BLOG 22 le retour

BLOG 22 le retour

Posté par : Michel
30 Août 2014 à 21h
Dernière mise à jour 30 Décembre 2014 à 17h
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Blog – 22

(Par paresse intellectuelle, je passe finalement au présent pour le récit.)

 

Mardi 19 août 2014.

Navigation et vie à bord.

Pluie et vent de NE de 30 nœuds ; T°air : 3° ; eau 5°.

La décision a été prise d’abandonner la poursuite du passage du Nord-Ouest en raison du blocage total par les glaces, pour un temps hélas non défini, que ce soit vers RESOLUTE ou par les chenaux du Sud, Peel Sound et Prince Regent Inlet. Nous prévoyons de quitter notre mouillage à Gascoyne Inlet (74°41,5’N – 91°17,3’W) pour repartir vers l’Est avec une première étape à Pond Inlet (72°41,9’N – 77°59,3) distant d’environ 300 Milles. Notre dernier ravitaillement remonte au 23 juillet et Josiane commence à se tirer les cheveux pour trouver des menus dans ce qui nous reste dans les soutes. Une petite escale dans un endroit habité sera donc la bienvenue d’autant plus que ma dernière connexion Internet remonte à notre escale à Upernavik et elle était tellement mauvaise que je pense que le blog n’a pas pris la production n°20.

Vers 16 heures, nous quittons le mouillage pour faire route vers l’Est. Hélas, une nouvelle fois Eole nous est défavorable et après avoir tiré un long bord au près serré vers le Sud-Est, nous tirons un contre-bord et rentrons directement à Rigby Bay où est déjà mouillé Artic Tern (ce n’est celui que nous avions rencontré à Upernavik) qui vient d’arriver un peu plus tôt. Cette fois-ci, nous jetons l’ancre au Nord de l’île centrale, bien protégé d’une petite houle du Sud.

 

Mercredi 20 août 2014.

Navigation et vie à bord :

Les vents étant censés nous être favorable, nous appareillons vers 8 heures et passons saluer Artic Tern avant d’avancer brièvement au moteur en restant prudemment près de l’île Devon, les cartes des glaces nous ayant indiqué qu’une zone de densité 5 occupait une très large zone au Sud de Maxwell (diantre, cette baie nous porte la poisse). Nous longeons cette glace au Nord et faisons du près serré avec un cap au 110° ce qui devrait nous amener à l’entrée de Navy Board Inlet si tout se passe bien. Evidemment, comme ces derniers jours, le pilote automatique, qui a perdu le Nord et donc la tête, ne tient pas et il faut barrer à la main. Ce n’est pas spécialement drôle car les températures ont fraîchi (air -2° et eau 2,4°) et de surcroît, il neige à gros flocons nécessité de barrer avec les lunettes de ski et caparaçonné en multicouches pour ne pas laisser apparaître le moindre millimètre de peau nue. Evidemment avec la neige qui fond sur nous, nous dégoulinons littéralement et les gants deviennent trempés. L’intérieur de Manevaï est totalement envahi par de la buée malgré les efforts désespérés du chauffage pour la résorber.

 

Jeudi 21 août 2014.

Navigation et vie à bord.

Après une brusque accélération dans la nuit (près de 30 nœuds) mais devenant portant, la navigation est un peu plus aisée mais toujours en barrant à la main (bonjour les couches de neige sur le corps). Le vent finit par caler complètement, heureusement car nous traversons de la glace de densité 2 avec aisance. Enfin, en fin de matinée nous entrons dans Navy Board Inlet par vent calme mais une mer chaotique probablement en raison de différents courants qui se contrarient.  Un peu plus au Sud, nous décidons d’aller faire de l’eau dans TAY BAY qui est une sorte de grande anse au débouché d’un immense glacier. Sur l’AIS, nous avons la surprise de découvrir que REVENGE 2.0 y est mouillé sur le point d’appareiller. Nous nous croisons en routes inverses et nous échangeons les salutations d’usage ; ils nous disent avoir aperçu quatre ours polaire et nous espérons les voir. Eux ayant également abandonné la tentative de passage en raison des glaces retournent au Groenland, cap sur SISIMIUT où nous fûmes il y maintenant plus d’un mois. Mouillés à l’entrée de la baie après y avoir fait un tour à la vaine recherche d’ours polaires, Denis et moi procédons à la maintenant traditionnelle corvée d’eau et nous en prenons 300 litres en quelques rotations parfois un peu sportives en raison d’une petite houle vicieuse qui complique les réembarquements.

Ceci fait, nous appareillons, cap au Sud dans le large chenal de Navy Board Inlet et fort heureusement, le pilote commence à retrouver le Nord ce qui nous soulage et dure toute la nuit dont il faut maintenant préciser que l’avancement dans la saison amène de l’obscurité pendant une période de plus en plus longue.

 

Vendredi 22 août 2014.

Navigation et vie à bord :

Après avoir suivi le chenal de Navy Board Inlet et viré à l’Ouest vers Pond Inlet, il a une nouvelle fois fallu barrer à la main de 5 heures à 10 heures jusqu’au mouillage devant le village sur fond de sable de bonne tenue. Ancré dans 5 mètres d’eau pas trop loin de la plage à 72°42’N – 77°59’W nous y retrouvons SNOW DRAGON et non loin de nous est ancré un gros yacht à moteur LATITUDE. Par chance, c’est une journée sans le moindre vent et la mer est calme. En effet, avec notre annexe non motorisée, nous sommes descendus rapidement à terre pour faire les courses les plus vitales et principalement commander du gasoil au ………. Supermarché ! Comme on nous annonce que la livraison au par camion citerne se fait sur la plage, nous retournons à bord pour procéder à la manœuvre qui consiste à poser l’étrave sur la plage à proximité d’une rampe métallique de mise à l’eau qui permet au camion de venir au bord de l’eau. Vivement réalisée (voir photos) nous sommes prêt à 16 heures et après quelques manœuvres nous avons le long tuyau à bord et la soute à gasoil peut se remplir (451 litres). Dans la foulée, Josiane monte au supermarché (Coop) pour payer et faire de nouvelles courses en nous attendant et nous allons remouiller près de Snow Dragon avant de la rejoindre. Le gérant dont l’établissement est situé sur les hauteurs et loin de la plage, a mis un camion à notre disposition pour descendre le ravitaillement. Ouf ! Nous sommes plus à l’aise avec un premier avitaillement en vivres dont nous ferons le complément demain.

Comme le premier Ministre canadien doit arriver samedi pour une visite éclair, nous voyons arriver au mouillage une frégate militaire et un navire garde-côte à capacité brise-glace le DEGROSEILLER.

 

Samedi 23 août 2014.

Vie à bord :

Au matin (air 5° ; eau 4,2°), nous découvrons un très gros cargo au mouillage qui, par noria de deux microscopiques remorqueurs qui poussent d’énormes barges, fait débarquer une multitude de containers, des engins de chantiers énormes, des citernes et tout un tas de matériel digne de l’inventaire d’un brocanteur. Un ballet de petits véhicules et de camions vient récupérer au fur et à mesure ce qui sort du ventre du cargo.

Comme il est évident que nous ne pouvons débarquer car une assez forte houle brise sur la plage malgré un vent relativement faible, nous prenons notre mal en patience. L’annexe du DEGROSSEILLER vient nous saluer ; Frances et Katrina de Snow Dragon, quant à elles, aidées par la grosse annexe du trois mât SEDNA 4 lequel est également venu au mouillage, tentent, sans résultat, de récupérer leur mouillage qui a été rompu par de la glace dérivante il y a quelques jours.

A 15 heures, enfin, nous prenons notre courage à deux mains et ramons jusqu’à terre pour débarquer avec une houle désagréable en tentant de ne pas nous mouiller. Gagné !

Nous nous rendons à la bibliothèque du village pour nous connecter à Internet. Nous y recevons, comme c’est souvent le cas au Canada, un accueil chaleureux de la part d’un personnel très aimable qui tente de satisfaire nos demandes. Malédiction, nous ne pouvons utiliser nos ordinateurs mais uniquement les leurs. Je fonce (la route est longue et la pente rude comme disait un certain premier Ministre) acheter deux clefs USB à la COOP pour faire nos transferts de données. De retour, si Eric est tombé sur une machine assez rapide pour récupérer des GRIBS, celle que j’utilise est complètement polluée par les manipulations diverses et variées des jeunes. C’est l’échec pour les blogs en retard et la bibliothèque ferme à 17 heures et demain c’est dimanche.

Heureusement, Josiane, à l’affût avec Denis d’une solution pour laver un mois de notre linge, tombent sur une fantastique bibliothécaire,  Aileen HOPE, qui nous propose carrément de venir à son domicile pour procéder à nos lavages à la fin de son travail.

 A ce stade du récit, il m’appartient de préciser que le seul hôtel du coin nous avait refusé la veille cette possibilité ainsi que d’y prendre un dîner pour cause de visite ministérielle qui a amené l’établissement à un taux d’occupation à 100% avec pour conséquence de faire drastiquement baisser le niveau de la citerne d’eau. Votre redoutable perspicacité vous aura fait comprendre que dans ces villages du Grand Nord, il ne peut évidemment pas y avoir de réseau d’adduction d’eau et à fortiori du tout à l’égout ou même de la moindre fosse septique. Ce sont donc des camions qui ravitaillent les maisons, d’autres récupérant les eaux usées ; les citernes enfouies dans les caves sont fortement isolées et chauffées électriquement.

Nous allons derechef récupérer le linge sale sûr Manevaï par une navette en annexe sans la moindre crainte d’affronter la houle vicieuse qui nous attend. De retour à terre nous fonçons chez Aileen, y laissons Josiane en otage volontaire. Eric, Denis et moi allons refaire un complément de vivre que nous ramenons à bord par une nième navette en annexe. Je retourne ensuite avec Denis rejoindre Josiane qui s’occupe du linge dans un lave-linge et un sèche-linge carrément gigantesque tout en faisant la conversation avec Aileen. Nous profitons alors benoîtement du confort de la maison avec une vue sur le bras de mer et les glaciers de lîle Byrout absolument exceptionnelle et qui est mise à sa disposition par son frère, fonctionnaire, en congé d’un an en Ecosse après cinq ans en mission à Pond Inlet. Il convient de préciser qu’elle aime ce pays, sur lequel elle s’exprime avec passion, pour la simple raison qu’elle y a vécue dans sa jeunesse, ses parents, instituteurs y ayant été affectés.

A 22 heures 30, nous regagnons notre bord avec du linge tout frais lavé ce qui nous a fait remonter le moral en flèche. La seule ombre au tableau réside dans le fait que l’hôtel n’a pu donner suite à notre demande de réservation pour un dîner commun avec Aileen ; il aura fallu réserver à l’avance.

 

Dimanche 24 août 2014.

Vie à bord et navigation :

M’étant rendu compte la veille en arrivant à bord que j’avais oublié ma petite VHF portable chez Aileen, je retourne à terre avec Josiane pour la récupérer ce qui est facilité par le fait que notre nouvelle amie avait rangé les affaires de la caisse maritime livrée par le cargo en retrouvant mon appareil et nous attendait.

Vers 13 heures, la COOP ouvrant exceptionnellement ce dimanche après-midi, nous allons y faire une dernière provision de vivres frais.

A 15 heures, nous appareillons par mer belle et vent nul sous un soleil un peu timide mais bien réel. En sortant du bras de mer nous mettons cap au Sud-Est avec un vent arrière d’une vingtaine de nœuds qui nous permet de nous déhaler à 7,5 nœuds. Ce moment de plaisir de la navigation à voile est ensuite un peu gâché par un vent faiblissant puis nul et nous progressons sur une mer d’huile au moteur en veillant très attentivement car de nombreux icebergs dérivent dans les courants. Nous avons de la route à faire pour gagner le plus rapidement possible vers le Sud.

 

Lundi 25 août  au vendredi 29 août 2014.

Navigation :

Le 25 au matin (air 5°, eau 6,1°, nuageux et pluie fine) nous sommes toujours au moteur par vent nul ou très faible et subissant une petite houle d’Ouest.  Dans l’après-midi, par la vacation radio avec John de SUILVEN qui descend le long de la côte Ouest du Groenland et par de petits mails, nous sommes informés de la position des autres voiliers de notre connaissance. Nous apprenons ainsi que Sam et David de Lillian B, qui transitent par Lancaster Sound, abandonnent également la tentative de passage du Nord-Ouest  et vont rentrer aux Etats-Unis; Jimmy Cornell d’Aventura devrait arriver à Nuuk mardi soir ou dans la nuit ; Artic-Tern et Drina envisagent d’hiverner à Cambridge bay car le passage complet vers l’Ouest est impossible avant que la banquise ne se reforme en Alaska ; aux dernières nouvelles, le passage vers le Sud par Peel Sound ou Prince Regent Inlet ne serait susceptible de s’ouvrir que vers la deuxième quinzaine de septembre. C’est dire que nous n’avions strictement aucune chance d’en emprunter l’un ou l’autre dans notre programme, l’hivernage dans le Nord étant une option formellement exclue, ce qui atténue notre frustration d’avoir dû renoncer. En outre, il semblerait qu’un bateau de plaisance remontant Nord de Cambrige Bay où il avait hiverné, ait été bloqué dans les glaces dans Peel Sound et secouru par un brise-glace. Où il est démontré, si besoin en était encore, que le passage du Nord-Ouest n’est pas une formalité.

Nous longeons donc, en faisant une route au 140, la côte Est de Baffin Island qui est une immense île (voir photos satellites) fortement découpée avec de larges ouvertures vers la mer mais sans aucune installation humaine significative sur un relief important et très accidenté ; les vallées sont comblées par les glaciers. Ceux-ci, étirés sur des centaines de kilomètres par de longues, larges et sinueuses langues blanches mais salies par les roches des moraines, livrent à la mer les icebergs, aux formes les plus insolites, qui jalonnent notre route.

Les jours se ressemblent. Le 26 nous avons de la houle et peu de vent. Le 27, la houle s’amortit mais le vent fait encore cruellement défaut et les Grib comme les prévisions en texte nous font craindre que cela ne dure jusqu’à jeudi inclus. A part le croisement de plus en plus rare d’icebergs parfois gigantesques et la nécessité, maintenant qu’il commence à faire nuit une partie de la nuit justement, de les détecter au radar afin d’éviter une mauvaise rencontre, c’est la routine du bord qui l’emporte entre petits travaux ménagers, informatique et farniente le tout avec en toile de fond le ronronnement du diesel qui nous fait tailler une route à 6 nœuds sur le fond maintenant que le courant contraire nous a finalement lâché.

Jeudi soir le vent fraîchit sérieusement et c’est avec plus de 35 nœuds (au travers donc confortable) que nous fonçons entre 7 et 8 nœuds vers Sisimiut. Evidemment, nous arrivons de nuit avec pas mal de vent mais l’approche du port est aisée et l’alignement parfaitement lisible à plus de 8 Milles de distance.

Vers 6 heures vendredi, nous nous amarrons paisiblement et sans faire le moindre bruit à couple du voilier RENVENGE 2.0 que nous retrouvons avec plaisir. Un soleil éclatant nous salue et inonde le port d’une belle lumière, mettant ainsi en valeur les maisons pimpantes parsemant les importants mouvements de terrain qui enserrent un bassin parfaitement protégé des vents et de la mer.

Evidemment, nous n’échappons pas à l’apéritif à bord de REVENGE 2.0 et nous découvrons avec une réelle stupéfaction que Grenville (c’est son prénom maintenant bien orthographié), heureux retraité, était restaurateur et de ce fait possède à bord une cave de vin rouge des plus grands crus qui nous ont fait défaillir à leur dégustation. Cet homme est remarquable, mille mercis !

Samedi 30 est pour moi et Josiane mon épouse une journée un peu triste car des obligations familiales nous rappellent un peu prématurément en France. Nous quittons le bord, non sans émotion au regard du vécu de ce qu’il faut bien qualifier d’aventure et dont nous garderons un souvenir inoubliable. Eric et Denis continuent pour convoyer Manevaï vers le Canada en prévision d’un hivernage local en un port qui garantira les meilleures conditions de sécurités pour le bateau. C’est donc Denis qui va reprendre la suite de ce petit blog qui, je l’espère, vous aura fait rêver. Je regrette simplement de n’avoir pu obtenir ici ou là de bonnes connexions Internet et c’est donc seulement maintenant que vous pourrez lire la meilleure part de notre expédition. Merci à ceux qui nous ont assidûment suivis en vous demandant de l’indulgence pour une prose parfois décalée avec les inévitables oublis ou imprécisions qu’un rédacteur-scripteur ne peut éviter. Au revoir et peut-être à bientôt sur un blog STW de mon propre voilier. Michel.

 

 

A toi Denis !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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