Alkinoos au temps du sextant - Jean-François Delvaux - Ed. Zeraq

Note de lecture :
Encore un récit de tour du monde à la voile ! Celui-ci, toutefois, dénote dans ce genre surabondant de l'édition des livres de mer. En effet, les 4 années de ce voyage (1976-80) se placent à une époque où le GPS n'existait pas, le SATNAV, Iridium et les cartes météo non plus, ni les enrouleurs de foc, ni les pirates du Venezuela, d'Indonésie ou de la Mer Rouge. Le récit de leur tour du monde de Jean Francois Delvaux et de sa femme Janette est très prenant.
C’est un carnet de voyage, genre littéraire souvent de piètre qualité rédactionnelle, mais celui-ci est très bien écrit. Il a su trouver le très juste équilibre entre les récits de vie à bord, les escales, l’empathie pour les gens rencontrés et le témoignage de moments difficiles : une incursion de pirates, la perte d’un ami tombé de son bateau, la remontée musclée de la mer Rouge… Dieu sait si aujourd'hui les conditions de navigation ont changé et combien l'utilisation du GPS sécurise par rapport au sextant lorsque l'on navigue dans des conditions de mer difficiles et que l'on est près des côtes. On pense en particulier à leur remontée de la mer rouge qui est dantesque.
Dans beaucoup des mers ou ils ont navigué sans souci de piraterie, aujourd'hui cela serait problématique.
C'est le mérite de Jean-François DELVAUX et de son épouse Janette d'avoir mené « à l'ancienne » un grand ketch de 50 pieds sur une route pas toujours facile, dont plusieurs options ne sont plus praticables de nos jours. C'est son talent d'en faire un récit vivant, qui décrit, avec légèreté mais une grande force suggestive, les aléas, les émotions, les coups de cœur et de déprime d'un voyage riche de difficultés surmontées et de coins de paradis d'avant l'expansion de la croisière hauturière.
Un tour du monde, à petite vitesse, laissant donc le temps aux rencontres et à la découverte de nombreux pays, est, lorsqu’il est bien raconté, un témoignage passionnant. Mais les mers et les côtes mal pavées et les zones de météos férocement instables existaient déjà, et Bernard Moitessier était encore vivant pour peu de temps.
Parmi les longues rencontres, celle de Bernard Moitessier est d’autant plus émouvante que Bernard Moitessier aurait dû préfacer ce livre. Emouvantes aussi leurs rencontres au fil de leurs escales avec nos monstres sacrés comme les Merlot , Paul-Emile Victor…
Le message que leur adresse Annie van de Wiele et qu'ils nous mettent en conclusion donne une dimension exceptionnelle à leur récit.
Sorti en 2018, il relate cette longue croisière de 1976 à 1980 et nous permet de percevoir ce qui a changé en près d’un demi-siècle. Ecrit avec modestie et humour, c’est un livre qui donne toute sa grandeur à « Sail The World ». Écrire ce récit avec 40 ans de recul a permis à l'auteur de se concentrer sur l'essentiel en nous épargnant le jour-le-jour insignifiant et fastidieux qui est le lot de trop de récits de voyage. Et de nous faire savourer un vrai style d'écriture, qui porte en creux la marque d'une belle personnalité de marin et d'homme.
C’est enfin, à travers les lignes, un hommage à son épouse, une vraie marin ne se contentant pas des simples escales.
Jacques De Certaines, Jacques Rey et Jean-Michel Sautter pour la Commission Livres De Mer
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Nomad-94
6 Novembre 2018 - 12:07pm
Un recit lu en avant première en 1988