Reste à traverser le Golfe de Gascogne... On perd la terre de vue, et l'immensité de l'océan s'offre à nous. Ou plutôt nous prend, comme dans la chanson de Renaud. On est de plus en plus seuls. Petit à petit les GSM perdent le réseau, les bateaux quittent l'écran de l'AIS, la FM et la VHF se taisent, restent le vent, les nuages et les vagues. Et les dauphins! Comme pour nous encourager dans ce trajet initiatique, des dauphins se relaient trois heures durant, peut-être attirés par le bruit inhabituel de l'hydrogénérateur qui manifestement attise leur curiosité, et nous offrent un spectacle merveilleux dont nous profitons pleinement.

La nuit tombe. D'encre. Le plancton tente de remplacer le ciel en créant de fugaces constellations et une voie lactée dans notre sillage. L'absence de lumière intensifie tous les bruits de la navigation, qui en sont d'autant plus impressionnants. On quitte le plateau continental, ce qui ajoute à notre solitude. De quelques centaines de mètres de profondeur, on passe à quatre, voire cinq mille mètres...

Le matin arrive, le vent a refusé, il faut empanner. On continue à suivre le vent, mais il faiblit de plus en plus, sans doute la dorsale anticyclonique nous rattrape-t-elle. Si on ne veut pas se laisser complètement encalminer, il faut plonger vers le sud, en s'éloignant de la route directe. La deuxième nuit arrive, merveilleusement claire, celle-là. Avant le lever de la lune, nous profitons d'un ciel magnifique, le premier depuis... la Mer du Nord. Mais cette fois-là on n'était pas en état de l'admirer!

Le lendemain matin, surprise de taille: ce ne sont pas des dauphins, mais des baleines qui nous font sauter du lit! Leur souffle, à quelques dizaines de mètres du bateau, surprend Anne-Sophie qui, pour une fois, n'a pas besoin de se répéter pour avoir tout le monde, en moins de trois minutes, sur le pont, habillé et avec gilet de sauvetage :-)

Peu de vent, toujours, et ce n'est qu'en milieu d'après-midi qu'il se renforce un peu et nous permet de faire un cap plus correct, avant de fraîchir franchement. Deuxième vague de dauphins, rendus très joueurs par le clapot et la vitesse du bateau. Sauts, cabrioles, claquements de queues, les enfants s'en donnent à cœur joie à la proue.

A l'approche du continent, le vent se renforce encore un peu, et enfin la terre apparaît. "Terre!". Ca ne fait que deux jours que nous sommes partis, et pourtant ce cri du cœur nous fait frémir comme si nous avions traversé l'océan! Il ne nous reste plus qu'à virer le Cabo Prior, puis plonger sur La Corogne. Sauf que les "yapluka", on les connaît: plein vent arrière, dans les derniers milles avant le cap, on se fait rouler comme on ne l'avait jamais été, 30 degrés d'un bord sur l'autre, les enfants ont dormi, mais on ne comprend toujours pas comment!

Passé le cap, à l'abri de la houle, on se remet de nos émotions, et, avec un petit pincement, on se prépare à démarrer les moteurs... qui démarrent au quart de tour! Les vannes semblent avoir rempli leur rôle, et c'est avec soulagement que nous mouillons en face de La Corogne, sur ce qu'on découvrira le lendemain être une jolie plage entourée de rochers. La Galice! On y est! Nous voici à pied d’œuvre pour la suite des événements!

On n'a pas encore pris la peine de le faire, mais nous vous remercions tous pour vos commentaires et encouragements. Il y a des moments où ils sont particulièrement les bienvenus et nous permettent de repartir d'un bon pied quand les choses ne vont pas aussi bien qu'on voudrait. Merci à tous! Continuez!