Le Trophée SNSM sans la fin
Cette régate au profit de la Société Nationale des Sauveteurs en Mer, ouverte à tous et sans esprit de compétition, me tentait vu le succès qu'elle remporte depuis quelques années. Record pour les organisateurs : 100 bateaux au départ.
Nous allons la jouer modeste : après 2 défections d'équipiers successives, Teles part en équipage plus que réduit. Murielle en compose l'essentiel, Lucien est là comme passager mais il va mettre aussi la main aux écoutes.
Avant de courir, il faut rejoindre Bandol : 2 jours de navigation tranquille avec mouillage enchanteur à Port-Man, la crique renommée à l'est de Port-Cros.
Lever de soleil sur Port-Man
L'anse de Port-Man
Mercredi 12 mai, 19 heures :
Accueil impeccable à Bandol, on a une organisation sans faille.
Après les discours (l'amiral Méheut, adorable délégué de la SNSM pour le Var, Jo Mineti, grand prêtre de la Route du Jasmin et organisateur en chef du Trophée, Yves, responsable de course), nous sommes mis au parfum : la météo annonce du force 8-9 le 15 mai, et la 3ème manche prévue ce jour-là est d'emblée annulée. Ça va souffler ! Pour digérer tout ça, les 400 navigateurs se ruent sur le buffet dans un local étroit, surchauffé et assourdissant. Nous ne nous éternisons pas...
Jeudi 13 mai, 11 heures 30 :
Après d'ultimes réparations (changement de la bosse de 2ème ris, vérification en mer), nous sommes sous 1 ris, force 6 par travers tribord, quand les 100 bateaux franchissent la ligne de départ.
Notre position est impeccable dans le groupe de tête. Vu la foule, on joue surtout la prudence : tout le monde ne connaît pas les règles de priorité. Un bateau refuse de lofer lorsque je le pousse sous son vent pour éviter des plongeurs : genre automobiliste irascible... Après une bouée de dégagement, cap sur Porquerolles plein vent arrière sous un mistral à 22 nœuds. Plusieurs spis sont hissés. Le nôtre, limité à 13 nœuds, reste dans son sac.
Je choisis de tirer un bord au large pour rester à des allures de largue pas trop risquées, vu la faiblesse en équipage pour gérer le vent arrière : beaucoup de plaisir à barrer entre 8 et 10 nœuds au surf sur de bons creux ! L'ordinateur de bord enregistre des vitesses instantanées jusqu'à 11,1 nœuds au passage du cap Sicié.
Après un empannage bien maîtrisé, nous revenons vers la route directe : nous sommes à un rang honnête, dans la première moitié des concurrents. Nous passons la presqu'île de Giens à 1 petit mille de l'arrivée : le dernier empannage se prépare ... et les ennuis arrivent !
L'écoute de grand-voile s'est coincée dans la poulie-violon du palan d'écoute qui est tordue, impossible de border. On essaie à la main, peine perdue. Sous les reliefs de Porquerolles, le vent a un peu faibli et je tente d'empanner quand même : la bôme passe... et ça casse : le pontet de bôme est arraché ! L'écoute a tenu, ainsi que le rail, donc pas de catastrophe, mais nous ne pouvons plus manœuvrer. Rage et désespoir, à 10 minutes de la ligne d'arrivée, il faut affaler ! Des sanglots dans la voix (!) j'appelle le comité de course à la VHF pour signaler notre abandon.
La trace GPS enregistrée sur l'ordinateur de bord
Le moral n'est pas entamé : nous avons fait une jolie course avec nos moyens humains limités, et il n'y a aucun dégât sérieux. Le classement est un enjeu mineur (bon, ç'aurait été mieux si...).
Reste à s'amarrer : le port héberge, outre le Trophée SNSM, les régates de la Semaine de Porquerolles : 180 bateaux en tout à caser ! On entre : les zodiacs de la capitainerie nous arrêtent - pas de place ! Nous allons faire 2 heures de ronds dans l'eau en attendant un anneau.
Embouteillage à l'entrée du port
Finalement on nous met sur l'emplacement de la barge à eau, à couple avec 3 autres bateaux. On doit le dire, chapeau aux agents du port qui n'ont pas arrêté de guider les bateaux des heures durant.
Nous sommes chaleureusement reçus au Fort Agathe dans les lueurs du soleil couchant.
L'amiral Méheut et Yves au mégaphone
Au-dessus de la plage de la Courtade
Vendredi 14 mai :
Briefing devant la capitainerie. Le Navtex du bord me l'avait déjà appris, on nous confirme le coup de vent pour samedi et surtout ce BMS est maintenu jusqu'au lundi. Pas d'hésitation : nous risquons d'être coincés à La Seyne tout le week-end et au-delà. Nous devons donc rallier Fréjus dès maintenant. Plusieurs concurrents dans notre cas se signalent au comité et c'est pour nous la fin du Trophée après seulement 1 manche sur 3, pas même finie...
J'ai trouvé chez le shipchandler les pièces de rechange pour réparer le palan d'écoute, et surtout quelqu'un pour venir riveter un nouveau pontet sur la bôme. C'est du petit matériel, vraiment du provisoire, mais nous allons pouvoir rentrer dans des conditions acceptables.
A 10h30 nous hissons les voiles et traversons tout le reste de la régate qui prend son départ.
Lucien soutient le capitaine
Quelques heures de portant à 6-7 nœuds sous un force 4 bien stable, puis il faut de nouveau empanner pour passer le cap Lardier. Manœuvre en croisant les doigts ... le nouveau pontet ne résiste pas et est arraché à son tour ! Il fallait s'y attendre. La grand-voile en a pris un coup avec un accroc sur la 1ère barre de flèche. On la laisse nous porter ainsi jusqu'au cap Taillat. Je ne veux pas courir le risque de la voir se déchirer du haut en bas et nous affalons avant de virer vers Camarat et Fréjus.
Nous sommes désormais sous foc seul, toujours au grand largue car le vent suit les reliefs et a tourné au sud. Cette belle voile confirme ses qualités : n'étant plus déventée par la grand-voile, elle va nous porter toute seule à 5 nœuds de moyenne jusqu'à Fréjus. Nous arrivons à 18 heures comme prévu après une navigation somme toute hyper-confortable.
Le Trophée SNSM s'est terminé sans nous. Il n'y a pas eu de 3ème manche ni de régate de remplacement. La dernière journée s'est hélas terminée tragiquement : Samedi 15 mai, vers 13h00, un équipier de la SNSM d'une quarantaine d'années est victime d'un accident de plongée. L'homme procédait à une remontée de maquette servant lors de régates, en petite rade, lorsqu'il a été victime d'un malaise. Le canot de la SNSM l'a aussitôt amené au port de la Seyne sur Mer. Sur place, le médecin du SAMU, après avoir tenté une réanimation, a constaté le décès.(La presse locale)
Analyse en guise de bilan :
- au sujet de la course, excellente ambiance, la gentillesse est partout et l'organisation parfaite. Mais mais mais... le mélange des genres avec d'aussi nombreux bateaux de toutes catégories entraîne des effets de foule, des risques sur l'eau et la cohue dans les ports. Ce n'est pas ma tasse de thé et je ne renouvellerai pas ce genre d'expérience.
- au sujet du bateau, Teles a eu de nouveaux ennuis d'accastillage : 3 poulies cassées en 3 semaines, et les autres vont probablement suivre. J'ai voulu en avoir le cœur net et un petit tour sur le forum des Hanse Owners me l'a confirmé, ce matériel est indiscutablement sous-dimensionné :
My sense is that the Lewmar blocks might reach their rated strength in test conditions but, on the water, the line frequently jumps the sheave and destroys the block. After bowing up a number of Lewmar blocks this way on my 342, I replaced them all with Harken. (Extrait)
Dans la perspective de la transat qui approche à grands pas, il n'y a donc pas le choix : je change tout ça !
Pour le reste de l'équipement, cette sortie de quelques jours a permis de tester l'électronique de bord rénovée, la pile à combustible et le pilote : tout fonctionne comme il faut.
C'est dire si le diable (des mers) est dans les détails...
Merci à Murielle pour ses photos de régate
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