Foudre en mer sur le mât

Foudre en mer sur le mât

Posté par : Guy
11 Novembre 2018 à 14h
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La foudre le 17 août 2018 au large d'Ibiza, tombée sur le mat de TAKK, Océanis 45

 

LE CONTEXTE : :

Chaque année, notre famille se réunit sur le bateau, pour au moins une semaine de navigation côtière . La famille , cela veut dire votre serviteur et mon épouse Catherine, Valérie et son mari François, Martin et son épouse Sophie. Depuis quelques années, elle s'est agrandie avec l'arrivée d'Adrien en 2014 et de Valentine en 2016, chez Valérie et François. Dès leur plus jeune age, les petits enfants passent donc au minimum une semaine par an sur le bateau. C'est à chaque fois l'occasion de passer tous ensemble de supers moments, la plupart du temps en cabotant de crique en crique et en mouillant le soir venu.

Cette année, la destination familiale de croisière était Ibiza, la seule île des Baléares que nous n'avions jamais visitée ; l'année dernière TAKK nous avait emmenés en Nord Sardaigne.

 

LE BATEAU :

Notre cher bateau, un Oceanis 45 nommé TAKK (« merci » en islandais, titre d'un magnifique album de Sigur Ros) est au point ( il est récent et nous avons fait changer sous garantie la bague de safran qui coinçait depuis quelques semaines, petite faiblesse fréquente chez Beneteau...) ; Je navigue régulièrement dessus bien qu'habitant à 1000 km, avec des amis ou mes proches ( entre 1000 et 1500 nm/an). TAKK est notre troisième bateau, après un premier Oceanis 37, puis un Oceanis 41 pour arriver à celui-ci. Au fur et à mesure que la famille s'agrandit, il a bien fallu s'adapter...

Avant nous louions pour une semaine, et c'est ce qui nous a donné le virus de la croisière familiale.

 

LA CROISIERE :

Le vendredi 3 août, nous appareillons direction Ibiza sans escale ( environ 280 nm). L'équipage se compose de Catherine et Guy et de Sophie et Martin. Valérie, François et leurs enfants nous rejoignent sur place par avion, comme chaque année depuis les naissances.

Après une traversée sans histoires et sans vent, mais néanmoins ponctuée de belles rencontres ( Dauphins, globicépahles..) nous arrivons en vue de l'Ile d'Ibiza, précédée par la petite Tago Mago, le dimanche 5 août au matin, pour mouiller Cala Boix , afin de récupérer les heures de sommeil car nous ne sommes que deux pour assurer les quarts.

Vu le prix et la disponibilité des places dans les marinas de l'île, nous jetons l'ancre le lundi 6 août devant la plage de Santa Eularia ( ou Eulalia), le port étant plein ( et trop cher...). Nous mettons une annexe à l'eau pour récupérer le reste de la famille, arrivée en avion, puis taxi ( ce n'est pas très loin). Cette bourgade est très pratique pour toutes sortes d'avitaillement, et nous y sommes retournés plusieurs fois pendant ces dix jours.

Au bout de ces dix jours, nous réservons une place dans une des marinas d'Eivissa, très proche de l'aéroport, car toute la famille, exceptée mon épouse et moi-même, reprend le même avion pour Lille, via Barcelone. Après une magnifique soirée dans le vieux Ibiza, le lendemain vendredi 17 à sept heures, tout le monde prend le taxi pour l'aéroport. Nous restons, Catherine et moi, seuls et prêts à appareiller pour le retour.

 

LE RETOUR :

Nous avons une bonne semaine pour retourner au Cap d'Agde, car Catherine reprend le travail le lundi qui suit. Notre programme est de remonter sur Majorque, viser une cala au sud ouest, non loin de Sa Dragonera, afin d'en repartir samedi pour Barcelone direct à 120 nm, puis remonter la côte jusqu'au Cap Creus et Cap d'Agde. C'est une grande première pour Catherine de faire une traversée de nuit seule avec moi. D'habitude, nous sommes plusieurs pour assurer les quarts, et Catherine ne se sent pas d'en assurer seule cette fonction, pendant que je me repose. Nous avons donc décidé que je dormirai dans le cockpit à côté d'elle la nuit, pendant son quart.

 

Nous appareillons donc à 8 heures du port d'Eivissa, marina aux prix exhorbitants en cette saison.

Le ciel est dégagé au dessus, mais un peu nuageux sur l'ouest. La météo ( Lamma Rette) nous donne peu de vent ( max 10 knts) et pas de mer. Meteo France parle d'orages au large, mais cela reste très imprécis et nous avions essuyé quelques orages au mouillage les jours précédents, sans aucune conséquence. C'est donc sans appréhension que nous remontons l'ile par le Sud Est, cap au 50°, moteur plus voile , car à cette heure là, les vents étaient encore couchés.

Vers 9 heures 30 , nous dépassons le nord de l'Ile, et avons soudain la vue sur l'horizon à l'ouest, entre Ibiza et Tagomago : le ciel a pris une couleur bleu-gris foncé, et barré d'éclairs de temps en temps. Je ne m'en inquiète pas plus que ça, car devant nous ( Nord Est), c'est dégagé et lumineux.

 

Mais rapidement je vois la mer changer d'aspect, et des moutons apparaissent au loin. Je rentre aussitôt les voiles ( GV et Genois sur enrouleurs). Bien m'en a pris, car un coup de vent nous est tombé dessus, passant de 6 knt à 30 knt en quelques secondes. Puis une pluie violente accompagne cette bourrasque, et la mer commence à se former de façon étrangement régulière ; Je suis rapidement trempé, bien qu'ayant mis ma veste de quart. La pluie arrive presque à l'horizontale, le Bimini et la capote étant alors peu efficaces. Catherine s'abrite dans le carré et vaque à diverses occupations de rangement bien nécessaire après ces dix jours en famille..

Le tonnerre gronde et se fait de plus en plus proche. De même, les éclairs. A ce moment là, je croyais encore pouvoir m'éloigner du cœur de l'orage, j'avais gardé le cap et accéléré en mettant le moteur à 2500 t. Mais c'est la nature qui commande...Au bout d'une demi heure, les éclairs et les coups de tonnerre se font de plus en plus proches et fréquents. Je commence à voir la foudre toucher l'eau à quelques centaines de mètres, dans un bruit fracassant à chaque fois. La répétition de plus en plus rapide commence sérieusement à me stresser. Je suis sous pilote automatique, « à l'abri » sous la capote. Au bout d'un certain temps, je suis persuadé que cela finira par me tomber dessus. En effet, avec un mat métallique de 20 mètres de haut au milieu de cette immensité , j'ai l'impression d'être comme une mouche dans un verre de lait !

Je ne vois plus la côte, pourtant pas si éloignée ( 6 ou 7 nm), mais de toute façon, je regarde vers le large, là ou l'horizon est encore un peu plus clair.

Crispé, sursautant intérieurement à chaque éclair, j'attends résigné le moment. Je suis assez angoissé car tout ce que j'ai pu lire sur la foudre en mer, je ne l'ai jamais réellement testé au long de ces dix dernières années. J'évite de toucher des parties métalliques, et je sais que mon épouse, en bas, fait de même. C'est la consigne que nous nous sommes donnés . D'habitude, nous mettons une chaîne autour du mat, bien serrée, puis la passons dans les haubans et la laissons traîner dans l'eau. Cette fois ci, je n'avais pas eu le temps de la mettre, il était maintenant trop tard.

 

LA FOUDRE, 10h45 :

Soudain, une lueur aveuglante accompagnée d'un bruit extrêmement sec et violent : je lève la tête pour apercevoir le nuage de fumée jaunâtre qui s'éloigne déjà du mât. Je n'ai même pas sursauté, c'était trop rapide ! Le temps de voir qu'il n'y avait presque plus rien lahaut, j'appelle Catherine par la descente pour m'assurer qu'elle n'avait rien. Physiquement, ça allait, mais pendant quelques secondes, c'était cris et pleurs. Très

rapidement, nous nous sommes repris, une fois le choc passé. Aucun de nous deux n'avions ressenti quoi que ce soit, pas de choc électrique, de cheveux qui se dressent, de brûlures, etc..

Le bateau avance toujours au même rythme, calé sur le pilote...Je reste dans le cockpit tandis que Catherine reste en bas. Nous évaluons les dégâts apparents :

Cockpit : plus d'écrans ( traceur B&G central, répétiteurs babord et tribord..) mais j'ai une grosse montée de stress quand je m'aperçois que la barre est bloquée ! Je n'ai plus la main, et je ne peux pas passer en stand-by car je n'ai plus aucune commande. Heureusement, au tableau électrique en bas, la diode rouge Navigation est allumée : Mon épouse coupe la nav et je récupère la barre ! Ouf ! C'est déjà ça !

Je ne décide pas tout de suite de rebrousser chemin : je voulais m'éloigner le plus possible de cet orage, qui ne se calmait pas du tout ! Je m'attendais à tout moment à recevoir un autre éclair.

Rapidement, on s'organise : Catherine à l'abri dans le carré passe des coups de fil : le concessionnaire Beneteau ( qui se contentera de nous donner le numéro de téléphone de celui d'Ibiza), l'assurance ( qui nous demande d'envoyer un rapport détaillé avec les dégats constatés..) et mon équipier favori et néanmoins beau-frère Jean-Philippe qui me conseille vivement de me mettre à l'abri en faisant demi tour !

En fait, le temps m'était apparu tellement long, et ne voyant plus la côte, j'avais l'impression d'être plus éloigné que je ne l'étais en réalité...)

Cap donc vers Ibiza, au compas pour commencer, en ajoutant 180° à mon cap précédent, puis avec la tablette sous Navionics, glissée dans une pochette étanche.

Pendant ce temps, Jean-Philippe appelle les trois ports de l'Ile : les marinas d'Eivissa, celle de San Antoni de Portomani, et celle de Santa Eularia, la plus proche ( environ 10 nm) : les trois refusent de m'accueillir.

Par chance, Jérôme et Ester,des amis en croisière dans le coin, sur leur Gib'sea 442 ZEF, avec qui j'avais traversé l'Atlantique l'année dernière, étaient à l'abri au mouillage à Santa Eularia : ils me conseillent de les y rejoindre, il y a de la place devant la plage et le port, et le vent est tombé.

Une heure et demi plus tard, nous y arrivons. L'orage s'est éloigné enfin.

Surprise, au moment de jeter l'ancre, plus de guindeau ...nous testons en même temps le propulseur...plus rien non plus. La plage arrière électrique : aux abonnés absents aussi...

Jérôme et Ester arrivent nous donner un coup de main et nous finissons par mouiller à la main.

On les remercie et au moment de couper le moteur, la commande ne fonctionne plus : le compte tour est bloqué à 2300 t, et plus aucune commende ne fonctionne. Ne connaissant pas bien la procédure d'arrêt de ce moteur, et n'ayant pas pu obtenir de méthode par le concessionnaire, je finis par couper en fermant l'arrivée de gas oil, ce qui prend un certain temps.

Je savais qu'en coupant le moteur, je ne pourrai plus le redémarrer, situation préoccupante au mouillage...

Malgré mon insistance, le port de Santa Eularia a toujours refusé de nous accueillir, par manque de place...

Heureusement, le concessionnaire Espagnol parlait français et a fini par nous envoyer un électricien, qui est arrivé vers 17 heures d'Eivissa. Au bout de deux heures, après avoir changé quelques fusibles et interchangé quelques relais, il résussit à nous rendre la commande de démarrage opérationnelle et nous pouvons lancer le moteur si nécessaire...Pour l'arrêter, il doit bien y avoir une autre méthode...

Nous passons une soirée à nous détendre sur TAKK avec nos amis. Nous sommes vendredi soir, rien ne se passera avant lundi, hélas.

Notre fils Martin, à peine atterri à Lille, reprend un vol et nous rejoint samedi soir sur le bateau. Catherine fait jouer l'assistance de l'assurance et rentre en avion le dimanche. Je reste seul avec mon fils, et nous commençons les investigations dans les entrailles du bateau.

J'envoie la déclaration de sinistre samedi matin, avec la liste assez longue des pannes constatées, dont l'alternateur, qui avait grillé. Notre bateau étant équipé de 300 w de panneaux solaires, nous avons pu tenir une semaine au mouillage, car sans eux et sans alternateur cela aurait été impossible..

 

A SUIVRE ( assurance, expert, réparations sommaires et retour sur le Cap d'Agde)

 

A Marcq en Baroeul, le 15 octobre 2018

 

Bonjour Guy et Catherine, nous aussi nous avons essuyé un énorme orage il y a 4 ans au retour des Baléares, ce fut impressionnant, Nous naviguions de concert avec un voilier ami et notre angoisse était la collision. Heureusement tout s'est bien fini, pas de foudre, pas de collision. je ne souhaite plus connaître ça. maintenant nous avons la "chance" de naviguer sous les grains dans la Caraïbe puisque nous résidons en Martinique. Cependant nous avons aussi gardé notre voilier au cap et y retournons tous les étés. Au plaisir de vous revoir ? Nicole et Gérard

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