Du Cap Sounion à Licata
La Loute 3 reprenait la mer après quelques mois d’hivernage. A son bord, 3 équipiers prêts à en découdre avec la mer, Eole et les courants marins.
Du Cap Sounion, nous devions traverser la mer Ionienne pour rejoindre la Sicile où une autre marina attendait de nous accueillir pour les 15 prochains mois.
Deux options s’offraient à nous : contourner le Péloponnèse ou s’engouffrer dans le canal de Corinthe en traversant les deux golfes qui se succèdent, Corinthe et Patras.
La deuxième option était vite adoptée par les trois marins décryptant les cartes météo et lassés de la marina que nous avions hâte de quitter.
Olive fin régatier ne disposait que de 15 jours et il fallait mettre les voiles...
En prenant cette option nous profitions de quelques belles escales grecques avant la traversée estimée à 300 miles (à vol d’oiseau) entre la sortie du golfe de Patras et Syracuse.
Sept heures de mer dans une ambiance détendue, au prés où chacun prenait ces marques et nous rejoignions la belle île de Poros.
Plus rien à voir avec la banlieue d’Athènes. Nous retrouvions cette ambiance nonchalante qui caractérise les îles grecques quand les touristes ne les ont pas encore envahies.
Nous passions la soirée dans une taverna familiale en dehors des terrasses pieds dans l’eau souvent trop convoitées.
Au menu Féta cheese grilled et moussaka. Nous mangions et buvions local.
Au second jour, aux aurores nous décampions de cette île bien tranquille le jour mais déchaîné aux premières heures de la nuit. Juste au moment pour nous de rejoindre les bras de Morphée. Boom, boom, boom…Une boîte de nuit, face au quai se lachait allègrement et les basses nous rabattait les oreilles jusqu’au petit matin. Puis le tintement des cloches de l’église finissait de nous réveiller. 7h, il était temps de larguer les amarres ! Cap sur le canal de Corinthe.
Une fois de plus, Eole nous réservait une belle pétole. Les deux garçons réglaient les voiles pour gagner quelques dixième et Olive nous enseignait les joies de la régate pour maximiser l’allure du bateau. La Loute III en était toute émoustillée.
Puis la magie avait opéré à l’entrée du détroit de Corinthe. Ce passage de 25m de large dans lequel nous nous engouffrions avait le don de nous émerveiller.
A la sortie, le petit port de Corinthe nous accueillait pour la soirée. La ville était prospère et nous observions devant une ou deux Mythos, la bière local les gens endimanchées qui se prélassaient eux aussi en terrasse.
Ici peu de misère. Les gens pour la plupart paraissaient embourgeoisés.
Deuxième nuit rock and roll. Olive avait été attaqué par les moustiques et tous les trois réveillés par les pétards des noctambules.
A 7h tapantes nous nous préparions pour une troisième journée en mer. Il fallait gagner du mille. Kiki notre cher moteur allait encore une fois être bien sollicité.
La vie s’installait à bord. Chacun prenait ses marques. Nous récupérions à tour de rôle les heures de sommeil gâchées.
Les 29° ambiants et le soleil attaquaient nos peaux encore pâles. La voile nous servait aussi de parasol. 1 m2 d’ombre pour trois et le vent dans le nez… Il fallait s’y faire !
A la mi-journée, le pont de Rion qui relie le continent grec au Péloponnèse était enfin franchi. Nous touchions un peu d’air. Pour rejoindre Mesalonghi, malgré les réglages affinés, La Loute III peinait dans la vague avec 25 nœuds de vent en pleine face . Nous tirions des bords pour prendre l’air… « Au louvoyage, deux fois la route… trois fois la rogne ! Misère, misère !
Nous atterrissions en soirée. Pas le temps de musarder. Avitailler le bateau, prendre les fichiers météo et se restaurer. Pour ne rien gâcher les moustiques nous avaient attaqués toute la nuit.
Au petit matin, encore tout ensuqués, les trois marins entamaient la longue traversée.
La sortie du chenal de mésalonghi nous offrait un joli spectacle.
Entre Zakintos et Kefallina nous prenions un peu d’air. Un voilier au loin semblait nous montrer la route. Bien vite il rebroussait chemin et nous prenions le large en tirant un bord au Nord. En soirée, le vent mollissait et la houle s’installait.
Et moi, il y a bien un chose qui me met les tripes à l’envers… C’est la houle ! Pendant les 50 prochaines heures j’allais rester à l’horizontal, à vomir tout mon quatre heures et les bananes que je me forçais à manger. Dur, dur… J’aurais préféré rester sur le pont et assurer les quarts même musclés. Car pendant ce temps, les deux marins qui restaient assuraient,
des quarts de 2 heures, alternativement.
Kiki, allait nous accompagner pendant les 70 premières heures dans une mer houleuse.
« Mais que diable venais-je donc faire dans cette galère… »
Dans l’après midi, le vent montait. Au prés, tribord amure, le vent portait W puis NW. Nous prenions deux ris et le vent évoluait entre 14 et 27 nœuds. Les 40 prochaines heures promettaient d’être sportives. Et mes tripes se vidaient davantage. La rage !
La première nuit, le vent avait forci et Olive avait pris deux ris dans la voile pendant que le cap’tain assurait à la barre. Le bateau se stabilisait et j’étais un peu moins ballottée. Pour autant, je n’en menais pas large.
Les garçons s’acharnaient et s’équipaient en conséquence.
Au deuxième jour nous virions de bord par vent d’W/SW. Sur les conseils d’Olive, je m’hasardais à une levée des corps en soirée et tentais de me ré alimenter. J’avalais quelques pâtes et je restais sur le pont, au côté de Gillou avant la tombée du jour. J’avais la sensation de mettre quelque peu amariné mais la fatigue m’emportait et je retournais dans ma bannette calée dans la toile de gîte.
Pendant ce temps les garçons viraient une dernière fois, tribord amure pour prendre enfin une route directe. Je m’endormais quelques heures et le vent montait, montait…
Branle bas de combat, à 23h Olive appelait Gillou en renfort pour prendre un 3e ris par 27 nœuds de vent, allure bon plein. Le bateau se stabilisait à 6.3 nœuds de moyenne.
La Loute III Grinçait de tout son accastillage et je vivais l’événement transi entre la peur et malgré tout la confiance que m’inspirait le régatier.
Avec Gillou, nous ne regrettions pas de l’avoir pris pour équipier car Olive est sans conteste un vrai marin.
Sa compagne, Nanou avait voulu me rassurer avant le départ, elle ne s’était pas trompée.
Aux premières heures du jour, après plus de 70 heures de mer, La Loute III pointait son étrave sur Syracuse.
Les premiers pas à terre étaient hésitant et pour avoir une bonne raison de tituber, les garçons trinquaient un vino blanco à la main à leur traversée héroïque.
Quant à moi, j’attendais de m’en remettre vraiment pour savourer les agapes que nous réservait Syracuse pendant quelques jours… Les derniers avant le départ de notre ami et fidèle marin. En attendant, nous chantions à tue tête…
J’aimerais tant voir Syracuse
Et son marché et ses ruelles
Où l’histoire, les styles se bousculent.
Eglise baroque et verre de Bière…
Voir la nuit la vie qui s’déchaîne
Et les bistrots alternatifs
Où la musique met dans la tête
Des petits airs qui nous habitent.
Avant de partir de ce site
J’aimerais encore voir ortygie
Et m’asseoir à une terrasse
Et boire un verre de Campari…
Dés le départ d'Olive, nous avions repris la mer cap au Sud.
Marmazemi nous avait retenue plus longtemps que prévu… En voulant s’honorer de la taxe de séjour, Gillou s’était rendu compte que les papiers du bateau étaient restés à la marina de Syracuse… Aïe !
Pas de panique, il fallait juste trouver un scooter à louer ou un bus pour retourner sur nos pas.
Ici, c’est le désert. Pas de bus, et le seul loueur de scoot ne daignait pas ouvrir ce matin-là. Il n’y avait plus que le taxi qui puisse nous tirer d’affaire… J’appelais et par chance le chauffeur parlait français. Finalement, après négociation il nous amènait à Syracuse… Tout bien pesé c’était le meilleur choix. Il nous prenait 70 euros pour la course aller/retour. Syracuse est à 50 km.
Au passage, il s’arrête à Palchino (le nom ne s’invente pas) et prend un petit personnage aux airs mafieux que l’on croirait sorti d’un film de Copolla.
« Ne vous inquiétez pas nous dit-il avec l’accent, c’est le frère de ma sœur. Il va faire le voyage avec nous… »
On se regarde tous les deux entre fou rire et effarement ! Pourvu qu’ils ne nous prennent pas en otages… C’est tout ce que l’on demande !
Finalement ce voyage a été plus que réglo et nous donnait une belle leçon. Les Siciliens dans l’ensemble sont des gens de parole, dont la discrétion tranquille et le goût du service rendu s’avèrent être leurs qualités. Leur courtoisie se manifeste de façon innée et notre séjour se ponctuait de bonnes rencontres et d’échanges.
A peine arrivés sur le bateau c’est un plaisancier italien, Angelo qui nous abordait et entamait une discussion des plus plaisantes suivi par un autre plaisancier sourd avec lequel je m’exerçais à la langue des signes. Décidément notre journée mal commencée devenait très riche. Après il pisolino, Angelo proposait à Gillou d’aller chercher du gaz-oil avec sa voiture. Quand je dis que la gentillesse des Siciliens s’opère naturellement… Vous me croyez maintenant ?
En soirée, Angelo nous offrait une bouteille de vin de son cru au goût caramélisé. Ce soir là, j'étais, je crois un peu pompette!
C'était notre dernière étape avant le terminus. Après quinze jours de mer, nous rejoignions la marina di Cala del Sol à Licata où le meilleur accueil nous était réservé.
Nous avions encore une vingtaine de jours pour profiter pleinement de ce beau pays et peut-être allions nous le visiter par la terre...
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Anonyme (non vérifié)
11 Juin 2014 - 12:00am
Hello,
Anonyme (non vérifié)
14 Juin 2014 - 12:00am
Comme à chaque fois... génial
Anonyme (non vérifié)
16 Juin 2014 - 12:00am
Merci pour ces news toutes