépare l’avant-port (réservé aux navires de la marine de guerre italienne, et au navires marchands) du port dans lequel les quais de commerce sont au sud, la ville à l’Ouest avec ses petits ports et la marina au Nord, juste derrière l’ensemble digue et château.
Nous sommes placés sans difficulté dans la Marina Di Brindisi, côte à côte, mais la marina est assez vide ! C’est un vaste ensemble prévu pour un grand nombre de bateaux, avec des sanitaires vastes et nombreux, mais les commerces semblent fermés, à part, le restaurant et le marchand de matériel de pêche. Nous sommes même accueillis, après paiement de notre redevance, par une bouteille de vin rouge de la région !
Le port est différent, mais les rites sont les mêmes ; rinçage du bateau, repérage des sanitaires pour des douches fort appréciées après ces 48 h de mer au soleil de plomb, courses. La recherche du mini-market, annoncé sur les guides nous mène sur une route entre plage et maisons ; à côté d’un vétérinaire, un café et derrière lui le magasin. Nous pouvons refaire nos provisions d’eau, de légumes et fruits… Hédonist ira même jusqu’à goûter les vins proposés, et à passer commande pour du vin blanc pour le lendemain matin, avant notre départ ! Pour nous, ce sera encore une fois recherche d’huile pour notre moteur, mais les grands chantiers que nous apercevons à côté de la marina ne semblent pas travailler l’après-midi. Nous abandonnons toute recherche supplémentaire, et écrivons un mail à la Marina de Dubrovnik où nous avons des places réservées pour demander un rendez-vous avec un mécano. La réponse est immédiate. Un service de mécanique affilié à la marina existe et nous avons un rendez-vous confirmé pour le 26 Juillet.
Les deux équipages dînent ensemble d’un rôti de thon lardé, qui régale tout le monde, et Christine nous a préparé un flanc au riz. Nous voilà remis en forme pour prévoir une autre traversée jusqu’à la Croatie demain !
Nous faisons un point météo, et ajustons notre route en l’optimisant selon les « polaires » de l’un de nos bateaux. Nous ne naviguerons pas en droite ligne mais suivrons le vent en effectuant une courbe en direction de Cavtat. Voilà pour la théorie ! La traversée nous permettra de vérifier si ces données sont exactes et le résultat efficace !
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