Annonce d'un coup de vent.
Comme le prévoit la météo en lisant les fichiers "Grib" reçus par l'iridium et les messages du Navtex, un avis de coup de vent est annoncé.
Nous devons trouver un abri sur la cote sud. Nous arrivons donc en début d'après midi à la "Cala Son Saura", grande baie semi circulaire entourée de pentes rocailleuses couvertes de pins, large de 500 mètres avec deux plages de sable sans aucune construction autour. Il y a déjà cinq ou six bateaux mouillés dans cette anse, Nicole trouve que c'est déjà beaucoup, nous trouvons facilement un fond de sable sans herbe identifiable à la couleur claire et transparente de l'eau pour y plonger notre ancre avec suffisament de chaîne afin de garantir une bonne tenue sans inquiétude pour nous. Un petit coup de marche arrière pour vérifier la tenue: OK ça tient, c'est bon pour la nuit prochaine.
En fin d'après midi, dans la soirée, et jusque dans la nuit, arrivent les uns après les autres des bateaux, principalement des voiliers, mouiller autour de nous. Il semble bien que tout le monde craint la météo annoncée et vient se réfugier comme nous dans la même Cala, la première que l'on trouve en venant du nord. On comptera plus de 70 bateaux. Là, cela commence à faire beaucoup, Nicole n'en croit pas ses yeux, et moi, je ne compreds pas la manière de faire des derniers arrivants qui ont voulu à tout prix mouiller le plus près de la plage, sur du sable bien entendu mais aussi très près, trop près, des autres bateaux. Nous étions un peu à l'écart de la densité la plus élevée, heureusement pour nous.
Ce qui était annoncé arriva un peu plus tôt que prévu. A 5 heures du matin, le vent d'ouest de 5 à 10 kts est passé en quelques minutes au secteur nord s'établissant en un instant à 25/30 kts. Réveil en fanfare pour tout le monde, et spectacle garanti après avoir vérifié que notre ancre tenait bon et que celles de nos plus proches voisins aussi. Belle séquence en directe d'une grande pagaille. Dans la nuit noire, voir s'activer les lampes torches et entendre les injures était à ne pas manquer. A la voix, les français étaient bien placés et les jurons traduisaient bien l'embarras et parfois la détresse. On vit glisser dans la nuit noire quelques bateaux obligés de quitter cet endroit exigu pour aller mouiller un peu plus loin. N'aurait-il pas mieux valu le faire en arrivant la veille au soir, dans le calme, sans précipitation plutôt que d'y être contraint de nuit, pendant le coup de vent, après avoir dérangé, bousculé, et peut-être érafflé ou pire encore un voisin innocent.
Il semble qu'il n'y eut pas de grosse avarie, simplement un épisode de voileux comme il en arrive tant. La voile est peut-être l'activité qui donne le plus d'annecdotes à raconter pour le meilleur et pour le pire, l'essentiel étant de ne pas en avoir trop à raconter pour son propre compte!
Alors, puisqu'il me reste un peu de temps, je vais vous raconter une anecdote vécue par un cata mouillé près de nous ces jours ci. Un Catana 47, un beau bateau d'environ 15 mètres de long, faisant parti du haut de gamme dans la catégorie des catamarans de croisière, s'appréte à relever l'ancre après le passage venteux. La manoeuvre se prépare avec les équipiers postés, parrés à appareiller, le skipper, annonce à un bateau cherchant visiblement une place: "Nous partons dans 5 minutes!".
Aujourd'hui, le Catana est tourjours là! Toute la journée d'hier, on a vu un équipier la tête (et le corps presque entier) plonger dans le coffre à mouillage et ressortir de temps en temps les pièces du guindeau une par une. Visiblement la mécanique est en cause, mais pire encore le dispositif de parcours de la chaîne sur ce bateau, ne permet pas d'y frapper un bout afin de relever l'ancre à l'aide d'un winch en guise de moyen de secours. En effet, le davier est fixé sous la poutre avant, la chaîne passe ensuite dans un "tuyau", un tube, sous le trampoline pour aller au pied du mât dans le coffre à mouillage où est dissimulé le guindeau.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
D'un point de vu esthétique, c'est trés bien de dégager le trampoline et de cacher la chaîne souvent pleine de vase, de sable ou d'herbe, mais d'un point de vu pratique et fonctionnel, c'est autre chose car ce matin, simplement pour relever l'ancre, la manoeuvre a mobilisé l'équipage pendant plus de 2 heures. La solution a été de hisser la chaîne dans la mature avec une drisse à l'aide d'un winch manuel, en s'y reprenant à plusieurs reprises chaque fois que 7 à 8 mètres de chaîne étaient relevés. A voir les efforts fournis par l'équipier sur la manivelle du winch, il est fort à parier que la solution tarabiscotée du parcours de cette chaîne trouvée par le bureau d'étude de ce constructeur renommé devait être maudite dans sa tête. A sa place, j'aurai certainement dans cette circonstance utilisé quelques jurons choisis non pour aider à la manoeuvre mais pour me soulager d'être dans un tel déboire.
Si je raconte cette histoire, ce n'est pas bien évidement pour critiquer ce bateau et son constructeur mais pour rappeler s'il est nécessaire que l'ancre et sa chaîsne ne sont pas, sur un bateau, de simples accessoires que l'on peut au bénéfice du design, dissimuler et rendre innaccessible. A tout moment, on doit pouvoir quitter un mouillage rapidement, par un moyen normal ou par un moyen de secours même manuel rapide à mettre en oeuvre. Imaginez que le vent se lève, porte à terre, l'ancre commence à déraper, il faut partir. Aura-t-on le temps de passer premièrement des heures à trouver une solution et deuxièmement un long moment de labeur avec l'angoise de se retrouver à la côte?
Il est aussi surprenant que sur un tel bateau, il n'y ait pas de winch électrique.
Une dernière chose, ce bateau s'appelle: " Zen ! ", peut-être que son propriètaire va maintenant remplacer le point d'exclamation par un point d'interrogation, vous ne pensez pas?
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