Les Canaries!

Nous avions déjà bien vu Cascais, nous avons prolongé le plaisir: après plusieurs jours tranquilles au mouillage avec nos amis, voilà que l'embrayage du moteur tribord rend l'âme! Marche arrière, pas de problème, marche avant, pas question! Difficile d'envisager de continuer notre périple dans ces conditions, même si en principe ça reste possible.
Au revoir remontée du Tage, retour au port! Ca nous donne l'occasion d'une fantastique visite guidée à Belém, d'une dégustation d'un pasteis éponyme, et d'admirer plus longtemps le travail de notre maçon de sable préféré ;-)
Enfin, le jour arrive où, moteur opérationnel, le vent ayant la bonne idée de souffler dans la bonne direction, la décision tombe: on part demain après-midi. A vos marques, branle-bas de combat! Faire les pleins, remonter l'annexe, chaque chose à sa place (ou presque), et c'est parti! A quinze heures, la ligne de départ est franchie. Pas bien vite, cependant: le vent porte doucement, nous sommes sous génois seul, et laissons la grand-voile sagement dans son taud, en prévision des jours qui arrivent: on s'attend à ce que le vent rentre dans quelques heures, et affaler ou ariser la grand-voile dans une mer formée et au portant ne nous enthousiasme décidément pas. Grand bien nous en a pris: nous sommes restés au portant d'un bout à l'autre, et rouler trinquette ou génois en fonction des besoins est vraiment bien plus simple que de lofer pour ariser, avec tous les problèmes que ça comporte quand la mer est formée. Parce qu'elle l'est! Vraiment! Nous ne savions pas ce qu'était une mer “very rough”, en plus “crossed”, maintenant on sait, enfin, au moins au portant! Ca bouge, ça roule, ça secoue, ça fait beaucoup de bruit, bref, c'est assez inconfortable. Mais aussi, ça fait chanter l'hydrogénérateur, ça fait surfer le bateau, et on avale les milles presque sans s'en rendre compte! A une moyenne de 150 milles par jour, tenant compte des dernières 24 heures à 5 nœuds vent arrière, génois et trinquette en ciseaux, et qu'on réduisait la voilure la nuit (qui dure quand même treize heures pour le moment!), on n'est pas mécontents de nous!
Bilan de la traversée: une demi-heure de moteur, une manille textile par jour pour l'hydrogénérateur, un génois en cocotier à un changement de quart à cinq heures du matin, des grains, des rafales à 40 nœuds qu'on étale au génois avec le sourire, des quarts zombifiants, des arcs-en-ciel sublimes, des levers et des couchers de soleil époustouflants, des ballets de dauphins, des étoiles filantes, une lune généreuse, quelques devoirs terminés, et un cri, “TERRE”, qui chante les îles verdoyantes qui nous attendent et la réussite d'une vraie gageure!
Ah, les Canaries! La chaleur, les palmiers, les bananiers, les oiseaux colorés, la verdure tropicale, tout ça nous tend enfin les bras! Sauf que... les Canaries, en tous cas les premières îles, c'est le désert! A la latitude du Sahara, elles sont d'une aridité, d'une austérité, d'un dénuement total! En arrivant à destination, en embouquant le Rio pour rejoindre le mouillage, nous passons entre une falaise abrupte et noire, Lanzarote, et une île, plate et désertique à l'exception de quelques cônes volcaniques isolés et deux groupes de maisons blanches, Graciosa. Écrasés par la grandeur du paysage et la fatigue du voyage, c'est en silence que nous gagnons le mouillage. La nuit arrivant vite, ce n'est que le lendemain que nous mettrons pied à terre.
Le dépaysement est total. L'eau, cristalline, nous laisse entrevoir le fond à 10 mètres. Un peu plus loin, la plage de sable doré, coupée de coulées de basalte noir, est presque déserte. Derrière la plage, à droite, monte doucement une plaine quasi-désertique qui nous cache le village que nous avons passé la veille. Pas un arbre, pas un arbuste, pas une herbe, juste des buissons qui n'arrivent pas à se toucher pour former une couche de végétation continue. A gauche, le sable est saupoudré de pierres noires et remonte rapidement pour rejoindre les flancs d'un volcan ocre, rouge et noir, profondément raviné, qui se détache, presque irréel, sur un ciel immaculé. Derrière nous, de l'autre côté du bras de mer qui nous sépare de Lanzarote, s'impose toujours cette falaise, omniprésente et impressionnante et, plus loin, après la plage de Famara, se perdent dans le bleu de l'horizon les volcans du parc de Timanfaya.
La promenade jusqu'au village nous fait traverser une lagune asséchée séparée de la mer par une formation basaltique en demi-cercle surgie d'on ne sait où et des dunes où le sable se mêle encore au basalte, et nous amène finalement à un village de maisons blanches aux volets colorés, bleus, verts ou bruns, au toit plat, séparés par des routes en terre battue, Caleta del Selbo. 600 habitants, mais un port de pêche, une marina, des restos, un club de plongée, un loueur de vélo, trois supérettes, une quincaillerie, un dispensaire, deux internet cafés, une plaine de jeux, une école, un karaoké, un bureau de poste ouvert entre 11 et 13 heures avec un postier en quad, un bureau de police ouvert trois matinées par semaine et... les seuls arbres que nous aurons vu sur l'île. Cette fois, on est dépaysé!
Nous passerons cinq jours à Graciosa. Bien trop peu pour découvrir tous les secrets de cette si petite île presque déserte. Entre les vieux volcans à grimper, les plages toutes différentes à parcourir, la vie sous-marine à admirer, les rencontres à faire, il y a vraiment beaucoup à faire, trop pour le temps qui nous est donné, le vent tourne et fraîchit, il faut partir...
Partir, mais où? Notre choix se porte sur une marina encore en construction à Arrecife, la capitale de Lanzarote. Courte navigation d'une petite demi-douzaine d'heure, agitée, contre le vent et au moteur, qui nous permet d'admirer la côte est de Lanzarote, elle aussi aride et austère. L'avant-goût perçu à partir de Graciosa a l'air de se confirmer. Adieu, donc, plage idyllique, bonjour le brouhaha du monde civilisé. Dur retour à la réalité... Mais le vent annoncé ne nous laisse pas le choix, le ciel se teinte déjà d'ocre, nous apportant du sable du Sahara, il faut trouver un abri, et là, au moins, nous serons à pied d’œuvre pour découvrir Lanzarote.
Après avoir pris nos marques, rincé le bateau du sel accumulé pendant ces deux semaines, fait à la main les lessives et avoir suspendu un grand pavois de T-shirts, shorts, pantalons et autres maillots, le tout bien rangé par couleurs - ce qui a d'ailleurs valu à Anne-Sophie les félicitations de la voisine –, et avoir fait la connaissance de nombreux équipages avec ou sans enfants qui, comme nous, attendent l'embellie, nous décidons de louer une voiture pour aller à la découverte de l'arrière-pays.
Premier jour: le parc de Timanfaya. Un beau carrosse doré nous emmène vers le sud de l'île où, au début du 18e siècle, six ans d'activité volcanique intense ont profondément modifié le paysage. Le quart de l'île a été recouvert d'une lave qui, en se refroidissant, a formé des entrelacs de blocs agressifs et rugueux, rendant le sol totalement impropre à toute culture. Encore maintenant, la flore a toutes les peines du monde a reconquérir le terrain perdu. Quant à la faune, elle se réduit à sa plus simple expression. Il y a actuellement en tout et pour tout quatre sortes de mammifères représentés dans ce biotope extraordinaire: trois rongeurs... et l'homme, représenté par un de ses spécimen les moins flatteurs: le touriste de masse. Heureusement, ce dernier (dont il faut bien le dire nous avons fait partie pendant ces deux journées passées à sillonner l'île, personne n'est parfait) est parfaitement encadré, ce qui permet de limiter considérablement son potentiel de nuisance. Enfin, passons. Dire des paysages qu'ils sont impressionnants est un euphémisme: les champs de lave noire et torturée s'étendent sur des milliers d'hectares. Quel que soit le point de vue, on a froid dans le dos. Les paysages ne sont même pas “lunaires”: La lune, pour désertique qu'elle soit, ne présente pas le faciès agressif des roches d'ici, déchiquetées, retournées, tordues...
Comme notre carrosse ne s'est pas retransformé en citrouille à la fin du premier jour, nous rempilons pour le second, direction le nord, cette fois! Visite d'une rivière de lave souterraine, d'un jardin de cactus, d'une culture d'Aloe Vera. Encore de magnifiques paysages, toujours très arides à l'exception d'un seul village, oasis blottie au fond d'une vallée de ce désert de roches ocres et noires.
Il y a encore beaucoup de choses à voir sur Lanzarote, mais nous pensons tout doucement à la suite: Le dépaysement a été violent, nous avons besoin de verdure. Le vent capricieux nous empêchant d'avancer tout de suite, nous en profitons cependant pour sortir le bateau de l'eau pour effectuer petites réparations et entretiens. La dernière navigation nous a permis d'identifier deux petites voies d'eau (mais pourquoi avoir vissé de l'alu avec de l'inox sous la ligne de flottaison???), une plongée a révélé quelques patchs libres d'antifouling, les sails-drives méritent une vraie vidange, etc.
Comme avec un bateau, il y a toujours l'une ou l'autre surprise, et qu'une mise au sec n'est jamais anecdotique, ce qui devait durer trois heures dure finalement trois jours. Expérience singulière pour nous, qui passons ainsi trois nuits à cinq mètres de hauteur dans un bateau qui ne bouge pas, sans sanitaires, expérience que nous partageons avec la sœur et le filleul d'Anne-Sophie, qui nous ont rejoint pour quatre jours de croisière de rêve... et qui en passent trois à découvrir le monde particulier d'un chantier naval et nous donnent un coup de main bienvenu.
Heureusement, le dernier jour nous offre l'occasion d'une petite navigation au moteur pour rejoindre un mouillage magnifique, légèrement perturbé par une houle croisée et tenace, qui finit par avoir raison de notre résistance: les nuits de chantier n'ont pas été très reposantes, et à la perspective d'une nuit agitée au mouillage, fût-il magnifique, nous préférons le port tout proche où nous devrons de toute façon nous rendre le lendemain pour prendre congé de nos invités. Nous découvrons une marina terriblement artificielle, mais quand même très accueillante pour nous qui cherchons à nous remettre de nos derniers jours, avant de traverser vers Gran Canaria.
Petit commentaire sur la météo: nous vivons apparemment une année exceptionnelle. Une dépression fait son nid au sud des Açores, barre l'Atlantique et nous envoie un vent contraire et durable, ce qui, de l'avis de tous le professionnels que nous consultons, est très anormal à cette époque. Résultat: Au lieu de traverser l'Atlantique au portant, nombre de voiliers se retrouvent à faire du près, ou dans la pétole, et pas qu'un peu! Des jours et des jours... Deux fois la distance, trois fois le temps, quatre fois la peine... Demandez aux ministes de la mini transat et autres rallyes (Ocean Odyssey, ARC,...)! Alors, nous sommes nombreux à rester ici pour attendre l'adonnante. Comme à Nazaré. Comme à Vigo. Comme à Cherbourg... Ceci dit, ça pourrait être pire: 20 degrés et de l'eau claire, on peut s'en contenter!!!
PS: A la demande générale, un petit glossaire pour mieux comprendre ;-)
Annexe: petit bateau gonflable (Zodiac), qui permet plein de choses, comme de rejoindre la terre quand on est au mouillage, aller prendre l'apéro sur un autre bateau, isoler les enfants pas sages...
Mouillage: Endroit où l'on mouille (jette, pardon les puristes) l'ancre. De préférence dans une baie abritée, sinon le mal de mer n'est pas loin...
Génois: Sur un gréement Marconi, celui de la plupart des voiliers de plaisance moderne, c'est une grande voile à l'avant du bateau. Sur les bateau de croisière, quand le vent fraîchit (=se renforce), ou quand on n'en a plus besoin, on l'enroule sur lui-même, c'est très facile. Sur un bateau de course, il faut affaler, ça demande plus de bras et de force.
Affaler: action de baisser complètement une voile. Le contraire, c'est hisser.
La grand-voile, c'est la voile de l'arrière. Elle est tenue par la bôme (celle qu'il faut éviter de cogner avec la tête) et le mât.
Le taud, c'est une housse qui protège la grand-voile des rayons ultra-violets qui sinon la fragiliseraient très vite.
Ariser: action de diminuer la surface d'une voile, par exemple quand le vent fraîchit. Quand elle est sur enrouleur (sur Boomerang, c'est le cas du génois et de la trinquette), on enroule une partie. Sinon, comme pour la grand-voile, on fait descendre la voile et on ne garde en l'air que la partie haute.
Trinquette: petite voile d'avant, sur Boomerang elle est gréée (montée) sur enrouleur, entre le mât et le génois.
Une mer est formée quand il y a des vagues.
Au portant, le bateau est poussé par le vent. Au près, il remonte le vent, c'est beaucoup moins confortable, et beaucoup plus lent!
Lofer, c'est tourner "vers d'où vient le vent".
L'hydrogénérateur, c'est un appareil fixé à l'arrière du bateau qui produit de l'électricité grâce au déplacement du bateau sur l'eau.
Un mille marin = 1852 mètres. Un noeud = un mille à l'heure. A vos calculettes! Oui, un bateau, ça ne va pas vite ;-)
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Anonyme (non vérifié)
7 Décembre 2013 - 12:00am
Merci pour les commentaires
Anonyme (non vérifié)
11 Décembre 2013 - 12:00am
Sans doute encore aux
Anonyme (non vérifié)
7 Décembre 2013 - 12:00am
Grrrr...que ce vocabulaire
Anonyme (non vérifié)
11 Décembre 2013 - 12:00am
Désolé pour le jargon ;-) Il
Anonyme (non vérifié)
11 Décembre 2013 - 12:00am
Vos nouvelles se lisent
Anonyme (non vérifié)
11 Décembre 2013 - 12:00am
Merci! Désolés pour le jargon
Anonyme (non vérifié)
11 Décembre 2013 - 12:00am
Bonne nouvelle de vous savoir
Anonyme (non vérifié)
11 Décembre 2013 - 12:00am
Salut David! Hé oui, les
Anonyme (non vérifié)
12 Décembre 2013 - 12:00am
merci pour le glossaire, je
Anonyme (non vérifié)
12 Décembre 2013 - 12:00am
Merci pour toutes ces
Anonyme (non vérifié)
13 Décembre 2013 - 12:00am
super, merci pour ce
Anonyme (non vérifié)
14 Décembre 2013 - 12:00am
Coucou les baroudeurs de la
Anonyme (non vérifié)
14 Décembre 2013 - 12:00am
Bravo à vous ! On vous suit !
Anonyme (non vérifié)
14 Décembre 2013 - 12:00am
extra tout ce que vous vivez
Anonyme (non vérifié)
14 Décembre 2013 - 12:00am
Bonjour à toute la famille.