L'éclat des étoiles (28 janvier 2014)

L'éclat des étoiles (28 janvier 2014)

Posté par : CSO
28 Janvier 2014 à 13h
Dernière mise à jour 22 Octobre 2014 à 14h
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Au cours des longues nuits d’hiver, je suis souvent attiré par l’étrange force émanant de la scintillante image d’Orion. Et pour cause ! Nous trouverons seize des quarante étoiles les plus brillantes des deux hémisphères dans les parages immédiats du redoutable chasseur. Elles sont particulièrement faciles à identifier.

Dans d’une note précédente, j’avais proposé des jalons pour localiser cette constellation ainsi que l’Etoile Polaire. Il faut noter au demeurant que l’éclat de cette dernière est insuffisant pour lui permettre de se mesurer à cette élite.

A tout seigneur tout honneur. Commençons par les éléments d’Orion. Ses épaules sont figurées par Betelgeuse et Bellatrix. Alnilam brille à sa ceinture quand Rigel marque la position de son pied gauche. On ne risque pas de le confondre avec le droit. En effet, l’usage fort ancien de plaquer des allégories sur la voûte céleste nous vient des astronomes grecs, et comme nous l’enseigne Hipparque, l’un des plus célèbres d’entre eux :

Toutes les constellations ont été représentées du point de vue de l’observateur, supposant les figures tournées vers nous, sauf dans le cas où on les verrait de profil

                                                               (Hipparque, Commentaires I, 4, 5)

Le héros affronte le Taureau et l’inquiétant reflet d’Aldebaran souligne la courbe de la corne la plus australe du monstre. A l’aube de l’histoire, quand les pasteurs chaldéens bâtissaient les premières villes, le ciel se souvenait depuis longtemps de la lutte formidable qui avait opposé Gilgamesh à la créature suscitée par la colère d’Ishtar.

Orion2.jpgVers le Sud, Sirius illumine le Grand Chien, c’est l’astre fixe le plus éclatant des deux hémisphères et les astronomes de Pharaon guettaient son retour sur l’horizon du matin, car cet événement majeur annonçait la crue du Nil. Ils l’appelaient Sothis, " la Lumière ". En comparaison, Wezen et Adhara nous semblent bien ternes, et pourtant elles font également partie de notre palmarès.

A l’Est, Procyon gouverne le Petit Chien, Canicula pour les Latins. Quand l’Aigle romaine dominait le Monde, son apparition à l’aurore signifiait le retour des fortes chaleurs. Pendant quarante jours, la végétation se consume dans la canicule de l’été. On dit en Attique que ce fléau fut créé pour punir les habitants de Céos car ils avaient offert l’hospitalité aux meurtriers d’Icaros.

Cette année, Jupiter se distingue dans les gémeaux. Comme c’est une planète, elle surpasse largement les astres fixes de cette constellation, au nombre desquels nous comptons bien sur les fameux Dioscures, Castor et Pollux, mais aussi Alhena.

Enfin, nous chercherons plus au Nord le pentagone du Cocher. En réalité, Alnath fait désormais officiellement partie du Taureau et d’ailleurs son nom est une transcription de l’arabe El Nath, "le Coup de Corne". Elle apparaît effacée à côté de ses voisines Menkalinan, et surtout Capella. Cette dernière est bien connue des astronomes antiques. Il y a 6000 ans, à l’équinoxe de printemps, le Soleil se projetait en regard du Taureau tout proche du Cocher. C’était le premier mois du calendrier. Aussi Capella était-elle connue comme le chef de l’année. On l’appelait Lu-Arad (La Chèvre du serviteur) à Babylone ou encore la Petite Chèvre en Grèce. Pour les Indous, c’est le cœur du Dieu Brahmâ, et en Egypte, au moins cinq temples sont alignés sur sa position, on pense bien sur à ceux de Karnak, mais aussi à celui consacré au dieu Ptah ("Celui qui ouvre") dans la cité de Memphis.

Le Nord, c’est bien sur la direction de la Polaire, mais nous l’avons vu, celle-ci ne figure pas dans la liste des quarante étoiles les plus lumineuses.

Nous parlons en effet d’astres de première grandeur, ceux dont la magnitude est au moins inférieure à deux… Magnitude, quel drôle de mot, et que signifie t-il ?

Magnitude.jpgLa magnitude d’un objet céleste est un nombre décrivant sa brillance. En passant d’une magnitude donnée à celle immédiatement supérieure, la lumière perçue par un observateur à la surface de la Terre est 2,5 fois plus faible.

Plus la magnitude est forte, moins l’étoile est brillante, ainsi, nous recevons 2,5 fois plus de lumière d’une étoile de magnitude 0 que d’une étoile de magnitude 1. Seulement quatre d’entre-elles sont distinguées par leurs magnitudes négatives. Celle de Sirius, est de -1,46. Il s’agit de la première de toutes, et pourtant elle est environ deux fois et demie moins lumineuse que Jupiter dont la magnitude est de – 2,64 à l’heure où j’écris ces lignes.

Comme on peut le voir sur l’image ci dessus, Orion peut constituer une échelle fort commode pour illustrer cette notion de magnitude. Celle ci remplace l’antique classement exprimé en fonction de la grandeur, mais ceci ne change guère la donne, comme le montre cet extrait de L’Uranometria, le premier de tous les atlas célestes. Il fut publié par Bayer en 1604.

 

Orion3.jpg

 

Cet auteur eut l’idée géniale de classer les éléments de chaque constellation en fonction de leur luminosité en leur attribuant une lettre grecque. Alpha pour la plus brillante, bêta pour la suivante, etc. On notera au passage la qualité de travail basé uniquement sur des observations faites à l’œil nu, aussi, ses successeurs ne vinrent-ils jamais perturber cet ordre cosmique désormais immuable dans le ciel de nos livres.

Et pourtant, Betelgeuse est en réalité une étoile variable. Sa magnitude varie de + 0,4 à + 1,3 sur une période de 2110 jours, on pourra apprécier ces fluctuations quasi imprévisibles en la comparant avec Aldebaran (+ 0,85). Etonnamment, il aura fallu attendre 1838 et l’œil exercé de John Herschel pour remarquer ce phénomène.

En fait, si la Polaire ne fait pas partie du cercle très fermé des quarante étoiles de première et de deuxième grandeur c’est en raison d’un écart vraiment infime puisque sa magnitude est de + 2,02.

 

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