Blog 21 qui était dans les tuyaux depuis longtemps

Blog 21
Mardi 22 au jeudi 24 juillet 2014.
Vie à Bord :
UPERNAVIK 72°45’N – 56°09’W à 18 heures, au port par une pluie incessante et un brouillard à couper au couteau (le cumul des deux phénomènes me semble étrange ; il est peut-être lié à la présence de très nombreux icebergs dont certains à l’intérieur même du port dont de petits blocs viennent tutoyer les petits bateaux à moteur ancrés sur bouées). Enfin, lorsque je dis au port, je devrais dire dans le bassin. D’abord amarrés à couple d’un gros navire de pêche qui était au mouillage, nous avons été délogés lors de son départ le lendemain. Fort heureusement nous avons pu nous mettre à couple en quatrième position de trois autres voiliers dont le premier 69°Nord (c’est son nom) de 26 mètres était solidement amarré au quai de débarquement du Dock appartenant au seul supermarché local. C’est dans des conditions d’humidité extrêmes que nous nous sommes mis en quête des ressources locales avec comme priorité de trouver un endroit pour laver le linge et accessoirement prendre des douches. Renseignés par ceux qui nous ont précédés, nous avons erré comme des âmes en peine dans les rues et chemin, tous en pente raide, pour finalement recenser les points vitaux : La poste, le supermarché, la maison d’une certaine GINA faisait Bed et Breakfast, l’hôpital et une taverne. C’est à l’hôpital que nous avons fait laver le linge et pris des douches pour une somme modique. La taverne étant fermée, nous nous sommes contentés d’achats au supermarché où, quatre fois hélas, tous les produits frais avaient disparu des rayons (même les patates, c’est dire !) et le bateau suivant était attendu …… jeudi 24 à 19 heures, une heure après notre appareillage. Nous avons donc fait un approvisionnement un peu bancal car le prochain point de ravitaillement risquait d’être à quelques jours de navigation.
Pour Internet, c’était un peu plus compliqué en ce sens que la situation géographique d’UPERNAVIK, sur une île, impose des liaisons exclusives par satellite. Le débit est par conséquent forcément très limité. En outre, il n’y a évidemment pas d’Internet café et c’était, très aimablement, que le personnel de la poste nous a autorisé gratuitement à nous connecter pendant un petit moment à leur serveur en étant confortablement installés dans leur salle de repos (peut-on imaginer la réciproque dans le pays de Voltaire ?). Pour le blog, pas de chance, la densité des informations a immédiatement bloqué mon pauvre ordinateur et malgré mes efforts désespérés, chaque fois que je relançais la machine, celle-ci voulait envoyer cet énorme flux sans que je puisse la purger. Il faudra donc un peu de patience et attendre le Canada pour une meilleure connexion. Ce ne sera que meilleur ! Pour nos familles, il convient de préciser que, comme partout au Groenland à proximité du moindre petit village, les liaisons téléphoniques par 3G fonctionnent parfaitement et que nous pouvions régulièrement donner de nos nouvelles à 2,90€ la minute en appels émis et 1,00€ pour ceux reçus tout de même. Lorsque l’on aime, on ne compte pas !
Comme nous étions à couple de SNOW DRAGON II, nous avons pu alimenter de longues discussions avec Frances, Katryna et Erica dont la connaissance encyclopédique du Grand Nord était fort instructive. N’oublions pas Olivier PITRAS du 69°NORD, navigateur émérite et particulièrement expérimenté qui a tout de même, excusez du peu, vécu pendant huit ans avec son bateau en Alaska. Lorsque nous lui avons demandé comment pêcher, il a ri en nous expliquant que les pêcheurs locaux avaient des prises en abondance et en faisaient très volontiers et largement profiter les navigateurs de passage dans leurs eaux. Nous en avons pris bonne note et laisserons sagement nos modestes équipements soigneusement rangés dans les coffres du bord et affûterons uniquement nos couteaux dans la perspective de découper les filets. Olivier, avec un équipage permanent de cinq personnes, par passion, se lance dans une expédition à titre privé sur les traces de routes d’anciens grands marins qui ont sillonné dans cette zone. Vous comprendrez que nous buvions les propos des uns et des autres en prenant de nombreuses notes.
Mercredi, Eric ayant son anniversaire, cela a été l’occasion d’une petite fête dont nous avons fait profiter nos trois voisines.
Jeudi matin l’une d’entre elles, Erica devant rejoindre sa famille, a pris un taxi pour se rendre à l’aéroport qui se situe tout en haut du mouvement de terrain sur un remblai particulièrement impressionnant. Malheureusement pour elle, une brume épaisse noyait le terrain, interdisant tout mouvement aérien puisque les vols se font à vue et non aux instruments, l’infrastructure ne le permettant pas. Lorsque nous avons appareillé à 18 heures, Erica faisait toujours le pied de grue à bord du bateau des filles après quelques navettes inutiles vers l’aéroport. Nous n’en saurons probablement pas davantage.
Navigation :
Je vous ai déjà parlé de la brume. Elle était évidemment présente pour notre appareillage et il a fallu veiller pour éviter les icebergs qui encombraient le chenal heureusement très large qui conduit au large par un cheminement parfaitement hydrographié. Une jolie brise nous a permis de nous déhaler tribord amures au près bon plein avec une belle vitesse sur une route au 270°, cap sur le Canada.
Vendredi 25 au samedi 26 juillet 2014.
Navigation et vie à bord :
Au matin, comme coupé par un interrupteur, le vent nous a lâché et la brume a disparu permettant de quitter la veille radar. Nous avons bien entendu poursuivi notre route au moteur dans une mer d’huile avec une visibilité retrouvée. L’avantage du moteur a été d’améliorer le chauffage à bord et de maintenir une température d’environ 20°.
Denis ayant opportunément son anniversaire (encore un me direz-vous), cela a été une nouvelle fois l’occasion d’une micro-fête. Il faut dire qu’un tel événement en mer dans ces hautes latitudes mérite d’être souligné.
Sur la route, il était aisé de repérer quelques icebergs, de plus en plus rares. Cependant, l’attention se devait d’être soutenue même si les conditions de quart étaient devenues plus confortables.
Plus tard dans la journée, un vent du Sud, par le travers et de force 4, nous a permis de tracer jusqu’au petit matin le lendemain une route avec une moyenne très honorable. Malgré un plafond (mélange de brume et de nuages) bas, la visibilité au raz de la mer était très bonne. Les icebergs étaient détectés à 7 Milles et cela d’autant plus qu’ils se découpaient toujours sur un fond clair.
Dimanche 27 juillet 2014.
Navigation :
Vers 2 heures, Josiane a repéré droit devant ce qui semblait être une banquise continue. Heureusement pour nous, il ne s’agissait que d’une banquise fragmentée d’environ 200 mètres de large qui nous barrait la route. C’est donc sans trop de difficultés que nous nous sommes faufilés entre les blocs de glace.
Au matin, la terre, enfin une île du Canada, était en vue. Comme les vents faibles étaient contraires et n’ayant pas envie de tirer des bords, nous avons temporairement trouvé un petit mouillage abrité sur la côte Ouest par 73°18,5N – 76°42,67’W. BYLOT Island.
Vers 17 heures, nous avons appareillé en direction du détroit de Lancaster pour y trouver le mouillage d’attente en raison des glaces qui bloquaient encore les passages vers l’Ouest. Le temps était toujours couvert, le vent nul mais la brume avait disparu et le plafond nuageux était bien remonté en altitude et laisser percer, rarement certes, un pâle soleil. Nous croisions évidemment de nombreux icebergs dont certains, au regard de leur taille, étaient manifestement échoués sur des fonds de 70 mètres.
Lundi 28 juillet 2014.
Navigation :
Après être remontés la nuit au moteur le long de l’île BYLOT en gardant une distance de sécurité raisonnable à cause des glaces toujours aussi nombreuses, nous avons mis le cap sur l’île DEVON. A 18 heures, nous avons mouillés dans une large baie nommée DUNDAS HARBOUR (74°31,9’N – 82°24,3’W) par 7 mètres de fond. Il s’agit d’un ancien camp avancé de la police montée canadienne et d’un ancien campement d’Inuits maintenant abandonnés tous les deux. C’est sans surprise que nous y avons trouvé, ancrés, AVENTURA et SUILVEN lesquels, comme nous attendaient l’ouverture des passages et déjà sur place depuis quatre jours. Dans la nuit, un autre voilier, REVENGE 2.0 (c’est le nom du bateau, si, si), américain lui, est venu mouiller avec nous. Dans la baie, proche de nous, un gros iceberg échoué, se donnait en spectacle en se délestant dans de grands fracas de pans de glace.
Mardi 29 juillet 2014.
Vie à bord :
Le matin, un soleil resplendissant nous a donné envie de descendre rapidement à terre. Nous en avons profité pour faire une longue ballade sur la grande et longue langue de terre qui barre partiellement l’entrée de la baie dans laquelle se déverse avec peine, loin au fond, un gigantesque glacier. Arrivés aux anciens campements, un peu agacés par des moustiques, nous avons eu le plaisir de découvrir la famille de morses, aperçue lors de notre arrivée et là, benoitement groupée autour d’un petit rocher émergeant sur lequel était nonchalamment vautré un gros mâle qui n’a même pas daigné nous jeter un regard. Le reste de la troupe par contre (voir photos), barbotait autour du rocher et semblait nous observer avec curiosité (c’est peut-être le fruit de mon imagination).
Lorsque nous sommes revenus à bord, AVENTURA et SUILVEN appareillaient en principe vers ARTIC BAY sur l’île de BAFFIN. Cela nous a étonné car la carte des glaces indiquait clairement que l’accès à ce petit port était entièrement pris par les glaces. Ils pourront peut-être trouver un mouillage d’attente à l’entrée d’ADMIRALTY INLET qui est en fait un chenal qui finit en impasse. Ce départ un peu anticipé nous a privé de l’apéritif auquel nous étions conviés à bord de SUILVEN, partie remise donc.
L’après-midi a été entièrement consacré par Denis et moi au démontage intégral du petit moteur hors-bord dont le refroidissement n’était plus assuré. Comme Eric nous a indiqué que la turbine de la pompe à eau n’avait pas été changée, le diagnostic était assez simple, il fallait tomber l’embase pour y accéder. Facile à dire mais oh combien difficile pour y parvenir. L’examen de la bête a immédiatement montré qu’avant l’achat de ce petit propulseur par Eric, d’aucuns avaient tenté, sans manifestement de succès, de procéder au démontage. Nous avons donc employé la méthode forte pour finalement y parvenir et découvrir que ce moteur avait été immergé par le passé dans l’eau de mer et qu’il en a résulté une corrosion tellement importante que tout était bloqué. Notre acharnement a néanmoins payé et après nettoyage et remplacement à venir de la turbine de la pompe à eau, ce moteur devrait encore pouvoir rendre quelques services.
Mercredi 30 et jeudi 31 juillet 2014
Navigation :
Au petit matin, REVENGE 2.0 s’est préparé à appareiller pour progresser vers l’Ouest dans le détroit de Lancaster. Eric et Denis ont rendu une nouvelle fois une petite visite à son équipage (trois hommes dont Granvil le skipper) pour échanger sur les prévisions météorologiques et principalement sur les glaces.
A 10 heures, nous étions seuls au mouillage.
A 12 heures, les conditions météo favorables (faible vent d’Est) nous ont incité à progresser également vers l’Ouest. A l’AIS, nous voyions progresser REVENGE 2.0 pourtant invisible dans le brouillard. Avec les premiers growlers celui-ci s’est arrêté pour mouiller dans un premier Fjord. Ayant passé aisément ce premier pack de densité 2 sur 10, nous avons hardiment continué jusqu’à BLANLEY BAY (pour nous mettre à l’abri d’un coup de vent d’Est annoncé) où nous avons mouillé jeudi 31 juillet à 5 heures du matin avec beaucoup de difficultés, sur fond de très mauvaise tenue et en eau très rapidement profonde par 74°32,5’N – 87°16,9’W tout au fond d’une longue calanque qui se terminait en virgule. Nous sommes passés pour y parvenir devant un gigantesque glacier qui se jetait dans la baie rendant de ce fait l’eau particulièrement laiteuse et le tout sous une pluie battante et une température glaciale. Une vallée glacière s’ouvrait devant nous et vomissait des flots d’une eau particulièrement chargée en limon. De violentes rafales de vent dévalaient à 40 nœuds le versant abrupt du haut relief sous lequel nous étions en train de déraper. Un second mouillage également par dix mètres de fond au moment de faire descendre l’ancre et par 35 mètres lorsque la chaîne était déroulée a mieux tenu un temps mais nous laissant lentement glisser dans les eaux plus profondes (107m) de la baie même tout prêt du bord. Avec le rallongement de la chaîne d’un orin de 50 mètres (donc 50 + 55) nous étions tranquille pour la nuit malgré le fait que Manevaï, tel un cheval fougueux, tirait d’incessants bords.
Vendredi 1er et samedi 2 Août 2014.
Navigation et vie à bord:
Après une nuit plus ou moins tranquille, le vent ayant molli vers 3 heures du matin, c’est sans regret que nous avons quitté BLANLEY BAY qui ne peut être qu’un mouillage de beau temps en raison des fonds de mauvaise tenue, des grandes profondeurs même au raz des côtes et du débouché de la vallée glacière ainsi que cette eau limoneuse du plus mauvais effet. Evidemment, pour ne pas changer, nous sommes sortie de cette longue baie par un brouillard à couper au couteau ne nous permettant même pas de photographie correctement le glacier qui nous avait impressionné à notre arrivée.
Nous avons ensuite mis le cap à l’Ouest par vent faible ou nul et toujours dans la brume et ceci dans une mer libre de glaces. Seuls, quelques icebergs dérivaient avec leurs formes étranges surgies en déchirant un voile brumeux de part et d’autre de notre route.
Encouragés par l’absence de glace et pensant avoir une bande d’eau libre près de la terre nous avons dépassé notre objectif initial dans la perspective d’avancer toujours plus en direction de RESOLUT. Au fil du temps, nous franchissions des sortes de grandes zones de glace plus ou moins dense sans difficulté majeure. Nous contournions de temps à autre de vastes zones de glace compacte (jusqu’à un kilomètre). Dans l’après-midi, par un temps toujours aussi bouché, nous avons subitement été surpris par des glaces qui se refermaient sur nous alors que nous avions un passage manifestement ouvert. C’est donc armé de nos lances de chevalier que nous nous sommes dégagé en moins d’une heure d’un piège qui aurait pu être embêtant. Souhaitant retourner vers notre premier Fjord plus à l’Est, après avoir passé le Sud de la baie de Maxwell, nous avons été accueilli par des vents de quarante nœuds, nous contraignant finalement à nous réfugier au seul endroit mouillable possible à 17 Milles de l’embouchure de cette baie. Ce n’est donc, hélas, que vers 1 heure 30 du lendemain que nous avons fait un premier mouillage dont nous avons immédiatement été délogés par des glaces dérivantes. Par un petit saut de puce, nous avons finalement mouillé dans un petit fond de 7 mètres, bien protégé par une langue de terre bien plus longue que mentionnée que nos cartes marines (74°46,5’N – 88°33,3’W).
Après une belle grasse matinée bien méritée, nous avons fait un tour à terre pour constater que la glace était partout présente dans la baie mais sans que nous y soyons piégés du moins vu du sommet de l’île sous laquelle nous étions mouillés. Celle-ci était un monde presque totalement minéral. Une rare végétation s’agrippait sur un sol spongieux comme une éponge (probablement l’effet du dégel). Quelques déjections de rongeurs étaient les autres rares marqueurs d’une vie qui, décidemment, s’acclimate aux climats les plus rudes.
Vers 22 heures, la carte des glaces émise par les services canadiens semblait indiquer une amélioration pour une éventuelle progression vers l’Ouest mais indiquait que nous ne pouvions sortir de notre baie. Evidemment, tout cela est à prendre avec des réserves car l’analyse date d’une dizaine ou une vingtaine d’heures et nous avions déjà été trompé la veille sur l’extrapolation des données ainsi fournies (pour info : voir le site canadien des météo des glaces sur Internet).
Dimanche 3 août 2014
Vie à bord et navigation.
Toujours au mouillage, au réveil nous avons constaté avec déplaisir que de larges plaques de glace dérivaient rapidement du Sud au Nord entre l’île où nous étions mouillés et la terre. En outre, côté terre, un gros amoncellement très compact de glace longeait toute la côte en arrivant presque au milieu. Quelques plaques venaient d’ailleurs nous tutoyer et qu’il a fallu écarter avec nos perches. Denis et moi sommes alors rapidement allés à terre avec l’annexe pour grimper sur la haute colline qui dominait la baie. En haut, le verdict était sévère : énormément de glace rentrait dans cette large entaille dans la terre et semblait se bloquer sur la presqu’île qui faisait office d’arrêtoir. De notre côté, cela était en train de se boucher totalement. Il fallait déguerpir rapidement pour ne pas se faire piéger. D’ailleurs Eric et Josiane avaient déjà remouillés plus près du bord pour se protéger des glaces qui semblaient vouloir emprisonner Manevaï. Nous sommes aussitôt repartis en contournant l’île par le Nord ; seule échappatoire possible pour nous diriger, en fonction des eaux libres que nous avions observés, vers l’extrémité Sud-Est de cette fameuse presqu’île qui coupe la baie en deux. Un mouillage dans 5 mètres de fond par 74°41,3’N – 88°48,8’W nous a laissé un peu de répit mais de très courte durée. Il fallait à nouveau appareiller pour échapper aux glaces en profitant d’une brèche que nous avions également observée qui permettait de rejoindre les eaux libres et qui a d’ailleurs eût la gentillesse de s’élargir. Il a toutefois fallu forcer un peu le passage et zigzaguer entre les blocs et plaques parfois immenses. Eric, grimpé sur le premier étage des barres de flèches donnait des indications précieuses pour emprunter le meilleur passage.
En remontant au vent de Sud-Est de 15 nœuds, nous sommes allés mouiller sous le cap Fellfoot Point dans 7 mètres d’eau (74°31,6’N – 88°34,5’W) avec 20 nœuds de vent. Le mouillage était assez exposé car évidemment largement ouvert à l’Ouest de toute la baie. Protégés par une sortie de terre très basse sous un très haut relief qui fait penser au canyon du Colorado, nous observions avec attention, la procession des glaces qui dérivaient très rapidement d’Est en Ouest.
Par sécurité, toute la nuit, nous avons fait des quarts pour surveiller les glaces et le mouillage.
Lundi 4 août 2014.
Navigation :
Vers dix heures alors que le vent forcissait à peine nous avons dérapé. Fichtre! Nous étions pourtant mouillés par 7 mètres d’eau avec 40 mètres de chaîne. Nous avons relevé le mouillage et avons remonté la baie Maxwell sur 5 Milles pour trouver un mouillage très compliqué près du cône de déjection d’une vallée (74°36,8’N – 88°33,6’W) d’où descendaient de violentes rafales de vent. Hélas, malgré un mouillage en rallongeant la chaîne avec 40 mètres de câblot, nous nous sommes rapidement retrouvés dans 75 mètres de fond, l’ancre dérapant avec grande facilité dans cette sorte de gravier de très mauvaise tenue. Par conséquent, nous sommes retournés au mouillage du matin en nous approchant davantage de terre et en mettant toute la chaîne.
La nuit a été calme par 15 nœuds de vent faiblissant mais nous avons tout de même fait des quarts pour surveiller les glaces et le mouillage, échaudés par l’expérience précédente.
Mardi 5 août 2014.
Navigation et vie à bord :
Au petit matin, le vent était nul mais les glaces pouvaient ainsi plus facilement dériver vers nous. Heureusement, un courant assez fort les faisaient dévier avant d’arriver à notre bord mais certaines grandes plaques (100m) nous frôlaient, menaçant de nous déloger. Nous exercions une veille permanente, toujours sur le qui-vive.
A 13h30 au moment de l’apéro, une grosse plaque, obéissant à on ne sait quel mauvais génie, est venue nous déloger. Nous avons mouillé un peu plus au Sud mais toujours protégés par la longue langue de terre. Les glaces paraissant vouloir nous laisser enfin tranquille, nous sommes descendus à terre après le repas. Nous y avons découvert, outre ce qui a l’évidence était une piste d’atterrissage sommaire avec une dizaine de fûts de 200 litres de carburant pour l’aéronautique, mais principalement la reconstitution de la tombe de John DAVIDSON PETERHEAD, décédé le 1er août 1885, membre de l’équipage du S.S. RESOLUTE de DUNDEE (voir photo).
Vers 16 heures 30, de retour à bord après cette brève visite, nous avons appareillé dans l’intention de faire de l’Ouest et de rejoindre RIGBY BAY, les cartes des glaces semblaient le permettre. Hélas, après une quinzaine de Milles, nous nous sommes heurtés à une banquise dans les dédales de laquelle il ne faisait pas bon s’engager. En conséquence, cap à l’Est pour rejoindre GRAHAM HARBOUR plus à l’Ouest de MAXWELL BAY. Là également, l’amoncellement de glace, bien que perméable ne nous inspirant aucune confiance, nous avons poursuivi vers l’Est. Soudain, un signal AIS est apparu alors que le Fjord suivant ne se présentait pas sous de meilleurs auspices. Il s’agissait du voilier LYLL
IAN B (Sam, Pete et Dave) qui faisait une route inverse. Nous l’avons informé que MAXWELL BAY était entièrement fermée par les glaces. Il nous a indiqué qu’il allait tenter GRAHAM HARBOUR ce qu’il a fini par faire. Ayant pris notre carte des glaces à 22 heures, nous y relevions une nouvelle possibilité de tenter RIGBY BAY et avions la confirmation de l’envahissement complet de MAXWELL BAY dont nous ne pouvions que nous féliciter de nous en être extirpés. Sortis prudemment des glaces de densité 2 dans lesquelles nous évoluions, nous avons rejoint les eaux libres du large et avons dérivé, en effectuant tout de même des quarts, toute la nuit vers l’Ouest gentiment poussés par un courant de 1,2 nœuds ce qui constituait notre vitesse sur le fond.
Mercredi 6 août 2014.
Navigation et vie à bord :
Par un soleil venu raser les montagnes au fond de la baie MAXWELL, nous sommes repassés pour la nième fois devant celle-ci, espérant que ce serait la dernière. Confirmant la tendance, nous sommes ensuite passés à raser des champs de glace que nous laissions au Nord pour arriver aisément au droit de RIGBY BAY. Après un petit slalom entre les blocs, Eric juché sur le premier étage des barres de flèche scrutant les eaux libres, nous avons, enfin, pu mouiller dans cette baie si espérée par 74°34,2’N – 89°59,5’W et 10 mètres de fond près d’une cascade.
Après le repas, Eric et Denis sont allés poser un filet dans l’espoir d’attraper du poisson. Puis, compte-tenu d’un temps clément, d’absence de vent et de la nécessité de faire un complément d’eau, Denis et moi avons fait des rotations terre avec les jerricans pour faire engloutir 540 litres d’une eau, provenant d’un glacier, dans nos soutes. Le pain commençant à se raréfier, Josiane s’est mise aux fourneaux pour nous en faire deux pour le plus grand plaisir de nos papilles gustatives réputées délicates.
Jeudi 7 août 2014.
Navigation :
Le vent fort de Nord-Est, annoncé par la météo, s’est levé vers 7 heures mais plutôt venant du Nord ce qui nous a délogé de notre emplacement idéal près de la cascade. Qu’importe, les pleins d’eau étaient faits, les soutes étant remplies et puis il faisait mauvais. Nous avons donc mouillé un peu plus au vent et à l’écart de la côte, à l’Est de l’île centrale de la baie, les glaces résiduelles qui traînaient dans la baie ayant disparu avec la marée descendante, nous n’étions plus sous la menace de glaces dérivante. Nous étions mouillés dans 12 m d’eau avec les soixante mètres de chaîne et 40m de câblot (qui peut le plus, peu le moins !) car nous subissions tout de même des rafales à plus de trente nœuds.
D’un contact radio (HF) avec John de SUILVEN, nous savions que LILIAN B avait trouvé un bon mouillage a GRAHAM HARBOUR et que toute la petite flottille à DUNDAS BAY (il restait en principe cinq voiliers) essuyait avec patience le coup de vent qui, pour eux, soufflait en rafales pour certaines à cinquante nœuds.
Vendredi 8 août 2014.
Navigation :
La carte des glaces semblant indiquer que nous pouvions progresser vers l’Ouest, nous avons appareillé vers 16 heures, la météo annonçant 15 nœuds de vent de Nord-Est. Les vents forts de Nord et d’Est ont, à l’évidence, poussé les glaces au Sud. C’est donc avec optimisme que nous sortons de RYGBY BAY pour nous ramasser 35 nœuds heureusement de travers et une mer agitée même sous le vent de la côte. Mais capelés à bloc, nous barrons (le pilote est fou en raison de la proximité du pôle Nord magnétique) sous trois ris et trinquette en prenant tout de même des embruns assez désagréables. Josiane nous ayant avertis de la présence d’un bateau sur l’AIS, nous avons eu la surprise de constater qu’un gros navire (100m) des garde-côtes était dans notre Ouest à 20 nautiques. Nous l’avons évidemment contacté pour rafraîchir nos informations sur la glace. Et c’est avec plaisir que nous avons appris que Gascogne bay et surtout Erebus et Terror Bay (ce dernier étant un mouillage historiquement célèbre) à l’île Beechey étaient libres de glaces. Nous nous en doutions mais c’était mieux avec une confirmation ; cependant RESOLUTE était toujours pris dans de la glace épaisse à 9/10ème de couverture.
A 21 heures, nous étions au mouillage par 74°43,6’N – 91°47,4’W dans Erebus et Terror Bay (du nom des bateaux de l’expédition polaire Franklin qui ont hiverné là avant que ces navires se soient perdus définitivement.). Dans Union Bay, d’un petit cordon de terre qui la sépare de nous, est mouillé un navire de passager, le BREMEN dont nous avons vu les touristes à terre en visite sur les tombes de trois des marins de l’expédition Franklin. En outre, le navire garde-côtes (Pierre Radisson) ayant fait une route inverse, patrouillait au Sud de nos deux baies.
Samedi 9 août 2014.
Vie à bord :
Le vent ayant eu le bon goût de faiblir dans la nuit, comme nous étions mouillés tout proche d’un torrent, nous avons fait d’une pierre, deux coups en allant nous promener à terre pour nous dégourdir les jambes et faire trois bidons d’eau. Nous avancions dans une sorte de désert minéral montagneux mais au relief arrondi et parsemé de rares névés. Une tenace petite végétation s’accrochait à la vie dans telle ou telle autre anfractuosité exposant les fleurs au soleil pour une éventuelle pollinisation.
Josiane, observatrice avisée, a ramassé un petit cailloux qui s’avérait en fait être du corail fossilisé (voir photo). Un livre traitant du passage Nord-Ouest y faisant référence, nous sûmes alors qu’il s’agissait de « Rugosa colonial »/ « corail rugueux » qui constituait le fond marin de l’île DEVON il y a 416 – 359 millions d’années lorsque celle-ci se situait au niveau de l’équateur (source : Chloé PRETET scientifique du département Géologie et Paléontologie de l’Université de Genève citée dans : Quand le Pôle perd le Nord de Sylvie Cohen et Marc Decrey). Dans notre imagination débordante, nous imaginions la multitude de vie aquatique baignée dans une mer chaude dans laquelle nous nous prélassions avec volupté. La nôtre affiche quatre degrés dans les bons jours et loin des icebergs.
Lors de notre ballade, nous avons également vu le « Pierre Radisson » venir mouiller dans notre baie. Lors d’une prise de contact radio, l’officier de quart n’a pu nous donner plus d’informations sur les glaces que celles dont nous disposions. Nous aurions aimé lui rendre une petite visite de courtoisie, hélas, le moteur en avarie longue durée de notre annexe (manque des pièces de rechange) et la distance sous le vent qui nous séparait de lui, rendaient le projet impossible notamment en raison de vents de 15 nœuds qui soufflaient dans la rade (idéal pour y aller mais impossible pour le retour). Comme nous n’étions pas des galériens capables de faire force rame sur nos petites pagaies, nous sommes prudemment restés à notre bord espérant toutefois un contrôle d’autant plus que l’équipage était canadien francophone.
Pour nous consoler, le soir, une bonne soupe à l’oignon, mitonnée par Denis avec la complicité de tous devait nous faire oublier la pluie battante et glacée qui a pris le dessus sur le beau soleil du matin.
Dimanche 10 août 2014.
Vie à bord :
Après une nuit au mouillage avec un vent d’Ouest, la journée était propice, malgré un ciel couvert un petit vent de 20 noeuds pour faire une nouvelle ballade l’après-midi, cette fois-ci sur le site historique des tombes des marins et de l’ancien campement des équipages de l’Erebus et du Terror pour l’hivernage 1845-1846. Ne souhaitant pas déplacer Manevaï d’un emplacement idéal, nous avons rejoint la côte au droit du bateau et, après avoir rempli une nouvelle fois trois bidons d’eau, avons fait un grand détour pour rejoindre l’île Beechey qui est en fait une presqu’île à marée basse (heureusement pour nous). Sur place nous avons évidemment pris de nombreuses photos et avons eu une pensée émue pour ce qu’avaient enduré ces hommes. Ils étaient partis à l’aventure sans les moyens modernes dont nous disposons. Il faut se souvenir que leur périple, après le départ de l’île Beechey, s’est achevé tragiquement par le décès successif de tous, vaincus par le froid et la faim après la perte des deux navires quelque part au Nord de l’île KING WILLIAM écrasés par la glace. Il n’a jamais été retrouvé la trace des deux bateaux ; une centaine d’hommes a tenté de rejoindre le continent mais tous ont péri.
En soirée, le Pierre RADISSON qui avait appareillé le matin est revenu mouiller en rade. A 23 heures, nous avons vu arriver le voilier Lyllian B qui a mouillé près de nous. La vacation radio nous avait d’ailleurs permis de savoir qu’ils étaient en route vers notre baie.
Lundi 11 août 2014.
Vie à bord :
Matinée tranquille, le vent étant tombé (boum !). Eric et Denis, ayant vu des troupeaux de phoques envahir la baie en se livrant à une chasse effrénée, se sont lancés avec l’annexe pour tenter de pêcher. Les phoques ayant fait une razzia, ils sont restés bredouilles. Sam de Lillian B les voyant ramer pour rejoindre Manevaï, pensant le moteur de notre annexe défaillant (en fait, notre pauvre hors-bord est toujours en avarie et stocké à bord) s’est porté à leur rencontre et les a pris en remorque. C’était l’occasion de l’inviter à l’apéritif ; cela tombait bien, c’était pile poil l’heure d’y sacrifier. Sam est donc venu à notre bord avec David et nous avons pu échanger les informations sur les glaces ; eux attendant également l’ouverture vers RESOLUTE.
Josiane, quant à elle, prise d’une frénésie culinaire s’était lancée dans la confection de pain qui a immédiatement été apprécié par nos invités du moment.
L’après-midi a été très calme et chacun à vaqué à ses petites occupations : lecture, informatique, bricolage.
La météo des glaces nous a informés que nous avions encore à attendre avant d’envisager de rejoindre RESOLUTE deux bouchons, d’environ dix Milles d’épaisseur, en interdisaient formellement l’accès.
Mardi 12 août 2014.
Vie à bord.
Nous étions toujours au mouillage à BEECHEY Island. Vers 7 heures, le Pierre RADISSON a appareillé pour une patrouille en mer. Nous l’avons par la suite entendu à la radio VHF s’entretenir avec NATIONAL GEOGRAPHIC EXPLORER, navire scientifique mouillé dans la baie de GASCOYNE. Par la même occasion, nous apprenions que RESOLUTE était inaccessible pour le moment ainsi que PEEL SOUND et PRINCE REGENT INLET, les deux chenaux qui mènent vers le Sud à CAMBRIDGE BAY, le second avec en sus un passage obligé à BELLOT STRAIT complètement verrouillé.
Dans la matinée, par un beau soleil et une température correcte de 5°, nous avons eu la chance de voir à terre un bœuf musqué solitaire avancer lentement vers le lit du torrent devant lequel nous étions mouillés.
Vers 13 heures, le navire scientifique, que nous avons découvert d’une taille plus que respectable (environ 150m) et qui ressemblait assez à un bateau de croisière, est venu mouiller dans notre baie. Il a par la suite débarqué une quinzaine de personnes puis d’autres encore qui sont allées forcément voir les tombes des marins à l’instar de notre propre démarche. Le navire a appareillé à 18 heures pour aller tester la banquise, il est réputé pouvoir passer de la glace d’une densité de 7 sur 10 ; pas nous.
Toute la journée, les phoques chassaient, agacés par les oiseaux qui venaient prendre place au festin avec plus ou moins de réussite selon leur audace.
Ayant traîné le matin, nous ne pûmes aller nous balader à terre en raison d’un vent du Nord de 20 nœuds qui rendait tout débarquement aléatoire et surtout humide. La préparation des repas, l’informatique, la lecture ainsi la réception des prévisions météo nous occupaient cependant suffisamment pour que nous ne nous ennuyions pas.
Le soir, toujours du vent mais nous avons eu la visite d’une baleine à 5 mètres du bord qui a ensuite évoluée gentiment dans la baie entre Manevaï et Lillian B, se donnant en spectacle. De surcroît, tout un troupeau de Bélougas est venu prendre par au carnage des bancs de poissons et cela pendant près de deux heures durant. Nous étions évidemment aux premières loges pour un tel spectacle malgré le froid mordant qui nous faisait rater les photos (il y en a tout de même).
Mercredi 13 août 2014.
Vie à bord :
La carte des glaces de la nuit ne nous laissant aucune illusion pour une route vers RESOLUTE, nous avons décidé d’aller mouiller du côté des tombes pour refaire un tour à terre et visiter l’ancien campement ruiné des équipages de l’Erebus et du Terror. Sam de Lillian B nous a gentiment proposé son annexe mais nous avons décliné son offre et avons mouillé au droit du site historique nous facilitant ainsi un débarquement en annexe à la rame.
A terre, beau temps mais vent de NW pour 20 noeuds, nous avons bien entendu fait une longue ballade notamment sur le site de l’ancien campement de la maison ruinée dite « NORTHUMBERLAND » (voir photos), construite entre 1852 et 1853 par W.J.S. PULLEN, le commandant du HMS NORTH STAR qui faisait partie de l’expédition de Sir Edward BELCHER (1852-1854) envoyée par l’amirauté britannique pour tenter de porter secours à l’expédition Franklin. La maison avait été construite avec le bois du baleinier échoué « McLellan » et comprenait une habitation, une réserve de nourriture ainsi qu’une forge et cela dans l’éventualité d’un retour de l’expédition Franklin vers l’île de Beechey.
De retour au mouillage devant le torrent, Denis et moi sommes allés faire trois bidons d’eau. A notre grande surprise, le torrent semblait se tarir, l’eau circulant sous le pierrier et seules deux grandes flaques restaient à notre disposition. Comme l’eau courrait et était excellente au goût, nous avons rempli nos jerricans. Le retour à bord était plus aisé qu’à l’aller car nous avions le vent (18 nœuds) avec nous.
Jeudi 14 août 2014.
Vie à bord :
La carte des glaces nous interdisant toujours d’accéder à RESOLUTE ou de faire route par les deux chenaux au Sud, c’était une nouvelle journée au mouillage comme d’ailleurs Lillian B. De la neige est tombée en fin de nuit et la température extérieure se maintenait à 0° pour une eau de mer à 4,3°.
11 heures, visite à bord de Sam et David. Apéro au vin rouge et tartines de pâté.
L’après-midi, nous sommes à nouveau partis pour une très longue promenade dans ce décor absolument majestueux totalement dominé par le minéral.
D’un contact radio avec Suilven, nous apprenons que John a finalement décidé de retourner au Groenland en raison du retard pris dans la descente vers Cambridge Bay.
Vendredi 15 août 2014.
Vie à bord :
Beau temps et vent nul, nous avons eu la surprise de voir AVENTURA mouillé à proximité ; il était arrivé vers 6 heures.
Pour la nième fois, la carte des glaces nous interdisait de poursuivre vers RESOLUTE. En début d’après-midi, un quadrimoteur des Garde-côtes canadiens, après nous avoir survolé, s’est enquis de savoir quels bateaux étaient au mouillage avec quels équipages. Il nous a ensuite très aimablement informé de la présence de la glace qui nous interdit encore de faire route à l’Ouest en étant certain de trouver un abri.
Après une nouvelle promenade à terre histoire de se dégourdir les jambes, nous avons été invités, le soir, à un apéritif (décidément, encore un ; nous finirons par y prendre goût!) par Jimmy à bord d’AVENTURA avec l’équipage de Lillian B. Cela a été très convivial et les échanges ont été fructueux. Inévitablement, les conversations portaient sur les glaces et plus spécialement sur nos expériences respectives qui, toutes, ont marqué les esprits et parfois les corps en raison des efforts physiques qu’il a souvent fallu déployer pour se sortir de telle ou telle autre situation un peu bloquante pour ne pas dire plus. Enfin, les supputations sur la possibilité d’emprunter dans des délais raisonnables l’un des chenaux menant au Sud allaient bon train. Il est vrai que nos lectures des récits de nos prédécesseurs nous faisaient plonger dans un abîme de perplexité. En effet, d’une année sur l’autre la situation est totalement différente ce qui rend totalement impossible d’en tirer des conclusions sur ce qui nous attends.
Samedi 16 août 2014.
Vie à bord :
Beau temps, vent faible, air 2°, eau 6,7° (si, si !). Décidemment, c’est la baie des retours. Pierre RADISSON, le navire garde-côtes canadien est de nouveau revenu au mouillage à Beechey Island. Il a d’ailleurs profité de sa présence pour inviter les équipages de trois voiliers présents à visiter leur bord dimanche après-midi.
Denis et moi sommes partis une nouvelle fois en quête de la précieuse eau, le torrent qui coulait jusqu’à la mer ayant disparu sous terre. En remontant son lit, après quelques centaines de mètres nous avons pu remplir nos trois jerricans et quelques bouteilles. Inutile de vous expliquer que le retour jusqu’à l’annexe n’a pas spécialement été une partie de plaisir. Il a fallu progresser sur les cailloux dont la seule ambition était de nous faire choir en ayant les poignées de ces satanés bidons, lourds comme des ânes morts, qui nous sciaient les doigts, le fusil cherchant par ailleurs à échapper à mon épaule. Cette cuvée était donc particulièrement méritée.
A midi, nous avons reçu, à titre de réciprocité, Jimmy, sa fille Doina et sa petite-fille Nera, et Myriane (caméraman bavaroise) pour un apéritif à notre bord. L’ambiance était chaleureuse et les discussions portaient inévitablement sur cette satanée glace qui nous interdit de progresser vers l’Ouest ou le Sud. A l’évidence, une année ne ressemble pas aux autres, chacune possède ses propres caractéristiques en ce qui concerne la glace et nous ne pouvions en tirer aucun enseignement utile à court terme pour la poursuite de notre voyage. A la louche, nous avions une large fourchette d’après les indications des traversées de nos prédécesseurs mais tout cela restait forcément très théorique et nullement transposable comme un calque sur notre propre situation.
Vers 17 heures, Lillian B dont David devait rentrer aux Etats-Unis pour reprendre le travail a finalement appareillé à destination d’Artic Bay, seul endroit accessible, à tout de même 200 Milles mais disposant d’un aéroport.
Josiane, une nouvelle fois, a fait du pain et s’est inquiétée de la baisse des vivres du bord, notre dernier ravitaillement en vivres frais l’ayant été à Aasiat (près d’un mois), Upernavik n’ayant pas été ravitaillé lors de notre escale.
Le soir nous recevions à dîner Jean-Luc GOURMELEN, le journaliste de Voiles et Voiliers ce qui lui permettait de faire une parenthèse de quelques heures pour une petite immersion française après deux mois sur AVENTURA où la langue en usage courant à bord reste naturellement l’anglais.
Jimmy Cornell d’Aventura, quant à lui, a finalement pris la décision de répartir vers l’Est, abandonnant ainsi le transit vers l’Alaska et nous nous sommes retrouvés seul voilier dans la baie d’Erebus et Terror, sous l’amicale surveillance du brise-glaces canadien dont le commandant nous a confirmé son invitation pour le lendemain.
Dimanche 17 août 2014.
Vie à bord :
A nouveau nous avions une belle journée ensoleillée bien qu’un peu fraîche le matin (air 2° ; eau 4,3°). Au large, loin en direction de l’Ouest, nous observions des nuages bas sur l’horizon sans toutefois masquer l’île CORNWALLIS où se trouve RESOLUTE, notre prochain objectif. Nous imaginions complaisamment que cela était provoqué par la vaporisation de la glace qui allait gentiment nous livrer un passage.
Vers 15 heures, le Pierre RADISSON nous a envoyé un gros pneumatique semi-rigide pour nous récupérer, le brise-glace étant manifestement hors de portée, sauf à mouiller près de lui, pour notre petite annexe privée de son moteur. Jean-Philippe aux commandes, nous a fait faire la traversée en un clin d’œil à 36 nœuds ; cela décoiffe ! L’accueil à bord a été plus que chaleureux. Chaque membre d’équipage rencontré avait un mot aimable à notre encontre. Richard, le commissaire du bord nous a conduit à une cabine et nous avons eu le grand bonheur de prendre des douches chaudes avec de l’eau en abondance. Passés ensuite sous la houlette de Gérard, celui-ci nous a fait visiter le brise-glace de fond en combles. Nous avons été particulièrement impressionnés par la capacité de ce navire (98m tout de même) a démolir la glace avec autant d’aisance, et surtout le fait que le gros du travail se faisait en battant arrière et en détruisant la glace avec ses hélices. Nous avons été reçu en passerelle par le commandant Pierre LAFRANCE et les officiers de quart. Cela a bien entendu été l’occasion de faire le point sur les glaces (eux ont les cartes en couleur et nous en noir et blanc) et surtout de recueillir l’avis du commandant sur nos chance de rejoindre Cambridge Bay dans un délai compatible avec une sortie par le détroit de Béring compte-tenu de cette maudite glace de 9+ qui semble ne jamais vouloir disparaître. Le commandant nous a laissé peu d’espoir, rappelant que l’hiver avait été particulièrement rigoureux et qu’il était même possible que le passage ne s’ouvre pas cette année comme cela s’était déjà produit par le passé. De même, il nous a indiqué que les glaces du ------- étaient susceptibles de descendre vers Barrow Strait pouvant bloquer l’accès mais surtout la sortie de RESOLUTE, dans la perspective où nous aurions pu rejoindre cette destination si proche (50 petits nautiques) mais si inaccessible pour le moment. Le retour à notre bord s’est fait un peu moins joyeusement qu’à l’aller, la perspective de repartir vers l’Est devenant une cruelle et désespérante réalité. Où il est une nouvelle fois démontré que ce n’est pas l’homme qui commande aux éléments ; ceux-ci auront toujours le dernier mot.
Lundi 18 août 2014.
Navigation et vie à bord :
La journée a commencé avec de la brume mais vent calme. La nuit, la température était descendue à -2°. Nous avons eu la visite en passant du canot de Pierre RADISSON qui est venu nous saluer et nous informer que leur homme de quart avait vu un gros ours sur l’île Beechey à 4 heures du matin.
Nous avons donc appareillé pour contourner l’île par le Sud mais avons rapidement renoncé en raison de la brume qui masquait la visibilité. Histoire de bouger et comme on nous annonçait des vents d’Est pour mardi et mercredi, nous avons tiré deux bords pour aller mouiller dans la baie de GASCOYNE Inlet. Le goulet d’entrée franchi, nous avons eu la surprise de découvrir, rive Est une sorte de grand camp en dur (grand bâtiment central, nombreux « algecos », une grande toile de tente et des engins motorisés à quatre roues) flanqué des drapeaux canadiens. Notre passage n’a pas suscité le moindre mouvement et nous sommes allés mouiller au fond de la baie (74°41,5’N – 91°13,3’W) dans trois mètres d’eau (15 nœuds de vent) en prévision des vents plus ou moins forts attendus (nous sommes devenu prudents et ne prenons plus pour argent comptant les prévisions).
La carte des glaces du soir ne nous a laissé aucun espoir de rejoindre RESOLUTE (9+ et 5 impossible à franchir), a fortiori descendre Sud par Peel Sound ou Prince Regent Inlet également pris totalement dans les glaces.
Après mûre réflexion en ayant analysé toutes les options, à l’unanimité mais très déçus, nous avons pris la difficile décision, à l’instar d’AVENTURA et SUILVENT, de retourner vers l’Est et donc de rentrer. Nous commencerons par une étape à Pond Inlet à 320 Milles car il est urgent de refaire des vivres et accessoirement un complément de gasoil et bien sûr, si vous lisez cela : Internet. Manifestement, les conditions de glace de l’année 2014 ne nous permettent pas de franchir la dernière étape sauf à envisager d’hiverner sur place ce qui est évidemment totalement exclu.
Ceci clôture donc le blog 21, le blog suivant, donc le 22 commencera avec le retour.
Mich.
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