2012- On a pas trouvé la sortie

2012- On a pas trouvé la sortie

Posté par : Olivier
10 Octobre 2012 à 19h
Dernière mise à jour 17 Janvier 2016 à 10h
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   " Apéro", voilà le mot clé qui m'a fait réaliser qu' ils m'ont bien ramené en France : Je l'ai vite compris grâce à mon voisin d'hivernage un dénommé Nénuphar : ses proprios le préparent pour le grand voyage et en ont fait leur domicile pour l'hiver. Et chaque fois qu'un voisin résident de Navy Service vient leur rendre visite la discussion se termine immanquablement par "apéro", du genre : "montes prendre l'apéro" ou "viens prendre l'apéro ce soir" etc...Comme  c'est un des premiers mots qui a bercé mon enfance à la Rochelle, car d'usage fréquent chez les marins français, j'en conclus qu'on est bien de retour dans notre doux pays.

     Je découvre aussi un autre terme de la langue française : Un jour sur deux le capitaine de Nénuphar s'exclame avec mauvaise humeur :" putain de mistral". j'ai vite compris qu'il voulait parler du vent local qui est certainement un cousin du meltem  et il parait que l'embouchure du Rhône est son coin de prédilection.

      On est bien de retour en France car c'est aussi la première période d'hivernage  où ils viennent me rendre visite . Une première fois ils passent me voir en coup de vent pendant un coup de mistral et prennent mes mesures de la tête aux pieds.

    Puis un froid sibérien,  accentué par le mistral provoque la panique dans la région : le château d'eau de Port St Louis du Rhône explose sous le gel, les flamands roses anesthésiés par le blizzard se font prendre les pieds dans les glaces et les noirs taureaux se les gélent sérieux. La Camargue se transforme en Spitzberg.

    Un soir de printemps ils débarquent en coup de vent et sans prendre le temps de me dire bonjour, ils m'équipent de nouvelles voiles fabriquées par un grand couturier de La Rochelle dans un tissu exotique du plus bel effet. Ayant vérifié que cette nouvelle garde robe me seyait bien,  ils s'empressent de me déshabiller avant l'arrivée de la nuit et surtout du mistral qui  souffla le reste de leur séjour. Les moments de calme sont en effet précieux dans le secteur .Ils profitent de leur passage pour effectuer quelques travaux de peinture et surtout constater les dégats du gel : malgré une vidange avant hivernage mes  robinet seront pris d'un mal de tête à en exploser, la sournoise pompe de distribution d'eau  donne l'impression d'avoir survécu et finalement rendra l'âme dans un mouillage d'Ibiza et les batteries ont chopé une dépression dont elles ne se remettront pas.

       Je suis content qu'ils soient venus me voir, mais je suis un peu inquiet car ils sont arrivés dans un beau combi tout neuf et préférent dormir dedans qu'à mon bord. Et puis des voiles neuves, des travaux de peinture ; ne serait-ce pas pour me vendre et eux entamer une carrière de voyageur sur l'asphalte?

 

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         Finalement ils reviennent à la belle saison et me remettent à l'eau pour la croisière annuelle et mettent le cap à l'est vers la côte inconnue pour nous tous du Languedoc Roussillon.

         Une fois de plus ils amènent avec eux un couple de blaireaux montagnards passablement ignares en navigation. On commence par leur expliquer le subtil fonctionnement du WC marin pour éviter des séances de mécanique peu apétissante et pour le reste de la formation, à chaque jour suffit sa peine. . Pour ma part, je suis chargé de voir ce qu'ils ont dans le ventre et je profite du vicieux clapot engendré par le delta du Rhône pour me déhancher en cadence et rapidement il y en a une qui n'a plus rien dans le ventre. Finalement elle dominera avec brio le sujet mal de mer. Côté technique ils assimilent plutôt bien. C'est vrai que les bouts de ficelle et les noeuds ils connaissent déjà et puis l'échelle Beaufort et l'échelle de Welzenbach utilisée par les grimpeurs et  alpinistes c'est kif kif: Force 1 à 2 c'est pépére, force 3 à 4 on s'amuse sans se faire peur, force 5 il faut déjà se bouger les fesses , force 6 et 7 on est souvent limite et il vaut mieux maîtriser son sujet, force 8 et 9 si on peut éviter il faut pas s'en priver. 

 

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     C'est ainsi que le soir à la veillée , le carré se transforme en refuge où les histoires de montagne remplacent les histoires de croisière ou de régate. Je comprends mieux maintenant pourquoi je me nomme "Randonneur".

     Finalement, la seule précaution à prendre avec un équipage de montagnards c'est comme avec les chiens à bord, si on ne veut pas qu'ils pètent les plombs, il ne faut pas oublier de les descendre à terre pour leur promenade quotidienne.

 

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       Les" invités" ayant pour mission de remplir en fin de journée le livre de bord voici un extrait du ressenti de Maité:

      "Tout d'abord EXIT les idées reçues concernant le croisièriste sur un voilier : Si tu as mis le maillot de bain: recouvres le de plusieurs épaisseurs car il y a du vent et il fait froid.Si tu penses "buller" sur le pont = erreur il y a du boulot. Il fallait voir Armelle et Olivier s'agiter en pro du travail bien organisé. (J'ai été ménagée car j'ai eu ce fameux mal de mer tant redouté, mais peut être que demain je vais trouver ma place, sans me planquer dans un coin en me sachant complètement inutile).

      "Tout est à apprendre: tous les termes spècifiques au bateau et à la mer, les gestes à accomplir pour les manoeuvres,  la vie à bord... Déjà monter sur le bateau!!! Il faut être leste et ne pas avoir le popotin trop lourd"

        Et encore on a été sympa , on les a préservés et évités de leur montrer tout ce qu'il y avait de contradictoire dans l'appelation "Navigation de Plaisance"

        Et c'est ainsi qu'avec cet équipage hétéroclyte, nous découvrons de port en port la côte Languedoc Roussillon jusqu'à la frontière espagnole. Certes , il ne faut pas chercher les îles ou les mouillages mais en ce mois de Mai les ports d'escale, Saintes Marie, Port Camargue, Frontignan ,Cap d'Agde, Gruissan, Canet et Argelès nous réservèrent un accueil chaleureux , des tarifs raisonnables et un environnement plaisant.

        Mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin : 10 jours de cohabitation dans un espace restreint et agité malgré une météo complaisante c'est suffisant pour qu'un équipage novice puisse  garder un souvenir  positif de cette fameuse navigation de plaisance. Surtout que pour  la suite du voyage la barre est mise nettement plus haut avec au menu : la Tramontane, le passage du Cap Creus, et la traversée vers les Baléares. On les abandonne donc à Argelès au pied du Canigou enneigé et si ils veulent se défouler , ils sont à pied d'oeuvre pour traverser les Pyrénées jusqu'à l'Atlantique par le  GR10.

         Un court créneau météo  entre deux coups de Tramontane nous permet de contourner le Cap Creus dans des conditions quasi idéales: un force 4 de travers sur une mer tout juste frémissante nous accompagne sur le demi cercle de l'étape d' Argelès à Rosas. Mais on s'imagine que ça ne doit pas être tous les jours aussi cool. C'était notre jour car la Tramontane se relève dés notre entrée dans le port de Rosas. Et qui a dit que les ports espagnols étaient hors de prix ? 17 euro la nuit en ce mois de mai, c'est raisonnable. Mais il faut dire qu'en juillet et août ça se transforme  en 58 euro: pour la même chose????

            La tramontane s'essouflant, c'est parti pour 160 milles de traversée jusqu'au Baléares dans des conditions moyennes et donc fatigantes et l'arrivée à Majorque dans la baie de Soller sous les  1400 m du Puig Major est bienvenue.

 

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      Mouillage idyllique dans le magnifique écrin de la baie de Soller, si ce n'est que ??? encore heureux qu'ils soient un peu maniaques côté météo et que même au mouillage ils regardent leurs fichiers Grib. Bien leur a pris car une grosse dépression sur Barcelone nous améne des vents forts à très forts d'Ouest à Nord ouest , c'est à dire pile poil dans l'axe de l'entrée de la baie. Trop tard pour s'abriter de l'autre côté de Majorque , alors on quitte le mouillage pour s'amarrer solidement avec 2 pendilles sur le ponton visiteur du port de Soller, de plus gratuit en cette saison. Dans un premier temps le choix parait judicieux car la zone de mouillage se transforme rapidement en spot de surf Hawaïen et les derniers bateaux viennent s'amarrer au ponton. Et puis rapidement la houle  décide d'investir le port et plus particulièrement le ponton visiteur et la  plus grande solution, si ce n'est la stratégie, de détendre à fond les amarres pour certains ou tendre à fond pour d'autres. Dans tous les cas c'est un fort moment pour les taquets et les équipages et c'est parti pour 2 jours et 2 nuit de shaker  où le ponton en profite pour se disloquer et à la fin  on ne sait plus trop bien qui tient quoi, entre la chaîne mère, les bateaux et les restes du ponton.

       Prémonition, le vent et la houle tombent le jour où on récupére à l'avion nos nouveaux équipiers : ils avaient décalé de 2 jours leur arrivée à Majorque . Ils ont eu le nez fin car même étant de l'espèce Marinmontagnard , ils auraient moyennement apprécié la période d'amarrinage .

        Pour leur  faire bon accueil, Majorque se fait belle. Et même d'un âge certain ce nouvel équipage a gardé l'esprit compétition et veut voir  ce que j'ai dans le ventre. Et comme l'ami Jean  est aussi un pro de la musique il peaufine mes réglages à la recherche de l'harmonie parfaite avec le vent et la mer. Je fais de mon mieux et il a l'air satisfait de la manière dont je joue la partition.

 

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           Quelques beaux mouillages sur la côte Sud Est nous amènent jusqu'à Porto Colom. Voilà un bien bel endroit : une grande baie trés protégée et peu profonde où on a le choix entre mouillage sur ancre , corps mort à 8 euro la nuit ou ponton un peu plus cher. De plus l'endroit semble préservé du tourisme de masse. Ils  profitent de ce confort pour partir visiter l'île par la terre. 

          L'étape suivante nous conduit au paradis : L'île de  Cabrera. La clé d'accés passe par une réservation laborieuse sur internet car le site est une réserve naturelle avec une réglementation d'accés. Mais il serait vraiment dommage de ne pas faire cet effort administratif car une fois sur place l'endroit se révèle magique et même la présence des gardes du parc n'est pas oppressante car les règles de vie sur le site laissent assez de liberté pour en profiter pleinement . De plus c'est gratuit. Voilà un bel exemple d'aménagement et de gestion d'un parc naturel.

 

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      Une grosse  et belle journé de traversée pour rejoindre Ibiza et le joli mouillage de Portinatx , puis destination la marina de Sant Antoni pour un changement d'équipage : Pendant que mes proprios font les formalités administratives , nos deux équipiers partent reconnaître la ville et reviennent une heure plus tard aussi exités que si ils avaient  découvert des martiens. Il me tend son appareil photo et effectivement c'est surprenant , et il y a pas photo on est bien à Ibiza.

 

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      C'est la fête quasi permanente et en milieu d'aprés midi les bars à musique et les boites de nuit sont en pleine activité et une faune  de jeunes fétards , essentiellement composée de sujets, peu vêtus, de sa gracieuse majesté Elisabeth s'échauffe pour la nuit. Cela change de la faune sauvage de Cabrera et nous profitons pleinement de l'exotisme britannique de cet escale. Le coucher de soleil au café del Mar est un moment incontournable et nous suivrons les milliers de jeunes qui viennent célébrer ce moment une canette de bière d'une main et un pétard dans l'autre. Une fois de plus nous ne verrons pas le rayon vert mais nous serons bien les seuls, car le reste des spectateurs était tout à fait en condition pour voir un rayon vert et même un jaune un bleu et un rouge. Le spectacle se conclut par un applaudissement général , les boites de nuit mettent les sonos à fond et c'est parti pour la grand messe nocturne. Nous on retourne à  bord se défoncer avec une tisane de verveine voir tilleul menthe.

     Un nouvel équipage embarqué et une nouvelle destination : le mouillage mythique de l'île d'Espalmador. C'est un bel endroit préservé mais une petite houle vicieuse opposé à un vent faible transforme le lieu en balançoire et le sommeil s'en ressent. Une légère brise de nord m'amène les effluves de la voisine Ibiza : c'est un mélange de Mojito, Bière et Hachich . Et là c'est le déclic : Je reconnais ces odeurs envoûtantes car il y a 6 ans je suis passé près de ces îles lors de mon grand voyage vers l'orient. Bon sang , mais c'est bien sûr , ça y est, ils me ramènent à la maison . On est tout prés de Gibraltar. On envoie un SMS à Boréval pour qu'il nous donne l'heure de la marée, on tourne à droite et direction la Rochelle.

    L'aube casse mon rêve car ils remettent le cap vers l'Orient et je comprends que le grand retour ce ne sera pas encore pour cette année.

     J'en prends mon parti car on a encore du boulot : le nouvel équipage est bien de l'espèce des montagnards mais déjà dégrossi côté marine car ils sont déjà venus à mon bord l'année dernière dans les paisibles îles ioniennes en stage découverte. Si ils reviennent cette année c'est pour le stage perfectionnement sur les cinq îles de l'archipel des baléares , d'Ibiza à Minorque en passant par Fromentera/Espalmador, Cabrera et Majorque. Au menu cette année on leur propose découverte et maîtrise du mal de mer, grande traversée de 65 milles et nav de nuit par mer inconfortable.  Voila le ressenti d'Annie, chargée de remplir le livre de bord malgré son mal de mer du début de séjour:

      -Mardi 5 Juin : Nous nous promenons à pied dans les environs de Portinatx. Journée idéale pour moi !!....

      -Mercredi 6 Juin: Nous partons à 6h15 pour Cabrera. Première grande traversée pour Gérard et moi. 11h15 pour y arriver! Je n'ai pas trouvé le temps long! Je suis étonnée! Pas de nausée! Le rêve grâce à un médicament! 65 milles parcourus pour découvrir un décor de rêves.

     Comme quoi en persévérant on finit par voir le bon côté de cette fameuse navigation de plaisance.

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 La belle et sauvage Minorque nous accueille mais une période de vent de Sud capricieux rend  la visite de ses fameuses Calas  trop périlleuse par la mer et c'est par la terre qu'ils découvrent Minorque en me laissant au repos dans la sympathique marina située tout au fond de la cala de Mahon. Tout est beau et serein à Minorque, les villes et villages , les baies et calas, les sites antiques et ils se promettent de revenir un jour faire le tour de l'île par le sentier côtier de Cami de Cavals, l'equivalent de notre sentier douanier de Bretagne. Cabrera et Minorque seront leur coup de coeur de l'archipel Majorquain.

     Et maintenant qu'est ce qu'on fait? cap à l'Est qu'ils répondent. Je veux bien , mais je ne vois que de l'eau devant mon étrave. Mais comme ils insistent, il va bien falloir affronter ce qui est la plus longue traversée obligatoire de méditérannée, 200 milles entre Minorque et la Sardaigne. Et moi qui aime bien dormir au mouillage ou au port. Zeus aurait pu mettre une petite île entre les deux pour faire une pause , comme il a su si bien le faire en mer Egée. Pour ménager mes forces et mon humeur ils choisissent une météo clémente et se débrouillent pour me faire passer qu'une seule nuit en mer. Comme souvent dans ce type de traversée c'est en mode voile ou voile +moteur ou  moteur tout seul qu'on arrive à faire une moyenne honorable. 

       L'île de de san Pietro est notre point d'atterrissage et pour nous récompenser de notre effort pour venir jusqu'à elle, la Sardaigne nous accueille à bras ouvert à la tombée de la nuit dans le joli petit port de Portoscuso : C'est le soir de la fête de la Mattanza au village , la fameuse et sanglante pêche  au thon local. Les barbecues grillent le thon et sur la place du village toute la population danse ces harmonieuses et complexes danses Sarde et malgré la fatigue de notre longue traversée on a pas envie d'aller dormir.

        Quel accueil! et le lendemain la Sardaigne en remet une couche avec ses plages : Les Sardes affirment que lorsque Dieu descendit pour la première fois sur terre, il mit le pied sur une île et créa la Sardaigne! il faut dire que les plages de l'île frisent le divin. A part les cocotiers et les lagons tout y est, eau turquoise et chaude, sable blanc et fin, blocs de granit Seychelliens, végétation luxuriante et décor montagneux.Amateurs de plages, ne perdez pas votre temps et votre pognon à courir aux Maldives, Seychelles, ou autre Polynésie ou Caraibes, la Sardaigne vous tend les bras.

 

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        Nous parcourons la côte Sud et la paisible côte Est de mouillages idylliques en ports sympa. Avec une mention particulière pour la marina de Sole tout au fond à droite du grand port de Cagliari. Dans le genre folklorique il est difficile de faire mieux et on aime ou on s'enfuit toutes voiles dehors. La famille  et leur cinq chiens qui gèrent ce sympathique capharnaüm vous accueilleront et si vous êtes en quête d'une pièce introuvable pour réparer votre fier navire vous la trouverez sûrement dans ce qui sert de bloc sanitaire . Inutile de revêtir votre peignoir blanc immaculé pour aller faire vos ablutions ou votre blazer à boutons dorés pour aller prendre votre Whisky à ce qui sert de Club House. Vous n'êtes pas à Porto Cervo , ce serait même l'opposé total.

        Le sauvage Golfe d'Orosei est un ravissement  et même la célébrissime côte Smeralda , repère des milliardaires de la planète, a su préserver sa beauté et nous réserve quelques beaux mouillages.

 

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            Seule déception, le parc national de la Maddalena ; c'est certes trés beau mais tellement protégé que l'ont ne peut rien y faire, ni débarquer , ni passer la nuit dans le parc. Par contre les gardes n'oublient pas de venir te faire payer dès que tu mouilles ton ancre. C'est un fonctionnement complètement opposé à celui du parc national de Cabrera. Et comme on a pas tout compris on ne s'attarde pas  on profite d'un sympathique flux d'Est pour traverser les bouches de Bonifacio et faire escale à Bonifacio. Comme on est le 30 juin le prix reste abordable, demain 30 Juillet c'est 1,5 fois plus cher. C'est la méthode Corse pour souhaiter la  bienvenue aux plaisanciers et touristes.

 

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             Un flux de Sud Ouest nous permet de remonter la côte ouest de la Corse jusqu'à Calvi mais la houle qui en découle rendent les mouillages difficilement praticables et même Girolata ne se révèle que moyennement protégée et les bateaux exposés en avant ligne en garderont un mauvais souvenir alors que nous, plutôt petit et avec un tirant d'eau modéré on a pu se planquer bien au fond à l'abri des vagues. Nous profitons d'un léger flux d'est et une mer belle pour rejoindre la côte Française avec les rencontres des résidents du sanctuaire , les très nombreux dauphins et deux baleines ou tout du moins des gros machins qui soufflent et sont équipés d'un jet d'eau.

A notre arrivée à Menton on recoupe notre route de l'année dernière en provenance du Golfe de Gènes et parcourons à nouveau cette si célèbre Côte d'Azur. C'est bien beau, mais le souvenir de notre croisière de l'année dernière revient trop souvent car Edith et Jean Pierre étaient à bord pour la dernière croisière  de Jean Pierre et même si nous le savions tous ce fut un moment de joie malgré ses souffrances physiques.

          Rien ne destinait le prof de maths du lycée de Nontron , si loin de la mer, à devenir marin . Mais l'appel du large, le livre des Glénans, et le trimaran Halobate, les entrainèrent à la découverte de l'océan qui leur fit vite comprendre que c'était lui le plus fort mais ils trouvèrent  leur terrain d'entente pour devenir des marins compétents et sereins.

 

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         Mais le destin eut la mauvaise idée de lui envoyer comme cadeau de retraite une maladie de marin: il aurait pu choisir une maladie qu'on attrape dans le port d'Amsterdam avec les femmes infidèles , mais Edith était là pour veiller, ou le scorbut mais il s'en prémunit largement par l'absorbtion régulière de citrons verts dilués dans du rhum. Il choisit la maladie d'un des plus illustres parmi nous, le commandant Charcot. C'est peut être glorieux mais pas franchement drôle car notre toute puissante médecine ne peut lui procurer qu'un diagnostic, des soins de confort et sa très grande compassion.

        Devant une inexorable dégradation physique se pose inévitablement la question :" Et Dieu dans tout ça?"  Jean Pierre a pour position "J'ai toujours eu du mal à accepter l'argument du pari de Pascal". Ce n'est finalement pas trés important car une réponse cartésienne ne peut venir des hommes . Et si il est fort peu probable que , la résurrection  soit une reproduction de l'oeuvre de Michel Ange peinte à la chapelle sixtine et que le paradis soit un attroupement de braves gens en tunique blanche posés sur un nuage et qui écoutent béatement des angelots grassouillets  leur jouer, pour l'éternité, des cantiques à la flûte et à la harpe car cela doit être sérieusement longuet on peut espérer que si le paradis des marins existe autant que ce soit  plutôt la sérénité d'un lever ou d'un coucher de soleil sur la mer, le bonheur de l'ouverture des huîtres ou l'apéro dans le cockpit dans un beau mouillage ou un petit port sympa et aussi ces bords de près ou de portant  où la mer , le bateau et son équipage sont en harmonie. 

       Nous avons rendez vous à Sanary avec les petits enfants et leurs parents. Cette année c'est le tour des filles  et maintenant on connait la chanson : quand les petits enfants arrivent, plus la peine de prendre la météo , c'est mistral assuré. On les retrouve sur l'île des Embiez , où la majorité des bateaux en escale sont peuplés de Papys et Mamys qui accompagnent leurs petits enfants sur cette île si bien aménagée pour eux. Merci à paul Ricard. 

 

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        La croisière se limitera aux 4 milles qui séparent les Embiez de Sanary. Ce n'est pas grave car c'est bien connu ce n'est pas la nav qui passionne les enfants mais surtout l'escale avec la plage, les jeux et manèges, et autres friandises. Et en bonus cette année les mouflettes ont eu droit au feu d'artifice du 14 juillet et un embarquement sur un pointu de Sanary pendant leur parade.

        Les filles repartent et le mistral s'arrête. On en profite pour visiter les si belles calanques mais la réglementation pour les bateaux de plaisance y est devenue tellement contraignante que celà revient à une interdiction de s'y arrêter : autant le dire ouvertement qu'ils ne veulent plus des plaisanciers. Dommage qu'ils n'aient pas pris exemple sur Cabrera .

         Et donc tous les bateaux qui cherchent un mouillage se retrouvent au Frioul dans une certaine anarchie : on passe d'un excès à l'autre , c'est comme avec le vent local.

 

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         Pour la dernière étape entre le Frioul et Martigues la Méditérranée nous réserve sa botte secrète : Au petit matin au Frioul, purée de pois digne de la Manche au mois de novembre. On attend patiemment le milieu de la matinée que le chaud soleil et la brise évacuent cette grisaille et on lève l'ancre confiant mais à peine parti, un nouveau banc de brume encore plus dense nous accompagne jusqu'à Martigues : c'est un exercice qu'on avait plus pratiqué depuis longtemps , mais la cartographie électronique ça rend plus serein . Une sympathique soirée "sardinade" nous remettra de ces dernières émotions mais ce soir là, sur toute la côte de l'Estaque , les oreilles de ce fameux banc de brume ont dû lui siffler.

          Et voilà, mes quilles ont retrouvé leur place à quelques centimètres prés et à part Nénuphar qui  a déménagé , je retrouve mes voisins. 1560 milles pour revenir exactement à la même place? J'ai l'impression d'avoir tourné en rond sans avoir trouvé la sortie . Mais, même si la Med occidentale n'a pas pour nous le même parfum d'exotisme que la Med orientale c'est bien beau et pas si mare à canards que ça. Et pour me réconforter ils m'informent qu'ils vont se creuser les méninges pour trouver un chemin qui me ramène chez moi ; comment??? Mystère!!!!!! 

 

 

 

 

 

 

      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

Comme tu le dis, 2011 était ma dernière croisière : je vous remercie encore, Armelle et toi, de m'avoir permis cette dernière navigation. Petit rectificatif : la maladie de Charcot doit son nom à Jean Martin Charcot, neurologue, et non à Jean Baptiste (qui était son fils).

Je reconnais bien là ton esprit cartésien; mais pour faire plaisir au SUD on va dire que le papa Charcot avait aussi un bateau et était un peu marin.

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