Martinique-Grenade, balade en 3 temps
C'est ma première incursion dans la partie sud de l'arc antillais, les Windward Islands (Îles du Vent), toutes anglophones et de filiation britannique bien affirmée.
Nous n'allons faire que traverser cette région hyper-touristique, mais déjà la navigation dans l'entrelacs d'îles et de barrières de corail fait découvrir des paysages remarquables.
La route prévue reste du côté atlantique des îles, mais le programme doit être modifié : Michel craint de rechuter et de ne pouvoir assumer ses quarts.
Au lieu d'une étape de 24 heures jusqu'aux Grenadines, suivie d'un cabotage plus tranquille jusqu'à Grenade, nous stopperons plus tôt à Ste Lucie, puis rejoindrons Carriacou en une longue étape avant de finir sur Grenade. L'inconvénient de ce programme réside dans les atterrissages de nuit, nous aurons l'occasion de l'éprouver.
Trace GPS de l'étape
15 janvier : départ en début d'après-midi sous un alizé timide à 12 noeuds. Ce n'est que vers 20h, face à Ste Lucie, qu'il monte à 18 noeuds et je n'attends pas davantage pour prendre le 1er ris.
Sainte Lucie : pointe nord
Shrubb avance à 6,5 noeuds dans une mer de nouveau agitée. Michel est en forme et donne toute la mesure de son talent de cuistot en navigation.
Nous atteignons la pointe sud de Ste Lucie à 1h30 du matin après 52 milles depuis le Marin. Je vise le mouillage le plus proche, au sud de la baie du Vieux Fort. La lune éclaire chichement deux bateaux ancrés et nous larguons la pioche derrière eux. Il y a beaucoup de vent, le fond ne tient pas et l'ancre chasse rapidement. Je me précipite à la barre car nous sommes très près de la côte à l'arrière : je remets les moteurs, il était temps ! Le sondeur marquait 0,8 m de fond...
Pour compléter le tableau, l'embase du guindeau s'est descellée et est à deux doigts de s'arracher lors de la remontée de l'ancre...!
Changement de mouillage : nous allons vers la digue du port de commerce où l'espace est vaste et où le vent pousse au large. C'est également beaucoup mieux abrité. A 2h, Morphée nous berce une demi-seconde avant une courte nuit.
16 janvier : nous levons l'ancre à 6h, après avoir évacué une ligne de casiers venue se frotter mollement aux deux hélices - nous l'avons évitée sans le savoir en arrivant dans la nuit...
Nous quittons Ste Lucie encore dans l'obscurité, cap sur la côte atlantique de St Vincent. Le premier ris, que nous avions conservé, est vite largué : il y a 11 noeuds de vent et un courant traversier constant. Avec la grand-voile haute nous maintenons juste les 5 noeuds.
Sainte Lucie : la pointe sud et les Deux Pitons à la levée du jour
Au vent de Saint Vincent
Visite d'une famille de dauphins :
Après avoir dépassé St Vincent vers 14h, nous pénétrons au coeur des Grenadines. On dirait presque un chenal balisé, le spectacle défile sous un ciel presque immaculé.
Sur bâbord : Battowia et Baliceaux
Sur tribord : Bequia
Sur bâbord : Mustique
Sur tribord : Canouan
A 18h30 le vent monte au- delà des 15 noeuds, limite que je me fixe désormais pour réduire cette grand-voile surpuissante, en tout cas de nuit. Dans ces conditions le bateau est bien équilibré, l'angle de barre est modéré et le pilote travaille parfaitement, sous réserve de régler fréquemment son niveau de réponse. Shrubb avance sous 1 ris à 6,5-7 noeuds en passant au vent des Tobago Cays où scintillent de nombreux feux de mouillage.
Je contourne Union par le sud en abattant vers la côte caraïbe. La passe entre Union et Carriacou se fait au louvoyage arrière avec les voiles en ciseaux et une succession d'empannages entre les îles illuminées. Cette fin d'étape nous amuse énormément !
Nous jetons l'ancre à 22h dans la baie de Hillsborough après 86 milles de navigation, sans rencontrer de casier et en négociant avec le guindeau dans la plus extrême subtilité.
Carriacou : la baie de Hillsborough, et Union en arrière-plan
17 janvier : c'est le moment d'affronter les célèbres douaniers des îles pour la clearance d'entrée sur Grenade (Carriacou est un port d'entrée de Grenade). Le débarquement en annexe est assez sportif : la baie de Hillsborough est ventée et agitée, avec un fort ressac sur la côte y compris au ponton agressif où s'amarrent les annexes.
J'ai préparé les 6 exemplaires du formulaire de douane sur papier au format US letter (l'aventure pour trouver ça en France...!) : ô miracle, il ne manque rien, je fais une petite navette entre différents guichets et en quelques minutes l'affaire est bouclée.
Les bureaux de police
Nous levons l'ancre dès 10h, quittant ce lieu tourmenté pour poursuivre notre route vers le sud.
Sandy Island, au sud est de Carriacou
Tyrrell Bay
Ce n'est qu'au sud de Carriacou, à partir de Tyrrell Bay où stationnent tous les bateaux de passage, que nous voyons du mouvement sur l'eau. Le trafic est relativement dense de tous côtés, ajoutant au décor de poster tropical.
Le vent mollit progressivement et nous sommes de nouveau avec toute la toile à l'approche de l'île de Grenade. Le temps étant clément, je prends la passe réputée mouvementée entre l'Île Ronde et les Tantes.
À proximité se trouve le volcan sous-marin actif de Kick ´em Jenny, marqué par un piton sosie du Rocher du Diamant de Martinique, et qu'il vaut mieux contourner.
"Diamond Rock"
Ce chapelet d'îlots anguleux est spectaculaire, et le courant au milieu affole un peu le loch. J'ai préféré débrancher le pilote et prendre la barre car les changements de vent et de courant sont brutaux et demandent à réagir vite. Nous passons devant des endroits dantesques qualifiés sur les cartes de mouillages (de "très beau temps"...), et que nous affublons du nom de nos compagnes : amusement à la mesure de nos pauvres esprits marins...
Les Tantes | L'Île Ronde |
C'est un mouillage...
On est passés !
La fin du parcours, le long de la côte au vent de Grenade, est plus monotone, agrémentée de reliefs verdoyants et de cailloux en pleine mer.
Encore une Sandy Island
La cartographie est mentionnée comme incomplète dans cette zone et mieux vaut garder ses distances. Plus au sud se succèdent les nombreuses criques et presqu'îles, presque des petits fjords, qui offrent autant d'abris prétendant pouvoir tenir tête aux cyclones. Voilà notre prochain terrain de jeu !
L'entrée de St David Harbour ( le terme de "port" est un peu généreux...) serait difficile à trouver entre tous ces promontoires s'il n'y avait le GPS. Il y a toutefois un chenal balisé, avec feux de nuit. Quelques bateaux sont au mouillage dans ce que nous découvrons comme un des plus beaux endroits de la Terre, ni plus, ni moins !
Les couleurs, le silence, les proportions, tout invite au délassement complet. Au terme de cette courte étape de 42 milles, ce sera notre dernière nuit au mouillage, et notre dernière baignade pour une fois sans courant.
18 janvier : avec un professionalisme tout britannique, Shrubb est sorti d'eau à l'heure exacte prévue depuis des mois.
Le chantier Grenada Marine
Je profite du grutage pour demander au conducteur du travelift le poids de Shrubb : 28 000 livres, soit 12,7 tonnes. La coque est immédiatement nettoyée ; dans l'heure qui suit, tous les travaux à faire sont notés et validés par André, le chef de chantier (qui n'a rien de français).
Le bateau est placé dans ce vaste espace juste devant une guérite de gardien.
Dans un peu plus d'un mois, je devrais le retrouver avec une coque propre et les quelques réparations nécessaires (le guindeau !) pour des performances inégalées.
Décor pour un petit punch d'adieu...
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Anonyme (non vérifié)
15 Février 2013 - 12:00am
Salut Olivier,