La Transatlantique

Voilà la fameuse transat, celle qu’on a rêvée tant de fois, avec les dizaines de vidéos regardée sur Youtube dans la grisaille parisienne pour se faire une idée ! Après la traversée Canaries-Cap Vert qui s’est très bien passée, on se dit que c’est juste 2 fois et demi la distance et le temps et que ça devrait le faire ! 2100 Milles (4000km), un beau morceau quand même pour nous qui n’avions pas vraiment une grande expérience de la haute mer. Et même si ça n’a plus rien d’une grande aventure avec tous les moyens modernes de navigation, ça reste la première grande étape du voyage et celle où on traverse tout un océan.
Après le départ de mes parents qui rentrent retrouver le froid bourguignon, nous nous affairons pendant 3 jours pour préparer le bateau et faire l’avitaillement, départ prévu le dimanche 4 décembre. Au programme question bricolage :
- entretien moteur complet (vidange, changement des filtres, changement de la turbine de la pompe à eau…)
- AC monte en tête de mât pour changer le feu de mouillage, réparer l’anémomètre, checker tout le gréement et poser des mousses de protections sur les barres de flèches pour éviter le ragage des voiles
- réparation du tangon et de la cloche (ajout d’un hâle bas de tangon)
- réparation de connexions électriques sur les instruments à la barre
Le samedi, veille du départ, nous faisons toutes les courses de frais, nous lavons tous les fruits et légumes à l’eau vinaigrée avant de les mettre dans le filet sous les panneaux solaires. Nous avons prévu 90 litres d’eau en bouteille (2 litres d’eau par personne et par jour sur 20 jours plus du rab’) plus les 300 litres d’eau dans les cuves du bateau pour la vaisselle, la cuisine et se laver.
Le samedi soir nous décidons avec Sandrine et Mickael (du bateau L’Actéon avec qui nous prévoyions de traverser) de reporter le départ au mardi 6 décembre. Le vent est bien monté, ça souffle très fort dans la baie de Mindelo toute la journée du samedi et du dimanche, des équipages qui sont partis le samedi ont pris plus de 40 nœuds dans le canal entre les iles… C’est dans ces moments là qu’on va discuter avec ses voisins de pontons pour savoir quand est ce qu’eux partent, et là on a tous les sons de cloche. Ca ne fait que faire monter la pression d’autant plus que nous apprenons que 2 voiliers ont coulé au milieu de l’Atlantique en traversant (le premier a perdu l’embase de son saildrive, voie d’eau impossible à arrêter et le deuxième une vanne qui a lâché), ambiance…
Le lundi soir dernier point météo avec Mickael et Sandrine. Nous partons bien le lendemain matin. A trop regarder la météo on reste au bistrot …mais quand même on sait que ça sera assez musclé, les alizés vont souffler à plus de 20 nœuds en permanence, le tout avec une longue houle qui arrive de l’Atlantique nord générée par les dépressions qui partent sur la France.
La nuit est assez agitée, on ne dort pas forcément très bien, on a hâte de partir, ces 3 jours d’attente à Mindelo ont été longs ! Départ à 10h30 locale, ça y est enfin, 2 ris dans la GV et 6 tours dans le génois on file dans le canal entre Sao Vicente et Santo Antao. Nous avions déjà fait ce bout de canal pour aller à Tarrafal sur Santo Antao, mais là c’est pas la même, on part pour 15 jours ! Au bout de 3 heures on tombe dans le dévent de l’ile, nous décidons avec l’Actéon de mettre le moteur pour nous dégager. Et là le moteur toussote et ne démarre plus, oups… On se calme et on réfléchit, après un petit coup de VHF à L’Actéon, Mickael nous met sur la voie, il y avait une bulle d’air dans le circuit de gazoil, je dévisse juste une vis de purge et je repompe un coup, ça redémarre pile poil, ouf !
La première nuit est très agitée, nous sommes au travers, rafales à plus de 30 nœuds, nous ne dormons quasiment pas. Le lendemain il y a de l’eau marron dégueu dans les fonds du bateau, je goûte (et oui faut bien) et c’est de l’eau salée. J’ouvre le capot moteur et le bac en dessous du moteur est plein, ça vient de par là. On avait déjà ce problème avant mais pas aussi important. Je passe 2 heures à essayer de savoir d’ou vient cette satanée eau de mer. Un bruit de tuyau qui crache me met sur la piste, le tuyau en col de cygne du presse étoupe (changé au Portugal) n’est pas situé assez haut au dessus de la flottaison et avec les vagues ça crachote régulièrement. Je met une bouteille plastique pour récupérer l’eau, mais malgré ça toujours de l’eau… Là je vous la fait calme mais sur le coup c’est plutôt : « Put** de bateau de mer**, ça commence à bien me péter le c** ce voyage de mer**!!! », la pauvre AC a dû supporter ça pas mal de fois… Finalement je repère un petit filet d’eau qui semble venir de la jupe arrière du bateau, et je pense, de l’étanchéité de plaques inox, impossible à réparer en pleine mer. Du coup on est bon pour vider l’eau de la cale moteur pendant le reste de la transat toutes les 3 heures pour éviter que ça se déverse dans les fonds du bateau. Bon on ne va pas se plaindre, ca pourrait être plus chiant, genre le pilote auto qui lâche au bout de 3 jours de transat (hein Malo !), mais va falloir être vigilant quand même. Les jours suivants se ressemblent avec un alizé toujours au dessus de 20-25 nœuds avec une mer bien formée. Le matin après le petit déj, on se force à faire un peu de sport, ça permet de garder un peu la forme et ça fait beaucoup de bien au moral ! Après à la douche : on prend des seaux d’eau de mer sur la jupe arrière pour se laver, il faut être attaché au bateau parce que à la moindre vague qui surprend ca peut se finir à la baille… Ca fait aussi beaucoup de bien de se laver quand les conditions sont pas évidentes, il paraît que les coureurs au large se lavent les dents quand ils ont un coup de mou, et hop ca repart !
Durant cette première semaine, nous avançons pas trop mal avec des journées à plus de 140 milles, on pourrait aller plus vite mais on choisit avec L’Actéon de lever un peu le pied, il faut économiser le matériel et les bonhommes. Effectivement avancer un peu plus vite est bien tentant, mais le bateau tape plus et ça devient vite inconfortable. Les journées sont aussi rythmées par les appels radio avec L’Actéon, en général au réveil, vers midi, au coucher du soleil et dans la nuit pour voir si tout se passe bien. C’est super rassurant de savoir qu’on est juste à côté, nous aurons en effet navigué à moins de 3 milles l’un de l’autre pendant toute la transat ! Les appels VHF sont suivis par tout le monde sur les deux bateaux et on arrive vite à déceler si le moral est bon de l’autre côté ou pas.
L'Actéon en transat
Maracudja vu depuis l'Actéon
On pêche un peu... pas trop pour ne pas gâcher de poisson
Un autre type de pêche, les poissons volants qui aterrissent sur le bateau en pleine nuit... on en a ramassés 24 ce matin là!
En cette fin de première semaine, je sens un petit peu d’appréhension dans la voix de Micka, ils ont pris les prévisions météo pour la 2ème semaine et ça s’annonce encore plus fort. Les fichiers grib donnent du 25-30 nœuds sachant que c’est sous estimé. Le vent monte effectivement, nous décidons de prendre le 3ème ris dans la GV ; on démarre le moteur et on se met face au vent et aux vagues, ça déménage. Le début de la 2ème semaine marque le début des grains ; un matin peu après le réveil, on voit un énorme grain gris qui nous fonce dessus. L’Actéon qui est derrière nous disparaît dans le rideau de pluie et ça arrive sur nous très très vite. A peine le temps de rouler le génois que la pluie et le vent s’abattent sur le bateau. Ça souffle tellement fort que le bateau part au lof et ne répond plus du tout, nous sommes travers à la houle en train se subir et en attendant que ça passe. La pluie est tellement forte qu’elle aplatit la mer, c’est assez fascinant comme spectacle. Le grain disparaît aussi vite qu’il est apparu. On se retourne pour vérifier que L’Actéon est toujours là. On s’appelle à la VHF, ils ont enregistré 46 nœuds à leur anémomètre. Ils n’ont pas eu le temps de réduire le génois et l’anneau pour accroché le tangon au mât a été arraché. Micka sort la visseuse et va réparer à l’avant et ça repart ! Ce grain va être le premier d’une longue série qui vont rythmer les nuits de la 2ème semaine de traversée.
On se prépare à l'arrivée de cet énorme grain...
Le vent continue à monter progressivement, nous devons affaler complètement la grand voile et avançons à 6 nœuds de moyenne rien qu’avec un bout de génois à l’avant. La météo va rester comme ca jusqu’à la fin, beaucoup de vent et une mer qui grossit de jour en jour, on pense avoir touché de la houle de 6-8m (toujours difficile à estimer). Les grains s’enchainent, mais uniquement la nuit, nous empêchant de dormir. Les appels VHF avec l’Actéon se multiplient, celui derrière prévenant celui de devant de ce qui va lui arriver sur la tête dans quelques minutes. Nous leur avons même donné un petit nom, les « démons de minuit », du coup on chante à la VHF pour nous donner du courage !
On ne sait plus comment dormir tellement le bateau roule... par ailleurs il faut être prêt à tout moment à monter sur le pont pour rouler le génois en cas de grain...
Entre autres petites avaries, le four s'est décroché de ses cardans... la réparation de fortune a consisté à les remplacer par 2 bonnes vis.
L’arrivée sur la Barbade se profile, les appels VHF sont de plus en plus enjoués et parlent de bonne bouffe en bons franchouillards que nous sommes. Nous avions prévu une marina pour l’arrivée, mais il n’y a pas de place, ce sera donc mouillage, pas grave, on arrive ! L’ile est en vue, on va enfin pouvoir souffler ! Arrivés sous le vent, Maracudja nous joue un dernier petit tour, la manette des gaz reste bloquée en marche arrière. Autrement dit, quand on démarre le moteur, le bateau recule, il veut retourner au Cap Vert ! Je démonte la manette et ça finit par rentrer dans l’ordre. Nous voilà au mouillage à Bridgetown, la capitale de la Barbade. Les premiers pas sur la terre ferme sont hésitants, on se rentre dedans avec AC ! Après un burger et une salade césar arrosé d’une bonne bière fraiche, on part se faire une nuit de bébé.
Les pluies torrentielles à l'arrivée à La Barbade nous ont permis de récolter 15L d'eau et de pouvoir un patienter avant de pouvoir remplir les cuves!
Avec le recul, c’est vrai qu’on a pas vraiment bien vécu cette transat, ça n’était pas du tout ce à quoi on s’attendait. On s’en était fait une autre idée, un peu comme notre traversée Canaries – Cap Vert où on avait eu du 13-18 nœuds. Le plus difficile pour ma part c’était le manque de sommeil lors de la 2ème semaine à cause des grains nocturnes. Pour Anne Claire, plus habituée avec son entrainement commando (les gardes à l’hôpital), c’était plus la peur de ne pas arriver au bout. Un point très positif, ça a été de traverser avec un autre bateau. Dans des conditions pas toujours faciles, c’est bon de savoir que l’on peut compter sur l’autre et inversement. Et parmi tous nos bato-copains, c’est vrai qu’il restera quelque chose de spécial entre nous après ces deux traversées effectuées ensemble.
L'équipage de L'actéon
G
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DOUA
10 Mai 2017 - 10:33pm
Amplificateur de réseau GSM
Teranga
11 Mai 2017 - 10:08pm
felicitations