2004/2005-Ma Jeunesse

2004/2005-Ma Jeunesse

Posté par : Olivier
23 Mars 2012 à 14h
Dernière mise à jour 19 Janvier 2016 à 18h
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    Si l'heureux père du nouveau né ne veut pas se retrouver benêt devant l'employé de Mairie , quand il ira déclarer la naissance du chérubin , il est préférable qu'il se soit mis d'accord avec son épouse sur le choix du prénom.

    Ce fut mon cas : Inspiré par la chanson de Nino Ferrer, mes parents Dominique et  Marc décidèrent, avant ma naissance, que je m'appellerai "Le Sud". C'est un prénom bien pratique pour un bateau ; je connais ainsi la direction à suivre et si je reste dans l'hémisphère Nord, il y a peu de chance que je rencontre un Iceberg.

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Comme il se doit , mon accouchement fut pénible et douloureux , mais je réussis à  sortir de mon chantier et trouver mon milieu naturel à l'automne 2004 .

Ils s’empressèrent de me déclarer  aux affaires maritimes de La Rochelle : Mais on ne choisit pas son nom de famille. Comme ma coque est en contreplaqué et à bouchains j'aurais du porter le nom d'un grand cru genre Armagnac, Sauvignon ou Muscadet. Mais Philippe Harlé avait déjà épuisé tout le vignoble Français. En fait, je porte deux noms de famille. Le premier est plutôt classique et connu : Je m'appelle RM 980. Mais mon frère ainé, le célèbre RM 1050, ayant déjà fait son trou, n'a pas souhaité que je vienne lui faire de l'ombre et je suis donc plus connu sous mon deuxième nom. Et là, je ne suis pas gâté par le destin : je m'appelle Randonneur 980. C'est pas possible un nom pareil pour un bateau. De quoi j'ai l'air :  Pourquoi pas Alpiniste ou Parachutiste. Moi, ma vie c'est sur l'eau et à l'altitude zéro.

   Quand Marc, mon géniteur/concepteur m'a donné ce nom, il devait en avoir sérieusement marre de dessiner des bateaux et il devait rêver devant son écran d'ordi d'un petit bonhomme avec son sac à dos et ses godillots parcourant nos GR par monts et par vaux. C'est certainement pour cela qu'il m'a dessiné avec deux quilles chaussées de jolis bulbes en guise de jambes , de deux safrans en guise de bras, et de nombreux rangements en guise de sac à dos.

   Enfance gâtée : on m'installa dans le prestigieux port des Minimines de la non moins prestigieuse ville de la Rochelle. Je découvris  alors le monde fantastique du nautisme qui passionne tant d'humains. Si les hommes se ressemblent étrangement, même si il y a les mâles et les femelles , nous les bateaux nous sommes tellement différents que l'ont croirait qu'il y a autant d'architectes de marine que de bateaux. Il y a, certes, des grandes familles : les à voiles et à moteur, les militaires, les commerces , les plaisances etc etc ....de toutes formes et de tous matériaux. Mais depuis mon catway j'ai  surtout vite compris que la vie d'un bateau dépendait de l'humain qui porte le nom de propriétaire, skipper ou capitaine ( La très grande majorité sont de l'espèce mâle). J'ai ainsi découvert toute cette population qui cohabite dans les marinas.

- Les plus malheureux sont les "abandonnés" gris et verdâtres. Leur propriétaire est certainement aussi malheureux qu'eux car il continue de payer une place de port au cas où ? Il leur reste l'espoir de retrouver un jour un nouvel humain qui les fera renaviguer après un bon lifting.             

-  Les bateaux "ventouses" sont plus heureux, car leur propriétaire est souvent avec eux pour de multiples activités bricolage, apéros et autres festivités. Leur propriétaire leur explique qu'un jour ils pourront aller en mer, quand les travaux seront terminés, la marée favorable et la météo clémente, c'est à dire à la St Glinglin.

- Les bateaux "standards" sont les plus nombreux. Ils sont issus d'une grande série d'un grand chantier. Ils ont un propriétaire standard qui les entretient de manière standard et les fait sortir le week end dans les Pertuis Charentais puis les amènent en vacances d'été en Bretagne Sud.

- Les bateaux "de Loc", toujours sur le départ avec des équipages très motivés faute d'être toujours compétents. Leur grande spécialité c'est l'inventaire.

- Les bateaux "de régate" plein d'autocollants de sponsors. Leur skipper dépense des fortunes pour avoir la dernière garde robe à la mode. La pêche au maquereau et l'échouage dans la vase de l'ile d'Aix, ce n'est pas trop leur tasse de thé.

- Les bateaux "de voyage" qui ne sont que de passage et sont reconnaissables à une foule d'équipements destinés à leur assurer une autonomie éternelle pour tourner sans fin autour de la planète. Leur skipper est fréquemment revêtu d'une forte pilosité et s'abreuve essentiellement de Ti Punch.

- Les "Grands Yachts" menés par les pros  font baver d'envie et d'admiration toutes les autres catégories. Leurs skippers sont les grands noms de la voile : Chapeau bas.

Et moi je suis dans l'eau , mais je ne connais pas ma destinée!!! A quoi je sers???

Marc, m'explique alors qu'il pensait faire de moi un bateau" de voyage rapide". C'est quoi ça?

Tu va voir. Et dès ma mise à l'eau me voilà inscrit au programme de régate local pour vérifier ma qualification de "rapide". Marc qui n'est pas un mou , prouve rapidement à mes confrères qu'ils verront souvent mon arrière large et ouvert et même au louvoyage je suis loin d'être ridicule avec mes deux quilles. Mon poids modéré et mes deux safrans de Figaro m'aident bien , même si je ne suis pas un pur bateau  de course. Finalement c'est sympa la régate, surtout quand on est performant et ce programme de régate me convient bien même si mon nom de Randonneur fait rigoler mes petits copains First, Pogo et autres Sun Fast. Par contre je ne comprends pas pourquoi Dominique et Marc continuent à ajouter des équipements qui ne sont d'aucune utilité en régate , genre rideaux, coussins et cocotte minute.

Mais c'est bien connu ; "on ne nous dit pas tout" et dès le printemps 2005 ils me firent découvrir une autre discipline : la croisière côtière en Bretagne Sud afin de tester mon confort, ma stabilité de route, mes performances dans la brise forte et la mer agitée et mes capacités d'échouage sur mes deux quilles. Examen réussi sans problème, on pouvait dormir confortablement à mon bord et ma cuisine en U permettait de pratiquer la gastronomie même en navigation, l'essentiel pour un bateau de croisière. Cette expérience me permit aussi de constater que l'étendue d'eau salée allait au delà des Pertuis Charentais et que tous les bateaux n'habitaient pas dans le port des Minimes.

Eté 2005. J'avais toutes mes petites habitudes dans ce port des Minimes et l'avenir se présentait serein. Mais "on ne nous dit pas tout". Ils continuèrent à m'équiper d'accessoires, me paraissant superflus pour aller à l'ile d'Yeu ou Belle lle, tels que balise Argos, panneaux solaires et autres Activ Echo et pilote automatique. Et c'est ainsi qu'au départ de la croisière estivale, au lieu de prendre le cap Nord Ouest bien connu par les Rochelais pour aller en Bretagne Sud, ils prirent un bizarre cap au Sud Ouest. En fin d’après midi, avec Morgane, la fille de Dominique et Marc, nous décidons de poser la question fatidique: "Quand est ce qu'on arrive?". Réponse du chef : Dans dix jours ! Choc, consternation et abattement pour nous deux. Nous n'avons jamais dormi en mer : Marc nous explique que Morgane a une couchette confortable et qu'elle s'habituera et que pour moi c'est comme pour les chameaux, j'ai eu suffisamment de réserve de sommeil dans ma marina pour tenir 10 jours.

Et c'est ainsi que 10 jours plus tard je découvris l'archipel des Açores et ces îles aux noms évocateurs pour les marins :Terceira, Pico, Graciosa et autre Faial. Nous venions de réussir notre première grande traversée et pour honorer notre exploit, Morgane décoratrice du bord se chargea d'exécuter mon portait peint sur le quai de Horta comme le veut la coutume. Un journaliste de Voiles et Voiliers passant par là fut séduit par l'oeuvre de Morgane et en fit une photo.

Durant ce séjour aux Açores je découvris le monde des bateaux de voyage et leurs projets de grande traversée : 20 ou 30 jours de mer leur paraissait banal. Pour moi ce ne fut qu'un retour sur La Rochelle en sens inverse car les vacances était terminées pour l'équipage.

Autant vous dire que j'avais pris la grosse tête en arrivant à la Rochelle, j'étais devenu un bateau de" voyage rapide "et tous mes collègues de ponton profitèrent de mon exploit, d'autant plus que la photo de ma peinture sur le quai de Horta fut publiée sur Voiles et Voiliers pour illustrer un article sur les Açores. La gloire ! Un peu comme pour une jeune Top modéle de faire la couverture de "ELLES".

 

                                                                                                                                                 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                 

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