Minorque : enfin gagné !
Mahon 2008 : échec. Mahon 2009 : échec. Révélation : il fallait appeler cette route "Minorque". Ainsi fut conjuré le sort, et avec un équipage de choc - Nicolas et François - Teles a enfin réussi cette traversée.
15 août : les petites avaries ont été réparées - plomberie, petit accastillage, nouvel ordinateur de bord. Il manque toujours le code zéro et la pile à combustible. Le cœur serré devant l'épreuve et la tête enfiévrée des victoires à venir, nous quittons Port-Fréjus vers midi après avitaillement et plein de carburant.
Nous sommes d'abord aguichés par un bon vent de sud-est à 8 nœuds, mais cela ne dure pas : dès 14 heures il faut mettre le moteur. La traversée va durer 49 heures, dont 37 au moteur - vengeance mesquine de ce parcours qui rend les armes de mauvaise grâce. Qu'importe, nous allons prendre tout le plaisir possible sur ces 245 milles : pour mes équipiers c'est la première fois qu'ils passent plus d'une nuit en mer.
Pampelonne : le parking à milliardaires
Un barracuda pêché devant la plage de l'Escalet, et un passager clandestin
Pas facile de nager à la vitesse du bateau : 0,8 nœud... Y aura-t-il assez de carburant jusqu'au bout ?
Première nuit, second jour, seconde nuit, troisième jour... Arrêt-baignade après la chaleur de la journée, apéritifs imaginatifs, quarts de nuit. Le rythme est vite pris, ce serait le rêve s'il n'y avait le ronronnement permanent du moteur. Au moins n'avons-nous pas de souci d'énergie, les batteries sont chargées à bloc. La mer est à nous : on ne croise presque aucun cargo ni ferry dans ce secteur.
Mer plate et cargos rares pour la nuit
17 août : Terre ! Terre ! Les côtes de Minorque se profilent dans la brume matinale.
En plus nous touchons un petit vent d'est pour l'arrivée. C'est gagné !!
L'entrée de la rade de Mahon
Mahon, capitale de l'île, est au fond d'un bras de mer profond, abrité de tous les vents. Nous passons entre d'anciennes fortifications, visitons un des plus beaux mouillages de l'île, puis longeons les rives parsemées d'abris et de petits ports.
Nous sommes accueillis au Club Maritimo : après nous être amarrés à la place qu'on nous indique, nous allons errer sous un soleil de plomb à la recherche du bureau qui tient lieu de capitainerie. On nous expédie à l'autre bout du port, puis de nouveau vers notre point de départ, pour enfin trouver ce bureau, pas du tout signalé comme tel, devant notre ponton ! Mais le pire est à venir : après avoir rempli les formulaires demandés, on nous assène le prix de la place : 141 € pour la nuit ! Incrédules, nous nous regardons, puis payons en renonçant à la 2ème nuit que nous avions prévue.
Le reste de la journée est consacré à une courte visite de la ville, juchée sur les falaises au-dessus des ports. Le tour de la ville est vite fait : peu d'intérêt, et gastronomie décevante...
Mahon : le centre ville
18 août : nous allons entreprendre le tour de Minorque. Nous avons avitaillé dans une supérette sur le port, en revanche nous renonçons à faire le plein de gazole : la station, juste derrière notre ponton, est saturée et il y a une véritable queue de bateaux, dont beaucoup de vedettes à gros réservoirs. Il nous reste du gazole et nous prévoyons de faire le plein plus loin. D'ailleurs nous ne sommes pas pressés et marcherons sous voiles, même s'il y a peu de vent.
En faisant route vers la sortie de la rade, tout est encore silencieux mais j'ai une impression bizarre. Je me retourne et ... un monstre !! Un engin d'acier géant venu d'un film de science-fiction fonce sur nous.
Le combat est inégal : nous laissons passer le vaisseau de Star Wars...!
Nous allons longer la côte par l'est, puis le sud. Il y a un petit vent, force 2 tout au plus, et nous allons nous en contenter. L'île de Minorque est un peu en forme de croissant, avec 4 phares identiques à ses extrémités.
Le phare sud-est entouré d'eaux turquoise
La côte sud comporte des plages, beaucoup de villégiatures avec quelques créations architecturales originales, et des falaises parfois hautes. Il y a une infinité de mouillages, tous font envie.
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La carte indique une crique avec "restaurant" : après beaucoup de réflexion, ce sera notre choix...! Quand nous arrivons, les choses ont visiblement évolué depuis l'édition des cartes (1985 !) : hôtels, plage, bars. L'endroit reste un superbe mouillage où nous jetons l'ancre après 25 milles parcourus en 7 heures - pas si mal avec 5 nœuds de vent.
Cala Santa Galdana
19 août : petite étape de 16 milles qui nous amène à l'extrémité ouest de Minorque. Nous entrons dans Ciutadella, ancienne capitale, avec l'espoir de trouver enfin du carburant. Le pompiste nous hèle dès que nous approchons : la pompe est en panne ! L'homme nous dit que nous trouverons à Fornells ; il n'y a pas de station de carburant sur mes différentes cartes, mais nous n'avons pas le choix. Il faudra faire durer le reste du réservoir et compter sur du vent.
Nicolas est en proie à un prurit de plongée de plus en plus intense. Nous accostons dans une sorte d'avant-port, et il se précipite au club de plongée tout proche, escorté de François. Je reste seul à bord, j'en profite pour refaire le plein d'eau douce et rincer un peu le bateau. Ces tâches à peine terminées, un agent pas commode surgit sur un zodiac et réclame le paiement d'une nuit. Je refuse, il m'enjoint alors d'aller dans le vieux port pour m'amarrer les 2 heures nécessaires. Je quitte le ponton, j'erre un peu dans le vieux port et finis à couple d'un autre bateau près du terminal des ferries. Par la chaleur écrasante de ce début d'après-midi, ces manœuvres en solo sont harassantes. Il faudra encore aller à la capitainerie - finalement on m'octroie 2 heures gratis ; puis je rejoins à pied l'amarrage initial pour faire prévenir mon équipage qui ne trouvera plus le bateau en rentrant. Il ne me reste plus qu'à m'effondrer dans le bateau en essayant de me placer dans un petit courant d'air : à bord il y a 33° et pas un souffle de vent. J'ai au moins une belle vue sur Ciutadella.
Ciutadella : le vieux port
Enfin l'équipage revient, un peu déçu de sa plongée.
Sans nous attarder, nous quittons Ciutadella. Nicolas et François ont eu chaud aussi et une légère brise en mer nous rafraîchit un peu pendant que nous explorons les criques des environs.
Nous prenons finalement un mouillage près de l'entrée du port. L'endroit est encombré et le mouillage un peu délicat : il faudra reprendre l'ancre mal placée une première fois, avant de trouver un ancrage stable. La baignade est de rigueur, la nuit apporte enfin une (légère) baisse de la chaleur.
20 août : Nous contournons la pointe ouest de Minorque en remontant au nord. L'île de Majorque est bien visible au loin.
Majorque à l'horizon sud-ouest
Le vent s'affirme, force 3 puis petit 4. Nicolas ne peut plus contenir ses réflexes de régatier. Tout bateau sur le plan d'eau est déclaré concurrent à battre. Je vais prendre une belle leçon de régate pendant que Teles s'élance à l'assaut sous des falaises impressionnantes.
Nous entrons en fin de journée dans la rade de Fornells. Comme les autres ports, c'est une échancrure profonde dans les terres, mais l'ambiance est très différente. Le port est petit, entouré d'une étendue de mouillage qui semble infinie. C'est le vrai rendez-vous des voiliers hauturiers, dont de magnifiques unités amarrées sur bouées. Nous n'avons pas réservé mais il reste des places libres et surtout c'est gratuit ! Bénédiction supplémentaire, il y a bien une petite station de carburant, d'accès difficile mais qui nous permet enfin de faire le plein.
Fornells : devant le port
Une fois amarrés, nous débarquons en annexe pour un ultime avitaillement, surtout en eau car la chaleur nous a fait consommer plusieurs litres par jour chacun. Sur les quais s'alignent de très alléchants restaurants, et nous ne résistons pas pour cette dernière soirée sur Minorque. Nous nous présentons avec nos barbes de 4 jours, nos t-shirts douteux et nos sacs à provisions... On nous place un peu en fond de salle, ce qui est parfait car c'est là que les ventilateurs sont efficaces ! Nous allons nous régaler, effaçant le souvenir des médiocres gargotes de Mahon et de Santa Galdana. Le retour en annexe est un peu cahotique mais nous retrouvons le bateau !
21 août : nous quittons ce mouillage de rêve et Minorque après un lever de soleil un peu brumeux.
Ultime regard à la côte et derniers mitraillages photographiques.
La météo nous annonce du vent de force 4 à 6 pour le soir et la nuit prochaine. En attendant, le moteur reprend du service toute cette première journée. L'équipage est maintenant parfaitement rodé à la navigation hauturière : sieste, farniente, baignade du soir, apéritif, dîner puis prise des quarts...
A minuit pile, je suis réveillé par des bruits de pas au-dessus de ma tête : François est en train de hisser le spi. Le vent s'est enfin levé, comme prévu ! Le moteur va se reposer et nous aussi. A 2 heures, le vent forcit et il faut affaler le spi. A 4 heures nous prenons un ris, et après le lever du jour il y a 20 nœuds de vent : second ris. C'est du vent d'ouest, nous marchons entre travers et largue. La mer commence à se former, les creux s'affirment. Le bateau devient très vivant et le pilote n'est plus efficace pour amortir les vagues par 3/4 arrière. Il va falloir barrer, ce qui est d'ailleurs un grand bonheur !
Mais, mais, mais... voilà que Nicolas devient livide et se précipite à l'arrière pour vider ses entrailles ! François tient le coup mais accuse pas mal de fatigue après 2 nuits de mauvais sommeil. Deux hommes d'équipage hors de combat sur trois, les pertes sont lourdes !
Ce régime va durer toute la journée jusqu'à la tombée de la nuit suivante. J'enfile les heures de barre, en contrant les vagues de 2 bons mètres qui nous poursuivent en nous poussant au lof. A part quelques embardées, le bateau tient bien et nous marchons vite : au total le retour aura duré 8 heures de moins que l'aller.
A 21 heures le vent mollit et nous larguons les ris. A 22 heures tout est tombé et il faut remettre du moteur - juste quelques heures car nous sommes au large du cap Camarat. L'équipage reprend figure humaine ! Nous prenons de petits quarts d'une heure jusqu'à l'arrivée.
L'entrée dans le golfe de Fréjus, illuminé la nuit, est toujours magique. Il y a aussi cette impression de mission accomplie : nous avons triomphé de la route maudite ! A 2h45 nous prenons nos amarres à Port-Fréjus, et cette fois chacun va pouvoir garder sa couchette jusqu'au matin, les yeux pleins d'images lointaines...
Merci à François et Nicolas pour leurs contributions en photos
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Anonyme (non vérifié)
3 Septembre 2009 - 12:00am
Superbe