BLOG 19 1ère note à AASIAAT

Blog 19
Mercredi 16 juillet 2014.
Navigation.
Dès l’arrivée au port de SISIMIUT (Holsteinborg) 66°57'N-53°41'W nous avons remarqué une manche à eau le long du grand quai de débarquement des pêcheurs. Après quelques palabres (chacun d’entre nous maîtrisant parfaitement l’Inuit sous la torture ; c’est bien connu !), nous avons obtenu sans difficulté la confirmation qu’il s’agissait bien d’eau potable et que nous pouvions nous en servir à discrétion. Nos deux soutes de chacune 400 litres de contenance ont goulument absorbé une eau limpide et fraîche (évidemment puisqu’elle vient du glacier voisin). Il était temps car nos réserves étaient basses (un tank vide et l’autre au tiers plein) et nous avions encore du temps à passer en mer. De fait, la règle est de faire un recomplètement chaque fois que cela est possible quel qu’en soit le niveau du moment.
Vie à bord :
Forcément, les descentes à terre font partie intégrante de la vie à bord (logique non ?). Donc, pleins d’eau faits et pont abondamment lavé à l’eau douce ; il en avait bigrement besoin, le sel s’étant déposé partout au point que nous envisagions de le vendre avec le label : sel du Groenland, nous sommes descendus à terre ! Le terme est impropre car il s’agissait en réalité, nous étions presque à marée basse, de grimper sur quatre mètres le long d’une échelle rongée par la rouille et tenant au quai par une sorte de miracle. Mais ce n’était pas tout ; en haut de cet accessoire un énorme tuyau en PVC créait un obstacle assez conséquent. Imaginez donc Josiane, déjà habituellement sujette au vertige, s’agripper sur des barreaux couverts d’algues gluantes et glissantes de plus mêlées à de vieux plastiques et vous aurez une idée précise de la situation.
Une fois à terre, il a fallu contourner l’immense usine de traitement du poisson ainsi qu’un haut mouvement de terrain, la ville, comme Rome étant bâtie sur des collines. Là également l’habitat est dispersé, les maisons peintes aux couleurs vives à dominante bleue ou rouge. Il y a deux supermarchés et surtout une maison/hôtel des marins. Le bâtiment est situé en haut d’une colline et fait immédiatement face à l’église (voir photo), celle-ci étant flanquée d’une arche réalisée avec deux grandes côtes de baleine. Comme les précédentes, il y a des douches, une petite restauration et l’inévitable accès Internet ce qui a motivé notre effort pédestre pour y parvenir. Hélas, pour une raison inconnue, les débits trop faibles ont amputé le précédent blog de presque toutes les photos ; le routeur ayant d’ailleurs fini par déclarer forfait. Achille RUTABAGA ayant été sollicité en renfort a immédiatement surgi de l’espace-temps. En un clin d’œil, il nous a expliqué que la cause en était imputable au stagiaire qui venait de remplacer la réceptionniste et qui a fait une erreur de manipulation en voulant connecter un nouveau client. La machine qui manque de docilité a donc déclaré une grève illimitée, plantant de facto toutes nos connexions. Ce verdict délivré, Achille a filé sans demander son reste.
Nous nous sommes baladés dans une petite partie de la ville ; Eric en ayant lui, dans sa recherche des shipchandlers, parcouru la quasi-totalité. Peu de gens se promenaient, la plupart quittait le travail et se pressait de rentrer au domicile. A peine quatre chalands se sont-ils attardés en s’attablant devant ce qui se nomme en France une cabane à frittes pour y consommer un encas. A notre grand étonnement, de nombreuses berlines puissantes et manifestement très récentes circulaient alors que le kilométrage des routes à parcourir est réellement riquiqui. De la ville, une seule route file vers l’aéroport, parallèle au fjord d’accès au port sur l’autre rive, en enjambant un pont fraîchement construit qui barre d’ailleurs aux voiliers l’accès à un mouillage qui aurait été autrement idéal comme abri par tous les temps. Il faut bien que le progrès passe !
Le retour a bord a été particulièrement acrobatique mais nous y sommes parvenus grâce à un courage, une ténacité et une solidarité qui constituent le ciment de l’équipage.
Navigation :
A 18h30, nous avons quitté le bassin non sans avoir salué un voilier allemand, amarré à couple d’une paire de chalutiers, dont les deux occupants étaient sur le chemin de retour vers l’Allemagne après avoir bourlingués sur presque toute la côte Ouest du Groenland jusqu’à DISCO. Ils nous ont informé du passage de trois autres voiliers, dont un français de 26 mètres, qu’ils ont croisés lors de leur descente, ceux-ci étant en route pour le passage du Nord-Ouest. Nous ne serons donc pas seuls au monde dans les eaux glaciales du Grand Nord !
La sortie des îlots, dans le strict respect des alignements (c’est deux bidules, poteaux, triangles ou autres marques, qui doivent être alignés et sur lesquelles on s’aligne bien sûr, afin d’être certain de ne pas se fracasser sur des roches plus ou moins immergées) s’est faite sans encombres par pétole virulente (je rappelle pour les milliards de nos nouveaux lecteurs et lectrices qu’il s’agit d’une situation météorologique particulière qui signifie qu’il n’y a pas de vent et que la surface de la mer ressemble à un miroir et dont l’appellation linguistique est déposée à L’Estaque « plage » et non « gare ») pour foncer, sous brise Perkings, toujours plus vers le Nord. Vous vous souvenez, du moins je l’espère, qu’il s’agit de notre destination intermédiaire.
Vers 21h00, nouvelle surprise, nous faisions une route au Nord, convergente avec AVENTURA, le voilier de Jimmy CORNELL (nous avons tous à nos bords les livres très utiles, voire indispensables, de cet infatigable coureur des océans ; les routes à travers les mers et océans du monde sont décrites avec une minutie et une exactitude qui suscitent l’admiration. Pour ma part, avec Josiane, cela a été le Pacifique Nord et Sud, l’océan Indien, la mer Rouge, l’Atlantique évidemment et bien d’autres navigations et, bien que méditerranéens nous-mêmes, nous y puisons encore occasionnellement des coordonnées GPS ; mais probablement par pure paresse intellectuelle.). En outre, son nouveau voilier sort, tout neuf et tout frais du chantier GARCIA, celui-là même qui a construit Manevaï, le voilier « GARCIA 47 » d’Eric en 1987. C’est dire que deux époques se côtoient pour une navigation un peu originale dans ces hautes latitudes. Eric a établi un contact VHF, comme il est de bon ton de se saluer entre « voileux » ; c’est à dire les fadas de plaisanciers qui naviguent encore à la voile. Cette dernière espèce de navigateurs, bien que fortement menacée par les yachts à moteur de plus en plus gigantesques qui poussent hors des ports aux eaux suffisamment profondes pour eux les petits bateaux, n’a de cesse de proliférer en utilisant toutes les ressources navigables de notre merveilleuse planète. Il y a encore beaucoup d’eau à courir !
La route s’est poursuivie en longeant, à distance respectable, le côte Ouest du Groenland au relief tourmenté. Bien que naviguant pour un temps sans rencontrer d’icebergs, grâce au courant océanique chaud venant du Sud « West Greenland current » lequel agit comme le whisky sur les glaçons, nous n’avions de cesse de tourner nos regards émerveillés vers ces hautes montagnes zébrées de névés comme autant de larmes blanches qui soulignent la dominante noire des roches. La végétation, rase et rare, survie malgré des hivers rudes. Malheureusement, ici, point d’arbres et à fortiori de forêts. Le musée de Nuuk (Godthab) nous aura appris que les premiers hommes du Groenland devaient à leur survie aux bois flottés provenant des lointaines forêts sibériennes (invasion soviétique précoce?) notamment pour la construction des kayaks. Bien que les oiseaux de mer soient nombreux, à terre, la vie animale est très, trop, discrète. Nos incursions nous ont toujours laissé une sorte de malaise devant cette absence évidente de faune. Bien sûr, les moustiques, eux, sont parfaitement présents et en nombre ! Des bataillons de ces insectes abominables n’ont de cesse de nous dévorer (en réalité : piquer) dans un bourdonnement insupportable. De surcroît, ils ignorent superbement que les répulsifs sont précisément des produits chimiques destinés à les tenir éloignés et n’en ont cure. Eric a expérimenté la dernière protection à la mode (voir photo) ce qui lui donne l’aspect d’un apiculteur égaré sur un voilier. Nous en avons encore mal aux côtes d’en rigoler !
Jeudi 17 juillet 2014.
Navigation :
Vers 3 heures du matin, un soleil a dardé à l’horizon, éclaboussant d’un rouge presque violet les nuages qui lui faisaient obstacle. La côte, pourtant relativement proche paraissait s’affaisser dans la mer qui était toujours d’huile. Les hautes montagnes se découpaient au loin en arrière-plan et il était manifeste, au regard des sondes indiquées par les cartes que celles-ci, comme par pudeur, se cachaient maintenant dans les profondeurs de la mer du Groenland. A nouveau les icebergs faisaient partie de notre quotidien, imposant une veille attentive en raison des growlers qui glissaient, mollement, emportés par les courants. Ayant opté pour un nouveau « chenalage », nous nous sommes enfoncés entre les îles.
Vers 16 heures, par une navigation toujours de conserve à quelques Milles d’AVENTURA, après avoir glissé entre quelques sympathiques icebergs dont Denis appréhendait un éventuel basculement, nous avons tourné nos amarres au port d’AASIAAT un peu à « l’arrache » en ce sens qu’il n’y a pas probablement de capitainerie. Nous avons vainement cherché un éventuel capitaine du port. Nous avons ensuite vaqué aux mises en ordres du bateau avant de faire un tour à terre. Sans surprise, nous avons vu, mouillé sur un coffre « La Louise », le voilier de Thierry DUBOIS qui, depuis quelques saisons fait du charter dans les eaux froides voire glaciales du Groenland. Egalement, nous savions que nous trouverions une maison des marins et celle-ci se situe à un petit jet de pierre de notre quai. Sur le chemin, le CAFE 3 nous a accueilli pour un petit rafraîchissement dont la nature, nous semble-t-il, vous importe peu. Cela restera donc un secret du bord.
Vendredi 18 juillet 2014.
Vie à bord :
Bon d’accord, nous sommes amarrés mais cela reste la vie à bord. Il a d’abord fallu parer au plus pressé, à savoir explorer la ville. Plus importante que nous l’avions imaginée, nous avons arpenté ses routes asphaltées où circulaient de nombreuses voitures. Quatre supermarchés, parfaitement achalandés sont éparpillés dans la ville. Tous les équipements d’une petite bourgade sont présents. Les gens sont d’une gentillesse extrême. Le matin, nous avons même (bigre) acheté de la viande de marsouins car il faut bien se conformer aux pratiques alimentaires locales.
Dans la matinée, nous avons reçu la visite de Jean-Luc GOURMELNEN, journaliste à Voiles et Voiliers embarqué à bord d’Aventura (la revue, livre de chevet, qui écrase, au grand dam des épouses, les étagères ou les bibliothèques de tous les voileux).
Le midi, à la maison des marins, nous nous sommes payés le luxe de déjeuner en nous gavant de frites « françaises ». Eric et Denis ont rendu une visite à AASIAAT radio qui est la station qui nous suit au micromètre tellement les plaisanciers inquiètent les garde-côtes qui sont sur le qui-vive lorsque des voiliers naviguent le long des côtes groenlandaises.
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Anonyme (non vérifié)
22 Juillet 2014 - 12:00am
Merci Michel, de nous faire