Sao Vicente, suite et fin

Alors, pour les pas assez perspicaces, voici la réponse complète à notre charade:
Un saint quille aime mousse haillon... nous arrivera en août!
Voilà, voilà! Il semble les deux derniers indices sont ceux qui ont posé le plus de difficultés, voilà qui est clarifié ;-)
Comme nous le disions, donc, la nouvelle est extraordinaire... mais elle nous oblige évidemment à revoir une fois de plus notre planning! Traverser ou ne pas traverser? Si oui, quand et pour arriver où? Interrompre le voyage pour mieux prolonger par la suite, ou rentrer en Europe en juillet avec le bateau? Si on interrompt, où laisser le bateau? Toutes des questions auxquelles il fallait trouver un début de réponse avant de continuer...
Une réflexion approfondie plus loin, et il était temps d'attendre le carnaval de Mindelo, qui nous a apporté le bonheur déjà décrit.
Pour ce qui est de notre vie ici, nous sommes mouillés dans la magnifique baie de Porto Grande, le port historique de Sao Vicente. Mindelo qui, idéalement située sur la route des alizés, a alterné âges d'or et périodes de vaches maigres, est apparemment de nouveau en plein essor: de nouveau quartiers se construisent partout, le tourisme est bien présent quoi qu'encore limité, et la culture bouillonne, que ce soit musique, peinture, arts plastiques ou théâtre. Quelques grands noms? Cesaria Evora, Tito Paris, Bana, Kiki Lima, Joao Fortes, Alex da Silva, et la relève est assurée! La jeunesse est éduquée, polyglotte, notamment en français, prend soin d'elle-même et est hyper-accueillante.
L'émergence d'une classe moyenne aisée saute aux yeux: les maisons qui sont terminées sont bien finies, équipées d'air conditionné, beaucoup de voitures sont neuves et bien entretenues, les opérateurs téléphoniques sont omniprésents, les magasins sont bien, voire très bien achalandés. On trouve presque tout, même si le choix est parfois limité. Tout ça n'est évidemment pas accessible à tous, loin de là. De nombreuses maisons paraissent abandonnées en pleine construction, et la grande pauvreté est bien présente. C'est le règne de la débrouille. Nous nous faisons régulièrement aborder pour avoir un coup de pouce, mais ce n'est presque jamais pour de l'argent, et c'est loin d'être du harcèlement. On rentre plutôt dans un magasin pour acheter lait en poudre ou des fournitures scolaires. Parfois on se fait aussi aborder pour demander nos poubelles, pour pouvoir chercher dedans ce qui peut encore être utilisé ou mangé... C'est quand la personne à qui on l'a donnée nous remercie avec le sourire pour ce “cadeau” qu'on commence à réfléchir... On a appris à vraiment faire attention à ne plus rien jeter qui pourrait avoir une énième vie, mais plutôt mettre à part pour donner directement.
La nourriture est notoirement plus chère que dans les pays avoisinants, le Cap-Vert, très sec, important la quasi-totalité des vivres consommés dans l'archipel. En ce qui concerne la sécurité, la présence ostensible, mais pas oppressante, de la police lors de tous les rassemblements auxquels nous avons assisté à Mindelo permet d'éviter les débordements. Cela fait quelques années, paraît-il, que le "ménage" a été fait au centre-ville afin de favoriser le tourisme. Par contre, il semble que les faubourgs restent à éviter la nuit. Ca tombe bien, on n'a pas envie d'y aller à ce moment, certainement avec les enfants. Pour les soins de santé, ceux auxquels nous avons eu accès (échographie, rappels de vaccins, pharmacie,...) étaient d'une excellente qualité, même si il a été difficile de se procurer les vaccins que nous cherchions, à cause d'une pénurie dont on espère qu'elle sera rapidement réglée.
Depuis notre arrivée, l'Harmattan règne. C'est un vent de fine poussière brune qui couvre tout et fait tomber la visibilité à quelques centaines de mètres, parfois beaucoup moins, nous a-t-on dit. Alors que les rafales tombent sur le bateau à plus de 30 nœuds parfois, la poussière s'infiltre partout, mais surtout recouvre toutes les parties du bateau exposées au vent d'un croûte ocre de quelques millimètres d'épaisseur, à la manière d'un brouillard givrant chez nous. La baie est raisonnablement protégée de la houle, mais les rafales continuelles font tirer des bords au bateau. Et quand deux se suivent de près, elles provoquent de vrais coups de gîte auxquels nous nous sommes heureusement rapidement habitués. Le débarquement est facile, puisque nous avons accès au ponton de la marina – la seule de l'archipel –, mais il nous faut d'abord remonter le vent dans un petit clapot bien humide qui rafraîchit les corps et les esprits. Si, si, même si nous sommes sous les tropiques (16°N), il nous arrive, en particulier le soir, de remettre pull et coupe-vent!
Ce n'est que quelques jours avant le Carnaval que l'Harmattan se lèvera, et nous permettra enfin d'admirer l'autre côté du bras de mer par lequel nous sommes entrés au Cap-Vert. On nous avait dit qu'elle était là, mais nous n'avions aperçu d'elle que sa silhouette fantomatique, fugitivement à la faveur d'une éclaircie. Santo Antao, L'île la plus nord-ouest de l'archipel, mettra plusieurs jours à nous révéler tous les détails de sa côte orientale.
Peu après le carnaval, nous embarquerons sur un ferry pour nous y rendre, pour trois jours de balades. Et quelles balades! Gran Canaria, Tenerife et la Gomera nous avaient époustouflés, et bien c'est reparti pour un tour! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Santo Antao – et sans doute les autres îles de l'archipel, mais ça nous devons encore le découvrir – présente la même dualité que les Canaries: l'air des alizés abandonnant son humidité en s'élevant du côté au vent, il redescend, chaud et sec, le long du côté sous le vent. Le résultat est identique: le côté Nord-Est de Santo Antao, celui que nous avons entrevu lors de quelques promenades, souvent couvert, est très vert, presque luxuriant, tandis que le reste de l'île est sec, presque désertique. Le sous-sol, essentiellement composé d'un épais empilement de couches très friables, s'y est profondément raviné, laissant des successions de vallées profondes, abruptes et rapprochées, sur le flanc desquelles les habitants ont su accrocher des cultures en terrasses, à des endroits défiant parfois l'entendement. Dans le fond, là où coulent des ruisseaux surgis d'on ne sait où, poussent toutes sortes d'arbres fruitiers, et bien sûr la canne à sucre, base du “Ponche”, le rhum local, dont une variante, le “Ponche Mel”, additionné de mélasse, vaut le détour! En altitude, là où l'érosion a œuvré moins intensément, s'est formé un plateau verdoyant en cours de reboisement, où terrasses et pins canariens couvrent des collines plus douces.
Nous sommes logés dans un B&B tenu par un Français et sa compagne cap-verdienne, à 1400m d'altitude. Très impliqués dans la vie communautaire locale, ils nous accueillent dans la salle de réunion qu'ils mettent à disposition du village pour différentes activités. Des chambres sont disponibles, mais certaines ne sont pas encore terminées, et surtout la caisse de bord ne nous permet pas d'y passer trois jours. Ca faisait longtemps qu'on avait plus dormi sur des matelas à même le sol! C'est l'occasion pour nous de découvrir la Cachupa, plat national du Cap Vert à base de maïs et haricots et la Kamoka, poudre de maïs torréfié, et d'apprendre bien des choses sur la vie locale.
Les habitants, notamment, doivent aller acheter l'eau à un point de distribution centralisé, que les ânes, plutôt nombreux, portent jusqu'à la maison. Si le B&B que nous occupons offre l'eau courante à ses hôtes, c'est au prix d'un investissement conséquent, et d'une sensibilisation de ses clients sur la rareté de cette ressource. Les voisins habitent à 13 dans une toute petite maison (à nos standards), sur trois générations. L'école primaire est située à une heure de marche, 400m plus bas, la secondaire tout en bas, presque au niveau de la mer. Pour la rejoindre, il faut prendre une route pavée vertigineuse, dont la construction, commencée vers 1960, a duré quinze ans!
Même si nous ne sommes pas encore en Afrique et que le Sao Vicente et Sao Antao présentent finalement bien des visages communs avec l'Europe, on découvre aussi une toute autre organisation des liens sociaux et familiaux, que la première impression laissée par Mindelo ne laissait pas présager.
Comme déjà suggéré dans le post précédent, Mindelo sera aussi notre première expérience au mouillage prolongé. La marina, la seule du Cap-Vert, est très bien entretenue, mais est chère pour les courts séjours, et la protection offerte contre houle et vent ne nous satisfait pas. Les bateaux et amarres souffrent bien plus qu'au mouillage. Nous pouvons ainsi confirmer l'autonomie offerte par la combinaison groupe électrogène/dessalinisateur, ce qui est en fait essentiel pour la suite de notre périple, puisque nous avons décidé, vu les circonstances, de continuer à visiter le Cap-Vert, et espérons même pouvoir faire une incursion au Sénégal ou en Gambie! Mais ça ne peut s'envisager que si nous sommes autonomes en eau et en énergie. On touche du bois donc pour que ça continue!
Finalement, Mindelo sera le mouillage à partir duquel nous aurons pu admirer pour la première fois la Croix du Sud! Nous avions bien remarqué quelques constellations inconnues, ainsi que la disparition d'autres que nous avions l'habitude de pouvoir admirer tout au long de l'année. On avait aussi remarqué combien la polaire descendait sur l'horizon. Mais on était loin de se douter qu'on pouvait déjà admirer son “équivalent” austral!
En quittant Mindelo, contrairement au planning initial (une fois de plus, nous direz-vous,...), nous prendrons donc vers l'Est...
… à suivre!
PS: depuis le début de la rédaction de ce post, plusieurs semaines se sont écoulées. Si une exploration de la Gambie est toujours à l'ordre du jour, nous suivons l'actualité sanitaire de la région de près, afin de pouvoir adapter notre projet si besoin est...
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Anonyme (non vérifié)
4 Avril 2014 - 12:00am
Super! Merci de partager
Anonyme (non vérifié)
4 Avril 2014 - 12:00am
Merci pour la belle
Anonyme (non vérifié)
4 Avril 2014 - 12:00am
Bravo et félicitations pour
Anonyme (non vérifié)
4 Avril 2014 - 12:00am
Grâce à Idès, j'ai appris l
Anonyme (non vérifié)
8 Avril 2014 - 12:00am
Toutes nos félicitations.