Jusqu'en Turquie

Posté par : Philippe
14 Diciembre 2015 à 06h
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Nous avons quitté notre amarrage "extraordinaire" avec beaucoup de mal... Nous avions fait le tour de la ville, vu la "tour de l'horloge" et la fenêtre météo prédite est là!
Dernière soirée à Poros avec deux couples de Français rencontrés au distributeur de billets de la banque... Mathieu a travaillé à Nouméa un an sur le bateau cablier "île de Ré" stationné en face de la maison des artisans, le lien était facile. Merci pour tous les renseignements!
Adrien est fou de pêche: il faut toujours mettre la ligne de traîne. D'ailleurs depuis la Sicile les poissons nous ont un peu oublié... Les mêmes leurres mais pas les mêmes effets! Un dossier à travailler... Aucun voilier ne semble prendre quoi que ce soit! Surpêche semble-t-il... Par contre beaucoup de pêcheurs à la ligne sur les quais, alors bien sur petite canne à pêche pour Adrien! Souvenir de Poros.

Levés tôt, préparation habituelle du bateau et Vanessa à la barre. Elle devient très compétente! Il fallait sortir d'un créneau, un autre catamaran s'étant amarré juste devant nous: départ en marche arrière avec appui sur une défense et sur la pointe arrière (amarre arrière), puis quand l'avant du bateau est dégagé du bateau de devant on peut avancer. Demi-tour dans le chenal et on est parti. Il faut que je fasse gaffe à ma place... Pas de vent, pas de vague donc pas de problème. Voilà nous sommes partis pour la prochaîne île: Kythnos. C'est notre dernière grande traversée obligatoire, 50 nautiques. Météo prévue: beau temps, 10 à 15 noeuds de travers jusqu'à midi, puis on risque de traverser le centre de l'anticyclone, donc pas de vent... 
La météo avait vu juste et l'on a fait un TP (travaux pratiques) de météo: vent sur tribord au départ, 12 noeuds de travers, le bonheur: on file à 7 ou 8 noeuds en mangeant.... Puis le vent disparait progressivement jusqu'à devenir nul puis repart sur bâbord deux heures après. Comme on nous l'apprend à l'école!

Dans un système anticyclonique (A sur les cartes et D pour les dépressions) le vent tourne autour du centre dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère Nord. Quand on est d'un côté de l'anticyclone on reçoit le vent sur la droite, on traverse l'oeil de l'anticyclone (le centre), pas de vent au milieu puis on sort de l'oeil et on recoit le vent sur la gauche.

  
 

Puis comme on est dans la météo pour que vous sachiez tout il y a une loi que j'adore (je ne sais pas pourquoi, peut-être son nom) et je ne résiste pas à vous la faire connaître, juste pour le plaisir:
⦁    Loi de BUYS-BALLOT : dans l’hémisphère Nord un observateur face au vent a l’anticyclone à sa gauche
 Donc il vaut toujours mieux partir à gauche. Un anticyclone est toujours plus "agréable" qu'une dépression: il peut aussi y avoir du vent mais au moins il n'y aura pas de pluie! Dans l'hémisphère sud tout est inversé. 
Voilà et on dit que la météo c'est compliqué?

Nous finissons au moteur pour arriver à la nuit tombante dans le mouillage de Kolona: c'est une baie ouverte à l'Ouest et fermée par une langue de sable qui la sépare de la baie de Fikiadha. Les deux baies sont comme deux croissants dos à dos. En fonction du vent on choisit sa baie! Nous sommes très bien abrités, eau transparente, jaccuzi naturel avec source d'eau chaude, un seul autre bateau à plus de deux cents mètres... Le monde est à nous! 

Nous restons deux nuits dans ce décor grandiose, juste entourés par les poissons et les oiseaux. L'eau de mer est un peu fraîche et seule Vanessa arrive à se baigner. Nous adorons ces moments de solitude en famille en pleine nature. 

Mais il faut avancer, la saison d'hiver approche à grands pas. Un coup de vent arrive samedi soir et nous allons nous abriter dans le petit port de Loutra sur la côte Nord-Est de Kythnos. Les 15 milles sont vites avalés et nous nous amarrons "alongside" sur le quai Est. Il n'y a que quelques bateaux de pêche, pas un seul voilier. Le village est pratiquement désert. Nous avons l'impression d'arriver dans "une carte postale" en hibernation: personne dans les rues, les maisons blanches, les volets bleus, l'eau du port transparente: la Grèce comme on l'a vue dans les livres et les guides touristiques. 

La taverna recommandée par tous les forums est en travaux. Nous y allons quand-même et faisons la connaissance d'Alceste. Elle parle Français ce qui facilite grandement les contacts! Elle est désolée de ne pas pouvoir nous acceuillir. Nous lui commandons un plat pour le soir, des encornets farçis et allons manger des fritures dans l'unique taverna ouverte. Vanessa se charge des formilatés du port, 10 euros par jours électricité et eau compris. C'est la Grèce!
Le village est une station balnéaire qui ferme début novembre et réouvre en mars. Il ne reste qu'une cinquantaine d'habitants l'hiver. Nous avons une vision privilégiée de cet endroit, sans la foule de l'été, des contacts beaucoup plus forts: nous sommes les uniques touristes. Le soir sur le quai quelques pêcheurs de calamar tentent leur chance jusqu'à tard dans la nuit. Nous leurs offrons un thé, il ne fait pas très chaud. Cela a vraiment du bon de voyager à contre saison!

Alceste nous propose de nous emmener à une fête Samedi midi. Nous acceptons bien sur avant même de savoir de quoi il s'agit! En arrivant à sa taverna nous apprenons les attentats de Paris. Elle nous mets les infos en Français, geste délicat. Une fois de plus l'inimaginable pour nos esprits c'est produit! Nous n'arrivons déjà pas à accepter la mort par maladie alors quand elle est provoquée... Que de souffrances! Notre impuissance "individuelle" face à ces actes est totale mais ils nous font beaucoup réfléchir, alimentent les conversations. J'ai du mal à écrire ces lignes, notre bonheur semblant presque indécent dans ce monde!

Nous partons en voiture dans la montagne par une piste à peine carossable. Nous arrivons à une minuscule chappelle sur un sommet. Il y a une vingtaine de personnes dans une petite pièce à côté de la chappelle, deux musiciens, violon et cithare, tout le monde chante, mange, boit... Nous disons bonjour. Ils ont l'air aussi surpris de nous voir que nous d'être là. Nous suivons Alceste et Anna-Maria, sa copine, et comme elles allons mettre deux cierges dans la chappelle, laissons un billet de 5 euros. C'est la coutume. 
Nous sommes dans une chapelle orthodoxe, au sommet d'une montagne, perdue dans la nature de Kythnos. C'est une île sans arbre: du maquis à perte de vue, la mer en bas et les îles voisines à l'horizon: Kea, Andros, Yairos, Tinos, Siros... Aujourd'hui 14 novembre c'est la fête du Saint-patron de la chapelle: Philippos. Alceste n'a sans doute pas résistée à ce petit clin d'oeil: je m'appelle Philippe... Tous les paroissiens viennent me voir, me parlent en Grec que je ne comprends absolument pas. Je souris sans doute un peu bêtement car j'imagine qu'ils me disent des choses gentilles... Deux ou trois parlent un peu l'anglais, on se comprend quand-même un peu. 
Puis on mange un ragout de mouton, des boulettes de viande, des côtes d'agneau grillées au barbecu, des légumes et pleins d'autres plats tous aussi bons les uns que les autres. On porte des toats toutes les 10mn avec du vin local ou une sorte de gnole assez forte, un truc qui râcle bien le gosier, un peu raide au palais... Mais si gentillement offert qu'on finit par le trouver bon, le degré d'alcool aidant sans doute un peu...! Le violon et la cithare sont à "donf", tout le monde chante à tue tête, danse, farandole autour de l'église... C'est la fête! Puis arrivent les desserts: gateaux ruisselant de miel... Choses étonnantes on arrive encore à manger...
Vers 18h il est grand temps de rentrer... tout au moins pour moi. Vanessa est plus raisonnable... Nous avons promis de revenir l'année prochaine avec du vin français... Il va falloir que l'on tienne parole malgré que cela puisse ressembler à une promesse d'ivrogne! On ne peut plus louper Saint Philippos à Kythnos!
 
Nous avons passé une super journée avec des gens de l'île, la plupart des paysans. Leur gentillesse et leur générosité sont extraordinaires. Malgré la barrière de la langue le message passe... Cela fait beaucoup de bien de rencontrer ces personnes sincères, authentiques... Il y a des jours comme cela où l'on sait pourquoi l'on fait ce voyage, pourquoi ce mode de vie nous plaît, pourquoi l'on a peut-être aussi les yeux qui brillent quand on en parle... Il faut sans doute le vivre pour le comprendre totalement.  Nous n'imaginions pas ce côté humain du voyage avant notre départ. C'est à nos yeux un des côtés majeur. C'est la compensation des moments difficiles...

Le lendemain matin Alceste vient nous chercher pour aller à la "capitale" de l'île, la chora, qui s'appelle "Chora". C'est un petit village au centre de l'île. Nous partons ensuite vers le port des ferrys, Merikhas, où se trouve le super marché assez bien achalandé et pas si cher que cela malgré l'insularité. Nous trouvons le yaourth de brebis et achetons un pot de 5kg: 15 euros... C'est un minimum vu notre consomation... Puis nous finissons le tour de l'île dans le village de Kanala (he oui ici aussi, il n'y a pas qu'en Nouvelle-Calédonie!) qui celui là est charmant, accueillant et possède un petit bois de 3000 arbres offerts par le père d'Alceste à l'église du village. Les arbres sont très rares sur Kythnos et quand il y en a un il est tellement couché que l'on voit tout de suite d'où vient le vent dominant... Les montagnes sont couvertes d'un maquis assez ras, type "provencal" avec du thym, de touts petits arbustes... Des plantes aptes à résister au vent violent du Nord, très fréquent, qui ballait les Cyclades avec un paroxysme en juillet et août, le redoutable "Meltem" qui rend la navigation délicate... 
Nous déjeunons sur la terrase d'une petite taverna tenue par un ami d'Alceste, cuisinier et peintre... Vue splendide sur la mer, le village et les îles voisines. Calamari, boulettes au fromage et sésame et salade Grecque au menu, le tout arrosé d'ouzo, une sorte de pastis local qui se boit pur. Juste un glaçon qui le fait un peu blanchir. Le verre d'eau est servi à côté. Repas Grecque typique, pris à l'heure Grecque, c'est à dire pas avant 14h!
Encore une superbe journée grace à Alceste. Les rencontres sont primordiales dans notre voyage. 
La fenêtre météo est bonne pour demain, nous partons. Les adieux sont toujours un peu déchirants. Dire que l'on ne connaissait pas ces gens il y a 5 jours. Anna-Maria nous donne des clémentines, de la confiture, du fromage fait par sa belle-mère, des légumes de son jardin, des piments, un bijou fantaisie pour chacun de nous... Alceste apporte des confitures, de la fetta... Elles nous ont permis de découvrir le vrai visage de Kythnos, loin des chemins touristiques... Merci à toutes les deux!

Le vent est capricieux, souffle par "bouffée" d'un quart d'heure atteignant 10 noeuds, molli un autre quart d'heure puis  reprend...mais il est plein travers, la meilleure allure pour un catamaran comme le notre! Grande voile haute et code zéro nous font filer à 7 noeuds dans les meilleurs moments, le bonheur! Mais comme toujours le bonheur n'est pas éternel... et le vent tombe définitivement, laissant une mer totalement lisse...   Les moteurs reprennent du service à ma grande déception! Nous passons Ermoupolis, la capitale de Siros. La ville aux deux cathédrales (orthodoxe et catholique) et à l'historique chargé. Le port est réputé "compliqué", avec beaucoup d'activité de ferrys, des places pour les voiliers males abritées... Nous ne pouvons pas nous arrêter partout et nous continuons notre route au milieu des barques de pêcheurs...

Nous arrivons à Mykonos, le Saint-Tropez Grecque. Il y a une nouvelle marina un peu en dehors de la ville, obligatoire pour les plaisanciers. Il faut appeler en VHF le canal 12 . Nous avons toutes ces informations grâce au guide Imray qui décrit avec photos et plans à l'appui tous les endroits où un voilier peut aller. C'est indispensable à bord. Il faut juste avoir celui du pays où l'on est, c'est plus pratique... Certains pays ont deux tomes... Ne pas faire comme nous et ne prendre qu'un seul tome, comme en Grèce... Mais celui qu'il nous faut aujourd'hui on l'a, tout va bien!
Vanessa toujours attitrée à la VHF fait encore merveille et un employé de la marina nous aide à amarrer malgré notre arrivée à la nuit tombée. Il ne traîne pas... Nous sommes "alongside", le port est vide, un seul autre voilier... La place ne me plaît pas trop car il est prévu du vent du Sud qui nous collera contre le ponton, mais c'est le seul quai qui a des pendilles, alors je prends quand-même... Pas d'eau, pas d'électricité malgrè des bornes toutes neuves... Le port vient visiblement d'être construit.
Nous nous réveillons dans un port neuf mais qui semble avoir été abandonné avant d'être fini... Nous partons vers le village à pieds car les navettes s'arrêtent le 30 Octobre. Cela a aussi des inconvénients d'être à contre-saison... 40mn de marche avec la poussette, qui nous font le plus grand bien! Nous arrivons dans un village très beau mais désert. Tous les magasins sont fermés, seuls trois bars-restaurants sont ouverts sur le quai du port de pêche, un peu de monde aux terrasses. Nous allons nous perdre dans le village et tombons nez à nez avec un pélican qui déambule tranquillement... Des ruelles très étroites, des murs blancs, des volets et des portes bleus, très beau décor mais désert... Au moins on peut faire les photos tranquillement! Nous allons jusqu'aux moulins à vent qui dominent la mer. 
Retour au bateau dans le port désert. Seuls deux canards nous ont adoptés, Vanessa et Adrien les nourrissent constamment, ce qui avec des canards crée visiblement des liens très forts! Les ferrys sont de l'autre côté de la jetée, un point positif quand-même dans ce port. Je le regarde manoeuvrer, c'est impressionnant: ils arrivent à fond, se mettent cu au quai, enclenchent la marche arrière, jettent une ou deux ancres suivant le vent dans un bruit d'enfer et le tour est joué!
Le vent prévu se lève, plein Sud, nous sommes abrités par la jetée mais un clapot rentre dans le port. Le bateau bouge un peu, vient contre le quai et s'écrase sur les défenses. La nuit est "moyenne"... 

Le matin je prends une troisième pendille que je mets sur le taquet d'amarrage du milieu du bateau, côté mer et je la tends au maximum avec le winch. Je mets toutes les défenses du côté du quai, au cas où le vent forcisse... Le bateau s'écarte du quai et les défenses sont épargnées. C'est beaucoup mieux pour le bateau et nous partons pour visiter Delhos. C'est une ville antique sur l'île voisine de Mykonos qui est inscrite au patrimoine mondial, à ne pas louper selon le guide et les différents forum. Interdit de naviguer autour, donc il faut prendre une vedette locale. Après 40mn de marche nous arrivons à l'embarcadère dans le vieux port, guichet fermé... Pas bon... On demande, la réponse est directe "Pas assez de touristes, pas de navette aujourd'hui, peut-être demain...". On retourne se promener dans Mykonos, les ruines ça sera pour une autre fois... Il est trop tard pour partir, la prochaine étape fait 40 nautiques! Petit passage par la plage où nous allons jeter des galets dans l'eau avec Adrien. nous nous asseyons sur les galets... et le téléphone portable dans ma poche arrière de jean se retrouve avec un écran "étoilé"...  il fonctionne quand-même... Retour au bateau, qui bouge un peu plus. Je retends les amarres. La nuit tombe très tôt actuellement. A 17h30 il fait nuit noire. Alors nous avons institué le cérémonial du film du soir ou une séance de visionnage des photos après avoir mangé : on installe l'ordinateur sur un petit tabouret au bout du lit et nous nous blotissons bien au chaud. Adrien adore, plus question de dormir sans cela!
Vers 2h du matin nous sommes réveillés par les mouvements du bateau. Le vent a tourné et ce n'est plus un clapot mais carrément des vagues dans le port! Cela me rappel Zakinthos en moins fort, notre première nuit mémorable en Grèce! Mauvais souvenirs... Le bateau vient régulièrement s'écraser sur les défenses, les pendilles semblant ne plus servir à grand chose bien qu'elles soient bien tendues. Pas de danger pour le bateau tant que les défenses sont là... mais c'est "inconfortable", surtout dans ma tête... Impossible bien sur de me rendormir dans ces conditions et je passe la nuit dans le carré... Vanessa me tient compagnie quelques temps, Adrien dort. Je me promène sur le pont de temps en temps, toujours du vent fort. Mes deux canards sur le quai semblent monter inlassablement la garde mais n'ont pas beaucoup de conversation... Le jour se lève enfin, je reprends la météo: toujours 30 noeuds d'annoncés... On est si mal sur ce quai que l'on décide de partir quand-même! Nous ne supportons plus de voir le bateau se fracasser contre les défenses. Nous ne voulons même pas imaginer ce qui ce passerait si elles éclataient vu la pression qu'elles subissent à chaque vague: plus de bateau car après c'est le quai... et fin du bateau et du voyage... C'est étonnant comme on peut "gamberger" vite dans ces situations...
Quai sur lequel il y a une grosse bande en caoutchouc noire censée protéger le bateau: en réalité elle sert surtout à maculer nos belles défenses toutes blanches d'un gris-noir douteux... Défenses qui tournent sur elle-mêmes et font d'autres grandes traces noires sur notre belle coque blanche... Enfin tout baigne et on ne peut être que mieux ailleurs! Alors on y va!
Vanessa s'est bien mise à la météo, la comprend et surtout notre expérience lui permet de savoir ce que l'on va vivre en fonction de l'état de la mer. Nous en parlons avant chaque départ, je lui montre les cartes de prévisions et maintenant nous prenons les décisions à deux. C'est beaucoup mieux.

Je prépare le bateau puis briefing de départ. Les moteurs chauffent car on va être obligé de tirer un peu dessus. A froid c'est pas bon... 

Le vent et les vagues nous collent au quai et la jetée est en face donc départ difficile. Il faut nous décoller du quai en s'appuyant sur les défenses et sur l'amarre arrière. Vanessa sera à la barre: moteur babord arrière léger et tribord avant, ainsi le bateau va reculer. Je positionnerai une défense à l'arrière extrême du bateau. Vanessa accélèrera le moteur babord et quand le bateau aura pivoté en s'appuyant sur la défense je larguerai la dernière amarre. Alors Vanessa fera avant avec les deux moteurs. Je m'occuperais des défenses et des amarres ce qui est beaucoup plus physique. C'est la théorie... Pour la pratique Vanessa répète les mouvements des manettes de commande des moteurs... et pour moi le couteau de cuisine n'est pas loin... 

J'enlève les premières amarres: les noeuds de chaise (type de noeud servant à "attacher" l'amarre sur le taquet du bateau et facilement défaisable) ont été très "tendus", sont mouillés et sont difficiles à défaire. Comme quoi la théorie... Mais tout va bien avec quelques efforts. Mes mains depuis 6 mois se sont entraînées et se sont "un peu modifiées"... Elles sont devenues plus rugueuses à manier ces cordages, j'ai l'impression d'avoir des doigts "épaissis"...  Et j'ai oublié mes mains de chirurgien-dentiste... C'était il y a bien longtemps, un autre monde, une autre vie...
Mais ce n'est pas trop le moment de philosopher... 

Je largue la dernière amarre avant qui restait et je donne le signal de départ à Vanessa: les moteurs montent en régime, je positionne la défense arrière sur laquelle le bateau va s'appuyer. Le bateau commence à reculer, l'amarre se tend... La défense roule sur le flanc du bateau et avance un peu trop... Le bateau vient se plaquer sur cette unique défense que je n'arrive plus à changer de place... Le moteur babord monte en tour, Vanessa voit bien que le bateau ne pivote pas assez. Il semble collé au quai et elle me crie dans le vent "T'as pas oublié une amarre???". 
Je pourrais trouver cela comique mais je n'ai vraiment pas envie de rire... 
Je lui crie "Plus fort avec bâbord" en m'accrochant à l'amarre avec une main et en essayant de maintenir la défense de l'autre... Le bateau s'agite dans tous les sens et les défenses côté tribord s'écrasent contre le quai... Je suis sur la juppe arrière en équilibre plutôt instable... Pas terrible... 
Voilà le bateau commence quand-même à se dégager du quai, le moteur arrière semble à fond... L'amarre est tendue. La défense est trop en avant de 20cm mais est complètement coincée. Je ne peux pas aller en chercher une autre tout seul... Le bateau est bien dégagé maintenant. La manette bâbord passe vers l'avant, je largue l'amarre en la reprenant le plus vite possible: ce n'est pas le moment de se la prendre dans l'hélice... Et là je mets les deux mains en lâchant la défense qui bien sur se décoince juste quand je finis de ramener l'amarre... Je me précipite pour récupérer la défense  mais je ne peux l'empêcher de rouler un peu plus vers l'avant. L'arrière du bateau touche la bande en caoutchouc: petit craquement... toujours sinistre... je regarde vite: juste un petit éclat de gel coat que je venais juste de refaire et de polir qui a sauté. Pas grave, on s'en sort pas trop mal... juste quelques de polissage à refaire... Nous sommes dans le chenal du port et cela va beaucoup mieux qu'à quai...
Vanessa est toujours sous le coup de l'émotion du "craquement". Tout va bien, je monte la rassurer pendant qu'elle nous sort du port. Les vagues grossissent, je rentre vite les défenses. 

Nous sommes tous les deux soulagés et surtout beaucoup mieux en mer qu'à quai. Chose que nous n'imaginions pas au départ nos plus fortes angoisses ont été à quai... 
J'étais un peu naïf et je faisais confiance aux ports, pensant qu'ils nous abriteraient tous... Grossière erreur... Il y a des brêles dans tous les métiers mais les ingénieurs qui font les ports ne doivent pas être les plus mauvais dans ce domaine... quelque soit le pays! Ou alors ils font exprès, ou n'ont pas le budget...  Mais le nombre de port où il y a du clapot, qui sont à la limite dangereux sur certains vents est impressionnant: Mykonos est très bien par vent de Nord mais à éviter absolument par vent de Sud et d'Ouest...

Nous passons sur la côte Nord-Est et nous nous retrouvons sous le vent de Mykonos: un calme salvateur, une mer plate malgré le vent... Il semble qu'il y a une éternité que nous n'avions pas eu ce calme... Que c'est bon! (une île bloque le vent et les vagues quand on est du côté de l'île qui ne reçoit pas le vent: on dit que l'on est "sous le vent de l'île". du côté qui reçoit le vent on dit que l'on est "au vent"). Nous mettons le pilote automatique et restons tous les deux assis au poste de barre pendant au moins dix minutes, un peu abasourdi par ce calme...

Mais le bateau avance et nous allons bientôt sortir de la zone abritée. Il y a un mouillage possible au Nord de Mykonos, mais maintenant que nous voyons la zone non protégée cela n'a pas l'air terrible... On décide d'y aller, prochaine étape sera l'île d'Ikaria à 40 nautiques...

Vanessa reprend la barre, se met face au vent, on envoie la grande voile: maintenant elle est totalement rodée à cet exercice, plus besoin de se parler. On forme une vraie équipe! Je prends trois ris, c'est peut-être un peu excessif mais le manuel d'utilisation du bateau fait prendre le troisième ris à 35 noeuds... on est à 30... on va quand-même éviter d'abuser des manoeuvres... et profiter que l'on est dans une zone abritée des vagues. Je range la drisse de grand-voile (le cordage qui permet de monter la voile). Vanessa prend le cap et se retrouve accrochée à la barre en me criant "il part tout seul j'arrive pas à le tenir!!!" Je fait vite le tour des écoutes: j'ai oublié de choquer (laissé du mou) l'écoute de grand voile (le cordage qui permet de positionner la grand voile). Vu le vent le bateau démarre en loffant (en allant vers le vent) à la première rafale... Je choque sur le champ et la barre redevient efficace. Là je rigole franchement, Vanessa un peu moins: cela doit être nerveux... Je déroule un peu de solent (la voile d'avant sur enrouleur peut être plus ou moins déroulée à volonté ainsi on choisit la surface de la voile exposée au vent) et le bateau file 6 noeuds sur le champ. Nous coupons les moteurs: c'est toujours le meilleur moment à bord d'un voilier: nous retrouvons notre bateau comme on l'aime, sous voile, vivant!
Nous sortons de la zone abritée et le bateau accélère avec un vent plein Sud que nous recevons de travers. c'est l'idéal pour un catamaran. Je mets le pilote et je régle les voiles au mieux. 20 noeuds, 25 noeuds de vent... Le bateau accélère franchement, c'est super! Nous passons la journée entre 20 et 30 noeuds de vent en filant 8 à 10 noeuds constamment et nous avons trois ris... A cette vitesse Ikaria apparait puis grossit rapidement. Le bateau se comporte merveilleusement, passe bien les vagues, ne tappe pas... L'impression de vitesse est superbe: c'est la première fois que nous naviguons aussi longtemps avec un tel vent, on va finir par aimer... même ma femme apprécie! Je n'arrive pas à y croire! Moi qui faisait tout mon possible depuis le début du voyage pour éviter cette situation!!! Elle semble être mieux que par 10 noeuds de vent. Adrien devant l'ordinateur est très occupé par un film et reste totalement étranger à nos états d'âme et considérations voileuses...

Nous atteignons Ikaria vers 13 heures et passons sous le vent de l'île. La mer devient plate mais de grandes vallées laissent passer le vent de temps à autre et le bateau accélère d'un coup. Il vaut mieux être un peu vigilant, le vent passant de 5 à 30 noeuds en 10 secondes! On apprend vite à gérer l'écoute de grand voile, même sous trois ris...

Nous sommes maintenant dans les "Sporades de l'Est" et il y a des arbres sur l'île, voir des forêts ce qui nous change et donne un tout autre aspect, très vert, plus attrayant que le maquis des Cyclades où l'on avait un peu oublié cette couleur. Quelques maisons blanches sont éparpillées dans les arbres donnent envie d'aller à terre...

Nous arrivons à 14h au port d'Evdhilos. La carte du traceur est fausse, celle du guide aussi car il y a eu des travaux dans le port, construction d'une nouvelle digue, d'un nouveau quai pour les ferrys... Seule l'Ipad est à jour... On investit des milliers d'euros dans du matos sophistiqué de navigation et on se sert de l'ipad... Nous hésitons un peu à nous mettre à quai après nos aventures de la nuit passées... Le mouillage près du port est juste dans l'axe d'une vallée avec les risques de vent fort... Pas terrible... Nous tournons un peu dans le port... Un homme nous fait des grands signes sur le quai que Vanessa avait choisi car maintenant on ne la lui joue plus: quai sous le vent d'office pour que le bateau ne tappe pas contre le quai! On s'approche, il prend nos amarres. En 5mn nous sommes amarrés malgré les 17 noeuds de vent de travers rendant la manoeuvre un peu difficile. Il me demande un paquet de cigarettes ou un coca avant de retourner sur un bateau de pêche.  Dès que j'ai fini l'amarrage je vais lui porter un coca et je lui donne 10 Euros: il est aux anges! Il nous a rendu un fier service dont il ne se rend sans doute pas compte. Je pense que c'est un marin Albanais qui semble vivre sur ce petit bateau de pêche où l'odeur ambiante de vieux poissons est redoutable... Nous en avons souvent rencontrés. Ils vivent dans des conditions qui paraissent assez difficiles... 

Une "coast guard" arrive rapidement et me demande d'aller de passer à son bureau avec les papiers du bateau . Nous sommes sur la zone frontalière avec la Turquie et la surveillance est plus importante que dans le reste de la Grèce. Je la suis, c'est plus simple. 8,80 Euros pour la nuit à quai qui correspond à la taxe portuaire... Cela nous va bien... et j'ai un beau reçu, comme toujours en Grèce. 
Je lui demande de faire les papiers de sortie de Grèce mais me répond que l'on est pas dans un port d'entrée... (il n'y a que certains ports où il y a les autorités compétentes, police air frontière, douanes, phyto-sanitaire... pour entrer et sortir d'un pays). C'est sur... mais j'insiste un peu... je suis avec Adrien dans le bureau... Il renifle un peu...  Elle doit être maman car elle finit par téléphoner puis me met plein de signatures et de tampons sur le Depka (permis de circuler en Grèce), marque dans la case prochain port "Turquie" et me dit que c'est bon. Cela nous évite d'aller à Vathi ou Pithagorion sur l'île de Samos et nous fait gagner une étape. Vu le temps c'est plutôt bien... Pour une fois une administration aidante... Merci. Adrien a du un peu m'aider aussi... 
Le port n'est pas atteint par le tourisme, tout est à l'ancienne. Gros contraste avec Mykonos. Demain on repart mais nous reviendrons!

La nuit est réparatrice, que c'est bon de dormir!

Réveil, prise de météo sur le site Grec Poséïdon: toujours 20-25 noeuds, un passage difficile à 30 noeuds entre les deux îles d'Ikaria et de Samos, puis le vent baissera ensuite en arrivant en Turquie. Nous décidons suite à l'expérience hier d'y aller! La zone est quand-même un peu chaude... On n'a pas trop le choix car mercredi un gros coup de vent arrive sur toute la zone, et là pas question de jouer, c'est du lourd!

Départ sous le vent de l'île, puis on arrive dans la zone "critique" mais sans doute parceque nous sommes en début de matinée le vent n'est qu'à 25 noeuds... La mer n'est pas trop formée et nous passons le détroit entre Ikaria et Samos sans problème. Vanessa redoutait ce passage et avait quand-même mis un gilet de sauvetage à Adrien... Elle a aussi un peu perdu la parole, cela me fait tout drôle quand elle ne cause pas... 
Comme prévu le vent baisse d'intensité, tourne lorsque l'on longe la côte Sud de Samos. Ce site Poséïdon est vraiment bon dans ses prévisions! Nous filons directement vers la Turquie, la visite de Samos sera pour un autre jour. 

Nous évitons de justesse un gros grain, le vent tourne dans tous les sens et se stabilise enfin après le grain. La journée s'écoule dans un vent molissant. Nous sommes étonnés d'être déjà arrivés à la dernière étape de notre croisière. La Turquie nous semblait tellement loin, les coups de vent tellement fréquents... L'année prochaine il est certain que nous hivernerons plus tôt... C'est déjà presque fini! Nous sommes presque tristes...

Je modifie les voiles au fur et à mesure que le vent tombe (je remonte la grand voile de trois ris à voile haute et je déroule totalement le solent et à partir de 12 noeuds je le remplace par le code 0). Cela fait que nous gardons à peu près la même vitesse toute la journée. Nous finissons sous grand-voile haute et code 0. Nous passons la dernière île Grecque d'Agothonision vers 17h30, à la nuit tombante. Les jours sont vraiment très courts en cette saison. Il y a un mouillage mais nous ne sommes plus qu'à 15 milles de Didim soit trois heures environ et demain nous devrions avoir le vent plein "piff" (en face de nous), donc pas terrible... En plus un coup de vent arrive mercredi. Devant ce tableau nous préfèrons assurer. Nous avançons à 6 noeuds et finissons au près... Une arrivée de nuit ne nous gêne plus surtout dans une marina comme Didim où la réception est ouverte H24.

Adrien s'endort, bercé par le mouvement du bateau. Cela lui arrive très souvent et c'est vraiment parfait. Nous passons la ligne frontière entre la Grèce et la Turquie à 19h (il y a aussi une ligne de démarcation des frontières en mer). Il y a beaucoup plus d'activité côté Turc. J'ai déjà quatre échos sur notre route sur l'écran radar et tous n'ont pas l'AIS (système anti-collision). Sans doute des pêcheurs qui ne veulent pas être repérés?
Je vois un écho changer de route à 90° et venir droit vers nous en accélèrant de façon impressionnante. Pas d'AIS. Je regarde dans la direction aux jumelles et je vois au loin un girophare blanc difficile à discerner dans les lumières de la côte. la nuit on perd la notion des distances: c'est un gros truc loin ou un petit près? Heureusement il y a le radar... Pas toujours facile à utiliser mais je commence à comprendre. Visiblement c'est mon écho radar que je vois aux jumelles. Je le suis mais je ne vois pas grand chose. Cela fait drôle d'avoir l'impression d'être la cible... Sans doute les gardes côtes Turcs? A environ moins d'un nautique de nous il ralentit, fait à nouveau un virage de 90°, puis s'éloigne. Il voulait sans doute nous voir... J'avoue que je suis plutôt soulagé car un contrôle en mer sous voile de nuit c'est pas terrible... Cela fait drôle de voir un autre bateau arriver sur nous à fond...

Le vent diminue mais je suis à fond avec les voiles, je ne peux pas mettre plus grand... Nous n'avançons plus qu'à 3 noeuds, je rentre le code 0 avec un peu de nostalgie et je démarre les moteurs. Il nous reste 5 nautiques à faire, plus qu'une heure... Nous contournons le dernier haut-fond, les lumières sont de plus en plus précises et nous voyons maintenant les deux phares d'entrée rouge et vert de Didim. Au moins on ne peut pas les louper! 
 
Vanessa prend la barre, nous affalons la grand-voile, je place les amarres, les défenses. Vanessa appelle la marina à la radio. J'ai une boule dans la gorge et je suis obligé de faire un effort pour me concentrer sur l'arrivée...
Un zodiac nous attend à l'entrée du port avec deux hommes. Ils nous souhaitent la bienvenue, nous demandent la longueur et le tirant d'eau du bateau puis nous demandent de les suivre. Nous passons entre les deux grandes tours rouge et verte, rentrons dans le port de gauche. Ils se signalent avec une lampe torche et m'indiquent exactement la route à suivre. Nous passons entre de magnifiques yachts impeccablement alignés. Je me sens tout petit... La torche fait des mouvements de haut en bas, puis horizontaux: il faut ralentir. Le zodiac accoste sur l'extrèmité en T d'un ponton, un emplacement de catamaran... C'est pour nous.
J'arrive doucement et je me positionne pour accoster. Il y a un homme à chaque extrèmité du ponton qui attend l'amarre. Le vent est nul, pas de  difficulté pour approcher du ponton, l'avant d'abord. Vanessa est à son poste et lance le gros paquet de cordage puis récupère l'amarre et la bloque sur le taquet. Un dernier petit coup de moteur et l'arrière du bateau vient se plaquer contre le quai. Je régle les défenses, rajoute les deux dernières amarres avec les deux marins de la marina. Ils ne partent qu'après nous avoir demandé si l'on avait besoin de quelque chose... et que si l'on avait un problème on pouvait appeler le canal VHF 72! L'assistance est vraiment superbe...  Cela change des autres ports... 

Voilà il est 21h le 23 novembre. Nous sommes à quai à Didim, un peu surpris d'être là. Le voyage 2015 est fini! Toute cette année a été fantastique: nous avons découvert notre bateau, notre nouveau style de vie qui semblent bien aller à tous les membres de la famille. Le pari n'était pas gagné d'avance... Vanessa n'avait jamais navigué... Adrien est quand-même très jeune. Imaginer notre nouvelle vie était une chose mais la vivre en est une autre... 

Ma femme m'a impressionée par son adaptation au bateau: aujourd'hui c'est elle qui barre dans les manoeuvres de port difficiles, m'aide à choisir les places de quai, les endroits de mouillage et comprend la météo! Nous prenons mainenant les décisions ensemble et c'est super. Les 6 mois de navigation se sont bien passés, sans trop de problèmes ni de bêtises... Nous avons beaucoup appris et avons encore énormément à apprendre. 
On m'avait prévenu de me méfier d'une blonde... Elle s'est merveilleusement occupée d'Adrien pendant toutes les navigations. Elle allaite toujours et ce n'est pas si simple au bout de deux ans et demi... 
Elle a assurée toute l'intendance, l'entretien intérieur du bateau, la cuisine... Poste si important pour le moral de l'équipage avec sa générosité habituelle. Toujours un bon plat au bon moment, un gâteau ou un riz au lait quand il faut... J'ai d'ailleurs peut-être pris quelques kilos...
Elle a été la "public relation" à chaque escale où elle a su lier de nombreuses amitiés, s'est occupée autant que possible de sa famille par skype, a toujours su mettre de la bonne humeur même dans les moments difficiles, n'a pas trop montré sa peur dans les moments délicats... Elle a aussi réussi à me supporter... 
Mes quelques nuits de veille ne sont pas grand chose à côté de ses obligations quotidiennes... Et quand je fais le bilan je me dis que j'ai la bonne place à m'occuper de la marche du bateau...

J'apprècie la chance que j'ai d'avoir une épouse qui apprécie cette vie vagabonde en mer. Nous formons maintenant une équipe complémentaire et efficace.

En dehors de tout sentiment je suis tout simplement admiratif de ma femme!

Les formalités d'entrée en Turquie ont été très simples: Atila, l'agent de la marina s'est occupé de tout en 24h: le Transit-log qui est le permis de circuler en Turquie, faire tamponner nos passeports pour notre entrée dans le pays, trouver les billets d'avion pour rentrer en France, réserver les navettes pour l'aéroport, l'hôtel... Il a l'habitude de toutes ces choses et c'est bien plus simple et efficace que de vouloir les faire seul. Face aux difficultés avec l'administration locale que j'imagine facilement ne serait-ce que par la barrière de la langue son tarif, 80 euros, est très honnête!

Doucement nous désarmons SMILE et le prèparons pour l'hivernage. Cela consiste en une grande toilette, lessive et grande eau! Le nettoyage sur un bateau est une des activités principale: le gel-coat (le revêtement blanc) se salit vitesse grand V! Imaginez une moquette blanche... La moindre petite poussière se voit! Deplus il y a beaucoup de coins et de recoins qui ne demandent qu'à accumuler toutes sortes de débris en tout genre... du moucheron, à la guêpe ou au moustique écrasé par une claquette en passant par le varech, les peluches des vêtements, le sable en revenant de la plage, les miettes... Le bonheur pour les passionnés du ménage!
Dans les îles Grècques l'eau est rare et le lavage des bateaux à l'eau douce est à éviter. Nous avions donc un peu de retard...

Puis il faut ranger le bateau, c'est comme une maison: on accumule des choses bizarres au gré des visites... 
Ensuite il faut préparer l'hivernage: inspection et nettoyage de tout: les moteurs, les coques, les vannes, les fonds de cales... graisser tout ce qui peut s'oxyder, faire fonctionner les manettes quart de tour de toutes les vidanges... Je m'aperçois d'ailleurs qu'il y en a une à changer. Il y a une fuite.
Il faut mettre les bâches de protection, nettoyer et ranger les coussins extérieurs, ranger les voiles, faire les inox... 
Je répare tous les petites choses qui clochaient et que j'avais un peu laissées traîner... Le problème en bateau c'est que l'on veut toujours modifier quelque chose pour que cela soit plus efficace ou plus beau. On a donc toujours une liste de choses à faire: dans "Histoire de partir", un livre à lire absolument même si l'on ne part pas, c'est la "Do list", terme très approprié. Et cette "do list" elle ne se finit jamais car il y a toujours un truc urgent qui se rajoute: on a cassé quelque chose, on a fait un éclat sur le gel coat en laissant tomber la manivelle de winch, on a remarqué un problème d'usure, Adrien a été mettre la paille de sa canette de coca dans l'entrée d'eau du "vaporetto" de sa mère, on a oublié de fermer la manette d'alimentation des toilettes en faisant l'eau et la salle de bain et la câle sont inondées, le nettoyage du filtre à eau de mer des moteurs, chercher à se connecter à un réseau internet (en général un café ou un hotel et c'est dur d'avoir les mots de passe)... enfin toujours un truc à faire, plus ou moins sympa et le temps passe à une vitesse extraordinaire!

Nous allons confier le bateau à un chantier de la marina pour le surveiller, s'occuper de l'alimentation électrique pendant notre abscence, l'aérer, faire quelques petits travaux d'entretien et des modifications: changer la manette du passe-coque défectueux et pour cela il faut sortir le bateau de l'eau, mettre des bâches latérales dans le cockpit, changer les décanteurs (appareil servant à éliminer l'eau qui peut se trouver dans le carburant) qui ne sont vraiment pas terribles et qui se détériorent à vue d'oeil, faire des bâches latérales dans le cockpit, faire la révision 400h des moteurs que je ne veux pas faire moi-même car un peu plus complexe qu'une vidange ou changer un filtre, purger la pompe à huile du dessalinisateur que je ne veux pas toucher car elle travaille à 70 bars... Au stade de mon "apprentissage" je suis prudent dans mes actions sur les éléments "vitaux", notament les moteurs qui sont des pièces essentielles à la sécurité, le dessalinisateur qui nous permet de faire l'eau douce à partir de l'eau de mer. 
Nous avons négocié tous ces travaux avec Izzet, le représentant du chantier Nautica. Un peu de "marchandage" pour la forme, nous sommes quand-même un peu en Orient, ce qui m'a permis d'avoir quelques travaux supplémentaires gratuits, puis nous sommes tombés d'accord.

Une bonne semaine n'est pas de trop pour réaliser tout cela. Nos horaires n'étaient pas trop durs mais au fur et à mesure des jours nous avons ostensiblement accéléré le rythme... Adrien profite pleinement d'être à quai et se promène dans la marina avec son vélo sans pédale, donne à manger aux canards, poules et paons du parc de la marina, a déjà charmé tout le bureau du chantier et de la marina... Il revient toujours avec du chocolat, des gâteaux... Depuis une semaine il est à fond!
 
Izzet nous a emmené en ville pour réparer le téléphone portable que j'avais mis  dans la poche arrière du jean. Quand je me suis assis sur la plage de Mykonos avec Adrien ... la vitre n'a pas aimé... 33 Euros pour la changer, pas très cher vu le bonheur de Vanessa de retrouver son téléphone qui la relie au monde et surtout à sa famille! 
 
Le coup de vent prévu est bien arrivé et nous nous félicitons chaque jour d'avoir pris les bonnes décisions et d'être arrivé plus tôt que prévu à la marina. Aujourd'hui force 8: 34 à 40 noeuds dehors et pluies diluviennes! Que l'on est bien au port!

La marina est superbe, bien construite et malgré le vent nous ne bougons pas du tout. Les employés surveillent constament les pontons, patrouillent en Zodiac jour et nuit quelque soit le temps, viennent nous voir avant chaque coup de vent, retendent les amarres des bateaux en hivernage. Un service que l'on n'imagine même pas en France... Alors certes la marina est un peu onéreuse, mais je trouve le prix peu élevé vu la prestation. C'est beaucoup plus cher en France et beaucoup moins bien! Seule la marina de Portorosa peut rivaliser... Et je n'ose même pas parler des marinas Françaises vu le niveau médiocre de toutes celles où l'on a pu aller: seul l'encaissement importe, la prestation (aide à l'amarrage, surveillance des bateaux, sécurité...) ils savent à peine que cela existe... et c'est trois fois plus cher qu'ici!

La décision de sortir le bateau est prise car la manette du passe-coque semble fuir de plus en plus. J'attends le plus possible la réponse de Catana mais il n'est pas possible que je parte en laissant une voie d'eau. On va le sortir mardi 1er Décembre, le jour de notre départ. Les dates des billets d'avion ne sont pas modifiables... Le soir je mets une amarre à chaque coin du bateau, répartis le défenses comme me l'a demandé la marina.
Le soir nous sommes invités chez Murhan et Sado. Ils viennent nous chercher à la marina et nous emmènent dans leur appartement. Ils ont un petit garçon de 3 ans, Eymen. L'anglais permet de parler. thé, gâteaux locaux délicieux... Encore beaucoup de gentillesse, de générosité.
Rendez-vous à 8h, un pilote et un zodiac arrivent au bateau pour aider à la manoeuvre. Je vais remplir les réservoir de gas-oil à la station pour éviter la condensation quand le bateau sera à terre (ce qui met de l'eau dans un réservoir s'il est vide) puis nous allons à la câle de levage. Izzet et les employés de la marina sont là. L'entrée n'est pas très large, on y va au ralenti. Vanessa est à poste, les amarres sont lancées, le bateau est immobilisé. L'engin de levage arrive, il a une capacité de 400 tonnes... Smile semble presque tout petit à côté!
Les sangles sont mises sur les emplacements indiqués par deux petites flèches puis un plongeur vérifie que tout est correctement en place sans toucher les hélices ou les gouvernails. 
Smile s'élève dans les airs comme une plume... puis le pilote l'emmène vers l'aire de nettoyage. Jet haute pression sur toute la coque, les vermicelles et autres tarrets qui garnissaient les coques dégagent. Le bateau est tout propre!
Nous repartons vers l'aire de stationnement du bateau. Smile se déplace dans l'aire de carrénage suspendu par deux sangles. Nous le suivons à pieds... et nous arrivons à son parking.
Un engin amène des grosses câles en bois, des trépieds. Le bateau est déposé délicatement, il descend centimètre par centimètre. Une équipe de trois hommes sous chaque coque positionne les câles, régle les trépieds... 
Voilà Smile est posé. Cela nous fait tout drôle de le voir sur un parking en dehors de l'eau. Je descends l'ancre et la chaîne sur la palette positionnée à cet effet, je remets la bâche sur la timonerie. Voilà c'est fini!
Nous quittons la marina en navette pour prendre l'avion à Bodrum, direction Istanbul puis Marseille. Retour à Didim le 27 Mars.

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