Georges H
BÚZIOS
J'ai beaucoup navigué sur un endurance 40 entre 1979 et 1987. Méditérranée, Mer Rouge, Océan Indien, Bonne Esperance, Bretagne Brésil Afrique de l'ouest plusieurs fois. Je viens d'acheter le Seayou un Océanis 411 À Newpoort, nous avons rallié Le Brésil en novembre 2011.Puis nous avons rallié Trindade et Tobago. Nous aurons navigué dans les deux siècles. J'ai eu le temps de réfléchir aux changements survenus dans la manière de naviguer pendant ces dernières vingt cinq années. D?abord le voilier n'est pas le même, les concepteurs des voiliers modernes ont un cahier des charges notablement différent. La clientèle visée est très diversifiée, la majorité n?est pas faite de circumnavigateurs. L'allure du près est recherchée au détriment de la stabilité de cap. (Quille sabre au lieu de quille longue) Le voilier est plus rapide mais roule davantage (bon rouleur, bon marcheur, dit-on) Ouais ! Mais si ça dure quinze jours on peut regretter le lourdaud avec un n?ud de moins et du confort en plus. Pourtant Sea You ne roule pas beaucoup, mais plus que Dinask. Grâce aux pilotes costauds actuels qui brassent sans relâche les barres à roue les équipages sont moins astreints à équilibrer le plan de voilure, on ne sent plus les contraintes qui s'exercent sur le safran. Les matériaux modernes sont très bruyants, nous regrettons le silence apaisant de Dinask quand nous refermions le capot après une expédition parfois périlleuse, bruyante et aérée sur le beauprés. En revanche sur Sea You toutes les manoeuvres sont ramenées au cockpit, c'est plus confortable. Sur Dinask, j'ai toujours navigué en vent arrière sans grand voile en faisant servir les voiles d'avant à l'aide de deux tangons dont les longueurs permettaient de déborder largement les focs. Ça stabilisait le voilier, sans cela la goélette partait au lof. Eh bien ! Sur Sea You, je fais servir la grand voile car le bateau n'est pas encore armé d'un tangon de croiseur, et ça ne se passe pas trop mal parce que le mât est emplanté en avant du plan de dérive. Ça génère le roulis dont j'ai parlé plus haut. Les aides à la navigation représentent le progrès significatif des voiliers contemporains, il y a tout de même un Mais. En effet, je regrette le rituel de la prise de hauteur du soleil, ça nous branchait davantage sur l'espace, nous étions plus souvent dehors, maintenant nous savons à tous moments notre position, moins d'angoisse c'est bien, mais ça émousse nos sens qui ne restent plus aux aguêts du moindre signe. Une fois nous avions détecté un courant parce que l'eau de mer que Ria pompait pour laver la vaisselle était soudainement plus froide? Nous continuons à dévisager la mer et ses vagues pour deviner son humeur et ce qu?elle nous réserve parce que nous n'avons pas les moyens techniques de recevoir les cartes météo. Ceux qui peuvent ne regardent peut-être plus la grande bleue avec la même interrogation ? Si nous poussons le raisonnement jusqu'à ses limites, il serait parfaitement envisageable d'installer toute l?électronique dans notre salon et de naviguer virtuellement? La veille n'est plus aussi chargée de responsabilité, les cargos nous détectent grâce à l'AIS et nous les repérons aussi, mais me direz-vous, et les pêcheurs qui n'en sont pas pourvu ? Il suffit d?un seul mal placé. C'est vrai, en plus nous en avons croisé un (de cargo) qui n'avait pas d'AIS ! Ou alors il avait coupé sa VHF pour dormir tranquille. Espèce d?Amoco va ! Sur le trajet vers Porto Santo j?ai pu observer avec beaucoup d'intérêt le croisement de notre voilier avec deux cargos. Il faisait nuit noire. Les trajectoires devant les navires formaient un Y, je voyais le rouge de celui qui venait de l'avant sur tribord et le vert de celui qui venait de l?avant sur bâbord, chaque navire voyait un vert et un rouge. C'est un cas d'école, une configuration embarrassante mais pas compliquée. (un rond point qui donnerait la priorité à droite) Les Italiens disent ?Rosso vede rosso, verde vede verde, avanti pure que a nave non se perde? mais ici les couleurs étaient alternées, alors j'ai abattu sur tribord, car je pouvais, j'étais bâbord amure. Ainsi le cargo qui venait de tribord a pu passer devant moi, si tous les trois font tribord, tous s'écartent et rien ne survient, mais tout de suite après, au lieu de changer de route ou pour le moins conserver sa vitesse, le cargo a stoppé pour laisser passer celui qui lui coupait la route venant de tribord? Ce faisant, il a donné un coup de phare dans notre direction. Pourquoi n'a-t-il pas fait tribord lui aussi ? Ça m'a impressionné parce que cette masse était très proche et il a pilé en battant en arrière. Je suis passé près de sa poupe Bravo ! J'ai eu une pensée pour Emmanuelle qui adore ce genre de situation? Les coureurs de la mini transat sont aussi sur la route vers Salvador da Bahia, Ils ont appareillé de Funchal 4 jours avant nous, je les imagine sur leur 6,50 en solitaire, tous éparpillés sur la grande bleue, chapeau les gars ! Car la Météo n'était pas dutout favorable cette année là.
Ma position actuelle