Notes de lecture :

   Traverser l’Atlantique, le Pacifique, l’Indien sur le catamaran qu’ils se sont fait construire spécifiquement pour eux, la petite famille dont un très jeune malade à soigner quotidiennement.

Pour Bénédicte, il y a le plaisir de retrouver les nuits en mer, instants égoïstes face aux mots, aux idées, seule, à écrire. Mais le but réel, en 2016, de faire découvrir aux jeunes encore protégés de toutes nos dépendances que d’autres modes de vie sont possibles. Pendant toute la durée du chantier la question de l’autonomie a été travaillée avec des professionnels, justement pour eux. Trois années qui leur a permis de se sentir, se chercher, se connaitre.

    Une réussite pour toute la vie. Une réussite éducative mais encore fallait-il pouvoir en avoir les moyens.

Françoise Tran pour la commission Livres De Mer

Trois océans pour grandir, Trois années à l’école du monde (le sous-titre) est un très beau livre de la catégorie tour-du-monde-à-la-voile-en-famille, qui chaque année s’enrichit de nouveaux récits. Mais ce livre-ci est beaucoup plus et beaucoup mieux que le journal de bord, l’album qui est rédigé par un skipper pour garder souvenirs et images pour la famille et les amis avec une accumulation de détails pas forcément passionnante pour le lecteur ordinaire.

Moby est un Outremer 51, un catamaran de voyage rapide et performant. Il prend la mer au début de l’année 2016, pour un tour du monde par la route des alizés en deux années et demie sabbatiques. A bord, un couple de quadragénaires bien amariné par de nombreuses navigations et une vie voyageuse, et trois enfants : un pré-adolescent atteint d’une maladie non guérissable, non invalidante au prix de soins continus, un garçon commençant les classes primaires, une petite fille en maternelle. Si l’itinéraire, le bateau et la composition de l’équipage sont relativement classiques, l’originalité est dans la personnalité de l’auteur et le point de vue qui a été choisi.

Bénédicte Héliès est l’épouse, une femme habituée aux responsabilités, à l’autonomie et au partage des tâches avec son mari Loïc, dont le métier (commandant de bord de long-courriers à l’étranger) le maintient hors de la famille 50% du temps. A bord, Loïc, skipper très expérimenté et sûr, est responsable de tous ce qui est navigation, technique, science. A Bénédicte… tout le reste. Le couple dégage de l’harmonie, et partage esprit d’ouverture et belle maturité. Le point de vue qui a été choisi pour composer ce livre – et qui lui donne un attrait particulier - a été de s’éloigner du journal de bord. S’éloigner dans le temps et l’espace, puisque la rédaction s’est faite à terre, quatre ans après la fin du voyage et la vente du bateau. S’éloigner surtout du mot-à-mot du journal, pour constamment approfondir, élargir, s’élever, réfléchir à l’essentiel dans tous les aspects du voyage, des choix à la préparation, des rencontres à la gestion des aléas, de l’éducation à l’équilibre de la famille, de la vie océanique au monde terrestre.

Le livre est très bien écrit, dans un style précis et riche, sans fioritures ni fanfaronnades. Un style qui reflète la beauté du monde et celle de la rencontre, et qui maintient l’intérêt tout au long de ces quelque quatre cents pages.

Jean-Michel Sautter pour la commission Livres De Mer

Originaires de Bretagne, ayant toujours été attirés par la mer, jusqu’à avoir vécu leur voyage de noces sur un voilier, après avoir vécu pendant 10 et 15 ans en expatriation à l’île Maurice, et avoir rêvé de circumnavigation, la famille Héliès franchit le pas en 2016.

Ils choisissent pour ce faire, un catamaran qui leur offrira davantage de confort et d’espace pour une vie de famille avec trois enfants. L’ainé, Victor, 12 ans est atteint de diabète. La plus jeune a 4 ans. Les préparatifs de ce grand voyage sont à la hauteur de ce que l’on en attend. « Eduquer les enfants à leur manière, choisir les méthodes et le rythme qui seraient les plus bénéfiques pour leur apprentissage. Stimuler l’envie d’apprendre en comptant sur leur curiosité naturelle. Coller à leurs personnalités et leurs besoins au fil de l’eau. » Voilà le programme éducatif qui sous-tend cette motivation de voyage.

Le programme est classique mais a le mérite d’être réalisé jusqu’à en fermer la boucle.
Le périple : traversée de l’atlantique, Antilles, Canal de Panama, Galapagos, Marquises, Tuamotu, iles du vent, Bora-Bora,  Maupiti,  Suwarrow,  Fidji, Nouvelle Zélande, Nouvelle Calédonie, Australie, puis Indonésie, Cocos (Keeling) Chagos, Seychelles, Maurice,  Saint Brandon, Réunion, Afrique du Sud, Sainte-Hélène, Brésil, Antilles, Turks et Caïcos, Bahamas, Bermudes, Açores, Irlande et retour en Bretagne.
Ce parcours, se fait au ressenti, L’important : les relations humaines et avec elles les découvertes qu’elles induisent. On navigue seul mais retrouver des bateaux copains dans les mouillages ou les ports reste important pour partager, échanger, établir des relations plus profondes et échanger sur des expériences vécues en parallèle. Ces rendez-vous sont essentiels pour les enfants qui ont plaisir à se retrouver, partager leurs vécus et jouer ensemble. Durant ce voyage, tout est prétexte à apprentissage et ce en toute occasion, que ce soit lors de petites avaries, lors de plongées, lorsque la navigation demande à ce que l’on fasse des points ou que l’on calcule des distances mais aussi dans la nature, et l’observation des relations humaines  Au terme du voyage, les enfants auront gagné en confiance, en autonomie, ils auront acquis aussi un grand nombre de connaissances grâce aux expériences cumulées pendant près de trois ans, à la grande satisfaction des parents qui considèreront que l’objectif de ce point de vue a été atteint.

Ce qui est plaisant dans cet ouvrage, est le parti pris par la famille Héliès d’aborder et de découvrir les lieux en dehors de toute information touristique, On fonctionne beaucoup au ressenti et à l’instinct. Loïc, le skipper, pilote de ligne de formation est un homme solide, sachant faire face à toute situation difficile, toute avarie, sachant prendre les bonnes décisions au bon moment, comme sa formation le lui a appris. Il a aussi une grande facilité à aller vers les autres et ne lâche rien lorsqu’il a un objectif.  Ses compétences, et ses qualités apaisent et sécurisent et Bénédicte et les enfants en toute circonstance.

Bénédicte a passé beaucoup de temps à écrire ce livre et s’est appliquée à le rendre intéressant et plaisant à lire. Certaines destinations peu communes nous permettent de réviser ou d’approfondir nos connaissances historiques ou géopolitiques.
Comme il en est de Suwarrow, des îles Cocos (Keelings) ou encore des Chagos.

Le livre est plutôt bien écrit.

Brigitte Eude pour la commission Livres De Mer