Eco Arvik, ou voyager à l'écoute

Eco Arvik, ou voyager à l'écoute

Posté par : Webmaster
26 Novembre 2021 à 16h
Dernière mise à jour 26 Novembre 2021 à 17h
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Rencontre avec Eco  Arvik (Arvik, c'est la baleine Australe)

Il y a des équipages qui naviguent à l'écoute. Et pas que celle du génois. A l'écoute très  attentive   de leur environnement, de la biodiversité maritime et  surtout des grands cetacés.  Pendant que vous buvez votre Ti punch sur la plage, Clémence, Guénola et Charly    tendent une oreille sous-marine attentive dans l'espoir d'une recontre   avec une baleine à bosses  ou ramassent inlassablement le plastique qui souillent les plages du monde entier.

Du Cap vert à l'islande, leur motivation  à observer et protéger le vivant est restée intacte alors lorsqu'on les a recontrés au hasard d'une escale, on  se devait de rendre hommage à leur passion pour notre océan commun.  

STW:  Quelle est la genèse du projet Eco Arvik  ?

 

Eco Arvik: Avant d’acheter Arvik (un feeling , nous louions des bateaux, partant de plus en plus loin (Transgascogne, Transmanche, etc.), et de plus en plus longtemps. Toutes ces navigations nous ont permis de nous rendre compte de la réalité de la pollution plastique des océans actuellement : on apercevait toujours énormément de déchets… Lors de l’une de ces traversées, nous avons aperçu un ballon de baudruche, en forme de coeur, flottant à la surface, allant de vague en vague. Nous avons passé une heure à essayer de le récupérer, malheureusement sans succès ! Avec une simple gaffe à bord, c’est loin d’être évident de récupérer ce type de déchets.

Lorsque nous avons décidé d’acheter un bateau et de partir pour une boucle autour de l’Atlantique, ça a été une évidence de donner une finalité à notre voyage, d’essayer d’améliorer les choses à notre niveau. Nous voulions que notre voyage puisse avoir un impact positif. L’idée de nous intéresser aux cétacés est venue naturellement, d’autant plus que Charly était auparavant technicien son, et souhaitait essayer d’obtenir des enregistrements. De plus, notre parcours initial correspondait exactement à la migration des baleines à bosses ! Nous avons eu envie de transmettre ce que nous apprenions sur ces animaux fascinants et les menaces auxquelles ils font face, notamment aux enfants. C’est ainsi que c’est peu à peu construit le projet.

 

STW: Comment s'est passée la recherche des cétacés, les rencontres physiques et auditives ? Qu'en avez vous appris ?

 

Eco Arvik: Dès le début de notre voyage, nous avons généré des sorties en mer dans le seul but de pouvoir voir et/ou entendre des cétacés (baleines, dauphins, cachalots, etc.). Nous nous sommes rapidement rendus compte de la difficulté de cette mission ! L’observation des cétacés, c’est avant tout une question de chance. Nous pouvons parfois passer des heures en mer, à un endroit réputé pour abriter telle ou telle population de cétacés, sans apercevoir ne serait-ce qu’une nageoire… C’est parfois un peu frustrant ! On apprend à être patient ! En Guadeloupe, nous avons eu la chance de travailler avec Laurent de l’OMMAG et Nelly de Mon Ecole Ma Baleine, qui font de nombreuses sorties pour observer les baleines à bosses. Nous les avons accueilli à bord d’Arvik sur plusieurs sorties, et ils nous ont donné quelques conseils que nous avons par la suite pu appliquer ailleurs.

Nos plus belles rencontres avec des cétacés ont eu lieu pour la majorité alors que nous ne nous y attendions pas, comme ce fut le cas avec un groupe de cachalots au beau milieu de l’Atlantique, ou encore avec des baleines à bosses en Islande, dans un coin où on ne s’attendait pas à en voir ! La surprise de ces rencontres en ont fait toute la beauté.

Nous avions un hydrophone à bord, et nous avons réussi à enregistrer différentes espèces de cétacés : les entendre rajoute à la magie des observations ! Cela permet également de se rendre compte d’une menace bien particulière pour eux : la pollution sonore. Lorsque l’on a l’hydrophone à l’eau, on entend très bien le bruit des moteurs, ce dont on avait peu conscience avant. Ce bruit constant a un vrai impact négatif sur ces animaux qui communiquent énormément entre eux.

En 18 mois de voyage, nous avons énormément appris sur les cétacés, leurs modes de vie, les très nombreuses espèces différentes présentes sur notre parcours, et comment les reconnaitre, etc. Finalement, on est partis en en sachant très peu, n’ayant aucune formation particulière en biologie marine, et nous sommes rentrés en ayant accumulé pas mal de connaissances sur ces animaux.

 

 

STW:  Votre organisation était basé sur la sobriété en équipements: régulateur d'allure, pas de pilote électrique,  pas de moteur d'annexe, pas d'iridium. Si c'était à refaire, que retiendriez ou changeriez vous ?

 

Eco Arvik:   Nous avons préparé Arvik en cherchant la simplicité et la sobriété, que ce soit en équipements ou en énergie. Nous souhaitions avoir le minimum d’équipements, afin de limiter les coûts et les éventuelles réparations nécessaires.

Nous avons donc choisi d’installer un régulateur d’allure (nommé Hubert!) sur la jupe arrière, pour remplacer le pilote automatique, nous n’avions pas d’annexe mais un kayak gonflable 3 places, pas de frigo, un Rasberry comme ordinateur de bord, etc. Nous n’avons jamais regretté ces choix, cela nous ayant grandement simplifié la vie ! Nous n’avons jamais eu de soucis d’énergie, nos panneaux solaires produisant largement assez pour le peu dont nous avions besoin, à l’inverse de nombreux équipages ayant dû allumer le moteur en traversée pour alimenter le pilote et/ou frigo.

Notre régulateur d’allure nous a convaincu ! C’est un vrai apprentissage au début, et cela force à régler les voiles au mieux, mais il est particulièrement efficace, et tient la barre, de 5 à 35 nœuds, dans des mers parfois bien formées, et cela sans dépenser aucune énergie ! Sur un bateau, où l’énergie est comptée, c’est primordial, et toute économie est bonne à prendre.

Le kayak, lui, a parfaitement rempli son rôle d’annexe ! Nous pouvions être jusqu’à 4 adultes dedans, et nous avons transporté toutes nos courses/bidons d’eau/bouteille de gaz de 13 kgs grâce à lui. Qui dit absence de moteur d’annexe, dit également de nombreux soucis en moins…

Nous n’avions pas d’iridium à bord, trouvant cela trop cher, et pas forcément nécessaire. Durant toute la première partie du voyage, nous n’avions aucun moyen d’avoir la météo une fois loin des côtes et du réseau, et cela ne nous a pas manqué… Pour la transat’ retour, et encore davantage pour la traversée vers l’Islande, nous avons fait le choix de nous équiper d’un Garmin Inreach, nous permettant d’envoyer des textos à un contact à terre, qui nous donnait la météo si besoin. Ça a très bien fait l’affaire !

Bien évidemment, ces choix un peu particuliers ne peuvent pas convenir à tout le monde, mais nous n’avons aucun regret de notre côté, et si nous devions repartir, nous équiperions le bateau de la même façon.

 

STW:Vous avez également géré avec soin votre  alimentation et vos déchets. Quel bilan après un an ?

 

Eco Arvik:  Nous avons adopté un mode de vie zéro déchets, que nous avons gardé sans trop de difficultés sur la totalité de notre voyage. Comme nous habitions à bord depuis déjà quelques temps avant notre départ, nous avons pu prendre le temps de trouver les bonnes solutions. Nous faisions l’essentiel de nos courses de frais dans les marchés locaux, et faisions de gros avitaillements de vrac/grandes quantités lorsque c’était possible. Nous avions également de nombreux bocaux stérilisés, préparés avant le départ par nous et nos proches. Nous produisions très peu de déchets non recyclables : ainsi, sur la transat’ retour, après 23 jours de mer, notre poubelle ne pesait que 750g, à 4 à bord !

Au départ, nous avions également un bokashi dans un seau de 5 litres, mais cela n’a pas fonctionné sur la durée : le seau était trop petit pour les quantités de déchets organiques que nous produisions, et ceux-ci n’avaient pas le temps de véritablement se décomposer. Nous avons donc utilisé ce seau comme simple stockage de compost, que nous jetions au large, loin des côtes.

Pour limiter ses déchets, il faut du temps : en effet, à bord, nous cuisinions énormément, faisant notre pain, nos gâteaux secs, nos biscuits apéro, etc. Ce n’est pas forcément tout le temps possible à terre, avec un travail, des enfants,… Mais c’est un mode de vie qui nous convient et que nous aimerions conserver un maximum, même maintenant, une fois rentrés.

Comme ce mode de fonctionnement demande un peu de recherche et d’organisation, nous avons créé une carte collaborative dédiée aux plaisanciers, et permettant d’indiquer toutes les bonnes adresses permettant d’adopter un mode de vie zéro déchets à bord : marchés locaux, boutiques de vrac, poubelles de recyclage, etc. On espère que cette carte pourra servir à d’autres !

STW: Votre regard sur l'environnement    à t-il évolué ?    La pollution, les climats sociaux aux escales, les rencontres marquantes: Qu'en retenez vous ?

 

Eco Arvik: En 18 mois de voyage à la voile autour de l’Atlantique, nous avons noté de la pollution plastique partout où nous sommes passés. L’origine principale de celle-ci varie selon les endroits : industrie de la pêche pour les régions nordiques (Ecosse, Islande…), déchets de consommation courante aux Canaries, aux Antilles, ou aux Açores. Lors des traversées, nous avons là aussi observé de nombreux déchets plastiques : aucun endroit ne semble être vierge de plastique, même en pleine mer ! Si ce constat est parfois démoralisant, nous avons aussi eu le plaisir de noter qu’il y avait toujours des initiatives locales luttant pour la protection de l’environnement. Que ce soit pour protéger les cétacés et autres animaux marins, pour nettoyer les plages, ou pour sensibiliser les enfants aux différentes pollutions, nous avons toujours rencontré des associations ou individus engagés avec lesquels échanger sur les problématiques locales.

Nous avons ainsi rencontré Zoé aux Grenadines, qui nous a parlé de la difficulté des petites îles à gérer les déchets ramenés par les plaisanciers en l’absence de structures spécialisées, ou encore Nelly et Laurent en Guadeloupe, qui cherchent à protéger les cétacés, via des observations et la sensibilisation des enfants. En Islande, nous avons fait des rencontres très fortes avec de nombreux locaux, comme Gisli, qui a acheté un petit voilier sur lequel il souhaite vivre, en l’équipant de manière minimaliste et sans émission de carbone, ou encore Svafar, pêcheur sur une petite île au nord du cercle polaire arctique, et qui nous a parlé des changements de législation depuis le début de sa vie professionnelle.

Nous avons également rencontré beaucoup de bateaux copains tout au long de notre trajet, dont certains portaient également des projets à visée environnementale ou sociale. C’est plutôt positif de prendre conscience de toutes ces initiatives différentes, plus ou moins grandes, qui cherchent à changer les choses !

STW: Quels retours d'expérience avec Camille Etienne, la jeune activiste  montante de la scène ecologique française que vous avez embarquée pour l'Islande  ?

 

Eco Arvik:   En juin 2021, nous avons fait un détour d’une dizaine de jours pour rejoindre Brest depuis les Açores, afin d’embarquer trois    jeunes qui partaient en Islande pour tourner un documentaire sur l’urgence climatique : Camille Etienne, activiste, Jade Vergnes, artiste, et Solal Moisan, réalisateur. Aucun d’entre eux n’avait jamais mis les pieds sur un voilier, mais ils cherchaient à rejoindre l’Islande sans prendre l’avion. Nous sommes tombés sur leur annonce un peu par hasard, et après plusieurs échanges, avons décidé de les emmener avec nous ! Nous avons traversé directement depuis Brest vers Reykjavik, une navigation de 13 jours, avec beaucoup de près, dans une mer parfois bien agitée ! Malgré quelques vomissements  au début, nos trois    équipiers inexpérimentés ont fait preuve de vaillance, et ont tenu le coup jusqu’à l’arrivée. C’était la première fois que nous étions aussi nombreux pour une traversée, il a donc fallu adapter un peu notre organisation des quarts et de la vie du bord. Les conditions météo dans ce coin de l’Atlantique ne sont pas tout le temps simples, mais nous avons eu beaucoup de chance : le vent n’a jamais dépassé les 25 nœuds, et les averses ont été très ponctuelles. On a découvert les quarts de nuit sans obscurité, grâce au soleil de minuit ! On a également été bien gâtés question cétacés : ce fut la traversée sur laquelle nous en avons croisé le plus, au moins une fois par jour ! De nombreux globicéphales, des baleines de Minke, des rorquals communs, etc. Un vrai bonheur !

La navigation n’a pas été facile, ni pour eux, ni pour nous, mais le défi a été relevé et réussi. C’était intéressant d’échanger avec Camille sur son activisme et ses projets futurs, et pour elle, ce fut une vraie découverte du milieu marin et des problématiques particulières auquel il fait face.

 

STW:  Quels projets futurs pour le projet Eco Arvik après cette année ?

 

Eco Arvik:   Nous sommes aujourd’hui rentrés en Bretagne, et le bateau est en cours de vente (vendu !). Nous avions acheté Arvik en 2018 pour ce projet, il est donc temps pour nous de nous en séparer ! C’est aussi le moment pour nous de faire un vrai travail de sensibilisation, notamment via des interventions auprès des scolaires, afin de transmettre ce que nous avons appris de ce voyage. Charly et Guénola souhaitent également monter un petit documentaire sur notre voyage, les rencontres que nous avons faites, les menaces qui pèsent actuellement sur les cétacés, etc.

Par la suite, nous souhaitons  racheter un bateau, plus petit, de construction plus solide que notre Feeling, pour ensuite repartir vers des contrées encore plus au nord que l’Islande, comme le Groenland ou le Svalbard. Nous montons un nouveau projet dédié à la protection des océans !

Pour ma part (Clémence), 18 mois de voyage à la voile ne m’ont pas vacciné contre le virus de la vie en mer ! C’est un mode de vie qui me convient bien, et j’aimerais donc beaucoup repartir également, même si je n’ai pas encore défini le cadre de ce prochain voyage.

Il faut également penser à remplir la caisse de bord avant de pouvoir repartir de nouveau !

STW: Merci Clémence, on vous souhaite la plus belle des réussites dans votre futur projet.  

Vous pouvez rester connecté   à  leur projet sur  https://ecoarvik.com/

 

Clémence, Guénola et Charly

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