Episode 4 - CANARIES
Episode 4 – CANARIES
Mon père a surmonté la phase critique d’une pneumopathie d’inhalation et a retrouvé son état grabataire antérieur. Fin août, nous décidons de revenir à Madère où nous faisons un atterrissage mouvementé (fort vent latéral) le 1er septembre à 23 heures. Le lendemain Toribio nous confirme qu’il a bien réceptionné l’étai et le profilé d’enrouleur mais qu’il ne pourra nous aider pour la mise en place que le 5. Le soir nous dinons avec un ami médecin, sa femme et leur fils qui, par le plus grand des hasards, avaient voyagé la veille dans le même avion que nous. Le 3, bricolage et balade à vélo à Caniçal pour quelques courses. Le 4, farniente et bain de mer. Le 5, nous avons bossé comme des dingues toute la journée pour déposer l’étai, monté le profilé sur le nouvel étai et remettre le tout en place. A 20h15, le génois a retrouvé sa place sur l’enrouleur.
Quinta do Lorde
Les Iles Désertes
Selvagem Grande
Nous quittons Madère le 6 septembre pour les Canaries via les îles Selvagem. Nous appareillons à 16h50 et longeons les îles Desertas bien éclairées par le soleil déclinant. Le 7 à 12 heures, ballet de dauphins qui nous accompagnent un bon ¼ d’heure. Nous atteignons Selvagem Grande à 20 h, plus tard que nous ne l’escomptions. Cette île déserte et sauvage dépend du Portugal. A mi-chemin entre Madère et les Canaries, elle est une réserve naturelle sur laquelle nichent de nombreux oiseaux (en particulier des pétrels et des puffins). Ces oiseaux, protégés par 2 gardiens ne sont pas farouches. La visibilité médiocre (ciel gris, heure tardive) ne permet pas de voir les fonds et nous incite à renoncer à ce mouillage (d’autant que les fonds, constitués de grandes dalles planes se chevauchant, sont de tenue médiocre. Au près bon plein, Maova Express taille sa route à 7 nœuds à 70° d’un vent de 16 à 18 nœuds. Le génois sera réduit de 5 tours à 6h30. 1 puis 2 ris seront pris à la mi-journée nous amenant à la Graciosa (petite île au nord de Lanzarote) où nous mouillons le 8 septembre devant la Playa Francesca.
LANZAROTE Graciosa
Montaña Amarilla
Rio Estrecho
Le lendemain au mouillage, le vent reste très soutenu et le ciel malheureusement gris. La journée se partage entre bain, lecture contemplation de la Montana Amarilla toute proche, partie de Scrable et film sur l’ordi. Le 10 septembre, nous appareillons à 11h30 pour affronter un vent et un courant contraires soutenus dans le Rio Estrecho séparant Lanzarote et la Graciosa Très beaux paysages avec au sud de hautes falaises sombres surplombant une saline abandonnée et au nord les plages de sable blanc de Graciosa. Nous finissons par doubler la Punta de Farinas, nous infléchissons notre route pour longer la côte orientale de Lanzarote. A 15h45, au vent arrière, par 25 nœuds de vent réel, alors que nous venons de lâcher un ris, nous nous laissons embarquer par une vague alors que j’avais la main sur la manivelle de winch pour souquer le frein de bôme. Empannage violent. Rupture de la bôme au point d’écoute. La stupeur laisse vite place à l’accablement. 2 pépins aussi lourds à 2 mois d’intervalle ! Après 20 ans de navigation et environ 20000 miles au compteur pratiquement sans soucis ! Comment avons-nous pu être aussi cons ! Christian avait raison : nous n’aurions jamais dû partir un vendredi 13 ! Abattus et culpabilisés par le sentiment d’être les bourreaux de notre bateau bienaimé, nous affalons la grand-voile et rabantons le tout avec les bosses de ris. Nous décidons de relâcher à Puerto Calero où nous nous amarrons à 18h15. Le dimanche 11, nous rinçons le bateau, rangeons la GV et démontons la partie proximale de la bôme. Le 12, nous voyons Jean-Michel Alliot (un français vivant à Arecife et œuvrant dans le nautisme) et le chargeons de commander la bôme chez Z-Spars et de la réceptionner (prévoir un mois nous dit-il).
LANZAROTE Puerto Calero
Nous louons une voiture (27 euros par jour).
LANZAROTE Los Jameos del Agua
LANZAROTE Los Jameos del Agua
Le 13, nous débutons une intense activité touristique. Direction nord pour la visite du Jameos del Agua, création de César Manrique. Cet artiste lanzarote (peintre, architecte, sculpteur), après une carrière à Madrid puis aux Etats-Unis, est revenu sur son île qu’il a profondément marquée de son empreinte. Los Jameos del Agua sont des cavités souterraines formées par l’activité du volcan de la Corona. Le cheminement fait longer un lac souterrain, une salle de concert, une surprenante piscine, faisant alterner des parties naturelles et des zones aménagées peintes en blanc. L’ensemble dégage une forte impression de sérénité.
Cuevas de Los Verdes
Nous visitons ensuite las Cuevas de los Verdes : réseau souterrain formé non par l’érosion aquatique du calcaire comme chez nous mais par l’activité volcanique. Dans ces tubes de lave, la gamme de couleurs des minéraux formant la paroi est très étendue.
LANZAROTE Mirador del Rio Estrecho del Rio
LANZAROTE Mirador del Rio
Direction ensuite le Mirador del Rio, autre création de César Manrique (et nouvelle démonstration de son art de fondre l’architecture dans son environnement naturel avec des lignes douces sans angles droits). De ce mirador on peut admirer l’île de la Graciosa que l’on surplombe de 5 ou 600 mètres, l’Estrecho del Rio la séparant de Lanzarote et les vieux marais salants au pied des falaises.
LANZAROTE Haria
Après nous être régalés de chevreau grillé, nous allons à Haria où la Casa Museo de César Manrique est fermée pour travaux (difficilement trouvée : la signalisation aux Canaries c’est quelque chose !).
Castillo Santa Barbara Teguise Teguise
Teguise Teguise Nazaret
Las Cuevas
Lagomar
Après un bain à la plage d’Arieta, nous visitons Teguise, ancienne capitale de Lanzarote qui a gardé le charme figé de son glorieux passé. Nous avons fini cette journée bien remplie par un cocktail au bar du Lagomar à Nazaret. Le Lagomar tire son nom de celui d’Omar Sharif qui avait acquis cette maison en 1972 alors qu’il séjournait à Lanzarote pour un tournage. Le vendeur, un promoteur britannique, champion de bridge (ce qu’Omar Sharif ignorait), connaissant la passion du jeu de l’acteur lui a proposé une partie à enjeu. Omar Sharif a fini par mettre la demeure qu’il venait d’acquérir au pot et c’est ainsi qu’il l’a perdue avant même de l’avoir occupée. Toujours est-il que cette création de César Manrique dans une ancienne carrière est un chef d’œuvre de bon goût (voir photos).
Montaña del Fuego Parque Nacinal de Timanfaya
Montaña del Fuego Parque nacional de Timanfaya
Le lendemain, nous avons visité le parc national de Timanfaya. Une des plus importantes et des plus longues éruptions de l’histoire du volcanisme (du 1er septembre 1730 au 16 avril 1736) a façonné le paysage grandiose de ce site que l’on peut ne peut parcourir qu’en car sur un circuit de 14 kilomètres qui est la seule trace de présence humaine dans cet univers minéral. A l’arrivée, double démonstration du fait que la croûte terrestre est très mince dans cette zone (la température du sol à 2 mètres de profondeur est de 400 degrés) : des buissons secs déposés dans ce trou s’enflamment spontanément et des cuisses de poulet sur une grille dorent et alimentent le restaurant attenant.
Région de Tinajo Vignes Vignes Vignes
Vignes
Nous suivons ensuite la route des vins. Les ceps sont très espacés, très courts, leurs branches courant au ras du sol sur un cercle d’1 mètre 50 à 2 mètres de diamètre au fond d’un cône creusé dans la lave noire. Ceci permet de capter au mieux la rosée et aux racines de descendre vers une terre fertile sous la lave pulvérulente. Des murets de pierre sèche en arcs de cercle, protègent la vigne des alizés de nord-est. On imagine la dureté du travail des hommes pour entretenir cette vigne et pour la vendanger (les raisins sont évacués à dos de dromadaires).
El Golfo El Golfo El Golfo
El Golfo El Golfo El Golfo
Lago de los Clicos
Nous retrouvons la côte à El Golfo où nous allons admirer le Lago de los Clicos (ou Charco Verde). Il s’agit d’une lagune de 150 mètres de longueur environ au pied d’une falaise noire, rouge et ocre, séparée de la mer par une grande plage noire. Cette lagune est de couleur vert fluo du fait de la présence d’algues en suspension et de la salinité de l’eau (supérieure à celle de la Mer Morte).
Los Hervideros
Plus au sud, nous allons ensuite à Los Hervideros. Les laves pétrifiées ont dessiné une petite crique au fond de laquelle se trouvent 2 grottes (orifices de tunnels d’éjection volcanique). L’océan s’y engouffre et le spectacle du ressac depuis un balcon de pierre naturel que l’on atteint par un sentier et un escalier taillé dans la pierre est fascinant.
Salinas de Jambio
Au sud nous gagnons les salinas de Jambio. Depuis les hauteurs avoisinantes, cette grande baie apparait séparée de la mer par une coulée de lave et laisse admirer le camaïeu des parcelles rectangulaires blanches, ocres, mauves, vertes, bleues et roses séparées par de petites sentes. Ceci, avec les ruines des anciennes installations confère à l’ensemble une saisissante beauté empreinte de nostalgie. La saline produisait 10000 tonnes de sel par an au début du 20ème, à l’époque de la salaison des poissons, avant la chaîne du froid ; elle ne produit plus actuellement que 2000 tonnes par an. Nous traversons ensuite Playa Blanca et regagnons le bateau par la route montagneuse de Femes. Après cette journée bien remplie, nous retournons au Lagomar qui nous avait tant séduit pour un délicieux repas.
Playa Quemada
Le lendemain, relâche sur la plage de Quemada.
FUERTEVENTURA Parque Natural de Corralejo FUERTEVENTURA Mirador de Morrio Veloso
Betancuria Parque rural de Betancuria Ecureuil de Barbarie
Ecureuil de Barbarie
Maova Express provisoirement cloué au port par son absence de bôme, nous décidons de prolonger la location de la voiture pour 3 jours supplémentaires (27 euros par jour) pour explorer Fuerteventura. Après 2 heures de navigation à partir de Playa Blanca, le ferry nous laisse débarquer à Corralejo ce 16 septembre. Juste au sud, les plages du Parque natural de Corralejo déroulent sur des km des dunes de sable ocre très clair. Les rouleaux de l’océan sont « significatifs » mais n’interdisent pas la baignade. Les baigneurs se partagent entre « textiles » et naturistes. Ce beau paysage est malheureusement affligé en son milieu d’une verrue sous forme d’une barre d’immeuble malvenue. Nous obliquons ensuite à l’intérieur pour visiter l’écomusée de Algocida à Tefia. Nous grimpons ensuit au mirador de Morrio Veloso d’où, fouettés par le vent de nord-est, nous admirons de vastes paysages montagneux et désertiques. La vue vers le nord et l’ouest porte jusqu’à l’océan. Quelques lacets plus loin, un belvédère nous permet d’embrasser de rudes paysages de montagne désertiques vers le sud avec des palmiers canariens dans le fond des vallées. Nous voyons de près, car ils ne sont pas farouches, des écureuils de Barbarie. Cette espèce est endémique en Algérie et au Maroc, en particulier dans l’ouest de l’Atlas saharien. Un couple a été introduit à Fuerteventura en 1965 et l’espèce est devenue envahissante. En dépit des panneaux recommandant de ne pas le faire, les touristes de passage les nourrissent. Nous nous dirigeons ensuite vers Betancuria, ancienne capitale de l’île, aujourd’hui village de 200 habitants. Elle tire son nom de Jean de Bethencourt qui a débarqué à Lanzarote au début du XVe siècle puis a conquis Fuerteventura et El Hierro chassant les Guanches pour le compte d’Henri III roi de Castille qui le nomma Seigneur des îles Canaries. A Betancuria, nous admirons la très belle église (de l’extérieur car elle est malheureusement fermée) et parcourons de petites rues pavées étroites bordées de maisons aux façades blanches avec des balcons surplombant en bois sombre. Notre route nous fait ensuite passer par le village de La Vega de Rio Palmas. Il se trouve que nous sommes le 3ème samedi de septembre et que c’est le jour de pèlerinage de la Virgen de la Pena. Des pèlerins convergent à pied vers l’église du village, venant de villages à plusieurs dizaines de km alentours Les hommes et les femmes sont habillés en costumes traditionnels. Les femmes très maquillées portent des coiffures rappelant les « chapeaux melons » péruviens.
Paraja
Nous atteignons ensuite Paraja où nous tournons autour d’une belle église, elle aussi malheureusement fermée.. Direction Tuinaje puis Tascamanita où nous espérons loger pour la nuit dans une casa rural (mais les propriétaires sont au pèlerinage). Va alors commencer le sketch de la recherche d’une chambre d’hôtel. Vaine tentative dans le port de pêche de Gran Tarrajal où l’unique hôtel est complet. Le soleil se couche et c’est de nuit que nous atteindrons Morro Jable. Sur cette côte abandonnée aux promoteurs de nombreux très grands hôtels (500 chambres en moyenne) sont tous complets. Il s’agit en fait d’hôtels fonctionnant sur réservations internet, faisant le plein pour une semaine de touristes, principalement allemands, scandinaves et anglais. Le voyageur de passage ne fait manifestement pas partie du programme ! Ce n’est qu’à Morro Jable que nous finirons à la 4ème tentative par trouver une chambre alors que nous commencions à envisager la possibilité peu séduisante de passer une nuit dans notre petite voiture de location. L’ambiance est particulière car la ville est plongée dans l’obscurité en raison d’une coupure d’alimentation électrique. Après avoir pris possession à la lampe torche de notre chambre dans cet établissement touristique sans charme, nous ressortons et – tous les restaurants étant fermés - réussissons à acheter des sandwiches que nous dégustons à 11 heures du soir sur un banc public. Le lendemain matin, pour atteindre la réception, nous longeons la piscine où nous voyons des touristes rougeauds ou très blancs prendre possession de leurs chaises-longues. Nous songeons à tous les magnifiques paysages que nous avons vus et que la plupart d’entre eux ignoreront jusqu’à leur départ…
Parque natural de Jandia Cimetière de Cofete
Nous attaquons alors la longue route pierreuse et chaotique qui nous fait longer l’océan sur la côte orientale à l’extrémité sud de Fuerteventura puis nous grimpons jusqu’à un point de vue venté sur la splendide et sauvage côte occidentale avant de plonger par un chemin sinueux vers le hameau de Cofete dans le Parque natural de Jandia. La plage déserte sur plusieurs dizaines de km est faite de sable ocre très clair. Le contraste entre les hautes montagnes sombres qui la dominent et les rouleaux de l’océan est très beau. Le petit cimetière de Cofete sur la plage où les tombes ne sont marquées que par de gros coquillages, des cailloux et de petites croix de bois est très émouvant comme la plaque de pierre gravée avec une centaine de noms faisant réfléchir à la vie qu’avaient pu mener ces gens dans cet endroit si particulier à la beauté farouche « au milieu de rien ».
Isthme del Jable
Nous re-parcourons le chemin inverse, retrouvons l’asphalte à Morro Jable et commençons la remontée de l’île vers le nord. Sur une hauteur, nous aurons un beau point de vue sur le sud de l’île et la péninsule sableuse d’El Jable.
FUERTEVENTURA Casa de los Conorroles La Oliva La Oliva
Nous déjeunons à Paraja puis par Antigua, Tuinaje, Tefia, atteignons La Oliva où nous visitons une très belle église et la Casa de los Coronoles qui fut, pendant 150 ans, à partir du début du XVIIIème siècle, la résidence des gouverneurs de l’île. Nous regagnons ensuite Corralejo où un ferry nous ramène à Lanzarote. Le lendemain, nous parcourons à pied sous un ciel gris les magnifiques plages de Papagayo au nord de Playa Blanca. Il s’agit d’une succession de criques aux eaux turquoise cernées par des surplombs rocheux ocres et noirs. Elles sont vraiment très belles. Dommage que le soleil nous ait lâché ce jour-là.
Nous mettons le bateau en ordre le21 septembre et rentrons en France le 22 en attendant la nouvelle bôme, la tête pleine de ce que nous avons vu à Fuerteventura et surtout à Lanzarote. Nous reviendrons le 5 novembre pour remonter la bôme et reprendre nos pérégrinations aux Canaries.
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