Note de lecture  :

Les livres de nos vedettes de la course au large sont nombreux… et inégaux. Celui d’Eric Loizeau sort de l’ordinaire pour plusieurs raisons.

Au lieu d’avoir un seul déroulement chronologique, il est organisé en chapitres avec, à chaque fois, une thématique différente. D’autre part, il est très largement illustré de superbes photos. Enfin, il est fort bien écrit et très agréable à lire. Qu’y trouve-t-on ? 

Des témoignages sur la vie d’un coureur au large avec ses démâtages, chavirages et autres fortunes de mer incontournables quand on est aux limites des possibilités de son bateau. Par contre, on n’est pas saturé des petits tracas quotidiens qui encombrent beaucoup de livres de mer.

Ce livre rappellera aux plus anciens avec un grand bonheur les tout débuts de la grande course au large parce qu’il nous remet en mémoire des noms, Gauloises 2, 3, 4, Pen Duick 3, 6 et Chichester, Poupon, Blake et bien sûr la figure tutélaire et légendaire d'Eric Tabarly et sa fabuleuse victoire, en 1976, seul à bord d’un bateau conçu pour être mené par 14 marins.  Aux plus jeunes il fera découvrir l'époque où les grands noms de la course professionnelle – les Kersauzon, Poupon, Caradec, Petipas, Labbé, Gilard, Mabire et d'autres – n'étaient encore qu'une bande de jeunes gens désargentés, fêtards en escale, mais totalement fascinés et dévoués à leur grand skipper, qui les a entraînés dans des courses d'anthologie, et formés d'une manière incomparable.

C'était l'époque d'avant le GPS, les enrouleurs de voile, les moteurs et les cartes météo. Eric Loizeau est un de ces champions, au palmarès impressionnant, mais d'une discrétion égale à ses qualités humaines et sportives. Son témoignage sur cette époque, sur Tabarly et sa bande, et sur ses propres aventures, est livré sous la forme de dix-sept récits sans ordre logique ni didactique, mais originaux et vivants. Ce livre est aussi un éloge très chaleureux du « maître », le grand Eric avec son caractère et aussi ses inventions qui ont parfois mis du temps à être au point : la chaussette à spi, le mât carbone, les foils… Sans être jamais méchant, il sait aussi épingler certains défauts, par exemple chez Kersauzon, l’ « amiral » se donnant trop volontiers une allure de brute primaire.

  Toutes ces aventures ont forgé notre intérêt pour la mer dont nous avons pu profiter avec plaisir pendant quelques années bien loin parfois des exploits de ces marins dont E.Loizeau ravive les souvenirs au long de son ouvrage. Les anecdotes sont savoureuses telles les prévisions météo données par les mouettes, peut-être plus précises que celles des scientifiques. L’écriture est simple, comme le comportement de ces hommes, et les récits précis en facilitent la lecture.

Les anciens comme les plus jeunes apprécieront une belle écriture, expressive et alerte. Le fond et la forme enchantent et emporte le lecteur, comme Pen Duick VI, Gauloises Bleues ou Roger et Gallet dans une traversée sous spi dans les alizés...

Jean-Pierre Gachet, Jacques de Certaines et Jean-Michel Sautter pour la Commission Livres De Mer